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« LE JOURNALISME FRANÇAIS, UN DANGER PUBLIC »

LE JOURNALISME FRANÇAIS, UN DANGER PUBLIC

Nous le disons avec nos mots. Nous le constatons tous les jours. Mais nous n’avons pas compilé. Nous n’avons pas pris le temps de réunir, d’agglomérer, de coaguler, d’analyser. SERGE HALIMI (journalise, écrivain – « Les nouveaux chiens de garde » (Raisons d’agir), c’est lui !) ET PIERRE RIMBERT (journaliste et sociologue) L’ONT FAIT. Ils sont des spécialistes reconnus des médias. Ils ont à leur actifs de nombreux livres.

Que disent-ils dans le dernier « Monde diplo ? »

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« Depuis le 7 octobre dernier, les grands médias veillent à l’alignement des planètes autoritaires en France. Leur soutien inconditionnel à Israël s’accompagne de leur diffamation des opinions dissidentes, de leur mise en cause des libertés publiques et de leur chasse aux immigrés. 

Jusqu’où ira cette guerre idéologique? Au service de qui ? »

PAR SERGE HALIMI ET PIERRE RIMBERT

(LE MONDE DIPLOMATIQUE Février 2024)

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Voici l’article 

La blonde franco-israélienne du Nord et la horde Arabo-Palestinienne du Sud

(DEMAIN J AJOUTERAI VIDEO…)

La blonde franco-israélienne du Nord et la horde Arabo-Palestinienne du Sud

La caméra filme de très près le visage (blonde pulpeuse), d’une jeune franco-israélienne, Mia Schem, libérée le Hamas le 30 novembre dernier. Trente jours plus tard elle est autorisée à parler. Elle est filmée. La caméra insiste sur son bras tatoué ‘‘ we will dance again 7.10.2023’’. Puis on la voit se déhancher « au festival techno proche de Gaza quand les terroristes du Hamas surgissent ». Images de voitures et de personnes en fuite. Elle témoigne en hébreu. Très à l’aise, comme dans une série télévisée. Pas une fois en français. Elle égrène calmement l’impensable suggère-t-on. Elle confirme : « J’ai vécu un holocauste, j’étais enfermée dans une pièce sombre, on me regardait comme si j’étais un animal, j’avais sans cesse peur qu’on me touche, une fois je me suis effondrée en pleurs, on m’a dit ‘‘ arrête de pleurer où je t’envoie dans les tunnels’’, j’avais peur d’être violée (nous avons pu lire sur un bandeau d’une chaîne de TV française « ils me violaient par leurs regards »), j’avais peur de mourir, tout le monde là-bas est un terroriste » (vidéo France2 in Francetvinfo.fr- 29/12/2023). Le mois dernier elle disait ceci (France24.com, 30/11/2023) :  « Ils s’occupent de moi, ils me donnent des médicaments, tout va bien. » ‘‘Ils’’ sont ses geôliers du Hamas.

Cette jeune fille dont on sait presque tout, ses amis, ses parents, son nom et son prénom, Mia, qui a eu peur d’être violée, peur d’être touchée, qui a même pleuré dans sa prison (une chambre de famille)…, cette jeune fille a ému toute la France médiatique, chienne de garde d’Israël (sauf le respect que je dois à une minorité qui bataille dur contre vents et marées pour le droit à la vie véritable, à la liberté, à la vérité globale, au respect du droit international). Cette jeune fille a ému jusqu’au sommet de l’état français. Monsieur Macron qui parle au nom de tous les Français déclare :  « C’est une grande joie que je partage avec sa famille et tous les Français. » Lui qui, comme les médias chiens de garde d’Israël, n’évoque jamais les Palestiniens que comme des « lots », des groupes, hagards, des groupes informes. Qui donnent envie de rien, pas même de les aider. Même leurs désarrois sont insupportables à entendre. Ils ne parlent jamais avec une voix mielleuse comme celle de Mia, jamais à tête reposée (réglage caméra, balance des blancs, autofocus), en mimant son futur « tortionnaire » (holocauste !) d’ailleurs ils n’ont ni nom ni prénom ces Palestiniens. Et ils braillent ! Que d’enfants, que d’enfants ! Des ombres à suivre de loin. Lorsqu’on les évoque, on montre de loin leurs cadavres entassés sous des couvertures, ou sous les décombres. Ils nous sont tellement éloignés ces gens-là à « nous les Blancs ! »

Il n’y a dans les reportages de propagande ou de complicité des médias Chiens de garde d’Israël jamais d’image de belle jeune fille palestinienne (Dieu sait qu’il y en a !) qui pourrait si on se donnait la peine, parler, assise à même les décombres de sa maison, devant un thé chaud ou une galette, une coupe d’huile d’olive, (attention au réglage de la caméra, des balances), parler calmement, avec sérénité, les yeux dans les yeux, parler des « visages de ceux qui jetteront nos enfants… » et se demander comme Darwich « Où irons-nous après les dernières frontières ? » C’est que leur propre terre, la Terre de Palestine ne les contient plus. Cette jeune palestinienne, si on avait pris la peine et le courage, la bravoure, de s’en approcher, d’écouter son histoire avec une grande H, aurait pu parler de ses pères, grands-pères dépossédés de leur terre, des centaines de milliers de morts du fait de la terreur coloniale depuis 1948, elle aurait donné chacun de leurs nom, leur lieu de naissance, leurs branches, leurs racines. On aurait entendu le vent des plaines et leurs cris de douleurs. On aurait entendu le cri du malheur originel de son peuple, « Falastini ». Cette jeune palestinienne, niée, redoutée, aurait commencé par le grand terroriste devant l’éternel, le héros des colons, Ben Gourion. Elle aurait rapporté le Grande histoire de son peuple, celle que lui ont inculquée ses parents, celle qu’elle rapportera à ses enfants. Il n’y aura rien de tout cela. Les chiens de garde d’Israël se délectent des récits de « Tsahal ». C’est assez et c’est bien ainsi. 

____________ COMPLEMENT ________________

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Il n’y a rien dans leurs reportages, sur l’alerte très récente (la même semaine) de l’agence onusienne ANPA qui s’alarme : « Les femmes enceintes et les nouveau-nés font face à la guerre, au manque d’hôpitaux et maintenant à la famine à Gaza. » (ANPA- Agence des Nations Unies pour la santé). L’ONU s’inquiète dans le vide. Pas une caméra libre pour ces hordes. Les caméra se bousculent autour de Mia. C’est qu’ils tiennent à protéger leurs arrière-cours. Il n’y a rien à ce sujet dans les reportages de propagande ou de complicité des médias Chiens de garde d’Israël. 

En Australie, de l’autre côté du monde, Zena Chamas écrivait ce jeudi 28 décembre ( abc.net /Australie) : « Au milieu d’une guerre qui fait rage, des femmes accoucheraient sur des sols remplis de décombres, subiraient des césariennes d’urgence sans anesthésie ni soulagement de la douleur, et seraient même mortes après l’accouchement en raison du manque de matériel médical. » 

Nous ne saurons rien de ce côté-ci du Monde Blanc de ces femmes qui ne nous ressemblent pas. Car pas jeunes comme Mia, pas blanches, pas comme elle, pas danseuse comme elle. Pas de tatouages (enfin, pas les mêmes). Rien. Ces femmes à même le bitume n’ont juste plus rien que leurs yeux désorbités. Nous ne verrons pas un seul de leurs visages de femmes non blanches, de leurs bébés (les survivants) non blancs. Elles, sont à l’opposé, de l’autre côté du monde blanc, si loin et parmi nous pourtant. 

Avec cette guerre contre les Palestiniens, cette énième guerre, Le Nord définitivement perdu son honneur. Israël avec lui. Un autre monde l’a bien compris. Il se consolide. Les chiens de garde aboient dans un vide de plus en plus grand. Ils commencent à s’en rendre compte à mots voilés. Mais il est trop tard. Les noms de ces chiens seront écrits à l’encre indélébile sur les murs de l’ignominie.

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Lire également ici, article australien sur les hôpitaux à Gaza et la détresse des femmes _ CLIQUER ICI

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Gaza, où meurt notre humanité

PROCHE ET MOYEN-ORIENT

PARTI PRIS/ Edwy Plenel, in MEDIAPART, 7 décembre 2023

Gaza, où meurt notre humanité

Ce n’est pas seulement une humanité concrète, celle des vies irrémédiablement perdues, qui se meurt au Proche-Orient. C’est l’idée même d’une humanité commune que ruine la vengeance sans frein ni limites de l’État d’Israël contre la population palestinienne de Gaza en riposte au massacre commis par le Hamas.

Edwy Plenel

7 décembre 2023

Pense Pense aux autres, est le titre et le refrain d’un célèbre poème de Mahmoud Darwich (1941-2008), sans doute le plus grand poète arabe de notre modernité tant son œuvre ne se réduit pas à la cause palestinienne dont il fut le chantre (son œuvre est traduit en français par Elias Sanbar).

« Quand tu mènes tes guerres, pense aux autres. / (N’oublie pas ceux qui réclament la paix.) », dit sa deuxième strophe. Ce poème est aussi un témoignage car Darwich a grandi dans la conscience de ce souci de l’autre, fût-il ennemi, ayant vécu en Israël jusqu’en 1970, appris l’hébreu comme sa première langue étrangère et découvert dans cette langue la littérature européenne.

Penser aux autres. Ne pas s’enfermer dans une identité close. Ne pas laisser l’émotion détruire l’empathie. Ne pas barbariser l’autre au risque de se barbariser soi-même. Ne pas renoncer à cette élémentaire sensibilité où s’exprime notre souci du monde et du vivant. Or c’est peu dire qu’en France, la scène politique et médiatique n’y incite pas, voire s’y refuse.

Un refus qui peut aller jusqu’à l’ignominie puisqu’on a pu entendre une éditorialiste faire le tri entre des enfants morts selon qu’ils aient été tués « délibérément » (en Israël, dans l’attaque du 7 octobre) ou tués « involontairement » (à Gaza sous les bombes, depuis). La compassion pour les premiers, proclamés victimes de la barbarie, est à la mesure de la déshumanisation des seconds, décrétés tués par la civilisation.

Contribuant à invisibiliser la durable injustice faite au peuple palestinien, tant qu’Israël en occupe et colonise les territoires (en violation depuis 1967 des résolutions de l’ONU) et que ses gouvernants lui refusent le droit de vivre dans un État souverain (en violation des accords d’Oslo de 1993), le discours qui nourrit cette insensibilité fait comme si l’histoire s’était arrêtée le 7 octobre 2023, avec les massacres commis par les combattants du Hamas qui ont fait 1 200 victimes. 

Brandi en présent monstrueux, sans passé ni futur, sans cause ni issue, cet événement terrifiant devient, pour les gouvernants d’Israël et leurs alliés, l’alibi de leur aveuglement. Organisée par la propagande étatique israélienne, la projection des images des tueries du 7 octobre, attestant de crimes de guerre, sert de justification à une riposte qui, elle-même, viole les lois de la guerre, transformant la contre-attaque militaire face au Hamas en une vengeance meurtrière indistincte contre la population palestinienne de Gaza.

Jamais, depuis la Seconde Guerre mondiale, autant de civils (15 800 morts au récent décompte réalisé par le gouvernement du Hamas), de familles entières, de femmes et d’enfants, de soignant·es et d’humanitaires, de journalistes et de professionnel·les des médias – au moins 56 tué·es, soit plus d’un par jour d’offensive israélienne –, etc., n’ont perdu la vie dans un conflit armé en si peu de temps et sur un si petit territoire.

Jamais, non plus, un tel déplacement forcé de population, dans des conditions sanitaires et humanitaires catastrophiques, ne s’est produit dans cette même unité de temps et de lieu. Environ 1,9 million de personnes, soit 80 % de la population gazaouie, ont dû fuir, quittant leurs habitations, abandonnant leurs biens, perdant leurs repères pour devenir des réfugié·es et des exilé·es. Une fuite sans répit et sans abri puisque, désormais, l’armée israélienne attaque le sud de la bande de Gaza vers lequel ces foules ont convergé.

À cette échelle de violence, il ne s’agit pas de dommages collatéraux mais bel et bien d’une stratégie guerrière qui s’en prend au peuple tout entier dont est issu l’ennemi particulier visé : but de guerre proclamé par Israël, l’anéantissement du Hamas est devenu sous nos yeux la destruction de la bande de Gaza, de ses villes, de son histoire et de sa sociabilité, de son passé et de son futur, de ses lieux de vie et de travail. Avec pour conséquence ultime, l’effacement de son peuple, expulsé de sa propre terre.

Entre désespoir et colère, la sidération qu’exprime l’ensemble des organisations internationales, sans en excepter une seule, qu’il s’agisse des agences onusiennes telle l’UNRWA ou des ONG comme Médecins sans frontières, est à la mesure de cette catastrophe inédite. « Nous sommes proches de l’heure la plus sombre de l’humanité », n’hésite pas à déclarer le responsable de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans les Territoires palestiniens occupés.

Solennelle et inhabituelle, tant la neutralité du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) lui enjoint d’ordinaire le silence, la récente prise de parole publique de sa présidente, Mirjana Spoljaric, lance la même alarme : « Le niveau de souffrance humaine est intolérable. Il est inacceptable que les civils n’aient aucun endroit sûr où aller à Gaza et, avec un siège militaire en place, il n’y a pas non plus de réponse humanitaire adéquate possible à l’heure actuelle. »

Confronté à la complicité, et donc à l’inaction, des alliés occidentaux d’Israël, au premier chef les États-Unis, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, essaye, en vain jusqu’ici, de secouer leur indifférence. Pour la première fois depuis le début de son mandat en 2017, il vient d’invoquer l’article 99 de la Charte des Nations unies qui lui donne le droit d’attirer « l’attention du Conseil de sécurité sur toute question qui, à son avis, pourrait menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales ». Un recours justifié, selon le porte-parole de l’ONU, par « l’ampleur des pertes en vies humaines en si peu de temps ».

L’Occident est en train de perdre le monde à force de prétention et d’ignorance.

Répétition de la politique de la peur qui inspira la réponse des États-Unis aux attaques terroristes du 11 septembre 2001, la stratégie israélienne est une perdition morale. Quels que soient les succès militaires revendiqués par Israël, ils finiront par signer sa défaite politique et diplomatique. Car, loin de garantir la sécurité de son peuple, ils l’entraîneront dans une guerre sans fin. Comment imaginer qu’Israël puisse vivre durablement au Proche-Orient en s’imaginant place forte d’un Occident dominateur, méprisant tous les peuples alentour ? D’un Occident qui, de plus, est en train de perdre le monde à force de prétention et d’ignorance.

Précédée de mensonges éhontés et accompagnée de violations infinies des droits humains jusqu’à la légitimation officielle de la torture, la riposte américaine au 11-Septembre n’a fait qu’accroître la dangerosité internationale, ravageant des États souverains, suscitant de nouveaux terrorismes, humiliant des peuples entiers et fédérant leur ressentiment durable. Le tout au grand bénéfice de la Chine et de la Russie qui, pour l’une, s’est hissée au rang de deuxième et potentiellement première puissance économique mondiale, tandis que l’autre renouait avec une logique impériale agressive, de la Syrie à l’Ukraine, en passant par le continent africain.

Loin des idéaux démocratiques dont se paraient les États-Unis tout en les piétinant, leur intervention n’a aucunement aidé les peuples concernés à gagner en liberté et en démocratie. C’est même radicalement l’inverse. Au résultat final, après le retrait piteux des troupes américaines, les talibans sont de retour au pouvoir en Afghanistan depuis 2021, au désespoir, notamment, des femmes afghanes.

Cible prioritaire de leur prétention à réorganiser la région, la République islamique d’Iran n’a cessé d’accroître son influence géopolitique, d’Irak en Syrie, du Liban au Yémen, sans oublier Gaza via le Hamas, tandis que la théocratie qui la dirige réprime les espérances émancipatrices des Iranien·nes.

Enfin, l’Arabie saoudite, monarchie religieuse qui fut le terreau idéologique d’Al-Qaïda, n’est nullement inquiétée pour ses violations des droits humains mais, en revanche, s’imagine plus que jamais en centre du monde, au point d’avoir été choisie pour accueillir l’Exposition universelle de 2030.

Le « coup d’État identitaire » de Benyamin Nétanyahou

À deux décennies de distance, la réaction israélienne n’est cependant pas qu’une répétition de l’aveuglement américain. Elle l’aggrave, au risque d’égarer la planète tout entière, par sa démesure idéologique. Le pouvoir politique qui dirige aujourd’hui Israël et qui par conséquent mène cette guerre, incarne en effet une rupture radicale, ayant poussé jusqu’à ses conséquences extrêmes l’infernale logique identitaire de la colonisation, de supériorité des civilisations et de hiérarchie des humanités.

Sous le règne de Benyamin Nétanyahou (au pouvoir sans discontinuer depuis 2009, à l’exception d’un bref intermède en 2021-2022), l’idéologie nationaliste religieuse a pris les commandes de l’État d’Israël avec un « coup d’État identitaire » comme l’a écrit le journaliste Charles Enderlin. Depuis 2018, une loi fondamentale, soit le plus haut degré possible en l’absence de Constitution, définit Israël comme le « foyer national du peuple juif » sans aucune référence au principe démocratique de l’égalité des droits.

Légitimant une suprématie identitaire qui discrimine les minorités arabe et druze, elle rompt avec la déclaration d’indépendance de 1948 qui enjoignait à Israël d’assurer « une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe ». Loin d’une embardée démagogique, cette radicalisation idéologique marque l’installation aux commandes de l’État d’Israël de forces politiques assumant une rupture avec toute vision universaliste : pas d’égalité naturelle, pas de droit international, pas d’humanité commune.

Pis, cette idéologie est destinée à l’exportation, comme en témoigne la notoriété auprès des droites extrêmes états-unienne et européennes de son théoricien et propagandiste, l’Israélo-Américain Yoram Hazony, auteur d’un best-seller traduit dans une vingtaine de langues, Les Vertus du nationalisme. Ce n’est rien de moins qu’un recyclage contemporain du nationalisme intégral de Charles Maurras, l’antisémitisme en moins, dont l’édition française est préfacée par un propagandiste d’extrême droite, Gilles-William Goldnadel.

Dénonçant le « fanatisme de l’universel » et « l’internationalisme libéral », ce plaidoyer pour l’avènement d’un « ordre des États nationaux » entend mettre fin aux valeurs supranationales promues par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, dans la conscience que des États-nations pouvaient devenir les pires ennemis du genre humain. Ce nationalisme radical implique que les nations ne doivent avoir de comptes à rendre qu’à elles-mêmes, refusant « de transférer les pouvoirs du gouvernement à des institutions universelles ».

« Nous ne devrions pas tolérer que la moindre parcelle de notre liberté soit transmise à des institutions étrangères, quelle qu’en soit la raison, écrit Yoram Hazony. Il en va de même par rapport aux lois qui ne sont pas celles de notre propre nation. » Ce rejet de tout principe universel accompagne une conception ethnique de la nation, revendiquant son « homogénéité interne » face aux « minorités nationales et tribales » dont les revendications pourraient la défaire.

La page ouverte en 1948, en même temps que naissait Israël, d’une humanité commune régie par des principes universels opposables aux États-nations serait ainsi refermée. Il ne s’agit rien de moins que d’un retour en arrière jusqu’aux causes mêmes de la catastrophe européenne puis mondiale, ces nationalismes égoïstes, oppresseurs et dominateurs dont les peuples, dans la première moitié du XXe siècle, ont subi les ravages et les crimes, jusqu’à celui de génocide, tant fascisme et nazisme en furent les produits extrêmes.

À l’urgence humanitaire qui, pour le sort des Palestinien·nes comme des Israélien·nes, exige un cessez-le-feu immédiat et durable à Gaza, s’ajoute donc un impératif politique qui concerne toute la communauté internationale si, du moins, elle existe encore : mettre un coup d’arrêt à cette fuite en avant guerrière et identitaire où se meurt notre humanité.

Edwy Plenel

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LE DROIT INTERNATIONAL ET LA PALESTINE VAINCRONT, FORCÉMENT.

LE POÈTE A TOUJOURS RAISON

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Je dis ceci : le combat du peuple palestinien pour son droit à disposer de lui-même, son combat pour la liberté est juste et très noble. Par les moyens qu’il utilise pour se défendre, pour libérer sa terre spoliée, il peut être amené à le desservir, à le salir. C’est ce qui s’est passé entre samedi 7 et mardi 10 octobre dans les kibboutz de Beeri, Reïm, Kfar Aza près de la frontière est de Gaza en terre annexée. Certaines des interventions des combattants de Hamas ont ciblé des bases militaires israéliennes, mais d’autres peuvent être caractérisées de crimes de guerre. On ne doit pas viser les civils, on ne les tue pas délibérément, à plus forte raison les enfants. C’est ce qu’ils ont fait. Ces crimes sont passibles de la Cour Pénale Internationale. 

Mais, une fois que j’ai dit cela, je n’ai pas tout dit. Il serait vain de vouloir confiner l’Histoire des Palestiniens au seul samedi 7 octobre.

La définition de la barbarie ou des crimes de guerre n’est pas une girouette. La définition de la barbarie ou des crimes de guerre ne peut porter à équivoque. Elle est claire, elle est la même, elle s’applique identiquement à l’ensemble de l’humanité. L’attaque par Israël, ce matin, jeudi 12 octobre d’une ambulance palestinienne tuant quatre urgentistes, relève du crime de guerre. 

Quel que soit celui qui commet un crime de guerre, celui-ci est le même. Il n’a pas de couleur particulière. N’est pas plus ou moins moche qu’un autre crime de guerre. Les barbaries ou crimes de guerre, dès lors qu’ils répondent aux critères qui les définissent, sont identiques. L’Occident, l’Europe, la France ne voient pas l’horreur en dehors de leurs périmètres. Ils pratiquent allègrement le deux poids deux mesures et leurs révoltes sont unilatérales. L’Ukraine et Israël sont hautement présents à leur mémoire, pas l’autre monde, le Sud.

Un crime de guerre est « une violation du droit de la guerre d’une gravité particulière. » Une violation du Droit international humanitaire. La barbarie avérée de l’homme blanc est aussi condamnable que celle de l’homme noir ou vert. L’une n’efface pas l’autre. 

Ce qui s’est passé samedi 7 et le lendemain était prévisible d’une certaine façon, lorsqu’on enferme deux millions de personnes dans un ghetto de 365 km2 (un ghetto à peine plus grand que la ville de Marseille : 240 km2) sans aucune possibilité de s’en extraire, aucune. Toutes les issues leur sont fermées. Très nombreux sont les Gazaouis qui ne sont jamais sortis de cette prison inhumaine. Une situation tragique, d’une sauvage cruauté que leur infligent Israël et ses soutiens.

Deux millions de personnes interdites de tout, vivant l’enfer pour cause de blocus depuis vingt ans au bas mot. Deux millions de personnes, c’est-à-dire deux millions d’êtres humains, enfants, femmes, vieillards, jeunes qu’Israël a voulu effacer, animaliser avec la complicité de l’Occident. Le combat du peuple palestinien ne peut être effacé. Un combat qui parfois, comme ce samedi, peut dériver. Mais la barbarie du pauvre n’efface pas celle du riche, la barbarie du désespéré celle du puissant. La barbarie du couteau n’efface pas la barbarie des missiles air-sol lancés contre les immeubles d’une ville où la densité est parmi les plus élevées du monde ( plus de 6000 habitants au km2, SIX MILLE). 

Lorsque les soldats israéliens détruisent un lot d’immeubles de 15 étages au prétexte qu’ils abritent des « terroristes » ils admettent délibérément que des dizaines de civils, femmes et enfants, mourront aussi. Cela s’apparente à une expédition punitive de l’armée israélienne contre la population civile et cela s’appelle crime de guerre, crime contre l’humanité. Lorsqu’on prive d’électricité, de gaz, d’eau et de nourriture l’ensemble de la population de la Bande de Gaza, c’est vouloir la punir. Et cela est un crime de guerre que le Secrétaire Général de l’ONU a dénoncé. Lorsque les bombardements israéliens tuent onze employés et 30 élèves de l’école de l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), c’est un crime de guerre endeuillant l’ONU.

