« Hayy ben Yaqdhân » d’Ibn Thufaïl

« Hayy ben Yaqdhân » d’Ibn Thufaïl- mercredi 13.12.2023- 17/18

Hayy considéra Açāl comme un homme véridique, digne de confiance, et Açāl trouvait « avec étonnement dans le système philosophique découvert par Hayy ben Yaqdhân, une interprétation transcendante de la religion que lui-même professe ».

Hayy le questionna sur les règles de cette religion. Açāl lui décrit alors « la prière, l’aumône légale, le jeûne, le pèlerinage… Hayy accepta ces obligations et s’y soumit. » Léon Gauthier écrit en note que « cette énumération des règles, jointe à la liste de dogmes et de symbole qui précède, ne laisse aucun doute : c’est de la religion musulmane qu’il s’agit. » Mais l’utilisation des allégories, l’autorisation de l’acquisition de richesses et du recours excessif aux aliments, étonnaient Hayy qui considérait que « les hommes se livraient à des occupations vaines et se détournaient de la Vérité ». Hayy le pur ne sait alors rien de la réalité des hommes, de leurs divisions, de leurs hiérarchies, de leurs mésententes, de la vanité, de leurs prétentions, de leurs desseins… il ne sait rien de leurs potentiels, du champ de leurs possibilités. Il n’avait jusque-là jamais vu qu’un seul être humain autre que lui-même. Plein de bonne volonté, il se proposa d’aller apporter la vérité aux hommes de l’autre île, pour leur salut. Un navire « ayant perdu sa route » s’est approché de l’île par erreur. Açāl et Hayy embarquèrent et se retrouvèrent sur l’île voisine d’où était parti Açāl. Il présenta Hayy à ses amis très instruits. Açāl l’avisa que « s’il ne réussissait pas à les instruire, il réussirait moins encore à instruire la masse ». C’est bien ce qui arriva. À peine s’était-il élevé au-dessus du vulgaire – du sens commun, exotérique – que Hayy s’est vu confronté à leurs préjugés. Ils désertèrent ses réunions. Ses vérités les ont « rebutés, effarouchés. Leur infirmité naturelle » les empêchait d’y accéder, alors même « qu’amis du bien ils désiraient le vrai ». Hayy le philosophe, le « symbole de l’Intellect actif », et Açāl le religieux étaient convaincus, comme Ibn Rochd que la philosophie (ou la raison) « est la compagne de la Révélation, sa sœur de lait » (cf. L’Accord de la Religion et de la Philosophie. Traité décisif.)

Quant à Hayy, il désespéra, voyant que la majorité des hommes « prenaient pour dieu leurs passions (Coran S25/V43) et pour objet de leur culte leurs désirs. » Pour la plupart, le profit qu’ils pouvaient tirer de la Loi religieuse concernait leur vie présente. « Le commerce et les transactions les empêchaient de se souvenir du Dieu Très-Haut … les biens qu’ils poursuivaient ont, comme une rouille, envahi leurs cœurs… absorbés par le soin d’amasser, jusqu’à ce qu’ils visitent la tombe » (S24/V37, S83/V14 et S102/V1, 2). Depuis la rencontre entre les deux hommes, Ibn Thufaïl fera de nombreuses fois référence directe au Coran dont il citera 23 versets. Hayy fit le constat que la plupart des gens « sont au rang des animaux dépourvus de raison. »

(à suivre)

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