« Hayy ben Yaqdhân » d’Ibn Thufaïl

« Hayy ben Yaqdhân » d’Ibn Thufaïl- mercredi 29.11.2023- 3/18

« Le texte authentique du Hayy ben Yaqdhân d’lbn Thofail est couramment attribué à tort par des lettrés musulmans, tantôt à Ibn Sab’in (1216- ~1270), tantôt à Ibn Sina (Avicenne, 980-1037).

Cette confusion courante, Ibn Khaldoun a dû la commettre à son tour » écrit Léon Gauthier (introduction à sa version de 1936). C’est ce que confirme Vincent Monteil dans une note du Discours sur l’histoire universelle du précurseur de la sociologie : « il y a là, sans doute, un lapsus d’Ibn Khaldûn qui confond Ibn Sina avec Ibn Tufayl ». Ibn Khaldûn écrit en effet : « Avicenne s’en explique en détail dans son « Traité de Hayy b. Yaqzan ». Si Ibn Thofaïl puise quelques « personnages fictifs et épisodes » à Ibn Sina, qu’il nomme Cheikh Abou Ali, c’est pour ancrer une certaine réalité à son propre texte, lui donner plus de force. Dans l’allégorie mystique « Hay ben Yaqzân » de Ibn Sina, un personnage apparaît en la forme d’un vieux sage (ou de l’Intellect agent). Le texte d’Ibn Thufaïl ne lui emprunte que des noms quasiment, pas l’histoire.

« Leibnitz louait encore, d’après l’adaptation latine de Pococke (fils), le roman philosophique d’Ibn Tofaïl, Le Vivant Fils du Vigilant (Hayy ibn Yaqdhân), qui décrit comment un enfant, isolé dans une île déserte, s’élève des connaissances sensibles par lesquelles il réussit à constituer une industrie (ndr : art, habileté) pratique, très poussée, jusqu’aux formes abstraites des corps, puis à l’idée des causes générales. »  (Charles-André Julien, « Histoire de l’Afrique du Nord » (tome 2. 2). Une île déserte de l’être humain, pas de la végétation, des animaux, du ciel. On reproche, à juste titre, à Defoe (Robinson Crusoé), Rousseau (Émile), More (Utopia), Kipling (Le livre de la jungle), Burroughs (Tarzan), Gracián (El Criticón)… de s’être inspirés en toute discrétion d’Ibn Thufaïl. On a également mis en avant « l’intertextualité », ou « une proximité troublante ». 

Précisément, que sait-on de ses ouvrages ? « Ibn Thufaïl a très peu écrit sur l’astronomie, un petit nombre de pièces poétiques et médicales ». « J’ai vu, dit l’historien El-Marrâkochî (1185-1250), de cet Abou Bekr des ouvrages sur diverses parties de la philosophie, la physique, la métaphysique. Etc. » (cf. L. Gauthier, Ibn Thofaïl sa vie, ses œuvres). On dit aussi qu’il a beaucoup écrit, mais qu’il en est resté peu de traces, par exemple le prestigieux « Hayy ben Yaqdhan » (Le Vivant, fils du Vigilant). Mais qu’est-ce donc ce prestigieux ouvrage ? C’est l’objet de cette contribution. Elle s’appuie sur la traduction et les notes de Léon Gauthier. Si nous n’avons pas retenu la traduction de Quatremère (1782-1857), nous en avons confronté certains passages et notes à la précédente. De même, nous n’avons pas retenu la version initiale de Gauthier (Ed. Libretto). Nous avons choisi donc sa traduction de 1936 « Hayy ben Yaqdhân- Roman philosophique d’Ibn Thofaïl » qui reprend et corrige sa première version. Elle en diffère en de nombreux points et même « considérablement » selon les propres mots du chercheur. Elle diffère en termes de vocabulaire, de transcription, de notes, de citations, de syntaxe, de réflexion… L’auteur dit à propos de sa deuxième traduction qu’elle est « une œuvre nouvelle » nécessitée par les nombreux travaux, et la découverte de nouveaux manuscrits. Cette version, ainsi que les travaux qu’il a consacrés à Ibn Thufaïl, font l’unanimité auprès des spécialistes. Il est une référence, nonobstant son propre point de vue tranchant sur l’Islam. Léon Gauthier (Sétif 1862 – Alger 1949) fut détenteur de la chaire de philosophie à l’université d’Alger. Le roman est présenté ci-après selon le déroulé choisi par Ibn Thufaïl, à savoir : la lettre de l’auteur à son correspondant curieux des secrets de la philosophie d’Ibn Sina, l’origine de Hayy ben Yaqdhân le principal personnage et son auto éducation par l’expérience, par l’observation du monde, du ciel et de ses sphères, enfin sa rencontre avec un homme venu d’une autre île. 

(à suivre)

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