La barbarie du fusil, qui est souvent une lutte de survie, n’efface pas la barbarie des missiles lancés à partir de navires de guerre au large de Gaza contre des enfants qui jouent au foot, et dont la mort a été filmée en direct par TF1 en 2014. Les crimes bricolés du colonisé n’effacent pas les crimes sophistiqués et combien plus destructeurs du spoliateur.

Si, par quelque tour de magie, on n’évoque uniquement que les crimes du colonisé (des crimes du désespoir), du spolié, on absout ceux de l’occupant. Cela s’appelle de la manipulation. C’est ce à quoi on assiste depuis samedi. Les médias mainstream (rongés par la Grande culpabilité historique de leurs parents, uniques responsables de la Shoah) veulent absolument et vent debout, par tous les moyens, laver Israël de tous ses crimes commis depuis (au moins) 1967. Et même depuis sa création, en 1948. Ce même Israël qui est poursuivi pour crime contre l’humanité auprès du TPI.

Voici quelques exemples de crimes commis ces derniers jours :

_ « Israël a mis en place et maintient un régime institutionnalisé de domination raciale et de répression du peuple palestinien : c’est un apartheid, c’est un crime contre l’humanité. »

– Selon une déclaration du Haut-Commissaire des Nations-Unies aux droits de l’homme « quiconque viole le droit international et cible des civils doit être tenu pour responsable de ses crimes », notant que  » la commission a rassemblé et conservé des preuves des crimes de guerre commis 

° lors de l’attaque du Hamas contre Israël 

°et de la réponse des forces israéliennes par des frappes aériennes sur Gaza. »

Crimes commis par Israël lors du seul mois d’août 2022 :  

Le 5 août 2022, Israël a lancé une offensive militaire « préventive » dans la bande de Gaza faisant 31 civils tués.

Duniana al Amour, étudiante aux Beaux-Arts âgée de 22 ans tuée à Khan Younès par un projectile tiré d’un tank israélien.

La Cour pénale internationale (CPI) doit enquêter sur les attaques illégales commises pendant l’offensive lancée par Israël en août 2022 contre la bande de Gaza, tuant six civils, en les considérant comme des crimes de guerre, a souligné Amnesty International (un petit garçon de quatre ans, un adolescent qui s’était rendu sur la tombe de sa mère et une étudiante qui se trouvait chez elle avec sa famille./Amnesty I)

Selon Michael Lynk, Rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, « les colonies israéliennes violent l’interdiction absolue faite à une puissance occupante de transférer une partie de sa population civile vers un territoire occupé ». La communauté internationale a donc été invitée à considérer l’établissement de colonies israéliennes comme un crime de guerre selon le Statut de Rome de 1998 de la Cour pénale internationale.

En 2021, Amnesty International, qui a documenté « quatre attaques meurtrières d’Israël contre des maisons d’habitation sans avertissement », a appelé la Cour pénale internationale à enquêter immédiatement sur ces attaques, qui peuvent constituer des crimes de guerre ou crimes contre humanité.

Human Rights Watch a enquêté sur trois raids israéliens au cours de la crise israélo-palestinienne de 2021 qui ont tué 62 civils palestiniens sans cible militaire claire à proximité, et a conclu qu’Israël avait violé les lois de la guerre et que ses actions semblaient constituer des crimes de guerre.

En 2021, le procureur de la Cour Pénale Internationale, Fatou Bensouda, a ouvert une enquête sur les crimes de guerre présumés israéliens dans les territoires palestiniens depuis le 13 juin 2014. (Wikipédia)

Recevant le soutien inconditionnel des puissances occidentales, Israël continue de profiter d’une exclusivité qui lui permet d’agir en toute impunité dans les territoires palestiniens, faisant fi de toutes les résolutions de l’ONU adoptées depuis sa création.

Depuis 1947, Israël a fait l’objet de plus de 50 résolutions et condamnations de l’ONU, qui n’ont pas été respectées ni prises en compte.

Les résolutions de l’ONU non respectées par Israël (Le Monde diplomatique, février 2009) :

Résolution 181 (29 novembre 1947). Adoption du plan de partage : la Palestine est divisée en deux États indépendants, l’un arabe, l’autre juif, et Jérusalem est placée sous administration des Nations unies.

Résolution 194 (11 décembre 1948). Les réfugiés qui le souhaitent doivent pouvoir « rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et vivre en paix avec leurs voisins »  ; les autres doivent être indemnisés de leurs biens « à titre de compensation ». Création de la commission de conciliation des Nations unies pour la Palestine.

Résolution 302 (8 décembre 1949). Création de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA).

Résolution 236 (11 juin 1967). Au lendemain de la guerre de juin 1967, le Conseil de sécurité exige un cessez-le-feu et un arrêt immédiat de toutes les activités militaires dans le conflit opposant l’Égypte, la Jordanie et la Syrie à Israël.

Résolution 237 (14 juin 1967). Le Conseil de sécurité demande à Israël d’assurer « la sûreté, le bien-être et la sécurité des habitants des zones où des opérations militaires ont eu lieu » et de faciliter le retour des réfugiés.

Résolution 242 (22 novembre 1967). Le Conseil de sécurité condamne l’« acquisition de territoire par la guerre » et demande le « retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés ». Il affirme « l’inviolabilité territoriale et l’indépendance politique » de chaque État de la région.

Résolution 250 (27 avril 1968). Israël est invité à ne pas organiser le défilé militaire prévu à Jérusalem le 2 mai 1968, considérant que cela aggraverait les « tensions dans la région ».

Résolution 251 (2 mai 1968). Le Conseil de sécurité déplore la tenue du défilé militaire de Jérusalem « au mépris » de la résolution 250.

Résolution 252 (21 mai 1968). Le Conseil de sécurité déclare « non valides » les mesures prises par Israël, y compris l’« expropriation de terres et de biens immobiliers », qui visent à « modifier le statut de Jérusalem », et demande à celui-ci de s’abstenir de prendre de telles mesures.

Résolution 267 (3 juillet 1969). Le Conseil de sécurité censure « toutes les mesures prises [par Israël] pour modifier le statut de Jérusalem ».

Résolution 340 (25 octobre 1973). À la suite de la guerre de Ramadan ou de Kippour, création de la deuxième Force d’urgence des Nations unies (FUNU-II) qui vise à « superviser le cessez-le-feu entre les forces égyptiennes et israéliennes » et à assurer le « redéploiement » de ces mêmes forces.

Résolution 446 (22 mars 1979). Le Conseil de sécurité exige l’arrêt des « pratiques israéliennes visant à établir des colonies de peuplement dans les territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés depuis 1967 », déclare que ces pratiques « n’ont aucune validité en droit » et demande à Israël de respecter la convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre.

Résolution 468 (8 mai 1980). Le Conseil de sécurité déclare « illégales » les expulsions à l’étranger de notables palestiniens de Hébron et de Halhoul par les autorités militaires israéliennes et demande à Israël de les annuler.

Résolution 592 (8 décembre 1986). Le Conseil de sécurité rappelle que la convention de Genève relative à la protection des civils en temps de guerre « est applicable aux territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés par Israël depuis 1967 ». Il condamne « l’armée israélienne qui, ayant ouvert le feu, a tué ou blessé des étudiants » de l’université Bir Zeit.

Résolution 605 (22 décembre 1987). Après le déclenchement de la première Intifada, le Conseil de sécurité condamne les pratiques d’Israël « qui violent les droits de l’homme du peuple palestinien dans les territoires occupés, en particulier le fait que l’armée israélienne a ouvert le feu, tuant ou blessant des civils palestiniens ».

Résolution 607 (5 janvier 1988). Israël doit « s’abstenir d’expulser des civils palestiniens des territoires occupés » et respecter les obligations que lui impose la convention de Genève.

Résolution 608 (14 janvier 1988). Le Conseil de sécurité demande à Israël « d’annuler l’ordre d’expulsion des civils palestiniens et d’assurer le retour immédiat et en toute sécurité » de tous ceux déjà expulsés.

Résolution 636 (6 juillet 1989). Le Conseil de sécurité demande à Israël, en conformité avec ses précédentes résolutions et avec la convention de Genève, de « cesser immédiatement d’expulser d’autres civils palestiniens » et d’assurer le retour en toute sécurité de ceux déjà expulsés.

Résolution 641 (30 août 1989). Le Conseil de sécurité « déplore qu’Israël, puissance occupante, continue d’expulser des civils palestiniens » et lui demande d’assurer le retour de tous les expulsés.

Résolution 672 (12 octobre 1990). Après les violences de l’esplanade des Mosquées – le mont du Temple, le Conseil de sécurité condamne « les actes de violence commis par les forces de sécurité israéliennes » à Al-Haram Al-Charif et dans d’autres lieux saints de Jérusalem et demande à Israël de « s’acquitter scrupuleusement des obligations juridiques et des responsabilités qui lui incombent » vis-à-vis des civils des territoires occupés.

Résolution 673 (24 octobre 1990). Le Conseil de sécurité condamne le refus d’Israël d’appliquer la résolution 672.

Résolution 681 (20 décembre 1990). Israël est sommé d’appliquer la convention de Genève.

Résolution 694 (24 mai 1991). Le Conseil de sécurité déclare que l’expulsion de quatre nouveaux civils palestiniens en mai 1991 par les forces israéliennes constitue une violation de la convention de Genève.

Résolution 799 (18 décembre 1992). Le Conseil de sécurité condamne les quatre cents expulsions de décembre 1992, soulignant qu’elle est contraire aux obligations internationales imposées à Israël par la convention de Genève. Le Conseil réaffirme l’indépendance et l’intégrité territoriale du Liban.

Résolution 904 (18 mars 1994). À la suite du massacre de la mosquée de Hébron, le Conseil de sécurité demande à Israël de prendre les mesures nécessaires « afin de prévenir des actes de violence illégaux de la part des colons israéliens »envers les civils palestiniens.

Résolution 1322 (7 octobre 2000). À la suite du début de la seconde Intifada, le Conseil de sécurité déplore les violences et condamne le « recours à la force excessif contre les Palestiniens ». Il demande à Israël de respecter ses obligations relatives à la convention de Genève.

Résolution 1397 (12 mars 2002). Le Conseil de sécurité demande la « cessation immédiate de tous les actes de violence, y compris tous les actes de terreur et toutes provocations, incitations et destructions », et réclame la coopération des Israéliens et des Palestiniens visant à la reprise des négociations.

Résolution 1402 (30 mars 2002). Après la réoccupation totale de la Cisjordanie, le Conseil de sécurité demande un cessez-le-feu immédiat et le « retrait des troupes israéliennes des villes palestiniennes ».

Résolution 1405 (19 avril 2002). Le Conseil de sécurité déclare qu’« il est urgent que les organismes médicaux et humanitaires aient accès à la population civile palestinienne ».

Résolution 1435 (24 septembre 2002). Le Conseil de sécurité exige « le retrait rapide des forces d’occupation israéliennes des villes palestiniennes ». Il demande à l’Autorité palestinienne de « faire traduire en justice les auteurs d’actes terroristes ».

Résolution 1515 (19 novembre 2003). Le Conseil de sécurité se déclare « attaché à la vision d’une région dans laquelle deux États, Israël et la Palestine, vivent côte à côte, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues », et demande en conséquence aux parties en conflit de s’acquitter des obligations relatives à la « feuille de route » du Quartet.

Résolution 1544 (19 mai 2004). Le Conseil de sécurité demande qu’Israël respecte « les obligations que lui impose le droit humanitaire international » et « l’obligation qui lui est faite de ne pas se livrer aux destructions d’habitations ».

Résolution 1850 (16 décembre 2008). Le Conseil de sécurité soutient le processus d’Annapolis, et demande aux parties de « s’abstenir de toute mesure susceptible d’entamer la confiance » et de ne pas « remettre en cause l’issue des négociations ».

Résolution 1860 (8 janvier 2009). Après l’incursion de l’armée israélienne dans la bande de Gaza, le Conseil de sécurité exige « l’instauration immédiate d’un cessez-le-feu durable et pleinement respecté menant au retrait total des forces israéliennes de la bande de Gaza ». Il demande de ne pas entraver l’entrée des organisations médicales dans Gaza et d’empêcher le trafic illégal d’armes. » (Le Monde diplomatique)

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Ahmed Hanifi

Marseille, le jeudi 12 octobre 2023

ahmedhanifi@gmail.com

Résistance palestinienne 2

Lisez, « Sous le pont, la mort au bout » – juillet 2014, un parmi les mille

Sous le pont la mort au bout

Des enfants tournent autour de la fontaine

D’eux tout autour 

Flotte comme une belle aubaine 

Au large des uniformes chargés de haine  

Dans leur misère intérieure 

Des montagnes de laideur 

Les mômes jouent sur la plage près du palace 

Loin des voyous 

Qui du navire menacent 

Ils ajustent la ligne de mire, les rapaces  

Dans leur misère intérieure 

Des montagnes de laideur 

La douleur des enfants déchiquetés monte 

Dans le ciel bas 

Dans le navire de la honte 

On compare la dextérité, on confronte

Dans leur misère intérieure 

Des montagnes de laideur 

Dans le navire les démons dansent et chantent 

Ils ont semé          

La mort d’âmes innocentes 

Devant télés, et ambulances hurlantes 

Dans leur misère intérieure 

Des montagnes de laideur

Sur la plage des pêcheurs on ne joue plus 

Le sable et le ballon sont orphelins 

Des bambins de la plage rouge de Gaza 

Les bombes des marins les ont écharpés 

Dans leur misère intérieure 

Des montagnes de laideur.

Ahmed Hanifi

Marseille, le 18 juillet 2014

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L’humanité

le 9.10.2023 

Par Pierre Barbancey

En Israël, l’occupation en question 

Le quotidien Haaretz fait porter à Benyamin Netanyahou la responsabilité de ce qui se passe. Plusieurs associations et personnalités font de même. « Nous payons le prix de la mise en cage de deux millions de personnes », explique le journaliste israélien Gideon Levy à l’Humanité.

En France, certains voudraient faire taire tous ceux qui pointent du doigt la politique d’occupation et de colonisation comme facteur principal des violences auxquelles on assiste. Pourtant les mêmes devraient regarder ce qui se passe en Israël.

L’émotion est évidemment très forte, mais elle n’empêche pas la clairvoyance. Gideon Levy, journaliste israélien respecté, qu’on peut difficilement soupçonner d’antisémitisme, explique ainsi à l’Humanité que « tout le monde est sous le choc. C’est vraiment sans précédent et il est très difficile d’expliquer ce qui s’est passé ». Pour lui, « sur un plan plus stratégique, c’est le résultat de l’arrogance d’Israël. Croire qu’il peut continuer avec le siège de Gaza, mettre deux millions de personnes dans une cage et ne jamais en payer le prix… Nous en payons maintenant le prix ».

Il va même plus loin, expliquant que l’attaque de samedi n’a qu’un seul lien, qu’une seule raison : l’occupation. « Les gens sont assiégés. Ils sont mis en cage pendant dix-sept ans. Et la seule façon pour eux de rappeler au monde et à Israël leur problème est par la violence. Quand ils restent immobiles, quand ils restent assis, personne ne se soucie d’eux. »

Pour Haaretz : « Netanyahou porte la responsabilité de cette guerre Israël-Gaza »

Le quotidien israélien Haaretz, lui, n’y va pas par quatre chemins. Son éditorial, qui ferait peut-être scandale dans l’Hexagone, est tout simplement intitulé : « Netanyahou porte la responsabilité de cette guerre Israël-Gaza ». On peut ainsi lire : « Le premier ministre, qui s’est enorgueilli de sa vaste expérience politique et de sa sagesse irremplaçable en matière de sécurité, a complètement échoué à identifier les dangers dans lesquels il conduisait consciemment Israël lors de l’établissement d’un gouvernement d’annexion et de dépossession, en nommant Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir à des postes clés, tout en adoptant une politique étrangère qui ignore ouvertement l’existence et les droits des Palestiniens. »

Le quotidien n’est pas le seul à dénoncer une politique qui mène Israël dans le mur, au détriment des Palestiniens. L’association Breaking the Silence (briser le silence), fondé par d’anciens officiers de l’armée pour dénoncer les exactions commises dans les territoires occupés, s’est aussi exprimée rapidement.

Avner Gvaryahu, le directeur de cette organisation, souligne que « la politique de sécurité d’Israël, depuis des décennies, consiste à gérer le conflit ». Les dirigeants politiques et militaires parlent de « sécurité », de « dissuasion », de « changement de l’équation ». Pour le responsable de Breaking the Silence, « tous ces mots sont des mots de code pour bombarder la bande de Gaza et la transformer en bouillie, toujours justifiés comme ciblant des terroristes, mais toujours avec de lourdes pertes civiles. Entre ces rondes de violence, nous rendons la vie impossible aux Gazaouis, puis nous sommes surpris lorsque c’est l’ébullition ».

’organisation Standing Together (Debout ensemble), qui réunit juifs et arabes, indique : « Ce que nous avons vu est le résultat de l’insistance du gouvernement à nous mener tous dans une impasse, sans aucune promesse d’un avenir meilleur. Nous avons vu aujourd’hui une preuve terrible et douloureuse qu’il n’y a aucun moyen de gérer” l’occupation tout en assurant notre sécurité. Peu importe le nombre de fortifications que nous construirons, tant que la politique en place est une politique de guerre, nous continuerons à payer dans le sang. Et il est difficile d’imaginer combien de sang innocent, d’Israéliens et de Palestiniens, a été versé aujourd’hui. »

Avner Gvaryahu conclut : « L’idée que nous pouvons gérer le conflit” sans jamais avoir à le résoudre s’effondre à nouveau sous nos yeux. Il a tenu le coup jusqu’à maintenant parce que peu de gens ont osé le contester. Ces événements déchirants pourraient changer cela. Ils doivent le faire. Pour nous tous entre la rivière et la mer. » Des paroles qui gagnent à être entendues.

Résistance palestinienne

Laissez-passer les chiens de garde médiatiques qui glapissent contre le peuple palestinien enchaîné et regardez, écoutez la vidéo.

Laissez-passer les chiens de garde médiatiques qui glapissent contre le peuple palestinien enchaîné et lisez ce qui suit, puis regardez, écoutez la vidéo.

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La quasi-totalité des journalistes et commentateurs français entendus depuis l’offensive menée par le mouvement Hamas ce samedi 7 octobre 2023, sont des Chiens de garde volontaires d’Israël et de sa politique d’effacement du peuple palestinien, particulièrement celui de Gaza assiégé.

J’écris « journalistes et commentateurs », pas les universitaires et chercheurs entendus depuis samedi, qui font ce qu’ils peuvent, (à l’exemple ici sur « C dans l’air » d’hier lundi) en répétant souvent, de crainte que ces mêmes journalistes et commentateurs ne travestissent leurs propos, « cela bien sûr ne justifie en rien… ». Combien je les comprends.

Nizan disait ceci : « Les jeunes gens qui débutent dans la Philosophie, les amateurs qui se tournent vers la Philosophie seront-ils longtemps encore satisfaits de travailler dans la nuit, sans pouvoir répondre à aucune interrogation sur le sens et la portée de la recherche où ils s’engagent ? » Il ajoutait : « quel emploi feront-ils du vocabulaire philosophique ? Que vont-ils tous entendre par le vocable Philosophie ? Mettront-ils dans les vieilles outres le même vin que leurs maîtres, ou bien un vin nouveau ? Rejetteront-ils les vieilles outres et le vieux vin pour des outres nouvelles et pour un nouveau vin ? (Les chiens de garde)

Les chiens de garde sont lâchés. Ils ne s’interrogent pas, ils n’analysent pas, ils ne comprennent pas et n’expliquent pas. Ils jugent. Ils condamnent. Ils suivent. Ils exécutent. Et gare à eux si. « Ils ressassent, ressassent, ressassent ». Ils sont la voix de leurs maîtres, de leurs employeurs, de leurs influenceurs. De leurs banquiers.

Les Palestiniens se font massacrer depuis la nuit des temps, Israël a tué des dizaines de milliers de Palestiniens depuis 1967 (et avant) et ces journaleux répètent une litanie, sorte de passage périodique obligé dans leur carrière : « Israël est le garant de notre liberté. »

Ce samedi 7 octobre 2023, Hamas a engagé une attaque d’envergure contre l’état d’Israël, contre le blocus (qui dure depuis 20 ans) qu’il inflige à Gaza, contre sa politique d’apartheid, contre sa colonisation (depuis 60 ans bientôt et c’est peut-être peu dire), contre la bantouisation (les territoires gruyères) en cours de la Palestine, pour qu’il accepte le Droit International et toutes les résolutions de l’ONU qu’il bafoue impunément avec la complicité des Occidentaux et de ses médias, notamment français.

Pointer l’attaque d’hier, en faire un fixation et oublier tout le reste, toute la saloperie d’Israël. Tel est le piège posé par ces journalistes à la solde de l’implacable lobby israélien.

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Les chiens de garde d’Israël

LES CHIENS DE GARDE D’ISRAËL:

ÉCOUTEZ-LES SI VOUS LE VOULEZ, MAIS SACHEZ QUE CE SONT DES CHIENS DE GARDE.

Paul Nizan disait ceci : « Les jeunes gens qui débutent dans la Philosophie, les amateurs qui se tournent vers la Philosophie seront-ils longtemps encore satisfaits de travailler dans la nuit, sans pouvoir répondre à aucune interrogation sur le sens et la portée de la recherche où ils s’engagent ? »

Il ajoutait : « quel emploi feront-ils du vocabulaire philosophique ? Que vont-ils tous entendre par le vocable Philosophie ? Mettront-ils dans les vieilles outres le même vin que leurs maîtres, ou bien un vin nouveau ? Rejetteront-ils les vieilles outres et le vieux vin pour des outres nouvelles et pour un nouveau vin ? » (Les chiens de garde, 1932)


Assurément pas.

  • CETTE CARTE EST ÉDIFIANTE:

Image DR. Avec l’aimable autorisation de l’Association France Palestine Solidarité.

Les chiens de garde (« le chien » en l’occurrence ce matin Ali Baddou journaliste franco-marocain notamment sur France Inter),_ et il n’est pas le plus aboyeurs_ sont, de nouveau, en effervescence. Ils ne s’interrogent pas. Ils suivent. Ils exécutent. 

Et gare à eux si.
Ils sont à l’image de ces singes qui ne veulent rien voir, rien entendre. « Ils ressassent, ressassent, ressassent ». Jeunes, nous disions vulgairement de leurs semblables qu’« ils sont la voix de leurs maîtres ». On dirait aujourd’hui de leurs employeurs, de leurs influenceurs. De leurs banquiers. Oui, en définitive, ils sont la voix de leurs maîtres. Leur liberté de se mouvoir concernant ce point rouge (parmi d’autres) est tout à fait relative, voire ridicule (lorsqu’ils ne sont pas sincèrement engagé par le venin qu’ils diffusent).

Les Palestiniens se font massacrer, liquider, depuis la nuit des temps, Israël a tué des dizaines de milliers de Palestiniens depuis 1967 et ces journalistes, sans aucune honte, répètent une litanie, sorte de passage périodique obligé dans leur carrière : « Israël est le garant de notre liberté. » Et depuis quelques années ceci « oui mais Khamas, Khamas, Khamas ».

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Hier, samedi 7 octobre 2023, le Hamas palestinien a engagé une attaque d’envergure contre l’état d’Israël, contre le blocus (qui dure depuis 20 ans), contre l’apartheid, contre sa colonisation (depuis 60 ans bientôt et c’est peut-être peu dire), contre la bantouisation en cours de la Palestine, pour qu’il accepte le Droit International et toutes les résolutions de l’ONU qu’il bafoue impunément avec la complicité des Occidentaux et de ses médias, notamment français. Mais et surtout aussi des « pays frères » en laisse.

