« Hayy ben Yaqdhân » d’Ibn Thufaïl

« Hayy ben Yaqdhân » d’Ibn Thufaïl- dimanche 3.12.2023- 7/18

3_ La vie de Hayy ben Yaqdhân 

L’enfant est là. Dès lors, les deux versions se rejoignent. Commence alors l’histoire de son éducation, qui s’étale sur quarante-neuf ans (sept septénaires).

Une gazelle qui venait de perdre son faon fut alertée par les cris de l’enfant. « Prise d’affection », elle le secourut et l’allaita. Puis elle l’adopta sur cette île où aucun animal dangereux ne vivait. Elle devint sa mère (ou son autre mère, si l’on considère le point de vue de la première version). Elle l’allaita jusqu’à ses deux ans, jusqu’à ses premiers pas. Elle lui apprit les secrets de l’île, sa végétation, ses autres animaux. Elle s’en occupait comme son propre faon. L’enfant s’avéra être très intelligent. Mais partait-il vraiment de rien ? 

Hayy ben Yaqdhân  ou ‘‘le fils du vigilant’’ se débrouillait pour se nourrir, se vêtir en observant les animaux. Il reproduisait leurs cris, les chants des oiseaux. Il les imitait en variant sa voix selon qu’il avait faim, besoin d’aide, pour prévenir d’un danger. Il constatait qu’aucun d’eux ne lui ressemblait. Lui n’avait ni corne, ni ergot, ni sabots, ni queue, ni laine ou plumes. Cela l’attristait. 

Un jour il découvrit que « sa main avait sur les membres antérieurs des animaux une grande supériorité, puisque, grâce à elle, en couvrant ses parties honteuses et en se faisant des bâtons pour se défendre, il lui était possible de se passer de queue et d’armes naturelles. » Plus tard, il apprit à se confectionner des habits, produire des instruments d’attaque et de défense ce qui le fit craindre de tous les animaux sauf la gazelle qui l’a recueilli, élevé. Lorsqu’elle vieillit, il l’aidait à cueillir des fruits, à se nourrir. Quand elle mourut, « l’enfant fut saisi d’une émotion violente ». La gazelle semblait intacte, mais ne répondait plus à ses cris. Il rechercha la cause de sa mort. Il lui examina les oreilles, les yeux, les membres, en vain. Alors il pensa que le mal était à l’intérieur de son corps, « dans un organe invisible » dont tous les autres dépendent, un organe situé entre le crâne et le ventre, dans la poitrine. Hayy en sentait la présence dans sa propre poitrine. Il était persuadé qu’on pouvait vivre d’une amputation de doigt, d’oreille, de main, mais pas sans « cette chose qu’il sentait dans sa poitrine » (l’âme). Lorsqu’il ouvrit celle de la gazelle, il trouva du sang, mais « aucun dommage apparent ». Il fut déçu, car ce qu’il cherchait « n’est point de cette nature ». 

Du sang, il en a vu couler des animaux et de lui-même. Il se dit « combien de fois, blessé par des bêtes dans la lutte, j’en ai perdu une grande quantité sans en éprouver de dommage et sans être privé d’aucune de mes fonctions ! »

Les organes se vidaient, « l’habitant de ce logement en avait déménagé alors qu’il était encore intact. » Cet habitant, cette chose, ne reviendra. Après ce constat, « le corps entier lui parut vil et sans valeur » devant « cette chose » qui l’avait abandonné. Hayy se questionnait sans relâche tout en abandonnant à son tour le corps de la gazelle, sa mère. Seule cette chose l’intéressait désormais. « Par où est-elle sortie du corps et pourquoi l’a-t-elle quitté, où était-elle à présent ? »

Hayy Ibn Yaqdhân comprit que c’est cette chose qui était sa mère et non cette masse définitivement inerte. « Ce corps n’était pour elle qu’un instrument au même titre que son bâton qu’il s’était fait lui-même pour différents usages. « Alors son affection se détourna du corps en putréfaction pour se porter sur le maître et moteur du corps, et il n’eut plus d’amour que pour lui seul », que pour ce maître moteur, cette chose. 

En observant les gazelles, il constatait qu’elles ressemblaient toutes à sa mère et il éprouvait pour elles une grande affection. « Il ne pouvait s’empêcher de penser que chacune d’elles devait être mue et dirigée par une chose semblable à celle qui avait mu et dirigé le corps de sa mère ». Sa curiosité naturelle le poussait à élargir ses observations. Il se mit à examiner toutes sortes d’animaux et de plantes de l’île. Il ne rencontra aucun être semblable à lui. Il ne lui vint pas à l’idée qu’il y avait une autre terre que cette île.

(à suivre)

———————-

Retrouvez cet article ici_ CLIQUER

__________________________

_______________

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Résoudre : *
27 × 4 =