Pointer l’attaque d’hier, en faire un fixation et oublier tout le reste, toute la saloperie d’Israël. Tel est le piège posé par Baddou et sa bande, dans lequel la magistrale Hala Abou-Hassira, ambassadrice de Palestine en France, n’est pas tombée.

Écoutez. C’est un exemple parmi des dizaines d’autres. C’est aujourd’hui, dimanche 8 octobre 2023, sur France Inter à 8h20.
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« Un grand entretien aujourd’hui pour faire le point sur la situation après l’offensive armée du Hamas contre l’état d’Israël ce samedi. »

8h21 : « Le Grand entretien ce dimanche matin est consacré à ces images de guerre, de terreur qui nous parviennent depuis maintenant 24 heures, l’attaque du Hamas contre Israël, une tragédie qui bouleverse le monde entier. La « réaction » de l’état israélien.
Ali Baddou: Pour en parler ensemble ce matin avec Marion L’Hour nous sommes avec plusieurs invités. Dans le studio d’Inter justement, Abou Hala Abou-Hassira, ambassadrice de Palestine en France, bonjour et bienvenue, merci d’avoir accepté notre invitation, Gérard Araud bienvenue, vous étiez diplomate ancien ambassadeur de France en Israël notamment entre 2003 et 2006 et fin analyste de la vie diplomatique et de la géopolitique contemporaine, Vincent Lemire bonjour, historien vous viviez à Jérusalem, il y a encore quelques semaines et vous êtes l’auteur de nombreux travaux sur Jérusalem. Nous sommes en ligne avec Tel Aviv et l’historien Élie Barnavi, bonjour monsieur. Élie Barnavi vous avez eu plusieurs vies, vous avez été para dans votre jeunesse dans l’armée israélienne, vous êtes historien, intellectuel, vous avez été ambassadeur d’Israël à Paris et dans des temps difficiles au moment de la deuxième intifada. Il est 9h20 à Tel Aviv… »

Barnavi aura droit à 4’08’’ d’antenne. Gérard Araud à 5’25’’, Vincent Lemire à 4’56’’. Madame l’ambassadrice à 5’13’’. Vraiment 5’13’’? Voyons de plus près.

2.27.16_Ali Baddou : Madame l’ambassadrice, vous avez essayé de joindre votre mère au téléphone il y a quelques heures à peine, pour avoir des nouvelles de votre famille à Gaza. Sur ‘Twetter’ vous disiez que c’était un coup de fil qui ressemblait à des adieux pourquoi ?

Hala Abou-Hassira : Permettez-moi de dire que la situation actuelle, c’est Israel qui est entièrement et seul responsable de ce qui se passe de part la continuité de son occ…
(« … » signifie que la parole lui a été coupée)

AB : mais c’est la Hamas qui a attaqué

HAH : mais le peuple palestinien est sous attaque depuis 75 ans. Le peuple palestinien est sous occupation militaire depuis 56 ans cette année. Le peuple palestinien subit la négation totale de son droit inaliénable à l’autodétermination. C’est le peuple palestinien, que ce soit à Jérusalem-Est, que ce soit en Cisjordanie, que ce soit dans la bande de Gaza qui est sous attaques depuis 75 ans. Hier Israel a…

AB : On va parler de l’histoire, mais voilà, hier, hier c’est le Hamas qui a lancé une attaque d’une ampleur sans précédent

HAH : Israël a décidé de collectivement punir le peuple palestinien comme il fait toujours. Hier ils ont coupé l’électricité sur toute la bande de Gaza, pendant des heures personne n’a pu contacter sa famille ou ses bien-aimés, c’est la terreur. C’est le peuple palestinien dans son entièreté qui est pris en otage par Israël.

AB : Vous avez pu avoir des nouvelles de votre famille ?

HAH : heureusement oui, mais tout le monde, les deux millions d’habitants de Gaza ont passé une nuit de terreur. Nuit de terreur qu’ils ont l’habitude de passer chaque fois qu’Israël mène ses attaques, qu’Israël cherche des gains politiques ou pour satisfaire une alliance gouvernementale d’extrême droite ou de fachiste. L’actuel gouvernement israélien, le gouvernement fachiste d’Israël.

2.29.18_AB : on va y venir, le mot « fachiste », on va en débattre et beaucoup de choses à discuter. On va continuer le tour de table…

(…)

2.31.18_ AB : madame l’ambassadrice, vous ne condamnez pas l’attaque du Hamas contre Israël. Que ce soit simplement dit et clair !

HAH : pour que les choses soient très simples et claires, je condamne l’occupation, je condamne l’apartheid, je condamne les deux. 260 morts palestiniens personnes n’en parle ! Hier, juste hier, six Palestiniens ont été tués en Cisjordanie…

AB : on va en parler ! mais est-ce que vous condamnez l’attaque contre Israël.

HAH : je déplore, je déplore la perte de vie de chaque côté. La perte de vie et des Palestiniens et d’Israéliens…

AB : donc vous ne condamnez pas cette attaque-là

HAH : c’est pour cela, aujourd’hui c’est le moment de renverser cette crise en une opportunité d’engager une vraie dynamique politique pour mettre fin à l’occupation qui est la source des problèmes, la source de toutes ces tensions, la source de ces pertes de vie. Avec une communauté internationale extrêmement biaisée avec un double poids deux mesures. Il faut voir les vies des Palestiniens comme les vies des autres, comme les vies des Ukrainiens…

AB : bien sûr, mais on aura compris que vous ne condamniez pas cette attaque-là en particulier

HAH : je condamne la mort de toute vie innocente, bien sûr.

2.36.23_ AB : justement, Abou Hassira

HAH : merci (à Gérard Araud, ancien ambassadeur de France en Israël) de mentionner la population palestinienne. Ce qui est incroyable c’est qu’on ne parle pas des Palestiniens, des victimes palestiniennes…

AB : alors on le fait depuis ce matin sur Inter

HAH : …du point de vue palestinien ! on minimise ce qui…

AB : madame l’ambassadrice, vous êtes la représentante de l’Autorité palestinienne qui n’est en rien représentante de la bande de Gaza où domine le Hamas. Le Hamas on peut dire qu’elle (elle) a mené une attaque terroriste. La Cisjordanie c’est une autre histoire ! Est-ce que vous êtes solidaire du Hamas, c’est la question qu’on se pose aujourd’hui.

HAH : le peuple…

AB : vous ne représentez pas…

HAH : le peuple…

AB : tous les Palestiniens

HAH : le peuple palestinien dans son entièreté subit l’occupation. Dans la bande de Gaza c’est le siège le plus inhumain de nos temps modernes.

AB : pas de la même manière !

HAH : Hier Natanyahou a invité les Ghazaouis à quitter chez eux (quitter leurs domiciles). Pour aller où ? Pour aller où ? via quelle frontière ? C’est le blocus le plus inhumain imposé sur la bande de Gaza. Personne ne sait où aller à Gaza.

Gérard Araud : (blocus) imposé par l’Égypte.

HAH : par Israël

Gérard Araud : et l’Égypte.

HAH : la bande de gaza est un territoire palestinien occupé comme c’est le cas de la Cisjordanie, comme c’est le cas de Jérusalem-Est occupée. Ça fait des années, ça fait des années qu’on subit les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité d’Israël, et c’est le moment d’engager la responsabilité d’Israël devant le Cour de justice Internationale, devant la CPI…

AB : donc vous êtes solidaire avec le Hamas

HAH : je suis solidaire avec mon peuple. Je suis solidaire avec mon peuple qui subit une occupation, qui subit une attaque, qui subit la terreur ! la terreur au quotidien !

Marion L’Hour journaliste : est-ce que votre peuple dans un sens n’est pas aussi otage ou victime du Hamas ?

HAH : mon peuple est otage d’Israël

M.L. : pas du Hamas

HAH : mon peuple est sous occupation. Pourquoi vous insistez à détourner les choses sur (de) leur vrai sens ? Aujourd’hui c’est le moment, c’est le moment de se dire, ce moment pour mettre fin à la source, au mal le plus grand, et la paix travailler pour une vraie paix dans la région. Parce que la vraie paix ne viendra qu’avec la fin de l’occupation, qu’avec l’exercice du peuple palestinien de son droit à l’autodétermination. Il ne faut pas sélectionner. Il ne faut pas choisir les combats. Il ne faut pas mettre en priorité un peuple sur un autre…

AB : alors, on est loin de la paix,

HAH : on est très loin de la paix mais…

AB : pour le moment c’est la guerre

2.38.44_ HAH : c’est le moment de saisir pour faire la paix…

AB : messieurs, juste pour essayer de comprendre ce qui se passe sur place, est-ce que le Hamas aujourd’hui n’a pas pris le dessus sur le Fatah, sur l’Autorité palestinienne

Gérard Araud : excusez-moi, mais l’Autorité palestinienne ça fait depuis 2006 il n’y a jamais eu d’élection, l’Autorité palestinienne elle est totalement discréditée. S’il y avait des élections aujourd’hui, il est probable

HAH : les élections ont été empêchées par Israël

(…) questions des auditeurs… une seule…. de Philippe du Vaucluse :
« La situation actuelle n’incombe-t-elle pas à la Communauté internationale qui n’a pas ‘‘obligé’’ Israël à respecter les Accords de Camp David et d’Oslo? Et puis le Hamas a été soutenu par Israël tant qu’il lui permettait de combattre plus facilement l’OLP et de diviser… »

2.42.53_ l’auditeur est coupé par Ali Baddou « ce sont des questions compliquées »…

2.43.56 _ AB : madame l’ambassadrice, la Communauté internationale, heu, vous parliez de paix tout à l’heure. C’était étonnant de voir ce mot réapparaître dans ce contexte-là. Vous y croyez encore ?

HAH : bien sûr. Toujours, toujours. Parce que c’est la seule manière d’en finir avec ce qui se passe, avec l’injustice qui se passe aujourd’hui. Aujourd’hui est le résultat de l’impunité d’Israël par cette Communauté internationale, par ces démocraties européennes, ces démocraties occidentales qui donnent à Israël le droit à « l’autodéfense »…

AB : enfin, hier c’était quand même le Hamas qui a attaqué

HAH : à « l’autodéfense » qui est une licence à massacrer…

AB : attaqué Israël.

HAH : une licence à massacrer aujourd’hui le peuple palestinien…

AB : d’un mot parce qu’on arrive au terme

HAH : ce qui se passe aujourd’hui c’est l’échec du système des Nations Unies. Les Nations Unies qui…

AB : on a compris votre point de vue

HAH : les Nations Unies qui ont failli et échoué à rendre justice et à rendre Israël responsable, à la tenir aux Résolutions…

2.44.53_M.L. : Très rapidement, Vincent Lemire pour conclure…

VL : Oui la Communauté internationale a une responsabilité… il y a des choses qui bougent… la Cour pénale Internationale s’est saisie il y a quelques semaines de l’occupation en Cisjordanie qui est peut-être une annexion, et donc la question de l’Apartheid se pose….

2.45.35
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Ainsi vont les indignes.

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Marseille, dimanche 8 octobre 2023

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Monique Hervo est décédée

Je suis très peiné par la disparition de Monique Hervo,  ce lundi 20 mars 2023. Elle a tant donné aux Algériens, à la Révolution. Je l’apprends par un petit encadré dans le Quotidien d’Oran de ce matin. Monique Hervo mérite non pas un ridicule un espace de quelques lignes, mais des pages entières sur plusieurs jours et dans plusieurs journaux. Et des conférences et des films… Monique Hervo était la bonté, l’empathie et l’engagement personnifiés. (voir la vidéo en bas de l’article)

Monique Hervo a fait ce que sa conscience lui commandait de faire, au grand jour. Elle n’a jamais rien demandé. La nationalité algérienne lui a été attribué il y a cinq ans.

J’en ai fait un personnage dans mon dernier roman, « Le choc des ombres ». Voici quelques extraits :

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(…) « Quelques mois plus tard, en août, alors que son épouse s’apprêtait à accoucher, Kada s’alarmait, car avec ces choses-là il ne savait comment s’y prendre. Heureusement, une jeune bénévole du Service civil international, très dévouée fit le nécessaire pour qu’une sage-femme dont elle était proche se déplace jusqu’à leur taudis. Kada l’appelle « Madame Monique ». C’est une jeune femme élégante, de taille moyenne, à peine plus âgée que la sienne, quatre ans de plus. Ses cheveux noirs sont coupés court. C’est une dame au cœur aussi grand que ses convictions, autrement dit aussi grand qu’on y logerait la générosité du monde. Depuis quelques années, elle s’était engagée dans les chantiers de volontariat international après avoir été scout de France. Elle qui vécut une partie de son enfance dans un hôtel meublé du 18e arrondissement de Paris sait ce que signifie l’habitat précaire. Depuis le grand incendie du carré nord du bidonville, « à côté de la gare de triage », la bénévole passait des nuits entières avec des familles en détresse. La sage-femme ne connaissait pas le bidonville et risquait de perdre beaucoup de temps, c’est pourquoi « Madame Monique » se rendit sur le lieu des rendez-vous, au 127 rue de la Garenne chez Ali le gérant du café-hôtel, à La Folie, pour attendre son amie. « Le 127 » est une adresse connue par tous les Algériens de Nanterre. La plupart d’entre eux l’utilisent. Moins pour l’hébergement — l’affichette scotchée sur la porte indique souvent « coumpli » — que pour siroter un café ou un thé avec les amis en écoutant M’hamed El Anka, Slimane Azem, Farid El Atrache, Lina l’Oranaise, ou Fadéla Dziria. C’est aussi leur adresse postale. La sage-femme examina Khadra. Elle la rassura et lui certifia que l’accouchement était très proche. Depuis une semaine Monique se présentait tous les jours pour s’enquérir de la santé de Khadra, réduisant par conséquent ses interventions dans les autres bidonvilles. Le six août c’est en taxi que toutes les trois, Monique, la sage-femme et Khadra se rendirent à l’hôpital de Nanterre. C’était bien la première fois que Khadra quittait le bidonville sans son mari, ou même derrière lui. Monique resta à son chevet jusqu’à l’heure de clôture des visites. Le lendemain elle revint à la première heure autorisée. Messaoud naquit à l’aube du samedi sept, « à deux heures ». Monique se chargea d’enregistrer le nouveau-né, puis de régulariser leur mariage à l’état civil où on avait l’habitude de ce type de situation. Mais cela nécessita quelques semaines néanmoins. Ainsi, Messaoud naquit avant le mariage civil de ses parents. Il en fallut des papiers. (…)

Au cinéma, les Parisiens préfèrent les blondes comme Marilyn ou un Premier rendez-vous avec Danielle Darrieux. Les habitants du bidonville invitent souvent Monique à reprendre du thé et à rester un peu plus avec eux. À ses côtés ils sont rassurés, presque heureux de découvrir qu’il n’y a pas que de la haine qui est offerte à l’étonnement de leurs yeux. Monique Hervo transcrit au mieux qu’elle peut leur parole sur des feuilles blanches avec une plume trempée dans l’encrier bleu de Waterman qu’elle transporte toujours dans son gros cartable. Elle écrit à leurs familles restées au bled des lettres qu’ils lui dictent comme ils peuvent, avec une infinie précaution chargée de retenue et de respect. Elle écrit à l’administration, leur explique toutes sortes de démarches à entreprendre, comment utiliser les médicaments…

(…) Il prit peur et aussitôt se déprécia de se laisser gagner par cet état et les tremblements qui s’emparaient de ses jambes, mais c’était au-delà de ses forces. Il tenta de se ressaisir, fit demi-tour. La peur gagnait d’autres manifestants. Des enfants et des femmes couraient dans tous les sens et, de nouveau, Kada pensa à sa famille, à ses fils. Monique avait promis de passer à la maison, comme souvent les mardis, pour consacrer une heure de son temps — qu’il ne lui viendrait jamais à l’esprit de compter — au petit Messaoud pour qu’il apprenne à lire correctement et comprenne la leçon. Mais le matin il avait entendu dire que Monique avait la ferme intention de se joindre aux manifestants. Il la revoyait dans ses pensées. Il l’entendait : « Messaoud, retiens bien ceci, le mot qui dit ce que font les personnes, les animaux, ou les choses… » Kada ne savait plus, il ne retint pas la suite, « est un verbe, un verbe. » Il la voyait, penchée sur son enfant « lit Messaoud, lit : la fille rit. Le chat miaule. Le train roule. » Et Messaoud reprenait les phrases écrites sur son premier livre de grammaire française, à la lueur de la bougie, en faisant glisser son doigt le long des jambages et traverses des lettres, et il répétait encore à la demande de Monique : « la fille rit… » Kada sourit à cette pensée. Comment son fils, qui n’a que sept ans, pouvait saisir ce que lui-même ne comprend pas ? Des policiers, groupés, chargèrent de plus belle : « ratons ! », « fellouzes ! », « crouillats ! » La présence des Français musulmans d’Algérie dans les rues est perçue comme un défi, comme la violation du couvre-feu instauré pour eux seuls, dès 20 h 30.

(…) Lorsqu’au printemps 1962 Kada apprit qu’on lui avait attribué un logement, il ne sut comment exprimer sa gratitude à Monique, car sans son aide il n’est pas sûr qu’il aurait bénéficié de quoi que ce fut. S’il fallait aux autorités montrer leur fermeté à l’encontre du FLN, il leur fallait également montrer qu’elles prenaient en considération les revendications du puissant parti communiste et des nombreuses associations qui ne cessent depuis des années d’attirer leur attention sur l’insoutenable quotidien des familles dans les bidonvilles autour de Paris. Le premier week-end de septembre, Kada emménagea dans un logement de la Cité des grands prés. Plusieurs officiels étaient là, ainsi que des agents de l’ordre public. Kada était content de quitter La Folie et plus content encore que Monique fut présente. « Si je suis arrivé là, c’est grâce à toi Monique » lui dit-il, « tu restes manger le couscous ». D’autres familles bénéficièrent de logements identiques. La cité de transit est constituée d’un ensemble de baraquements individuels de même forme, de même surface, semblables dans la couleur, alignés comme les soldats d’une armée alpine. Depuis que Khadra l’avait rejoint, Kada rêvait, la nuit comme le jour, d’un abri décent et ils en discutaient souvent. (…)

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DANIEL DEFERT

(Une vidéo en fin d’article)

Je viens d’apprendre la disparition de Daniel Defert (le 7 février à 85 ans – il est né le 10/09/1937). Il a été un de mes enseignants de sociologie à l’université de Vincennes dans les années 70, (Vincennes cette grande ‘‘usine’’ de conscientisation !) Il a été un des plus attachants profs, un de ceux qui m’ont encouragé à poursuivre les études. Ce que j’ai fait. Il était alors membre du GIP, Groupe d’information sur les prisons qu’il venait de monter depuis peu, notamment avec son ami Michel Foucault. (Je me souviens d’un autre prof, Christian Wekerlé, qui était lui aussi membre du GIP, qui enregistrait systématiquement ses cours pour en faire bénéficier les personnes emprisonnées.) À la suite de la disparition de Michel Foucault, Daniel Defert a fondé l’association AIDES (acronyme de Acquired Immune Deficiency Syndrome).

L’enregistrement qui suit est un extrait d’un cours ou Unité de Valeurs « Sécurité et responsabilité dans l’entreprise » de Daniel Defert à Vincennes, que j’ai enregistré (mercredi 03 mai 1978). J’enregistrais les cours et les réécoutais et vérifiais mes notes…

Vincennes a vu passer en son sein d’autres hommes et des femmes de grande envergure dont (pour quelques-uns) j’ai suivi les cours à l’exemple de Michel Foucault, Hélène Cixous, Jean François Lyotard, Étienne Balibar, Jaques Rancière, François Châtelet, Alain Badiou, Gilles Deleuze, Madeleine Rébérioux, Guy Hockenghem, Maria Antonietta Macciocchi, Henri Weber, Robert Castel, Denis Guedj …. Et beaucoup d’enseignants étrangers (Amérique latine, Maghreb…)

Samedi 11 février 2023

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BONNE ET HEUREUSE ANNÉE 2023 !

Il est difficile en ces temps moroses, en ces temps de crises sanitaires, économiques, du politique, de revirement, de lâcheté, il est difficile en ces temps de retournement de vestes, en ces temps de retour vers des solutions que des millions de peuples à travers le monde ont définitivement rejeté dans les poubelles de l’Histoire après les avoir vécues dans leurs chairs. Le faire d’une minorité à travaux forcés sans égard pour l’écrasante majorité sommée de se terrer. Mais la nécessité exige de nous de garder vivants nos vœux, de les essaimer. Ils sont notre utopie aujourd’hui, ils seront notre réalité demain ou après-demain.

Voici les miens à travers cette vidéo. La musique tout le long de la vidéo est les célèbres concertos  « Les Quatre saisons » d’Antonio Vivaldi (1723). 

 Je vous dis donc BONNE ANNÉE 2023 et à bientôt n’challah. LIBERTÉ POUR TOUS LES DÉTENUS D’OPINION.

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SOS Méditerranée, « Ocean Viking »…

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Pendant que la France nauséeuse hurlait « Retourne en Afrique ! » (au sein même de l’Assemblée Nationale) à l’endroit de Carlos Martens Bilongo, député noir de La France Insoumise, ce 3 novembre 2022, l’autre France, généreuse et porteuse d’honneur, secourait en mer des centaines d’Africains en détresse, au plus près de la mort, ou applaudissait ce secours de SOS Méditerranée avec le navire affrété Ocean Viking. Cette France généreuse est majoritaire. Elle fait honneur à la dignité humaine, à la fraternité des hommes.

Dans le cadre des Rencontres d’Averroès ((17-20 nov 2022) à Marseille, une soirée intitulée « Musique, chansons et lectures de textes » été dédiée à cette association. Des dizaines d’artistes et d’écrivains se sont mobilisés auprès de SOS Méditerranée : Abd Al Malik, Marie Darrieusecq, Laurent gaudé, Marie Ndiaye…et un texte intéressant de Kamel Daoud sur le mur érigé par les autorités à Aïn el Turk (Oran). J’y reviendrai. Nous étions plus de deux cents personnes environ à y assister.

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« UNE NOUVELLE HISTOIRE DE LA GAUCHE COMMENCE » J-L Mélenchon

PAR MICHEL SOUDAIS ET ANTONIN AMADO

POLITIS _

Publié le 13 juillet 2022

À l’issue d’une séquence électorale atypique, Jean-Luc Mélenchon tire le bilan de la recomposition des forces et trace des perspectives pour les combats à venir.

Jean-Luc Mélenchon : « Une nouvelle histoire de la gauche commence »

Alors que les quelque 150 députés de la Nupes mènent bataille au Palais-Bourbon, le leader des insoumis estime que la relève est assurée. S’il souhaite désormais mener le combat politique dans le champ des idées, il envisage l’avenir politique de la gauche avec enthousiasme. Un optimisme assombri par la convergence de la droite et de l’extrême droite ainsi que par la radicalisation de la société résultant des urgences écologiques et sociales.

Après une élection présidentielle et des législatives atypiques, en quoi le paysage politique du pays a-t-il profondément changé ?

Jean-Luc Mélenchon : C’est une saison entièrement nouvelle de l’histoire de la gauche qui commence. Du point de vue des idées, nous inversons la donne du cycle commencé en 2005. Le peuple français refusait alors de constitutionnaliser un régime économique dont les principales règles sont la concurrence libre et non faussée, le libre-échange, le refus de l’harmonisation sociale et fiscale. Mais la sphère institutionnelle répond par un viol de la souveraineté du peuple : l’ordolibéralisme est devenu la loi suprême.

Jusqu’au 10 avril, la question était de savoir si la gauche pouvait continuer à promettre des avantages tirés du système néolibéral, ou si la prolongation du grand projet humain de la Libération – une société de mieux-être et d’égalité – passe par une rupture. Ce qui se jouait, c’était l’existence même d’une gauche politique.

Il y avait beaucoup plus de ruptures en 1981 que ce que proposait votre programme…

Je l’ai dit moi-même plusieurs fois sans qu’on m’entende. Nos ennemis avaient besoin de nous diaboliser pour nous contenir. Ce qui a été le facteur déclenchant de la décomposition de la gauche traditionnelle, c’est son incapacité absolue à comprendre pourquoi la crise écologique mettait la civilisation humaine au pied du mur du capitalisme : comment est-elle organisée, qu’est-ce qu’elle produit, dans quelle finalité et avec quels objectifs ? Si bien que, le 10 avril, cette période se solde par l’effondrement de la gauche traditionnelle et l’option préférentielle pour la gauche de rupture.

Cette gauche de rupture dont vous parlez est-elle une gauche de transformation écologique et sociale ou son projet est-il plus radical ?

Son contenu et son analyse sont plus radicaux. Car le capitalisme est devenu un système qui ne fait plus de compromis. Le capitalisme financier de notre temps va au bout de cela : il pille sans limite et se nourrit aussi des dégâts qu’il provoque. Et il doit détruire la démocratie parce qu’il ne veut d’aucune régulation, or la source de celle-ci, c’est la loi et donc le citoyen qui la fait voter. Face à une forme extrêmement radicalisée du capitalisme, nous avons besoin d’une stratégie claire de rupture avec le système qui épuise et détruit l’homme et la nature. Il a fallu aussi construire une force indépendante pour lutter contre l’hégémonie d’une gauche qui n’était même plus de transformation sociale, mais juste un accompagnement enthousiaste du système. Le paroxysme a été atteint sous François Hollande. En déclarant, dans une conférence de presse, que c’est l’offre qui crée la demande, il a rayé d’un trait de plume un siècle et demi de combats de gauche qui partaient des besoins humains.

Ce qui se jouait, c’était l’existence même d’une gauche politique.

Le 10 avril, le choix pour la gauche de rupture que j’incarnais avec le programme L’Avenir en commun répétait celui de 2017. Mais, il y a cinq ans, la gauche traditionnelle a pensé que c’était un accident de l’histoire, lié soit à mon habileté à faire campagne, soit au fait que Benoît Hamon n’aurait pas fait une campagne assez centriste. Il aura fallu le deuxième coup, moi à 22 % et tous les autres à moins de 5 %, pour clarifier les choses.

Quand j’ai proposé en 2018 de constituer une fédération populaire, à deux reprises il m’a été répondu qu’on ne pouvait réaliser l’union qu’autour du centre gauche, que toute autre formule était vouée à l’échec. Encore aujourd’hui, on continue à me demander si j’ai l’intention de rester radical alors qu’il faudrait s’élargir. Comme si la radicalité venait d’ailleurs que du contexte !

Dans la campagne, j’avais dit que, si j’arrivais au second tour, je proposerais à tout le monde de se rassembler. Nous étions intellectuellement prêts à l’idée que, si on passait en tête, la signification serait que la gauche se réorganiserait tout entière autour de l’axe de la rupture. La plus grosse incertitude était de savoir s’il y avait intérêt à discuter avec les socialistes qui nous avaient si grossièrement éconduits les deux autres fois et toujours rejetés par le peuple.

Vous avez hésité…

Tout à fait. Des messages sont passés. Le risque n’était pas pour eux, ils étaient déjà à 1,75 %. Pour nous, il était énorme parce que nous incarnons deux courants politiques : celui très revendicatif des milieux populaires déshérités que nous surreprésentons et celui des classes moyennes en voie de déclassement. Le risque était que nos électeurs pensent que nous étions en train de faire de la tambouille avec le PS. L’autre risque était que le PS nous enferme dans une discussion sans fin qui nous ridiculise. Pour en avoir le cœur net – la discussion avait commencé avec les Verts sans aucune difficulté –, j’ai rencontré Olivier Faure. Il m’a convaincu qu’il avait compris le moment nouveau. À partir de là, les choses deviennent simples. L’accord électoral est forcément un accord de premier tour, sinon le Front national submergerait la scène. C’est la raison des candidatures communes, ce qu’on n’avait jamais fait dans toute l’histoire de la gauche.

Pour appliquer la ligne de rupture, nous avons mordicus refusé que l’on se contente d’une plateforme en 15 points. Notre programme de plus de 600 points marque où en est la gauche. Notre méthode a été celle de la déconstruction des désaccords pour en vérifier le contenu et de la reconstruction sur une radicalité concrète et faisable. C’est ainsi que nous avons réglé avec une extrême facilité la question de l’Europe alors que tout le monde nous disait que ce serait le piège dont personne ne ressortirait uni.

Après des années de discussion stérile, l’union de la gauche s’est constituée de manière incroyablement rapide. Pourquoi maintenant et pas en 2017 ?

En douze jours ! La raison centrale, c’est qu’ils ont pu mesurer cette fois-ci que la disparition pure et simple les attendait s’ils continuaient sur le refus d’une ligne de rupture.

C’est une question de survie pour eux ?

Oui, sans doute, mais il ne faut pas non plus mépriser les socialistes. Quand vous adhérez au PS, même si vous êtes très modéré, c’est quand même pour changer la société. Les bases socialistes sont très largement acquises à l’idée de combattre la racine des injustices sociales et du saccage environnemental. À présent, leurs dirigeants savent que la ligne d’accompagnement ne mène nulle part.

Il n’y a qu’en France que l’on voit un gouvernement défait aux législatives se maintenir.

Aux législatives, nous avions le choix entre une stratégie pour nous renforcer seuls et minoritaires, ou une stratégie capable de victoire. Le contexte était bon à la sortie de l’élection présidentielle, avec trois blocs à peu près de taille égale, mais nous entrons dans une autre élection que celle uninominale à un tour… la présidentielle.

C’est intéressant que vous le disiez comme ça.

Parce que c’est la vérité, celui qui arrive au deuxième tour bat Le Pen, et voilà… Là, nous partions du constat qu’il y avait un quatrième bloc en enjeu : les abstentionnistes. Notre raisonnement est assez classique : le plus uni et le plus fort entraîne ceux qui hésitent. Or, les blocs conservateur et d’extrême droite sont divisés, l’un entre Macron et LR, l’autre entre Le Pen et Zemmour. En nous unissant, nous pensions passer en tête dans un nombre extrêmement important de circonscriptions.

À la sortie du premier tour, le 12 juin, nous étions carrément en tête dans le pays ! La stratégie était donc juste. Depuis, beaucoup ont oublié que Macron a été battu. Il n’y a qu’en France que l’on voit un gouvernement défait aux législatives se maintenir. La culture démocratique y est tellement érodée que, le jour du discours de politique générale, une majorité de chaînes d’info discutait le style, le comportement, et passait à côté de l’événement historique en train de se produire : un gouvernement qui ne demande même pas la confiance et nous annonce qu’il veut bricoler avec l’Assemblée. N’importe quel analyste politique sait que cette situation appelle la censure. Pourtant c’est elle qui fut considérée par les commentateurs comme un facteur de désordre.

La Nupes est-elle durable ? À quelles conditions ? À l’Assemblée, un intergroupe s’est constitué mais, en dehors de cette institution, quel mode de liaison entre les partis qui la composent ?

Commençons par saluer le résultat : on nous a dit : « le lendemain du vote, ce sera fini ». Eh bien, cela continue ! Quand nous arrivons à l’Assemblée, j’ai proposé que l’on forme un seul groupe pour marquer le paysage. Ce n’était pas prévu, mais ce qui n’était pas prévu non plus, ce sont les 89 députés du Front national. Je me disais qu’en s’affichant à 150 contre 89, on réglait la question. C’était trop pour beaucoup.

Si vous aviez fait cette annonce il y a encore quelques mois, ça aurait été l’hallali. Là, on a vu des refus polis formulés de manière extrêmement calme…

J’ai même trouvé que c’était amical. Si ça s’est passé comme cela, c’est que tous avaient l’intention de continuer à travailler ensemble sans envie qu’un incident l’empêche. La preuve : nous sommes vite arrivés à un accord général pour présenter des candidats communs aux postes de l’Assemblée. Il faut voir ce que représente un tel accord entre des groupes qui s’étaient ignorés dans la mandature précédente. Deuxième chose totalement inattendue, mais bien travaillée par Mathilde Panot et Manuel Bompard, c’est la proposition d’appeler tous nos groupes Nupes. On l’a fait, donc les Verts aussi, le PS pareil et, par effet de domino, le groupe GDR [communiste, NDLR] également, à l’issue d’un vote interne où Fabien Roussel a été battu.

Le sort des élections se joue dans la conjonction des classes populaires et des classes moyennes.

Ensuite tous étaient d’accord pour la censure et l’on a pu mesurer, après le discours de politique générale d’Élisabeth Borne, combien les orateurs étaient convergents et manifestaient une même radicalité sous des formes évidemment différentes. C’est un début.

À chaque étape se poseront des questions. Au sein de l’intergroupe, Olivier Faure est extrêmement actif dans l’effort de liant. C’est un peu lui qui a poussé tout le monde à se réunir toutes les semaines.

Il existe aussi une structure moins connue de coordination des organisations de la Nupes qui se tient le lundi. J’y participe désormais. Il y a une grande différence dans les rythmes de fonctionnement de chacun. Il faut qu’on arrive à s’accorder pour ne pas gripper le système.

Quel va être le rôle de cette structure ?

Elle est essentielle et va devenir l’un des lieux centraux de la vie politique du pays. Pourquoi ? Premièrement parce que nous avons repris pied dans les cités populaires. Nous sommes le premier parti des pauvres, des chômeurs et des précaires : dans les 10 % des villes les plus démunies, 80 % des députés sont Nupes. Dans les quartiers populaires, où l’abstention est très forte, nous sommes hégémoniques avec des scores de 70 à 80 %. Bien sûr, nous rencontrons des limites, mais les zones qui avaient largement déserté le vote de gauche se reconstruisent autour de la Nupes. Y compris dans des zones périurbaines et rurales. La vallée de la mécanique dans l’Aveyron, terre perdue par la gauche traditionnelle, a élu un ouvrier LFI cégétiste. En Haute-Vienne, où la gauche avait perdu Limoges, les trois députés sont Nupes, dont un insoumis.

Deuxièmement, il existe un phénomène psychologico-politique essentiel : la classe moyenne et moyenne supérieure change de camp. Après avoir été longtemps majoritairement socialiste ou centriste, puis idéologiquement persuadée qu’elle trouverait son compte dans le système, elle bascule. C’est décisif parce que le sort des élections se joue dans la conjonction des classes populaires et des classes moyennes. La Nupes va devenir le seul lieu uni pour l’action populaire. La marche contre la vie chère à la rentrée va le montrer.

À quoi attribuez-vous ce reflux des classes moyennes ?

À l’impasse sociale et à la situation écologique. Cette dernière travaille les classes moyennes par les enfants. Beaucoup de parents trient déjà les déchets à la maison, font très attention à ce qu’ils mangent… Ce n’est donc pas une classe sociale acculturée sur le sujet. Mais sa jeune génération, celle pour laquelle elle a fait le plus de sacrifices, jette l’éponge. Ce sont les étudiants d’AgroParisTech qui disent « votre agriculture ne nous intéresse pas » ; les élèves ingénieurs de l’aéronautique qui disent « faire des avions, ça ne nous intéresse plus ». On parle de la « fin de l’ambition » et de la « grande démission ». Ces deux phénomènes vont de pair. Ils ont connu un effet d’accélérateur avec le covid. En renvoyant les gens à la maison, il les a fait s’interroger sur le sens de leur existence. Des centaines de milliers de personnes ne s’étaient jamais posé la question de savoir pourquoi elles se tapaient des heures de transport tous les jours, pourquoi elles ramenaient tous les samedis à la maison leur ordinateur sous le bras pour continuer à travailler. Tout cela a brisé l’hégémonie de l’imaginaire néolibéral. Nous voilà confrontés à des problèmes qui frappent de plein fouet l’élémentaire de l’espèce humaine : la santé, l’éducation, l’accès à l’eau. Et donc, qu’est-ce qu’on fait ? Comment on s’en sort ?

Par ces cheminements intellectuels, la radicalisation de la société va se poursuivre. Et puis l’espace spécifique de la gauche unie facilite le regroupement du milieu social qu’elle veut représenter. Avec la Nupes, il est beaucoup plus facile pour les syndicats d’opérer la jonction avec la gauche politique. La violence des confrontations entre gauche de rupture et gauche d’accompagnement pouvait menacer la vie même des sections syndicales. Le fait qu’il y ait un état-major politique uni est tout à fait essentiel, même s’il n’a pas encore pleinement conscience du rôle qu’il peut jouer.

Lire la suite de cet entretien > « Je lutterai jusqu’à mon dernier souffle. »

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Jean-Luc Mélenchon : « Je lutterai jusqu’à mon dernier souffle. »

S’il se met en retrait, le leader de la France insoumise n’est pas en retraite. Il le dit lui-même dans cette deuxième partie du long entretien qu’il nous a accordé.

Après être revenu sur la séquence électorale atypique qui a conduit à l’union de la gauche sous la forme de la Nupes, le leader de la France insoumise a répondu sans détours à nos questions : sur la place faite aux représentants des quartiers populaires, la réception du discours de l’Union populaire dans les zones rurales et péri-urbaines – une « discussion ouverte » par François Ruffin et non une divergence, assure-t-il –, la fin du front républicain face au RN, ses propos sur la police, la crise économique qui s’annonce et la bataille contre le réchauffement climatique. Nous l’aurions bien encore interrogé sur quelques autres sujets, mais le temps manquait alors que nous avions déjà échangé près de deux heures.

Plusieurs collectifs de quartiers populaires comme « On s’en mêle » ont pris publiquement position pour vous avant le premier tour. Mais ils sont nombreux à déclarer avoir été déçus de la place qui leur a été réservée aux législatives. Que leur répondez-vous ?

Jean-Luc Mélenchon : Je comprends parfaitement que, d’un balcon ou d’un autre, le paysage ne soit pas le même. Dans le cas des quartiers populaires, pour ce qui concerne La France insoumise, nous avons mené le travail comme jamais. Ce n’est pas juste de nous jeter la pierre quand dans l’ensemble de nos circonscriptions, une trentaine de candidats, dont nombre de figures symboliques, avaient une adresse dans une cité populaire. S’il y a un mouvement populaire, c’est bien le nôtre.

La politique dans les quartiers est divers aussi ; il y a différentes orientations et, comme dans le reste de la société, elles sont en compétition les unes avec les autres. Certains qui ne sont pas forcément d’accord avec ceux qui ont intégré les bancs de l’Assemblée nationale auraient préféré que ce soient eux.

Il n’y a pas que l’adresse. Des personnes issues de la diversité ne sont pas représentées à l’Assemblée nationale…

Je laisse aux observateurs le soin de voir qui était candidat, dans quelles conditions, et combien il y a de députés insoumis – je ne peux pas parler pour les autres – qui sont l’émanation directe des cités et de ce que vous appelez la « diversité de la France ». Je ne vais pas dresser la liste. Je ne fais pas de tri, moi. Et je demande aux gens de regarder si ça leur paraît représenter ou non la France. C’est ausi une bonne chose qu’il y ait une ouvrière agricole dans le groupe insoumis – elle n’habite pas dans une cité mais dans une ferme –, qu’un ouvrier de la vallée de la mine habite dans une cité en train de s’enfoncer dans le sol.

Mais quoi que l’on fasse, ce n’est pas bien. C’est presque décourageant. Est-ce que quelqu’un a l’intention de fixer une proportion ethnique dans les groupes ? Bien sûr que non. Donc la question est mal posée. Les cités populaires ont été représentées dans toute la France. Dans certaines, on a gagné ; dans d’autres, on a perdu.

Je suis fatigué de la jérémiade permanente et d’une forme d’ethnicisation de l’arrivisme. On pourrait dire : « waouh, vous avez fait le plus beau groupe socialement divers depuis quarante ans. » Même en 1981, il n’y avait pas une telle diversité sociale. Quel autre groupe est à ce point représentatif des plus pauvres ? C’était déjà le cas en 2017 quand Jean-Hugues Ratenon, le président de l’Alliance des Réunionnais contre la pauvreté – il vivait avec le RSA – a été élu. Personne au RSA n’avait été élu avant lui. C’était aussi le cas pour Caroline Fiat, aide-soignante, Adrien Quatennens, qui travaillait pour une plateforme téléphonique. Ces deux-là ont fait des émules : des tas de gens se sont dit « moi aussi je peux ».

Y compris dans des échelons plus locaux de la démocratie…

La preuve est faite que tout le monde peut être élu. Quand on a présenté, à Marseille, en face d’un cacique du FN un dirigeant incontesté des luttes populaires des cités, Mohamed Bensaada, il perd parce que les LREM n’ont pas voté pour lui. On voit que le sujet était politique, pas ethnique. Bien sûr, les discriminations existent et se superposent, mais l’entrée en scène politique de la France créolisée est faite. C’est fini, vous ne pouvez plus revenir là-dessus. Idir Boumertit était adjoint de la maire de Vénissieux, il est maintenant député du Rhône.

François Ruffin affirme que vous avez ranimé la gauche, et il estime que le discours de l’Union populaire a permis de séduire le cœur des grandes villes et les quartiers populaires. Mais qu’il reste clivant dans les zones rurales et périurbaines, où le RN réalise ses meilleurs scores. Partagez-vous son constat ?

Je n’ai pas de divergence avec François Ruffin lorsqu’il ouvre des discussions. Et c’est ce qu’il fait. Sur le fond, il n’est pas vrai que les territoires périphériques et ruraux aient massivement voté RN. Je ne dis pas cela pour contredire François, car il existe une part de vérité dans son discours, et particulièrement dans la Somme, où il a été seul élu Nupes. On peut aussi ajouter l’Aisne et de l’Oise, dans lesquels la situation est semblable. Mais l’être humain n’est réductible ni à son socle géographique ni à son origine sociale. Il n’est pas vrai de dire que l’ouvrier, le jour où on lui aura révélé la condition réelle de son exploitation par le capitalisme, verra surgir en lui comme par illumination la conscience révolutionnaire. Les êtres humains sont composés de réalités sociales, géographiques, politiques et culturelles.

La droite commet l’erreur de croire qu’elle finira par gagner les voix du RN.

Exemple, mon copain ouvrier à la « Peuj » du côté de Montbéliard. Il affirmait qu’il ne voterait jamais le programme commun de la gauche. Il était pourtant d’accord avec. Mais, me disait-il, « je suis catholique, je ne vote pas pour des athées qui veulent nous empêcher de croire ». Cet homme était surdéterminé par ce qui lui paraissait important, sa foi religieuse. Ça compte et nous n’avons pas le droit de l’ignorer. Ensuite, quand vous regardez les implantations culturelles les plus anciennes de la réaction, vous mettez au jour des schémas très anciens. Partout en Vendée la gauche est minoritaire, sauf dans les villes créées par Napoléon. La carte électorale, là comme ailleurs, n’a pas évolué depuis deux siècles. Ailleurs aussi, des terres de révolte sont de gauche, depuis un ou deux siècles parfois. Mais sur l’ensemble des terrains, nous reprenons pied. Nous devons toujours analyser les conditions politiques de la formation des consciences. Et la meilleure preuve de cela, c’est justement la Somme. Là où François a mené campagne très intensément, il y a remporté une brillante victoire alors que nous ne sommes qu’à la troisième place dans sa circonscription à la présidentielle. Nous ne butons pas sur la géographie. Mais bien sur l’état différent des consciences face aux problèmes sociaux communs. L’explosion sociale et la destruction de la civilisation précédente ont provoqué un tel désarroi qu’à la fin, dans des zones entières et faute de combattants, les gens finissent par se tourner vers l’extrême droite.

Lorsque vous utilisez le terme « faute de combattants », qui critiquez-vous ?

D’abord les organisations de gauche traditionnelle et leurs élus locaux qui n’ont pas mené efficacement leur mission. Il fallait aller au-devant des gens, les aider à porter leurs revendications, les éduquer politiquement. Les gens, n’ayant plus face à eux des personnes capables de les éclairer sur les luttes à mener, ne pouvant s’informer que devant les chaînes d’information en continu, se tournent naturellement vers ceux vers qui les orientent le système.

Les électeurs du RN sont sensibles aux questions régaliennes, et particulièrement à celles touchant à la sécurité. Avez-vous prévu de travailler davantage ce type de sujets en vue des prochaines élections ?

Mais nous avons un discours très complet sur le sujet de la sécurité. Nous avons le meilleur spécialiste des questions de police avec le député Ugo Bernalicis. Nous avons organisé un colloque, publié une brochure, nous nous sommes expliqués cent fois sur ce sujet… Mais comment résister à un discours martelé un million de fois et qui se résume à dire que nous n’aimons pas la police ? Quand je dis « la police tue », ça choque. Et une môme de 21 ans qui se prend une balle dans la tête, ça choque qui dans ce pays, à part nous ? Je n’en peux plus de la brutalisation du matin au soir, de la mort des gens de couleur, des jeunes qui subissent sans cesse les contrôles au faciès. Que réclamons-nous ? Simplement que les policiers soient formés correctement, car ils sont ignorants de bien des situations qu’ils ont pourtant à gérer. Et leurs syndicats tiennent des discours factieux. Alors, non ! Nous n’avons pas à amender notre discours. La seule chose à dire est la suivante : nous voulons une police républicaine composée de gardiens de la paix. Nous ne sommes pas d’accord pour qu’ils soient armés en manif, ni qu’ils mutilent des gens ou leur tirent dessus pour refus d’obtempérer. Si nous mettons le doigt dans l’engrenage, alors nous finirons par manifester avec des organisations de policiers d’extrême droite pour dire que le problème de la sécurité, ce sont les juges.

Dans les colonnes de Politis, le sociologue Bruno Amable avait été visionnaire puisqu’il avait prévu une alliance du bloc bourgeois allant de LREM au RN. La vitesse de l’effondrement du front républicain vous surprend-elle ?

Le front républicain a toujours été frappé du sceau de l’hypocrisie. Car si le FN est un danger pour la République et la stabilité de ses institutions, il faut l’interdire. Pour mémoire, j’avais signé la pétition lancée par Charlie Hebdo en 1996 réclamant cette interdiction. Mais il est très vite apparu que le RN est l’assurance-vie du système. La colère étant captée par l’extrême droite au premier tour, il ne reste au second que le candidat du système pour empêcher la peste brune. Cette posture est désormais intenable. Et c’est moi qui ai contribué à y mettre fin en 2017 dans l’entre-deux-tours de la présidentielle. Si j’avais appelé à voter Macron, ce que nous avions accompli aurait volé en éclats. Et puis le temps des consignes de vote était révolu. Nous avions demandé que pas une voix ne se porte sur Marine Le Pen. Et l’on s’est aperçu que si des votes insoumis se sont reportés sur elle, c’est de manière très marginale.

L’ordre géopolitique va basculer en même temps que l’ordre climatique.

Cinq ans plus tard, nos adversaires politiques ne se sont pas astreints à la même règle à notre égard. Cela ne m’a pas surpris, car depuis cinq ans nous avons vu se construire une tentative de créer un ample « centre » opposé aux « extrêmes ». Et dans une certaine mesure, cette stratégie a fonctionné. Nous avons perdu 40 duels avec le RN parce que les LREM se sont abstenus ou sont allés voter blanc. Mais le centre de gravité de la droite se déplace vers l’extrême droite. La porosité existe désormais dans les urnes sous la forme de l’abstention, du bulletin nul ou du report. La première étape, c’est « plutôt Hitler que le Front populaire ». La seconde, à laquelle nous sommes en train d’assister, c’est la jonction des droites.

La droite commet l’erreur de croire que, parce qu’elle serait attentive aux névroses des électeurs du RN, elle finira par gagner leurs voix. Et cela passe par des clins d’œil insupportables, telle cette interview du président de la République dans L’Express en décembre 2020, dans laquelle il affirme que Pétain était tout de même un grand stratège militaire et que Charles Maurras demeurait un grand écrivain. Non. Maurras comme Pétain sont des traîtres à la patrie, deux antisémites meurtriers, par ailleurs dépourvus de talents stratégiques et littéraires. Et un Président ne peut s’exprimer ainsi.

Le destin de LREM, de LR et du RN est de se regrouper sous la houlette de Le Pen. Cela se passera de la manière suivante : l’Assemblée nationale va devenir la casserole dans laquelle ils vont mettre à cuire leur soupe. Lorsque le gouvernement affirme qu’il travaillera à des majorités de projets, il sait parfaitement que cela ne fonctionnera pas avec nous. Ils présenteront donc des textes sur lesquels LR fera de la surenchère pour tenter de grignoter des parts à l’extrême droite. Ce qui fait du RN le maître du jeu de la recomposition de la droite. Mme Le Pen n’a jamais eu un autre projet que celui de M. Zemmour, qui n’a cessé d’appeler à la jonction de la droite et de l’extrême droite. Ce n’est pas une surprise pour moi. Dès 2012, j’avais affirmé sur France 2 que, face à la crise, cela se finirait entre le RN et nous.

Une crise économique de très grande ampleur est en train de se former sous nos yeux. Ses racines nous ramènent évidemment en 2007 et à la crise des dettes souveraines, elle-même issue de celle des crédits hypothécaires…

La situation s’est-elle améliorée depuis 2007 ? Le rapport entre la production de la masse d’objets marchandables et la masse monétaire en circulation s’est-il ajusté ? Non. Pire à présent, depuis 2008, tous les banquiers centraux émettent de la monnaie et rachètent à tour de bras de la dette publique mais aussi de la dette privée. Mais il n’y a ni hausse ni de la production ni des salaires. Le décrochage entre les bulles que je viens de décrire et l’économie réelle reste entier. Ce hiatus n’est plus tenable et explosera nécessairement. Mais d’autres facteurs aggravent encore la situation.

Le covid-19 a disloqué les chaînes longues d’approvisionnement et de production. Elles ne se sont depuis jamais complètement rétablies, ce qui explique des pénuries sur des matières premières comme le bois et le fer. Les hausses de prix liées à ces pénuries sont par ailleurs aggravées par des mécanismes spéculatifs qui anticipent des hausses, sur le blé par exemple. Ce système économique ne peut qu’imploser. La guerre froide engagée sous la direction des Etats-Unis d’Amérique contre la Chine, atelier du monde, ne peut pas être gagnée autrement que par la force. Mais tout recours à la force est un facteur aggravant des déséquilibres du système globalisé. Et la guerre, qui est redevenue une possibilité, est l’un des moyens traditionnels de règlement des crises du capitalisme.

Le sujet de la dette avait été relégué depuis mars 2020 et l’apparition de la pandémie. Il fait son grand retour dans le discours des responsables politiques…

Il y a plusieurs manières de régler le problème de la masse de la dette. D’abord, la payer. C’est impensable aujourd’hui. Il y a ensuite celle de l’inflation qui la dévore. Puis la banqueroute et enfin la guerre. Alors que je réclamais que notre dette publique devienne perpétuelle, Bruno Le Maire m’a un jour répondu avec beaucoup de franchise : « Mais, Monsieur Mélenchon, c’est déjà le cas. Nous ne remboursons jamais. Nous ne faisons qu’emprunter pour rembourser nos créances plus anciennes. » La dette est donc devenue un système de rente, autour duquel toute la société est organisée pour le seul profit de quelques-uns.

Après Hollande et Macron, la cause environnementale a particulièrement souffert. Cette bataille est-elle déjà perdue ?

J’appartiens à l’école des pessimistes. J’entends le discours des optimistes quand ils disent qu’il est encore temps de réparer et qui insistent pour que d’autres seuils de dégradation ne soient pas franchis. Mais je doute que ce soit possible, compte tenu de la force d’inertie de phénomènes irréversibles, et en premier lieu le réchauffement climatique. Une toute nouvelle organisation du climat et la dévastation du vivant vont créer des conditions entièrement nouvelles d’existence, y compris pour des sociétés qui ont dominé le monde au cours du siècle passé. L’ordre géopolitique va basculer en même temps que l’ordre climatique. Cette mise au pied du mur va nous confronter à la question de l’ordre social et écologique. Cette nouvelle forme d’organisation de la société et le discours qui va avec restent à construire.

Vous n’êtes plus député, mais vous conservez une forte influence sur votre mouvement et plus largement sur la gauche. Quel rôle comptez-vous jouer dans les mois à venir ?

Une certaine mise en retrait sans retraite. Je vais agir dans la bataille culturelle. Sans doute avec la fondation « La Boétie », qui est missionnée par la France Insoumise. J’aimerai ancrer le mouvement insoumis dans sa racine philosophique fondamentale, l’humanisme politique radical. De toute façon, au niveau du Mouvement la relève est là. Il y a nombre de femmes et hommes bons stratèges, orateurs très puissants, militants sans peur. L’intervention de Mathilde Panot à l’Assemblée nationale après le discours de politique générale de la Première ministre le prouve. Je n’aurais pas fait aussi bien. Je n’ai plus à me soucier de savoir si la continuité du combat est assurée. Mais si je suis en retrait de l’Assemblée, je ne suis pas en retraite. Je vais participer pleinement à ce que j’ai appelé le quatrième tour écologique et social. Ce qui est certain, c’est que je lutterai jusqu’à mon dernier souffle.

13.07.2022

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L’Émir ABDELKADER au MUCEM

Je me suis rendu hier lundi, tôt le matin, au « Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée » de Marseille ou MUCEM. Il faisait bon, peut-être un peu frais encore à cette-là, 10 heures, heure de l’ouverture. Par cette exposition, qui a été inaugurée le 5 avril dernier et qui se tient jusqu’au 22 août, on entend « remettre en lumière la figure d’Abd el-Kader dans toute sa richesse et son importance historique et intellectuelle » (web du Mucem).

C’est lui-même, l’Émir Abdelkader, qui m’accueille à l’entrée du musée, avec sa djellaba blanche. Il porte dans sa main gauche un grand chapelet. Je le salut, son regard est serein, sa posture est quand-même un peu figée. Ce retour en France et toute cette lumière portées sur lui, le perturbent peut-être un peu. Je me dirige à la billetterie « c’est pour l’ L’exposition sur l’Émir Abd el-Kader » (11€, au 2° étage).

Dès l’entrée, la première salle (il y en a plusieurs) je suis emporté. On est mis en situation. La campagne d’Égypte et la défaite française face aux Anglais. En Méditerranée, Napoléon 1° observe la côte algérienne grâce à son espion, le capitaine Boutin, en 1808, l’année de naissance à El Guettana (Mascara) de Abdel-Kader ben Mohi Eddine qui sera (ainsi est-il présenté sur la page du Mucem : « Émir de la résistance, saint combattant, fondateur de l’État algérien, précurseur de la codification du droit humanitaire moderne, guerrier, homme d’État, apôtre… » En 1832, à 22 ans, il succède à son père dans la résistance à l’armée coloniale. J’admire le beau sabre qu’il a porté pour défendre les siens et la selle d’apparat. Et ses chéchias dans un style qui n’a plus cours aujourd’hui en Algérie. La sacoche de selle, ‘‘dejbida’’, est magnifique, « brodée de fleurs et d’arabesques sur son rabat extérieur ». L’Émir cherche des appuis internationaux, comme par ce courrier de 1840 adressé au consul des États-Unis. Les chapelets et le Coran ne le quittent pas. Dans la salle suivante un grand tableau montre la Smalah (zmala) de l’Émir : mille à deux mille tentes organisées en cercles d’une quinzaine de tente chacun (des zmala) avec les familles, les guerriers.

La défaite devant l’occupant oblige Abdelkader au retrait. Ce qu’il fait en se rendant au Maroc qui lui offre son aide. Le sultan est lui aussi défait lors de la bataille d’Isly (1844). Les luttes de l’Émir se poursuivent autrement. En 1847, l’Émir se rend contre la promesse que les autorités françaises le laisser se rendre en Orient arabe.

D’autres résistants à l’invasion françaises se mobilisent à l’instar de Cherif Boubaghla (ses restes furent rapatriés de France en juillet 2020) et Fatma N’Soumer tous deux en Kabylie. N’Soumer sera capturée. Elle mourra en prison six années plus tard, en 1863. L’Émir sera d’abord emprisonné dans le château d’Amboise durant cinq années. Il y écrit beaucoup. Des courriers à des hommes politiques, mais aussi de la poésie.

Pour sa propre image, « pour sa gloire » Napoléon III fera de l’Émir un grand ami de la France, alors que l’Émir ne pense qu’à une seule chose, quitter la France. Il s’installe en Turquie, dans la ville de Borsa « Bourse, la ville sainte » qu’il quitte l’année du terrible tremblement de terre en 1855 pour s’installer à Damas, « sur les traces d’Ibn Arabi ». L’Émir Abdelkader meurt en 1883 à Damas où il sera inhumé. Le 6 juillet 1966 ses cendres sont rapatriées en Algérie, au cimetière des Martyrs.

Tombeau de l’Emir à Damas
Rapatriement des restes de l’Emir Abdelkader vers le carré des Martyrs _Alger 1966

Je n’ai pas vu passer les deux heures dans cette exposition. La 24° journée de ramadan glissa entre mes pensées et mon corps, mais on peut passer quatre heures dans l’exposition, à l’aise, tant il y a à voir, à lire, à apprécier. J’aurais souhaité mille expositions comme celle-ci sur 1001 sujets…. En Algérie même. Ah oui, mais y a le foot l’arrogance et le j’m’en-foutisme, c’est vrai. Hélas.

À Marseille, le 26 avril 2022

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CLIQUER ICI POUR LIRE LA CONFÉRENCE DE KATEB YACINE (il a 17 ans) SUR L’ÉMIR ABDELKADER

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https://www.mucem.org/programme/exposition-et-temps-forts/abd-el-kader

mais aussi : https://www.youtube.com/watch?v=lwQhFyQk0lk

Le terrible programme de Marine Le Pen

Derrière sa dédiabolisation : le terrible programme de Marine Le Pen – La menace est réelle, aux porte de notre quotidien. Le Pen est un danger pour la France et les Français. Plus encore pour les minorités, notamment les immigrés ainsi que les Français à double nationalité (« des centaines de milliers d’étrangers et de binationaux seraient interdits d’emploi »).

Le Pen est pire, pire que le président ultralibéral qu’est Macron. « Son projet, qui rompt avec le principe d’égalité, viole les conventions européennes, les principes élémentaires de notre justice et la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1789. » 

Regardez la vidéo. C’est terrifiant.

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« Ni Macron, ni Le Pen ». Marseille 16.04.2022

« Dégageons Le Pen, combattons Macron. »

À 13 h 45, je descends la rue Vacon, Paradis, Pytheus, place Charle de Gaulle, rue Beauvau. Les restaurants et les bars sont assez remplis. Les tables des restaurants débordent sur les trottoirs.  

Sur la place du Vieux-Port, Quai des Belges, sous et autour de l’imposante ombrière au plafond-miroir (sculpture de l’Anglais Norman Foster), des groupes commencent à se former. Un appel, notamment, de « Solidaires » a été lancé ces jours-ci « Dégageons Le Pen, combattons Macron. Manifestation ! samedi 16/04, à 14 h, au Vieux Port »

photo: est-ce Marseille?

Il fait très chaud (autour de 25°). Il y a aussi des musiciens, des danseurs. Au bord du quai, certains sont assis, les pieds ballants. Ça sent la mer (l’iode) et le poisson. Ici-même, les autres jours, est déployé le marché aux poissons du Vieux port. Les pigeons côtoient les mouettes, lorsqu’elles daignent se poser. Des bateaux embarquent des touristes vers les îles. Des enfants courent entre les gens suivis de leurs mamans. D’autres dansent au son d’un amplificateur assassin. 

Quelques personnes distribuent des tracts. D’autres tiennent des pancartes sur lesquelles on lit « Le Pen ça sert Aryen », « Le Pen c’est pas la peine »…

Il y a de plus en plus de monde qui arrive, mais ce n’est pas la foule des grands jours. Des banderoles et des drapeaux indiquent la présence du FSU, du Parti de Gauche, la France Insoumise, le PCF, la LDH… On s’agite juste devant moi. On a reconnu Azeddine Ahmed-Chaouch, le journaliste de l’émission TV de Bartez « Quotidien » que j’apprécie (l’un et l’autre). Je lui tape dans le dos et lui lance un encouragement, mais il est obnubilé par ce qu’il a à faire. Il questionne à gauche à droite. Sa collègue filme. (diffusion je pense ce lundi 18, sur TMC, 20h30+) Peut-être se rendra-t-il au Pharo où se trouve Macron. Un gilet jaune s’acharne à expliquer qu’il votera contre Macron, par défi certainement compte-tenu de l’argumentaire qu’il déploie.

Non loin une élue communiste discute avec ses camarades. Tiens, il y a aussi le NPA, un drapeau palestinien. 

Un militant s’active devant ses tréteaux. Il propose des ouvrages de Pierre Boué, de Marx, les classiques de ce dernier,  « La révolution allemande 1918-1923 », « La Révolution française »,  un périodique, « Révolution tendance marxiste internationale », c’est son titre, numéro 60- 04/2022 sur lequel il est précisé « 2€, solidarité : 3€ »

Il est 15 heures, des échauffourées entre des militants de la gauche (jeunes tout en noir, des black-bloc ?), « des antifa » (anti fascistes) et des manifestants venus au même endroit crier leur détestation de la politique menée sur le plan sanitaire. Ce sont des « antivaccins » plutôt d’extrême droite (plusieurs personnes âgées). Ils ont dare-dare quitté les lieux. Tiens, Kamar le photographe animateur radio (Galère), « ça va ? » « ça va »…

avec son grand micro emmitouflé sous une épaisse fourrure que j’avais un jour – au temps de La Révolution avortée (avortée ??) – du sourire, le prenant pour un chaton, caressé. J’en ris encore. 

Un groupe -dont les black blocs ( ?)-  « Ni Macron, ni Le Pen » s’est détaché pour remonter vers les locaux de La Marseillaise, Le Cours Jean Ballard. Au niveau du croisement en direction des quais de la Fraternité ( !) et Rive Neuve un nombre impressionnant de fourgons de police (15 ? 20 ?). Devant le premier d’entre ces camions, un cordon d’une vingtaine de policiers, barrant toute la chaussée, empêche tout passage piéton vers ces quais ou exceptionnellement après avoir fouillé (des journalistes) les valises, sacs… Il est vrai qu’à quelques centaines de mètres, au Palais du Pharo, Macron est venu défendre l’indéfendable. Mais bon, il a ses soutiens.

Je discute avec une dame « ni Manu ni Marine », qui ne votera pas dimanche 24. J’insiste sur le danger fasciste que représente Le Pen. Mais la dame s’obstine à vilipender la politique, économique et plus encore sanitaire de Macron. Je ne la contrarie pas mais insiste sur le danger de l’introduction officielle du racisme dans les institutions si la fille de son père (défenseur de Pétain et collabo de la funeste OAS). Mais la dame revient sur Macron, « notre souveraineté sanitaire nous échappe ». On tournait en rond. Je reviens vers l’ombrière d’où l’autre groupe entame une marche.

Je me fends dans la foule sur la Canebière… avant d’aller à la rencontre de mon ami B. rue d’Aubagne.

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Guerre en Ukraine

In: https://www.investigaction.net/fr

L’approche très objective de l’article qui suit concernant la guerre en Ukraine, est complètement évacuée par les médias français, qui ruent dans les brancards et hurlent au loup. Bêtement, à ânonner des vérités à sens unique. (On est habitué).

Entendons-nous bien, personnellement, – avant toute chose – je tiens les Russes pour responsables des massacres en Ukraine. Ils ont envahi un pays indépendant qu’ils sont entrain de détruire et tuer ses habitants.

Ensuite, je reprends à mon compte ce qui suit et d’abord ceci : « Il ne laisse aucun doute sur le fait que Poutine a commencé la guerre et qu’il est également responsable de la manière dont elle est menée. Quant à savoir pourquoi il a décidé d’envahir l’Ukraine, c’est une autre question… »

Je vous propose cet article repris par   INVESTIG’ACTION. Il a été initialement écrit dans The Economist, puis repris dans un média belge : De Wereld Morgen.

Les barbares

Les barbares

Tu as fui ton pays mon frère, ta ville, ta maison bombardés.

Tremblant, les deux bras en avant.

L’humanité de l’Ouest t’assouvit, dépasse tes espérances les plus folles.

Et tu pleures d’émotion mon frère.

Les murs, les barbelés, les frises, 

Les treillis, les armes ont par magie disparu.

L’Ouest te chérit 

Pleure de compassion, 

S’agenouille devant ton malheur.

Tu as les yeux bleus mon frère

Tu as le nez aquilin mon frère

Ton visage carotte

Porte le charme de ta race mon frère. 

Tu es slave mon frère.

Ton regard n’est pas charbonneux

Tes enfants ne sont pas morveux,

Ne pataugent pas dans la fange.

Sur sa tête ta compagne ne porte pas de fichu

Mais une sainte couronne d’épis.

Et si elle en porte, il est diaphane.

Tes génuflexions sont belles mon frère,

Tu ne lèves pas les mains 

Et si tu t’inclines c’est vers l’Occident.

Je m’interroge mon frère,

Car tu ne le sais peut-être pas,

Cette même humanité qui t’offre 

Son merveilleux, fabuleux, prodigieux accueil

Est celle-là même qui crie, hurle, vocifère ne pouvoir 

Accueillir toute la misère du monde, 

Du monde pillé de tout temps par l’Ouest.

Je m’interroge mon frère

Sur cette humanité qui t’enlace 

Et pleure de miséricorde,

Qui t’ouvre ses portes

Et qui simultanément chasse les autres afflictions 

Parce qu’elles sont hâlées, noires, brûlées.

Comme les comptables mon frère et les hommes de bon sens

Je m’interroge sur ces deux mesures pour un même poids

Un même fardeau.

Un même désespoir.

Je m’interroge mon frère,

Quelle est cette humanité qui t’ouvre ses portes

Qui privilégie ta souffrance, 

Ignore celle des gueux 

Ces barbares fuyant leur étrange monde,

Pourtant par l’Ouest bombardé, détruit, anéanti 

Par l’Ouest, cette contrée des Droits de l’Homme, 

De certains hommes.

Mais quelle supercherie envers le reste de l’Humanité !

Je m’interroge mon frère,

Quelle est cette humanité qui 

Se plie en quatre pour t’accueillir

Et dresse toutes ses rancunes, contre le blond d’Égypte

Cet Autre venu des Suds, mon miroir.

Et je n’ai trouvé hélas 

Qu’une réponse mon frère et la voici.

Ta souffrance est blanche mon frère.

Ta langue slave et suave

N’est pas crainte, au pire inconnue.

Tu n’es pas miséreux

Et dans ton regard mon frère

On ne décèle nul effroi de la faim.

Tu as droit aux petits fours, 

Tu as droit aux larges sourires, 

Tu as droit à un fleuve de générosité

Tu as droit à Noël chaque soir.

Tu n’es pas Syrien mon frère

Tu n’es pas Libyen mon frère

Tu n’es pas Maghrébin mon frère

Tu n’es pas Africain mon frère.

Tu n’es pas musulman mon frère.

Tu n’es pas confronté aux barbelés, aux murs, aux requins.

Tes enfants ne s’appellent pas Aylan mon frère.

Tu ne viens pas de la mauvaise rive mon frère.

Tu ne viens pas de la mauvaise rive mon frère.

Tu ne viens pas de la mauvaise rive mon frère.

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Ahmed Hanifi

Poème spontané devant la télé, hier soir samedi 26 février 2022

(à retravailler donc)

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CLIQUER ICI POUR VOIR L’ÉMISSION D’ARTE SUR LE DOUBLE DISCOURS QUE JE SOULÈVE DANS MON POÈME

Une émission diffusée le 20 mai 2022, rediffusée le 31 JUILLET 2022

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CLIQUER ICI POUR VOIR AUTRE EMISSION SUR ARTE À CE PROPOS…. La couleur de peau…

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La langue française et la langue arabe

Voilà une langue, la langue française, qui revendique ses nombreux emprunts aux autres langues et notamment à la langue arabe, avec fierté. Ces emprunts l’enrichissent, la dynamisent. Voilà aussi pourquoi j’aime cette langue qui se revendique de toutes les langues. « Les mots voyagent et réinventent la langue, la vie ».Que deviendrait la langue française si on chassait tous ces immigrés ? tous ces mots immigrés ? Elle s’assècherait, se viderait, mourrait…

FRANCE5 _ LA GRANDE LIBRAIRIE_ 26 janvier 2022, avec Érik Orsenna, Bernard Cerquiglin, Aurore Vincenti et Tonino Benacquista

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Je joins à cet article sur F5, la réaction outrée de Salah Guemriche, postée sur son mur Facebook ce 01 février 2022

Kaoutar HARCHI « Comme nous existons », à Marseille

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LA VIDEO SE TROUVE EN BAS, À LA SUITE DU TEXTE

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Kaoutar Harchi a présenté hier samedi 27 novembre son dernier ouvrage, « Comme nous existons » (Actes Sud) , une « enquête autobiographique », à la médiathèque Alcazar de Marseille. 

Je vous propose ces vidéos et à leurs suite une lecture de quelques extraits de son intervention qui a duré une heure et demie. 

La séance s’ouvre sur une question du cheminement entre les différents ouvrages écrits par l’autrice.  « La question de la trajectoire est une question complexe. Le point de départ qui est sûrement partagé par de nombreuses personnes, c’est le sentiment de la privation dans les deux sens du terme, être dans un espace domestique, familiale il y avait quelque chose qui paraissait complexe à cet endroit-là… et il y avait aussi la notion du sentiment d’être privé et aspiration à devenir publique au sens d’aspiration à faire des choses qui revêtent un caractère collectif, quelque chose qui relève d’une certaine forme d’utilité ou d’une certaine forme de réponse aux nécessités qui pouvaient être les miennes quand j’avais 17 – 20 ans. Beaucoup de choses se forment à ce moment-là et en tant que jeune fille de l’immigration post-coloniale comme je peux l’expliquer dans ce récit, la question scolaire était une question assez importante, assez centrale et l’écriture a fait naturellement au regard de la place que prennent les écritures scolaires quand on est enfant puis adolescent, la question de l’écriture a pris une place importante mais aussi parce que l’écriture c’est quelque chose d’assez paradoxal au sens où en France c’est très fortement érigé comme une sorte d’art suprême, mais c’est aussi un art plus accessible que peuvent l’être d’autres formes d’expressions artistiques qui exigent des instruments, qui exigent des cours, qui exigent une maîtrise technique. 

Donc j’ai été une jeune fille soucieuse de sortir dehors mais aussi inquiète à l’idée d’être confrontée à ce dehors-là que nous connaissons tous et qui est marqué par une sorte de violence qu’elle soit intellectualisée, analysée ou qu’elle soit simplement vécue de manière brutale et immédiate. Je m’interrogeais beaucoup sur ces questions. J’essayais de trouver un sens partageable aux différentes formes de sacrifice qui avaient accompagné la trajectoire et comment elles étaient aussi principalement un sacrifice d’ordre parental. Ces récits ont traversé cette histoire et j’essayais à chaque fois de résoudre quelque chose en me disant qu’après cet ouvrage-là les choses seront plus résolues. Les choses n’étaient pas plus résolues au sortir du livre, mais j’avais peut-être gagné en lucidité en radicalité. »

Sur la question la mise à jour de l’intime, sur les limites, les ressources… 

« La question autobiographique m’intéressait depuis un certain temps. J’avais commencé à écrire des récits de fiction. Le roman est un genre dominant. On y entre en tant qu’écrivain convaincu que c’est la forme la plus importante qui soit. À travers cette expérience de l’écriture romanesque qui était une expérience que je définissais avec beaucoup d’assurance comme une écriture émancipatrice, comme une écriture de la progression, comme une écriture de l’ouverture. Progressivement je me suis rendue compte que les choses, matériellement, ne se présentaient pas ainsi et que mon statut d’écrivaine qui était assez légitime à mes propres yeux ne l’était pas forcément aux yeux des personnes qui m’entouraient et des personnes dont le travail était de produire des formes de jugement sur ce type de récits. J’ai donc été confrontée à des formes de situations parfois paradoxales quand en tant qu’écrivaine je cherchais à affirmer une forme de singularité ou une forme de spécificité et que je mobilisais le ‘‘je’’ en disant ‘‘moi je pense, moi j’estime, moi je considère’’… les réponses qui pouvaient m’être faites étaient souvent des réponses qui pouvaient mobiliser non pas ma propre subjectivité mais mobiliser une certaine forme de groupe d’appartenance imaginaire, à ‘‘moi je pense, moi je considère, moi j’estime’’, on pouvait me répondre ‘‘mais vous les musulmans, vous les femmes arabes, vous les habitants des quartiers populaires’’ et j’étais toujours dans une forme de décalage en tout cas dans une forme de désajustement très fort entre le point, la situation qui était la mienne et la difficulté à faire reconnaître l’individualité qui était constitutive de mon travail et cette difficulté à faire reconnaître une individualité elle est absolument centrale dans le cadre des rapports qui régissent les populations minoritaires et les populations majoritaires. Elle est centrale aussi dans les processus de désubjectivation et dans les processus d’identification qui sont souvent des processus d’identification qui réduisent ce que vous êtes à ce que vous semblez être. La question de l’apparence est absolument fondamentale et on peut y entrer par la question du genre, par la question de la classe et bien évidemment par la question de la race. Donc à partir d’une expérience apparemment anodine et apparemment simple, celle d’être une jeune femme dans le champ littéraire français se sont redéployées des problématiques d’ordre général que j’aurais pu expérimenter à partir d’un ensemble infini d’espaces sociaux, mais je les ai expérimentées à partir d’un espace où le symbolique où la catégorie où la valeur où le jugement où la qualification sont absolument fondamentaux, et cela a exacerbé un certain nombre de choses et j’ai toujours été par la suite à la recherche de ce ‘‘je’’ en fait, j’ai toujours été à la recherche de cette forme d’individualité. 

Je crois de manière très simple et très élémentaire et avec des formes de sédimentation très profondes dans le temps, le temps de ma vie, mais aussi le temps qui précède ma vie, c’est-à-dire tout ce qui s’est passé avant moi et avant nous tout cela a pris une forme qui ressemblait à quelque chose, a pris une forme qui était celle d’un pouvoir qui s’exerce et d’une résistance qui est appelée à se faire connaître.  »

De nombreux thèmes ont été développés, ainsi les ruptures entre les attentes de la société français et le milieu d’origine… la peur à travers les personnages (personnes) du récit… le choix du collège de l’auteur par ses parents… les questions d’actualité, la violence, le précariat, les inégalités, le politique, les formes d’apartheid, les corps en survie…  

Je vous laisse apprécier des extraits de vidéos que j’ai prises à cette occasion.

ahmedhanifi@gmail.com

Marseille, 28 novembre 2021

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IL Y A 60 ANS, LE 17 OCTOBRE 1961, MASSACRE DE CENTAINES D’ALGÉRIENS À PARIS

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Photo: Ahmed TAZIR (FB le 17102021)

Monique Hervo, une héroïne méconnue hélas, au cœur du bidonville de Nanterre pendant plusieurs années. Écoutez-la, elle raconte le bidonville, la terreur du funeste mardi.

Il y a 3 vidéos en une (1_Monique Hervo, 2_le bidonville de Nanterre (photos), et 3_ à propos de la photo ‘‘ici on noie les Algériens »

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E.Macron, les dirigeants algériens, la mémoire manipulée et la nation algérienne.

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Le dialogue inédit entre Emmanuel Macron et les « petits-enfants » de la guerre d’Algérie

Le chef de l’Etat a reçu, jeudi, dix-huit jeunes gens issus de familles qui ont intimement vécu la guerre d’Algérie. « Le Monde » a pu assister à cette rencontre. 

Par Mustapha Kessous 

Publié le 02 octobre 2021 à 05h52

Un invité s’est imposé sans bruit à ce déjeuner présidentiel : la souffrance. La souffrance d’appartenir à une histoire oublieuse, faite de non-dits, de dénis, de silences, de malentendus. Et de mensonges aussi. La souffrance de porter une mémoire lointaine qui brûle les âmes, génération après génération, depuis la fin de la guerre d’Algérie, en 1962.

Même Emmanuel Macron le concède : « J’étais frappé, durant ces dernières années, de voir à quel point l’histoire et les mémoires de la guerre d’Algérie étaient la matrice d’une grande partie de nos traumatismes. Il y a des souffrances qui ont été tues, et qui se sont construites comme étant irréconciliables. Or, je pense tout l’inverse. »

Jeudi 30 septembre, le chef de l’Etat a convié à l’Elysée, pendant deux heures, dix-huit jeunes gens – Français d’origine algérienne, binationaux et pour certains Algériens – pour échanger « librement » sur ce conflit. Avec un objectif : apaiser « cette blessure mémorielle », comme le rappelle l’historien Benjamin Stora, également présent.

Pourquoi s’adresser à ces jeunes en particulier ? Parce que Nour, Amine, Lina, Gauthier, Lucie ou encore Yoann sont les petits-enfants de ces mémoires froissées entre les deux pays de la Méditerranée. En effet, leurs grands-parents ont été combattants du Front de libération nationale (FLN), militaires français, appelés, harkis ou rapatriés (pieds-noirs et juifs). L’un d’eux est même l’arrière-petit-fils du général Salan, ancien chef de l’Organisation de l’armée secrète (OAS).

Depuis juin, dans une salle de Sciences Po Paris, ces jeunes, étudiants pour la plupart, se voient et réfléchissent à la manière de rapprocher toutes ces mémoires dont ils sont les héritiers. Ils ne se connaissaient pas auparavant, ils ont été réunis par Cécile Renault, chargée de mettre en œuvre les préconisations du rapport de Benjamin Stora sur « la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie », remis en janvier. Ils se sont donné pour mission de présenter, d’ici à la fin octobre, dix messages au président de la. (RESEVE AUX ABONNES)

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L’Algérie rappelle son ambassadeur en France après des propos critiques d’Emmanuel Macron

Publié le : 02/10/2021 – 18:32Modifié le : 03/10/2021 – 07:45

Texte par : France 24  

Alger a décidé, samedi, de rappeler « pour consultations » son ambassadeur en France. Une décision qui intervient après des propos d’Emmanuel Macron lors d’une rencontre avec des jeunes issus de familles marquées par la guerre d’indépendance. Ce dernier a fustigé, à cette occasion, « une rente mémorielle » entretenue par « le système politico-militaire » en Algérie. 

Vers une crise diplomatique entre Paris et Alger ? L’Algérie a justifié, samedi 2 octobre, le rappel de son ambassadeur à Paris par son « rejet de toute ingérence dans ses affaires intérieures », précisant avoir pris sa décision à la suite de « déclarations attribuées » au président français, Emmanuel Macron.

Dans un communiqué, la présidence algérienne affirme qu’en raison d’une « situation particulièrement inadmissible engendrée par ces propos irresponsables », Alger a décidé « le rappel immédiat pour consultation » de son ambassadeur à Paris Mohamed Antar-Daoud.

Samedi, les médias locaux reprenaient largement un article du journal français Le Monde dans lequel Emmanuel Macron, recevant des descendants de protagonistes de la guerre d’Algérie, estime qu’après son indépendance en 1962, l’Algérie s’est construite sur « une rente mémorielle », entretenue par « le système politico-militaire ».

Il y évoque aussi « une histoire officielle », selon lui, « totalement réécrite » qui « ne s’appuie pas sur des vérités » mais sur « un discours qui repose sur une haine de la France ». Des déclarations qualifiées par les médias algériens d' »acerbes » et de « dérapage ».

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Un précédent en mai 2020

C’est la seconde fois qu’Alger convoque son ambassadeur à Paris depuis mai 2020, lorsque celui de l’époque, Salah Lebdioui, avait fait l’objet d’un rappel « immédiat » après la diffusion d’un documentaire sur le mouvement de contestation prodémocratie Hirak, diffusé sur France 5 et la chaîne parlementaire.

Les relations entre Paris et Alger étaient déjà tendues. Mercredi, l’ambassadeur de France à Alger, François Gouyette, avait été convoqué au ministère des Affaires étrangères algérien pour se voir notifier « une protestation formelle du gouvernement » après la décision de Paris de réduire de moitié les visas accordés aux Algériens souhaitant se rendre en France.

Paris a, en effet, annoncé une forte diminution du nombre de visas accordés aux ressortissants du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie invoquant un « refus » de ces pays du Maghreb de délivrer les laissez-passer consulaires nécessaires au retour des immigrés refoulés de France.

« Cette décision, qui est intervenue sans consultation préalable avec la partie algérienne, comporte l’anomalie rédhibitoire d’avoir fait l’objet d’un tapage médiatique générateur de confusion et d’ambiguïté quant à ses motivations et à son champ d’application », a estimé le ministère algérien pour justifier la convocation de François Gouyette.

Selon les médias algériens, le rappel de l’ambassadeur d’Algérie à Paris est motivé, cette fois, par les déclarations d’Emmanuel Macron reprises dans l’article du journal Le Monde.

 Le journal privé El Watan consacre sa une de dimanche au « dérapage de Macron », et estime que « le président français a émis des critiques acerbes vis-à-vis des dirigeants algériens ».

« Le système algérien est fatigué »

Sous le titre « Macron au vitriol sur le ‘système algérien' », le média francophone 24H Algérie a repris de larges pans de cet article qui cite un dialogue entre Emmanuel Macron et une vingtaine de jeunes dont les parents ou grands-parents étaient des anciens combattants de la guerre d’Algérie (1954-1962), des harkis (paramilitaires au service de la France) ou des rapatriés.

En réponse à une jeune fille qui a grandi à Alger, le président français a confié ne pas penser qu’il y ait une « haine » contre la France « de la société algérienne dans ses profondeurs mais du système politico-militaire qui s’est construit sur cette rente mémorielle ».

Selon Emmanuel Macron, « on voit que le système algérien est fatigué, le Hirak (le mouvement pro-démocratie, à l’origine de la démission en 2019 du président Abdelaziz Bouteflika, récemment décédé, NDLR) l’a fragilisé ». 

Dans son échange avec les jeunes, le président français assure avoir « un bon dialogue avec le président (algérien, Abdelmajid) Tebboune », ajoutant toutefois : « je vois qu’il est pris dans un système qui est très dur ».

Selon les médias locaux, un autre passage des déclarations d’Emmanuel Macron a provoqué l’ire des autorités. « Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? Ça, c’est la question », s’est interrogé le président français, en rappelant qu’il y a eu « de précédentes colonisations ».

Sur un ton ironique, il s’est ainsi dit « fasciné de voir la capacité qu’a la Turquie à faire totalement oublier le rôle qu’elle a joué en Algérie et la domination qu’elle a exercée », en allusion à l’Empire ottoman. « Et d’expliquer qu’on est (les Français, NDLR) les seuls colonisateurs, c’est génial ».

Hormis le Maroc où il n’a pas réussi à s’imposer durablement, l’Empire ottoman a dominé du 16e au 18e siècle l’Afrique du Nord qu’il avait organisée en trois provinces : Alger, Tunis et Tripoli.

Avec AFP

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Sur le mur (FACEBOOK) de Tahar Khalfoune, le lundi 11 octobre 2021

« Sur l’Algérie, Emmanuel Macron a dit publiquement ce que ses prédécesseurs disaient en privé »

Tribune 

Lahouari Addi, Professeur émérite à Sciences Po Lyon.

Le Monde du 10 octobre 2021

La réaction virulente du régime algérien aux propos tenus par le chef de l’Etat français le 30 septembre tient à ce qu’il n’assume pas que sa démocratie est « juste formelle » puisque sa souveraineté est dans les mains de la hiérarchie militaire, analyse le politiste dans une tribune au « Monde ».

Publié hier à 08h00, mis à jour hier à 10h46 Temps de Lecture 4 min. 

Les propos d’Emmanuel Macron critiquant, le 30 septembre, le « système politico-militaire » de l’Algérie et l’accusant d’entretenir une « rente mémorielle » ont créé la surprise auprès des autorités à Alger, qui ont réagi avec un communiqué sévère de la présidence. Il est vrai que c’est la première fois qu’un président français dit publiquement ce que ses prédécesseurs, de droite comme de gauche, disaient en privé.

Les officiels français sont exaspérés de ne pas avoir des interlocuteurs algériens dotés de l’autorité que leurs fonctions supposent. C’est ce que veut dire Emmanuel Macron quand il parle du président Abdelmadjid Tebboune, qu’il décrit comme étant l’otage d’un « système politico-militaire dur ». Venant de la France, pays à travers lequel beaucoup de gouvernements étrangers perçoivent l’Algérie, cette déclaration est considérée comme un coup de poignard dans le dos par des généraux qui font tout pour apparaître sous les ordres du président.

Priorité à la lutte contre l’opposition

Il n’est pas à écarter que Macron ait été contrarié par le peu d’empressement que montre l’Algérie à accepter l’expulsion de ses ressortissants en situation irrégulière, en cette période préélectorale où Eric Zemmour presse gauche et droite sur la question sensible de l’immigration clandestine. Alger veut-il monnayer en contrepartie de cette expulsion l’extradition d’opposants sur le sol français ? Cela est probable, surtout que les services de sécurité algériens ont été encouragés à cette fin par l’extradition d’Espagne d’un ex-gendarme réfugié à Barcelone obtenue à la suite de négociations confidentielles. Mais l’Algérie a moins de moyens de pression sur la France que sur l’Espagne qui pourrait, du jour au lendemain, ne plus recevoir de gaz algérien [l’Algérie fournit à la péninsule Ibérique 50 % de son gaz ].

Si cela se confirme à l’avenir, cela signifierait que la diplomatie algérienne donne la priorité à la lutte contre l’opposition au détriment d’autres aspects de la coopération avec les pays d’Europe, portant notamment sur les échanges économiques et culturels. Les services de sécurité, qui décident de la politique étrangère, ont juste oublié que ce qu’ils obtenaient hier de [l’ancien ministre de l’intérieur de 1986 à 1988 et de 1993 à 1995] Charles Pasqua, ils ne peuvent l’obtenir aujourd’hui d’Emmanuel Macron.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le dialogue inédit entre Emmanuel Macron et les « petits-enfants » de la guerre d’Algérie 

Pour les officiels algériens, la déclaration du président français est inadmissible de la part d’un chef d’Etat étranger. La réaction sera d’autant plus brutale que le régime algérien n’assume pas sa caractéristique essentielle, à savoir que la souveraineté appartient à la hiérarchie militaire en lieu et place de l’électorat, sous un habillage institutionnel qui ne traduit pas la réalité des rapports d’autorité au sommet de l’Etat.

Candidatures filtrées par le renseignement

Formellement, l’Algérie est un pays démocratique avec des élections pluralistes tenues régulièrement. En réalité, la démocratie est juste formelle puisque le président est désigné par la hiérarchie militaire à la suite d’un plébiscite auquel participent des candidats qui acceptent d’être des leurres. Lors des élections des députés et des maires, les listes de candidatures sont filtrées en amont par le service d’espionnage – le fameux département du renseignement et de la sécurité (DRS), qui change souvent de nom – pour ne faire élire que les candidats qui respectent la règle non écrite du système politique algérien : l’armée est seule source du pouvoir.

« Par ses propos, le président français reconnaît explicitement la légitimité politique des revendications du Hirak, ce qui est inacceptable pour le gouvernement algérien »

Cette règle est contestée par le mouvement de protestation dit Hirak, dont l’un des mots d’ordre-phares est « Dawla madania machi askaria » (« Etat civil et non militaire »). Par les propos qu’il a tenus le 30 septembre, Emmanuel Macron reconnaît explicitement la légitimité politique des revendications du Hirak, ce qui est inacceptable pour le régime algérien qui, jusqu’à présent, a toujours bénéficié de l’appui diplomatique de la France. La réaction virulente d’Alger exprime la peur de perdre la rente diplomatique française qui avait protégé le régime, accusé par Amnesty International et Human Rights Watch durant les années 1990 de violations massives de droits de l’homme.

Lire aussi En Algérie, une figure du Hirak critique les propos d’Emmanuel Macron 

Si les propos du président français sont courageux, surmontant la raison d’Etat et ne reculant pas devant les lobbys économiques sectoriels, ils prêtent cependant le flanc à la critique lorsqu’il a déclaré que la nation algérienne n’existait pas avant la colonisation française du fait qu’elle appartenait à l’Empire ottoman. Le même raisonnement pourrait être appliqué aux pays européens, devenus souverains après leur refus de la double tutelle politique et spirituelle du Saint Empire romain germanique et du Vatican. Les monarchies européennes, dont la France, ne sont devenues des entités souveraines qu’après les traités de Westphalie de 1648.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Entre Paris et Alger, une crise à la mesure des espoirs déçus d’Emmanuel Macron

La différence entre l’empire et l’Etat-nation est que le premier domine symboliquement des territoires qui jouissent d’une grande autonomie, tandis que l’Etat-nation, jacobin dans sa forme française, domine l’individu de sa naissance à sa mort. Et si l’on ajoute que la France coloniale avait imposé un droit d’exception inégalitaire, nous comprenons pourquoi les Algériens n’ont pas le sentiment d’avoir été colonisés par les Turcs, alors qu’ils gardent en mémoire qu’ils ont été méprisés et traités injustement par la France.

Lahouari Addi est professeur émérite à Sciences Po Lyon est chercheur au laboratoire Triangle (« Action, discours, pensée politique et économique ») ; dernier ouvrage paru : La Crise du discours religieux musulman. Le nécessaire passage de Platon à Kant (Presses universitaires de Louvain, 2019).

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Texte de Ali Bensaad Repris par Salah Amer-Yahia sur son mur FB- 10.10.2021

Derrière la polémique mémorielle, l’isolement et la fragilité d’un régime 

Rien n’a été dit par Macron sur le pouvoir algérien qui n’ait déjà été dit, partagé et crié haut et fort en Algérie même. Il en a seulement pris avantage pour pousser jusqu’à semer le doute sur les fondements d’une nation algérienne. 

S’il s’est permis de le faire, ou a cru, pour des calculs électoralistes, devoir le faire, c’est parce que le discrédit du régime algérien est tel qu’il rejaillit sur l’image de tout le pays et que, pour cette raison, il ne se trouve plus personne en France pour le défendre alors même que sa guerre de libération puis ses tentatives de développement et de lutte pour le rééquilibrage des rapports Nord/Sud, malgré leurs errements, lui avaient valu la sympathie de larges secteurs de l’opinion française, notamment nombre de ses intellectuels. 

Les pratiques autoritaires et la prédation industrielle de ses ressources par un système politico-militaire ont fini par dilapider tout le capital de sympathie dont bénéficiait le pays et lui aliéner tous ses soutiens. Pire, ils ont justifié, à postériori, les thèses revanchardes de l’extrême droite et des tenants de « L’Algérie française » en leur fournissant, rétroactivement, l’alibi d’une « république bananière » caricaturale. Remuer le couteau dans la plaie des tares du régime pour jeter le discrédit sur tout le parcours libérateur du pays procure dorénavant un avantage électoral. Le régime algérien porte une part importante de responsabilité dans ce glissement de l’opinion française. 

La désespérance que ce régime a introduit dans la société algérienne est telle que nombre de ses citoyens identifient les figures militaires et civiles de ce système à des « colons » et le crient dans les manifestations. Il ne sert à rien de s’offusquer d’un tel anachronisme qui exprime plutôt la violence d’un ressenti. Il faut surtout s’inquiéter des effets de réel des ressentis et représentations qui peuvent miner l’édifice national de son intérieur. 

Le discrédit du système politico-militaire algérien est tel que, par ricochet, il a abouti à crédibiliser la monarchie marocaine sur la scène internationale et à faire occulter la dimension corrompue et autoritaire d’un Makhzen archaïque. 

Mais au-delà de ses « ennemis traditionnels », l’Algérie s’est isolée même dans ses bastions stratégiques comme en Afrique où le retour en force du Maroc a entrainé dans son sillage celui d’Israël illustré par son siège comme observateur à l’Union Africaine au moment même où ce pays s’ancrait toujours plus à l’extrême droite raciste déniant tout droit aux Palestiniens.

L’Algérie « l’homme malade du Maghreb »

L’intérêt n’est pas dans ce qu’a dit Macron sur la nation algérienne Il n’y a rien de neuf, il a repris des clichés autant vieux que largement démentis par les historiens. Des clichés qui font des va-et-vient dans l’actualité française au gré des enjeux électoraux.

Ce qu’il y’a de nouveau et la vraie question pour l’Algérie, celle qui doit faire débat, c’est le contexte nouveau, côté algérien, dans lequel intervient cette énième polémique. Celui de l’extrême isolement dans lequel s’est placé le régime algérien, dans le pays d’abord comme l’illustre le Hirak, et à l’international ensuite, et qui vulnérabilise à l’extrême l’Algérie. C’est cela d’abord qui en fait la cible facile des révisionnistes de la décolonisation. C’est cela aussi qui élargit en France le cercle de l’inimitié, ou au moins de l’antipathie, en dehors des secteurs qui lui sont traditionnellement hostiles. Mais c’est surtout cela qui, faisant de l’Algérie « l’homme malade du Maghreb », a abouti à un effacement de sa présence sur la scène internationale et a aiguisé des appétits pour tenter de l’en bouter. 

D’un point de vue géopolitique, l’Algérie est un pays neutralisé, contraint à la défensive comme l’illustrent d’un côté son effacement même dans des enjeux régionaux qui affectent directement sa sécurité comme le conflit libyen et de l’autre l’immense mur défensif qu’elle construit le long de ses vastes frontières, notamment sahariennes, et qui n’est pas sans rappeler celui que le Maroc avait érigé quand il ne pouvait résister aux assauts du Polisario. Sauf qu’il est d’une toute autre ampleur, les frontières de l’Algérie étant ce qu’elles sont, à la mesure du pays le plus vaste d’Afrique. 

La véritable question, c’est cette vulnérabilité extrême dans laquelle le régime a mis le pays. C’est cette réalité que celui-ci veut faire oublier en se saisissant de la perche que lui a offert la saillie provocatrice de Macron. Comme en France, le débat focalisé sur les questions identitaires et mémorielles sert de diversion pour occulter les impasses dans lesquelles le régime a enferré le pays et qui, elles, ébranlent réellement l’édifice national. D’ailleurs, il décrédibilise par ses propres pratiques ses revendications mémorielles comme celle consistant à réclamer le retour en Algérie des archives alors qu’il interdit à ses chercheurs, et l’assume officiellement, l’accès à celles qui s’y trouvent déjà. Sans parler des entraves au travail de recherche qui n’est qu’une facette d’une répression qui se généralise.

Le risque de la guerre

En effet, il y’a une fuite en avant dans un tout répressif qui prend l’allure d’une guerre à la société et qui accentue les fissures de l’édifice national et l’instrumentalisation de la question régionale, notamment kabyle, n’est pas la moins dangereuse pour la cohésion nationale. Cette fuite en avant se traduit à l’international par la multiplication des tensions avec l’environnement régional et le recours à des casus belli dans une sorte de prophétie auto-réalisatrice de « forteresse assiégée » qui justifierait les déboires du régime et le légitimerait par l’épouvantail du danger extérieur. La fébrilité de cette fuite en avant laisse craindre que ne soit plus exclue l’option d’une guerre avec l’illusion, classique, qu’elle pourrait renflouer son déficit de légitimité et ressouder autour de lui une population qui, depuis le 22 février, lui tourne fermement le dos.

Cette crainte est d’autant plus fondée que cette option a des chances de trouver un écho au Maroc, pays qui s’est tout autant surarmé que l’Algérie et où l’alliance avec Israël donne un surcroit d’assurance et d’hubris à certains cercles du Makhzen qui pensent régler par une sorte de guerre éclair la question du Sahara Occidental et dans la foulée celle de la suprématie régionale.

Si cela devait arriver, ce n’est pas seulement l’embrasement régional qu’il faudra craindre mais surtout le risque d’effondrement de l’Etat-national dont la crise de l’oxygène face à la pandémie du covid et celle des incendies, ont révélé sa fragilité telle qu’il ne pouvait déjà plus assurer ses missions régaliennes. De l’Irak à la Syrie en passant par le Yémen et la Libye, on sait comment les conflits armés précipitent la chute des Etats. Le risque que l’Algérie rejoigne cet arc des Etats-faillis ne serait alors plus de l’ordre de l’improbable.

Ali BENSAAD

L’efficacité porcine

et d’autres… Richard Millet…

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« Ce sont donc bien ces idées fausses qui ont rendu l’Europe malade. Elles lui ont donné le virus de l’efficacité et elles ont rendu le meurtre nécessaire… La volonté d’efficacité, c’est la volonté de domination. Vouloir dominer quelqu’un ou quelque chose, c’est souhaiter la stérilité, le silence, ou la mort de ce quelqu’un. Voilà pourquoi nous vivons un peu en fantômes dans un monde désormais abstrait, silencieux à force de hurlements et menacé de ruine. Car les philosophies qui placent l’efficacité au sommet de toutes les valeurs sont des philosophies de mort. C’est sous leur influence que les forces de vie ont déserté l’Europe et que la civilisation de ce continent présente aujourd’hui des signes de dépérissement. Les civilisations aussi ont leur scorbut qui est ici le mal d’abstraction…

Exemple de la polémique. Il n’y a pas de vie sans dialogue. Et sur la plus grande partie du monde, le dialogue est remplacé aujourd’hui par la polémique, langage de l’efficacité. Le 20° siècle est, chez nous, le siècle de la polémique et de l’insulte… Quel est le mécanisme de la polémique ? Elle consiste à considérer l’adversaire en ennemi, à le simplifier par conséquent et à refuser de le voir. Celui que j’insulte, je ne connais plus la couleur de son regard. Grâce à la polémique, nous ne vivons plus dans un monde d’hommes, mais dans un monde de silhouettes ».

Albert Camus- Le temps des meurtriers. In Conférences et discours, 1936-1958. Ed Gallimard/ folio.

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Et c’est bien après l’efficacité que galopent en grognant Zemmour, les zemmouriens et tous les revanchards. Nous ne laisserons pas les porcs saccager les solidarités humaines.

ahmedhanifi@gmail.com

14 septembre 2021

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CLIQUER ICI POUR ECOUTER LA HAINE IDENTITAIRE_ France Inter lundi 13 sept 2021

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CLIQUER ICI POUR ÉCOUTER RACHID TAHA « VOILÀ VOILÀ QUE ÇA R’COMMENCE »

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Source:

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L’exilé indexé

J’écris ces lignes en réaction à la lecture d’un article que j’ai lu ce matin, parce que je me sens visé. Pourquoi suis-je visé par cet article en question ? Je ne suis pourtant ni du Mak, ni de la mouvance islamiste qu’il pourfend. Je ne suis plus universitaire, pas même d’Aix-en-Provence, même si je suis provençal et que j’aime la Provence. 

Je me sens égratigné par cet article écrit par un cadet fort sympathique par ailleurs, mais la question n’est pas là.  Je me sens concerné par son article car je suis moi-même comme son « exilé algérien », cœur de l’article. Retenez qu’il écrit « exilé » (neutre, inodore) et non pas « émigré » très chargé et qui sied mieux. Généralement j’apprécie les écrits de cet auteur, ses interrogations et réponses, souvent cinglantes, justes. Parfois « dans l’air du temps » européen (froid, vif et limite intolérant, stigmatisant). M’enfin et bref. 

Dans le papier en question, l’auteur demande à ce que les exilés algériens cessent de faire de la politique pour l’Algérie alors qu’ils en sont si loin. Eux qui ont au cœur à la fois le pays d’accueil où ils vivent et le pays de naissance où ils se rendent souvent, pour beaucoup plus qu’une « semaine de bénévolat ». Il écrit de ces Algériens qu’ils sont  « autant que nous Algériens, mais pas plus », sans ajouter « pas moins », c’est dire l’inconscient ! Ces exilés donc ne devraient pas avoir le droit d’exercer leur citoyenneté au motif qu’ils sont à l’étranger ou alors avec « modestie » ! (suit une typologie de comportements : Algérien, hyper-Algérien)

Avec tout le respect que je dois à l’auteur de cet article, il ne peut m’empêcher d’écrire que ses mots ont un drôle de goût, âcre, qui sent le stal. Je m’arrête là. Je suis persuadé qu’il s’agit d’un dérapage et je veux bien passer, mais deux lignes plus loin il enfonce le clou en nous insultant : « les sentiments de nostalgie des exilés sont de même nature que ceux d’un colon ». C’est une insulte inqualifiable.  Honnêtement et personnellement j’aurais honte d’écrire quelque chose qui se rapproche de ces parallèles Algériens/colons) et de cette idée de déchoir « les exilés algériens » de leurs droit fondamental à l’expression.  En débattre, « malgré le caractère tabou » ajoute-t-il. Quelle honte ! Au point où on en est, pourquoi leur accorder le droit de vote ? Cela dévoile la suffisance, voire l’arrogance et l’ignorance de l’histoire des rôles des émigrations passées et présentes dans les luttes pacifiques de leurs pays, de l’étranger où ils vivaient et vivent. Beaucoup de ces Algériens qui ont « quitté l’Algérie durant les années 90 » ont vécu jusqu’au bout leurs idées, en Algérie même cher monsieur, en Algérie même avant de « fuir » (disait-on dans la périphérie de qui vous savez). Il y a vingt ans, cet auteur que par ailleurs j’apprécie écrivait : « Il est plus commode de vivre les paupières fermées ». Le temps a passé. 

Poursuivre le combat sans zèle (mais sans reddition) à l’étranger n’est pas une tare, mais le plein exercice d’un droit fondamental (merci la France, merci le Canada, l’Allemagne etc.) que ces « exilés » exercent avec fierté, par devoir et que l’auteur de l’article leur dénie en filigrane. Lorsque je lis ou entends pronostiquer que les « manifestations sont sans lendemain » je me revois devant ce professeur polonais (réfugié !) que j’ai eu à l’université dans les années 70 et qui ne comprenait pas ces manifestations des refuznik et de leurs camarades français : « ça sert à quoi ce cirque ? » Il a eu raison durant cinq ans, mais il a eu définitivement tord les années suivantes. Lourdement. Mais il était en droit de se poser là. Je ne lui ai pas jeté la pierre car l’homme est ainsi fait de courage, de tiédeur, de peur etc.

Je ne leur attribue pas (aux refuznik et à leurs soutiens) la chute du Mur, et toutes les conséquences qui suivirent, mais un jour je raconterai l’histoire (en lien avec l’impossible Mur) de ce colibri Topaze « fou » qui entreprit d’éteindre le feu qui décimait l’Amazonie. Un jour. 

Je considère par ailleurs regrettable de distinguer la validité d’un combat patriotique, d’un espoir, selon que l’on est de Suède ou de Aïn Sefra, c’est d’un dommage incompréhensible, et ajouter que « la démocratie (est) absolue ». C’est insensé. Elle ne l’est nulle part et ne pourrait jamais l’être. Elle ne peut qu’être améliorée. Notre ami agite (c’est d’une facilité déconcertante) l’épouvantail de l’islamisme à venir, alors qu’il est présent, partout, hic et nunc, par la grâce d’un pouvoir jusqu’au-boutiste qui nous a déjà prouvé qu’il pouvait faire feu de tout bois (et jusqu’à créer 20 chaînes de télévision au discours univoque louant les dirigeants au creux d’une palette d’artifices). Nier que quasiment toute la société algérienne a intégré les codes islamistes c’est, encore une fois, ne pas voir les trous dans la raquette.

Notre ami ne dit pas un mot sur la nature de ce pouvoir en Algérie, rien de sa capture par une gérontocratie à bout de souffle, toujours à la recherche de compromissions. Elle est vacillante, mais toujours debout par la grâce (aussi) de commentaires laudateurs (aussi) ou lénifiant (aussi) ou visant un horizon quelconque fait de moulins à vent espagnols (ou français). Est-il vrai que celui qui ne dit rien (ou regarde ailleurs, ou minimise…) consent ? Où se nichent les « myopies souveraines », où ?

Si le chroniqueur en question évoque le cœur du pouvoir c’est entre guillemets et par la bouche de notre exilé-enseignant d’Aix qui, dit-il, « harangue la foule avec passion », qui n’a même pas « le sens de la prudence ». Comment haranguer autrement s’il vous plaît une foule d’exilés. Un exilé (universitaire) « intoxiqué par les fakes sur le ‘‘Régime’’ ». Un exilé qui a perdu « le sens de la prudence, la mesure de ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. » L’auteur en question a-t-il jamais réfléchi à ce qui — au temps de fakhamatouhou — relevait du possible et à ce qui n’en relevait pas ? 

Il y a plus de vingt ans, il s’interrogeait très justement en rouge et noir, probablement à l’intérieur de son propre dialogue comme il disait…  « Pourquoi faut-il naître dans ce pays (l’Algérie) rien que pour saluer un drapeau, écouter un discours, mâcher un crachat et rêver d’une catapulte vers le Canada et insulter les nouveaux colons ? »  Oui, il y a plus de vingt ans. Le temps a passé, et il n’a pas fini de passer.

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Lire en page 2 l’article de Kamel Daoud et autres réactions les pages suivantes

« Islamo-gauchistes » : une chasse aux sorcières médiatique

Un article d’ACRIMED_ par Frédéric Lemaire, Maxime Friot, Pauline Perrenot, vendredi 30 octobre 2020

Quelques jours après l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine et la mort de Samuel Paty (1), parmi le déferlement d’amalgames et de propos racistes, un mot d’ordre résonne dans de nombreux médias : haro sur les « islamo-gauchistes » ! Un vocable qui regroupe (entre autres) tantôt la Ligue des droits de l’homme (LDH), Mediapart, l’Observatoire de la laïcité, ou la France Insoumise… et parfois tous en même temps, dans une même accusation : celle de complicité avec le terrorisme. Une accusation grave portée en l’absence de toute preuve et de toute contradiction, proférée par des éditorialistes, des responsables politiques et une poignée de « personnalités » qui multiplient les apparitions à la télévision, à la radio ou dans la presse. Retour sur une séquence d’hystérie médiatique… aux allures de règlements de compte.

Lundi 19 octobre, de France Inter à RTL, en passant par Europe 1, CNews et BFM-TV, le même discours se déploie dans de nombreux médias, les mêmes anathèmes sont lancés sans contradiction.

Sur Europe 1, Patrick Cohen reçoit dans son interview de la mi-journée Pascal Bruckner. L’essayiste médiatique y déroule un discours halluciné, dénonçant une « hydre islamiste » qui aurait « pénétré tous les secteurs de la France : l’université, l’administration, peut-être la police, peut-être les services de renseignement, le monde du sport et le monde de l’école ». Et appelant à ce qu’on « désigne les complices », en particulier la France insoumise, coupable selon Bruckner d’avoir participé à la manifestation de novembre 2019 contre l’islamophobie avec le CCIF (2). Edwy Plenel serait également à compter parmi « les complices de gauche et d’extrême-gauche » qui ont « du sang sur les mains et devraient rendre des comptes ». Autant d’accusations graves, sans fondement, reçues avec la plus grande complaisance par Patrick Cohen… Quelques jours plus tard, sur le plateau de « 28 Minutes » d’Arte (21/10), Bruckner accuse cette fois Rokhaya Diallo d’avoir « armé le bras des tueurs » de l’attentat contre Charlie Hebdo en janvier 2015 – sans aucune réaction de l’animatrice, Élisabeth Quin.

Le 19 octobre, après avoir reçu Pascal Bruckner sur Europe 1, Patrick Cohen est sur France 5 pour sa chronique dans « C à vous ». Le lancement d’Anne-Élisabeth Lemoine donne le ton : « le drame de Conflans-Sainte-Honorine est aussi la conséquence d’années de déni ». Patrick Cohen acquiesce et dresse la liste de ceux qui se seraient rendus coupables de « lâchetés et les compromissions avec l’islam politique », citant pêle-mêle Edwy Plenel, Jacques Chirac, Tariq Ramadan ou le CCIF. Puis il épingle les propos d’un responsable de Sud Éducation, en les tronquant allègrement (3).

Invité par Alba Ventura sur RTL (19/10), l’avocat de Charlie Hebdo, Richard Malka, tient un discours similaire, pointant du doigt « les mêmes qui depuis 20 ans, utilisent cette arme de destruction massive de notre République que sont les accusations d’islamophobie, la victimisation, la culpabilisation permanente ». Même tonalité dans la matinale de France Inter (19/10), où Sophia Aram s’en prend d’abord aux« véritables promoteurs de ces attentats » qui « encouragent et organisent la posture victimaire [sic] » ; puis aux « promoteurs du concept d’islamophobie » ; ainsi qu’à « tous ces décérébrés, qu’ils soient militants, universitaires ou animateurs télé, venant dégouliner leur compassion morbide sur les musulmans pour leur expliquer qu’il est normal, compréhensible d’être bouleversé, meurtri, blessé par un putain de dessin. (4) »

Sur BFM-TV, Alain Marschall ne réagit pas lorsque Julien Odoul (RN) qualifie les députés de la France insoumise de « collabos » et de « cinquième colonne de l’islamisme » (19/10). Ni lorsque Tugdual Denis (Valeurs Actuelles) évoque « une espèce d’ambiance culturelle qui permet ce genre de passage à l’acte ». Même son de cloche plus tard : cette fois, c’est l’éditorialiste de la chaîne Bruno Jeudy qui fustige les « responsables de gauche » et les « responsables de sites d’information comme Edwy Plenel ».

Le même jour, Éric Zemmour, chez lui sur le plateau de « Face à l’info » (CNews), accuse Jean-Luc Mélenchon d’avoir manifesté avec ceux « qui ont armé intellectuellement le Tchétchène qui a tué le prof ». Et d’en conclure : « Un an après, il vient manifester pour cette jeune victime. C’est comme a dit l’ancien député Bernard Carayon : c’est le collabo qui veut participer à la Libération ». La veille, toujours sur CNews, Charlotte d’Ornellas n’hésitait pas non plus à cibler Jean-Luc Mélenchon, « plus qu’ami » avec « toute une nébuleuse qui a posé une cible sur la tête de ce prof ».

Les éditorialistes de la presse écrite ne sont pas en reste. Alexis Brézet n’a pas non plus de scrupule à donner des noms dans son édito du Figaro du 19 octobre. Parmi les « compagnons de route » qui soutiendraient la cause des islamistes, il cite tantôt Jean-Louis Bianco de l’Observatoire de la laïcité, Jean-Luc Mélenchon ou encore Edwy Plenel, et « toute une nébuleuse islamo-gauchiste » regroupant pêle-mêle les mouvements décoloniaux, l’Unef, SOS-Racisme, la LDH, etc.

Dans Le Point (20/10), Étienne Gernelle s’en prend au secrétaire fédéral de Sud Éducation, qualifié de « sinistre clown » et au directeur de Mediapart. Puis c’est au tour de l’inénarrable Franz-Olivier Giesbert (21/10) d’éructer contre « le multimillionnaire » Edwy Plenel, « saint patron de l’islamo-gauchisme », avant de conclure : « Le martelage de cette engeance, sur fond de terrorisme intellectuel, ne contribue pas qu’un peu à notre délitement actuel ». Fidèle au poste dans Marianne (23/10), Jacques Julliard est au diapason des âneries réactionnaires : « Pour la première fois depuis l’Occupation, la France n’est plus libre. » Et l’éditocrate d’espérer : « Si, au moins, l’indignation actuelle contribuait à nous débarrasser de l’islamo-gauchisme, sans lequel l’islamo-fascisme ne saurait prospérer. (5) »

Ainsi, dans un large spectre de médias, des radios aux chaînes d’information en continu en passant par la presse, ce sont les mêmes accusations graves qui sont portées (de complicité avec le terrorisme tout particulièrement) en l’absence de tout élément factuel. Les mêmes procès d’intention sont formulés à l’égard des participants à la marche contre l’islamophobie, fin 2019, pour mieux les discréditer sous un vocable épouvantail : « l’islamo-gauchisme ». Il y aurait beaucoup à dire sur l’histoire et la « force des concepts faibles », comme l’analyse Samuel Hayat dans une tribune pour L’Obs (27/10) (6). Pour comprendre l’omniprésence d’un tel concept dans la séquence qui nous occupe, et son infusion dans le débat public, il faut s’intéresser au rôle joué par un petit nombre de personnalités médiatiques ayant multiplié les interventions depuis l’assassinat de Samuel Paty. Et, dans un second temps, à celui des membres de gouvernement, ayant contribué – avec des journalistes, au choix : militants, suivistes ou complaisants – à la co-construction d’une telle chasse aux sorcières.

Un agenda médiatique, ça se travaille


Comment en est-on arrivé là ? Comment expliquer qu’à peine 48 heures après l’assassinat de Samuel Paty, l’agenda médiatique ait été à ce point orienté sur le lynchage des pseudo « intellectuels collabos » et du fumeux « islamo-gauchisme » – en plus d’un déferlement de propos islamophobes et xénophobes ? Dans l’article « Chaînes d’info : l’extrême droite en croisière », nous revenions sur les mécanismes propres aux chaînes d’info, à même d’expliquer tout à la fois la médiocrité du débat public et sa « radicalisation » à droite et à l’extrême droite. Ils ont évidemment ici joué à plein. Mais il faut signaler, dans ce moment particulier, un élément central et déterminant : la surface médiatique (bien au-delà des seuls médias ouvertement réactionnaires) occupée par le discours d’une série de journalistes, de polémistes ou d’essayistes, proches du Printemps républicain et de Manuel Valls. Malgré des tons différents, tous ont contribué à mettre en avant, dans les grands médias dont ils sont familiers, une obsession et un agenda communs : la stigmatisation des « complices de l’islamisme ».

À 23h16 le 16 octobre, soit seulement quelques heures après l’assassinat de Samuel Paty, Pascal Bruckner, en campagne médiatique pour vendre son dernier livre, dégaine le premier dans un entretien au FigaroVox: « On aura une petite pensée émue pour tous ceux, des Indigènes de la République jusqu’à une certaine presse de « gauche » – je pense au délicat Edwy Plenel – qui, patiemment, minutieusement, au nom de l’anti-racisme, ont construit une haine inexpiable contre l’équipe de Charlie. » Le philosophe médiatique n’a pas perdu de temps. Pas plus que Manuel Valls, sur le pont dès 8h30 le lendemain matin dans la matinale de France Info pour à son tour dénoncer Edwy Plenel et « les ambiguïtés […] présentes pas seulement parmi les politiques, [mais aussi] dans la société française, […] à l’école. » Une tirade savamment introduite par la journaliste du service public :

Richard Malka, l’avocat de Charlie Hebdo, a dit récemment que la gauche a abandonné ce combat pour la laïcité et la liberté d’expression. Philippe Val, l’ancien patron de Charlie Hebdo, a lui parlé de la complaisance de certains milieux intellectuels. Est-ce que vous partagez leurs constats ?

Le même jour, c’est « l’essayiste » Céline Pina qui menait campagne sur LCI, jetant cette fois-ci l’anathème sur l’université toute entière : « Aujourd’hui, allez écouter ce qui se dit à l’université. Ce n’est pas que les islamistes qui tiennent ce discours. Ils sont alliés avec qui ? Avec tous les racialistes, tous ceux qui voient tout par la couleur de la peau. Ils sont alliés avec qui ? Avec les Geoffroy de Lagasnerie. Ils sont alliés avec qui ? On les a vus ! »

Au soir du samedi 17, encore, c’est au tour du Parisien de mettre en ligne un entretien avec Bernard Cazeneuve, qui paraîtra le lendemain dans la version papier. L’ancien Premier ministre y dénonce des « petites lâchetés et concessions médiocres face au communautarisme » avant de mobiliser les grands mots, relancé sur la question par le journaliste politique Alexandre Sulzer : « Il y a aussi l’islamo-gauchisme qui regarde avec les yeux de Chimène certaines organisations communautaristes qui ont en elles une défiance, pour ne pas dire une forme de haine de la République. » Invité deux jours plus tard dans le « 7/9 » de France Inter (19/10), il pointe à nouveau les « groupes gauchistes » et « les parlementaires » ayant manifesté le 10 novembre dernier contre l’islamophobie. À Nicolas Demorand – en mal de cibles plutôt que d’arguments (« Vous parlez des insoumis ? De la France insoumise ? ») – Bernard Cazeneuve répand un semi-flou : « Ils se reconnaîtront, je parle bien entendu d’un certain nombre de députés insoumis, mais pas seulement. »

Mais n’allons pas si vite… Car c’est sans doute le dimanche 18 que les saillies contre « l’islamo-gauchisme » ont pris toute leur ampleur. À la faveur, notamment, d’agitateurs réactionnaires ou d’extrême droite ayant revendiqué, dans les médias, leur refus de se rendre au rassemblement pour Samuel Paty (place de la République à Paris), en raison de la présence de la France insoumise (entre autres). Dans Causeur, Céline Pina repart ainsi à l’offensive : « Les organisateurs appartiennent pour l’essentiel à la gauche qui a sombré dans l’islamo-gauchisme. […] Je ne défilerai pas aux côtés de ceux qui tiennent la porte à l’idéologie des assassins. […] Et surtout je refuse de défiler auprès des syndicats enseignants. Ceux-là mêmes qui par lâcheté ont laissé la situation dériver. » Avant de lister les « traîtres » un à un, de la FCPE à SOS Racisme en passant par la Ligue des droits de l’homme, la FIDL et l’Unef, tous « comptables […] de toute cette horreur », accusés de « légitimer la sauvagerie ».

Présent au rassemblement, Manuel Valls remet dix pièces dans la machine dans un duplex sur BFM-TV, ciblant une nouvelle fois la « très grande complicité » et la « très grande responsabilité » de Jean-Luc Mélenchon. Une intervention qui lui vaut d’être propulsé en plateau, quelques heures plus tard, en tant qu’invité principal de l’émission « BFMTVSD »:

Jean-Baptiste Boursier : Pardon je m’arrête là-dessus c’est très important parce que tout à l’heure je vous ai écouté avec attention. Vous étiez place de la République, vous avez eu des mots extrêmement durs, et notamment à l’endroit de la France insoumise, de Jean-Luc Mélenchon. Vous avez dit ils ont une forme de responsabilité dans cette lâcheté ?

Il n’en fallait guère plus à Manuel Valls pour renouveler et compléter le listing des complices : « La France insoumise, la gauche journalistique – Edwy Plenel, la gauche syndicale bien sûr – l’Unef, mais aussi la Ligue de l’enseignement, la Ligue des droits de l’homme. » Quasiment à la même heure, la « camarade de barricade » de Manuel Valls (7), Caroline Fourest, se livre au même procédé sur le plateau de « C politique » (France 5), dénonçant l’Observatoire de la laïcité et appelant solennellement à ce que « les syndicalistes qui se disent à gauche arrêtent de tolérer d’être noyautés par des militants qui sont des militants obscurantistes. » Là encore, aucune précision ni le début du commencement d’une contradiction ne seront apportés par les journalistes.

Invité le lundi 19 dans la matinale de RTL, Richard Malka, avocat de Charlie Hebdo, dénonce les manifestants du 10 novembre 2019 en désignant Jean-Luc Mélenchon et Esther Benbassa. Avant de conclure : « On ne peut pas être en même temps Obono et Charlie Hebdo. » Un plaidoyer qu’il renouvelle sur « C à vous » (France 5) le soir-même, en dénonçant à nouveau Jean-Luc Mélenchon et Éric Coquerel, « qui trahissent tous les idéaux de la République […] en allant manifester le 10 novembre dernier avec le CCIF. » Là encore, la présentatrice Anne-Élisabeth Lemoine avait en amont bien labouré le terrain : « C’est pour ça qu’il vous est insupportable de voir hier place de la République des responsables politiques, eux qui ont été longtemps dans le déni ? Jean-Luc Mélenchon était présent […]. »

Ces quelques exemples – concentrés sur les trois premiers jours ayant suivi l’assassinat – donnent une idée de la rapidité avec laquelle le thème des « complices intellectuels » et de « l’islamo-gauchisme » s’est imposé dans le débat médiatique. Ils donnent également un bon aperçu de l’absence totale de contradiction de la part des journalistes, suscitant ou relayant des anathèmes et des concepts pourtant fumeux, sans ressentir le besoin d’argumenter. Et surtout, en assurant une présence médiatique quotidienne à leurs auteurs, tout au long de la semaine.

Pour ne donner que quatre exemples : Caroline Fourest écrit un édito dans Marianne le 17, passe sur France Inter et dans « C Politique » le 18, dans Elle le 19, dans L’Express, sur LCI et France 2 le 21 (entre autres !) ; Céline Pina écrit dans Causeur (les 17, 18 et 21), passe sur LCI les 17, 20 et 27, sur Sud Radio les 20 et 27, sur Public Sénat le 21, dans Front populaire le 24, Atlantico le 26, et fait même une apparition dans le « 13h » de TF1 le 20.

Manuel Valls, lui, est bel et bien de retour : le 17 sur France Info, le 18 sur Europe 1 et BFM-TV, le 21 sur Europe 1, BFM-TV et LCI, le 23 dans le talk du Figaro et sur TV5 Monde, le 27 sur Public Sénat… Quant à Pascal Bruckner, on peut le lire le 16 dans Le FigaroVox, l’entendre le 19 sur Europe 1, le 20 sur LCI, le 21 dans les « Grandes gueules » puis sur Arte, le 22 dans la matinale d’Inter et sur France Culture.


Une coproduction politico-médiatique


Si l’agenda médiatique est donc très vite accaparé par les accusations de « complicité » d’une partie de la gauche, la chasse aux sorcières prend une ampleur supplémentaire avec les prises de position médiatiques de plusieurs membres du gouvernement.

Le 19 octobre sur Europe 1, le ministre de l’Intérieur fait part de son souhait de dissoudre des associations, notamment Baraka City et le CCIF. Face à lui, Sonia Mabrouk rappelle ses accusations proférées deux semaines plus tôt à l’Assemblée nationale : « Vous avez dit à l’Assemblée, Gérald Darmanin, qu’il y a un islamo-gauchisme lié à la France insoumise qui détruit la République… qui détruit la République ! » Loin d’en interroger la pertinence, elle les atteste et s’interroge : « Qu’est-ce qu’on fait pour empêcher cela ? » Au ministre, qui tempère (« Les mots de temps de peine ne sont pas les mots de temps de guerre. Moi je veux attaquer personne en particulier. Je suis très content que beaucoup de gens se réveillent »), elle semonce : « Est-ce qu’il y n’a pas des réveils tardifs ? »

Le lendemain soir (20 octobre), sur BFM-TV, le ministre de l’Intérieur s’aligne explicitement sur les mots de Patrick Cohen, tenus la veille dans « C à vous » (« M. Cohen en a témoigné ») et s’en prend à Sud Éducation et Edwy Plenel : « Je me dis qu’il y a de la lâcheté intellectuelle évidemment, et qu’ils sont aussi entre guillemets responsables de cette ambiance, de température, qui permet à des individus de passer à l’acte en excusant tout. » La coproduction politico-médiatique de tels anathèmes ne fait que commencer…

À compter du 22 octobre, des ministres et membres de la majorité relayent ce discours dans les médias ou à l’Assemblée nationale (8).

Mais c’est surtout l’interview du ministre de l’Éducation nationale par Sonia Mabrouk (décidément…) le 22 octobre sur Europe 1 qui remettra, à compter du jeudi et plusieurs jours durant, la question de l’ « islamo-gauchisme » à l’ordre du jour médiatique. Et, plus précisément ce passage :

Jean-Michel Blanquer : Moi je pense surtout aux complicités intellectuelles du terrorisme. C’est ce point que je souhaite souligner en ce moment. Notre société a été beaucoup trop perméable à des courants de pensée.

Sonia Mabrouk : Qui par exemple ? Des milieux intellectuels, universitaires ? Citons-les !

Jean-Michel Blanquer : Oui on peut les citer, ce qu’on appelle communément l’islamo-gauchisme fait des ravages.

Et le ministre de citer « l’université », « les rangs de la France Insoumise » ou « l’Unef » comme « complices intellectuels de crimes ». L’AFP y consacre une dépêche le jour-même – reprise partout : sur les sites de L’Obs, Le Parisien, Le Point, La Provence, Paris Match, Ouest-France, Nice Matin, L’Express, Challenges, La Voix du Nord, 20 Minutes, et ceux de BFM-TV, CNews, i24 News, France 24, RTL et encore celui de France Info. Le buzz est garanti, et la mécanique médiatique est relancée. Le Monde, Libération, Le Figaro, L’Opinion, RT France, Atlantico publient également des articles sur ce passage de la déclaration du ministre… Relayés, commentés ou critiqués, ses propos sont partout. Et bien sûr, également dans les talk-shows – c’est qu’ils donnent matière à débat : dès le 22 octobre sur CNews (dans « L’heure des pros 2 » puis dans « Soir Info ») et LCI (« 20h Darius Rochebin »), le 23 octobre sur RMC (« Les Grandes gueules »), le 24 sur CNews (« Midi News Week-end ») et France 5 (« C l’hebdo »), le 26 sur LCI (« 24h Pujadas »).

Les chroniqueurs de « L’heure des pros », une des émissions phares de CNews, ne sont pas avares en outrances. Le 22, Gilles-William Goldnadel tranche à propos d’un syndicaliste cheminot : « [Anasse Kazib] c’est Sud Rail, et c’est largement autant l’islamisme que le gauchisme » ; le lendemain Ivan Rioufol (du Figaro) se lance dans une des tirades hallucinées dont il a le secret :

Ce sont des fascistes, ce sont des islamo-fascistes, des nazislamistes [sic], des totalitaristes appelez-les comme vous voulez, ce sont des antidémocrates. D’ailleurs il est temps aujourd’hui de mettre un cordon sanitaire […] pour tous ces partis, notamment d’extrême gauche, qui pactisent aujourd’hui avec ceux qui ont décidé de l’effondrement de la France.

Ce 22 octobre, Pascal Praud a senti le basculement : « C’est intéressant, parce que ce n’est pas Marine Le Pen qui le dit, ce ne sont pas des éditorialistes qui le disent, c’est le ministre de la République. Et cette phrase (…) n’aurait pas pu être dite il y a huit jours ». Il est suivi par sa bande :

Gilles-William Goldnadel : « L’expression “islamo-gauchiste”, je l’ai employée à peu près depuis 20 ans, et pendant très longtemps, on ne parlait pas des ravages qu’il faisait, on disait que j’étais un ravagé moi-même ».

Ou Ivan Rioufol, le lendemain, toujours sur CNews : « Ça fait très longtemps que nous sommes quelques-uns à dénoncer l’islamo-gauchisme. Et jusqu’alors effectivement nos paroles ne passaient pas… ne passaient guère les murs. Aujourd’hui les murs s’effondrent, tant mieux ».

Un bilan que tirait aussi Marianne (en s’en réjouissant) le 22 octobre : « On voit les complaisants politiquement corrects de l’UNEF se faire huer comme collabos dans les manifestations – ; qui parle d’islamo-gauchisme, d’années d’aveuglement et de laxisme n’est plus à la droite d’Attila ».

Et on a vu sur les chaînes d’info en continu, dans les éditos de la presse hebdomadaire, sur l’audiovisuel public se poursuivre cette chasse aux sorcières (9). Le dimanche 25 octobre sur France Culture, Brice Couturier reprend ainsi à son compte la « thèse » de Jean-Michel Blanquer :

Je pense que Jean-Michel Blanquer a tout à fait raison de souligner qu’il y a tout un tissu intellectuel, tout un écosystème intellectuel et médiatique qui a couvert, qui a just…, qui a légitimé en essayant de comprendre. […] On a été très très loin quand même dans la légitimation de ces actes de guerre qui sont dirigés contre notre pays et contre nos concitoyens. Il faut que ça cesse ! Il y a des gens qui ont manifesté en novembre avec les islamo-gauchistes, avec les islamistes en criant « Mort aux juifs » dans les rues, et qui aujourd’hui retournent leur veste parce qu’ils ont compris que les Français étaient exaspérés

Avant de se faire le porte-parole de Manuel Valls en fustigeant, tout en nuance, une gauche « indigéniste, racialisante, qui déteste la laïcité et qui veut renverser la République. » Et de conclure, hargneux : « Ces gens-là sont en train de faire l’objet d’un rejet très violent de la part de la population, c’est bien fait pour eux. »

Valérie Toranian, directrice de la rédaction de la Revue des deux mondes, accrédite également les propos du ministre de l’Éducation nationale dans un éditorial publié sur le site du mensuel:

Les collabos se recrutent à tous les étages de notre société. Dans les médias, à l’université, très justement accusée par Jean-Michel Blanquer d’être souvent le lieu d’un islamo-gauchisme qui fait des ravages..

Le 26 octobre, c’est encore Alain Finkielkraut qui, seul sur le plateau de LCI pour répondre aux « questions » de David Pujadas, s’en donne à cœur joie. Faut-il dénoncer l’islamo-gauchisme demande Pujadas ? Bien sûr, répond Finkielkraut :

L’islamo-gauchisme n’est pas un fantasme droitier. C’est une triste réalité. […] L’islamo-gauchisme, c’est Danièle Obono, députée de la France insoumise qui ne pleure pas pour Charlie, qui réserve ses larmes pour Dieudonné. L’islamo-gauchisme c’est Emmanuel Todd […]. L’islamo-gauchisme c’est en effet Jean-Luc Mélenchon […].

La violence est telle que les (très rares) personnes accusées d’ « islamo-gauchisme » qui furent invitées à « s’exprimer » ont en réalité été jetées en pâture et soumises à des interrogatoires journalistico-policiers en règle. Comme l’a signalé Laurence de Cock, ce fut notamment le cas de la présidente de l’Unef, Mélanie Luce, lors de l’émission « Signes des temps » présentée par Marc Weitzmann sur France Culture.

Bref. Plus d’une semaine après l’assassinat de Samuel Paty, l’hystérie médiatique à propos des « islamo-gauchistes » continuait, appelant la surenchère d’une Marine Le Pen sur RTL ou celle d’un Alain Finkielkraut sur LCI (fustigeant l’ « islamo-clientélisme » et l’ « islamo-humanisme » !) Le 22 octobre, Le Figaro rapportait d’ailleurs le désarroi du Rassemblement national, « à l’épreuve de la banalisation de ses idées ».

***


La semaine de matraquage ayant suivi l’assassinat de Samuel Paty témoigne de l’emprise des obsessions réactionnaires, du degré d’hystérie du débat médiatique. Et de folles contradictions : ainsi certains journalistes peuvent-ils, dans le même temps, vanter les mérites de l’éducation et de la connaissance ; et contribuer à la misère du débat public en favorisant la circulation circulaire d’amalgames et d’anathèmes sans fondements qui neutralisent, par avance, toute discussion et toute réflexion.

Et les mêmes têtes d’affiches qui claironnent en chœur la défense de la liberté d’expression se livrent par ailleurs à une campagne de disqualification et de stigmatisation d’un pan toujours plus vaste de la société : associations, organismes publics, organisations de défense des droits humains, syndicats enseignants et étudiants, milieu de la recherche, intellectuels et partis politiques, accusés en bloc de « complicité » avec le terrorisme. Le tout en marginalisant leurs prises de parole, ou plutôt en les excluant purement et simplement de l’espace du débat public, comme ce fut le cas en cette semaine.

Après les attentats de 2015, déjà, dans l’article « ‘‘ Avec nous, ou avec les terroristes’’ : les éditorialistes-faucons sont de retour », nous analysions le matraquage auquel se livraient les mêmes personnalités que l’on retrouve aujourd’hui contre les voix dissidentes de l’époque :

Au-delà de l’évidente condamnation de ces actes ignobles et de l’expression de la solidarité avec les victimes et leurs proches, certaines organisations et certains individus ont tenté de faire entendre une voix discordante, refusant de s’identifier de manière acritique à la politique française, qu’elle soit étrangère ou intérieure. […] Ces voix discordantes ont-elles raison ? Là n’est pas la question. Il s’agit plutôt de savoir si elles ont le droit de s’exprimer dans l’espace public et, singulièrement, dans l’espace médiatique. Nous estimons que oui, car rien ne saurait justifier l’interruption du débat démocratique, a fortiori dans un moment où une population sous le choc a envie, et besoin, de réfléchir et de comprendre. […] Réfléchir, comprendre, expliquer, ce n’est pas justifier. Il serait temps que certains le comprennent pour ne pas répéter éternellement les mêmes erreurs en faisant régner une terreur intellectuelle qui, sous couvert de défense de la liberté, tend à ruiner encore un peu plus les conditions élémentaires du débat démocratique.

Nous assistons, cinq ans plus tard, à une réactivation amplifiée de ce moment médiatique. « Réactivation » car les raisons et les processus médiatiques de la disqualification sont identiques. « Amplifiée » car le matraquage est massif, irriguant désormais la quasi-totalité de l’espace médiatique. Et se traduit par la mise au ban par anticipation des « complices » supposés, auxquels certains journalistes vont jusqu’à dénier le droit du recueillement et de l’émotion.

« Contre le parti collabo » écrivait Jacques Julliard dans un édito de Marianne en septembre 2016, fustigeant les « arrières-greniers de la pensée collabo », leur « esprit de soumission » et les « intellectuels » au sens large. « Ce n’est pas ma faute à moi si dans le langage populaire intello rime avec collabo. » Contre ce niveau d’argumentation, contre le piétinement de la pensée, contre les verrouillages du débat et pour la liberté d’expression : voilà à quoi nous en appelons plutôt.


Frédéric LemaireMaxime Friot et Pauline Perrenot, grâce au travail d’observation collective des adhérentes et adhérents d’Acrimed

1_ Voir le communiqué d’Acrimed ici-même.

2_ Le Collectif contre l’islamophobie en France est une association dont l’objet est de lutter contre l’islamophobie — définie par elle comme « l’ensemble des actes de rejet, de discrimination ou de violence perpétrés contre des institutions ou des individus en raison de leur appartenance, réelle ou supposée, à la religion musulmane » (Wikipédia). Il a, dès le début, été visé par le gouvernement et les commentateurs médiatiques.

3_ Lire à ce sujet cet article de la page Checknews du site de Libération.

4_ Ce passage a été complété le 31/10/2020.

5_ Pourfendeur de longue date de « l’islamo-gauchisme », Jacques Julliard écrivait par exemple en 2018 dans La revue des deux mondes : « L’islamo-gauchisme […] est le fait d’intellectuels, de groupuscules, de certains médias comme Mediapart. Ce n’est pas un mouvement organisé, son importance vient de son influence sur le monde des médias (beaucoup de journaux, de radios, la presse de gauche en général, Libération en particulier). Aujourd’hui un certain nombre de personnalités de gauche sont fascinées par ces formes inédites d’obscurantisme religieux. »

6_ À ce sujet, on pourra également se reporter aux articles de Libération : « Islamo-gauchisme, aux origines d’une expression médiatique » (14/04/16) et « En finir avec l’ »islamo-gauchisme » ? » (23/10/2020)

7_ L’expression est de Manuel Valls, France Info, 17 oct.

8_ Par exemple, la députée LREM Aurore Bergé qui exprime sa « colère face à ceux qui ont mis leurs pas dans ceux du CCIF. » Ou encore le ministre de l’Économie Bruno Le Maire qui « dénonce » dans Le Figaro, « l’attitude de certains partis politiques comme La France insoumise ou une fraction des Verts » et « la complaisance de certains syndicats étudiants comme l’Unef. » Il se répétera, le lendemain (23 octobre), chez Sonia Mabrouk.

9_ Dans le même temps, le défilé médiatique des membres du gouvernement et de la majorité se poursuit pour lister les « complices », par exemple Aurore Bergé sur LCP le 23 octobre, ou Jean-Michel Blanquer dans le JDD et Marlène Schiappa sur CNews le 25.

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LE CNRS EST CLAIR

Voici son mot daté 17 février

L’« islamogauchisme » n’est pas une réalité scientifique 

17 février 2021 

Institutionnel

« L’islamogauchisme », slogan politique utilisé dans le débat public, ne correspond à aucune réalité scientifique. Ce terme aux contours mal définis, fait l’objet de nombreuses prises de positions publiques, tribunes ou pétitions, souvent passionnées. Le CNRS condamne avec fermeté celles et ceux qui tentent d’en profiter pour remettre en cause la liberté académique, indispensable à la démarche scientifique et à l’avancée des connaissances, ou stigmatiser certaines communautés scientifiques. Le CNRS condamne, en particulier, les tentatives de délégitimation de différents champs de la recherche, comme les études postcoloniales, les études intersectionnelles ou les travaux sur le terme de « race », ou tout autre champ de la connaissance.

Concernant les questions sociales, le rôle du CNRS, et plus généralement de la recherche publique, est d’apporter un éclairage scientifique, une expertise collective, s’appuyant sur les résultats de recherches fondamentales, pour permettre à chacun et chacune de se faire une opinion ou de prendre une décision. Cet éclairage doit faire état d’éventuelles controverses scientifiques car elles sont utiles et permettent de progresser, lorsqu’elles sont conduites dans un esprit ouvert et respectueux.

La polémique actuelle autour de l’ « islamogauchisme », et l’exploitation politique qui en est faite, est emblématique d’une regrettable instrumentalisation de la science. Elle n’est ni la première ni la dernière, elle concerne bien des secteurs au-delà des sciences humaines et des sciences sociales. Or, il y a des voies pour avancer autrement, au fil de l’approfondissement des recherches, de l’explicitation des méthodologies et de la mise à disposition des résultats de recherche. C’est là aussi la mission du CNRS.

C’est dans cet esprit que le CNRS pourra participer à la production de l’étude souhaitée par la Ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation visant à apporter un éclairage scientifique sur les champs de recherche concernés. Ce travail s’inscrirait dans la continuité de travaux d’expertise déjà menés sur le modèle du rapport « Recherches sur les radicalisations, les formes de violence qui en résultent et la manière dont les sociétés les préviennent et s’en protègent » réalisé en 2016 par l’alliance Athena, qui regroupe l’ensemble des forces académiques en sciences humaines et sociales dans les universités, les écoles et les organismes de recherche, ou du rapport « Les sciences humaines et sociales face à la première vague de la pandémie de Covid-19 – Enjeux et formes de la recherche », réalisé par le CNRS en 2020.

Contact

Priscilla Dacher 

Responsable du bureau de presse du CNRS

www.cnrs.fr/fr/l-islamogauchisme

https://www.cnrs.fr/fr/l-islamogauchisme

France-Algérie, les passions douloureuses

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Benjamin Stora – Photo Ludovic Marin/AFP

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CLIQUER ICI POUR ÉCOUTER BENJAMIN STORA SUR FRANCE – INTER

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CLIQUER ICI POUR ÉCOUTER B. STORA SUR SON RAPPORT

(in Lemonde.fr- 23.01.2021).

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CLIQUER ICI POUR LIRE LE RAPPORT INTÉGRAL DE BENJAMIN STORA

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OSSATURE DU RAPPORT

Ossature du Rapport sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie » de Benjamin Stora.

Page 1 – 3

  • citations d’Albert Camus et Mouloud Féraoun
  • Sur le contexte de la demande du président Macron
  • Les questions abordées dans ce rapport

Page 4 – 32

PARTIE II

  • Citations de Paul Ricoeur et de Kateb Yacine
  • Un exercice difficile mais nécessaire
  • Singularité du conflit
  • Cheminement des mémoires
  • Regarder et lire toute l’histoire pour refuser la mémoire hémiplégique
  • Deux imaginaires
  • Interaction. Le monde du contact

Page 33

PARTIE II

  • Les rapports de la France avec l’Algérie
  • Discours du général de Gaulle
  • L’économie, et la mémoire qui saigne
  • L’arrivée de la gauche au pouvoir
  • France, années 2000 : les accélérations de mémoires
  • Algérie : le retour des noms propres
  • Le chemin déjà accompli… sous la présidence de Jacques Chirac
  • … sous la présidence de Nicolas Sarkozy
  • … sous la présidence de François Hollande
  • … sous la présidence d’Emmanuel Macron 

Page 58

PARTIE III

Des défis à relever

  • Citations de Marie Cardinal et de Leïla Sebbar
  • Les archives, « un patrimoine commun » ?
  • Le guide des disparus
  • La mémoire, par la force des images
  • La question des excuses. Un détour par l’Asie
  • Autres sujets. Autres défis

Page 85

CONCLUSION

Vers un traité Mémoires et Vérité

  • Citation de l’Émir Abdelkader

Fin du rapport.

Page 92

Préconisations

Page 98

Remerciements

Page 105

ANNEXES

  • Annexe 1_ Les discours présidentiels

Discours du président Nicolas Sarkozy à Constantine devant des étudiants algériens, mercredi 5 décembre

Discours du président François Hollande au Mémorial de la guerre d’Algérie. 19 mars 2016

Déclaration du président Emmanuel Macron, à propos de Maurice Audin, 13 septembre 2018

  • Annexe 2_ quelques signes de détente et de coopération entre les sociétés civiles

Page 125

Archives relatives à l’Algérie, classements, numérisations et mises en ligne : bilan et perspectives 2017-2024

  • Présentation des fonds relatifs à l’Algérie
  • Bilan des traitements déjà effectués

… en matière de classement et de description de fonds d’archives

… en matière de numérisation de documents

  • Perspectives de travail pour la période 2020-2024

… en matière de traitement, de description de fonds et de rétroconversion des fonds

… en matière de numérisation de documents

… en matière de recherches administratives et historiques

Documents ottomans

Page 128

Tableau

Archives relatives à l’Algérie, classements, numérisations et mises en ligne : bilan et perspectives 2017-2024

  • Classement effectué sur la période 2017-2019

Fonds territoriaux

Total des classements 2017-2019 : 123,5 m.l.

Travaux de classement 2020 

Fonds ministériels 7

Fonds territoriaux 8

                        Travaux de classement à venir 2021-2022

Fonds ministériels 

Fonds territoriaux 

                        Travaux de classement à venir 2023-2024

Fonds ministériels 

Fonds territoriaux 

                        Archives numérisées en ligne

                        Numérisation et mise en ligne 2020-2021

                        Numérisation et mise en ligne 2022-2024

  • Annexe 3_ Quatrième Session du Comité intergouvernemental de haut niveau franco-algérien (CIHN)- Paris, 7 décembre 2017

Communiqué conjoint

  • Paix et sécurité
    • Dimension humaine
    • Coopération institutionnelle, éducative et culturelle
    • Partenariat économique
    • Calendrier bilatéral

Page 142

Bibliographie sélective sur les mémoires de la guerre d’Algérie

Bibliographie sélective sur les rapports entre la France et l’Algérie

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Benjamin Stora, historien, spécialiste du Maghreb contemporain et auteur du rapport sur « les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie », remis ce mercredi au Président de la République . Sortira en mars « France-Algérie, les passions douloureuses » (Albin Michel), est l’invité de 7h50. 

Pour l’historien, « il est évident pour beaucoup d’Européens d’Algérie que ça reste une question douloureuse ; la grande question c’est de comprendre la souffrance de l’autre, des Algériens. Il faut fabriquer un discours qui permettent d’unifier les mémoires » 

Interviewé par Léa Salamé

France Inter, jeudi 21 janvier 2021, 7h50

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Emmanuel Macron avait commandé en juillet dernier à Benjamin Stora un rapport pour surmonter les difficultés héritées de la colonisation et qui rendent difficiles les relations en la France et l’Algérie.

Ce rapport a été remis ce mercredi 20 janvier.

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FAUT-IL SUPPRIMER LES CHAÎNES D’INFO EN CONTINU ?

David Medioni

07/01/2021

Avec 35 millions de téléspectateurs mensuels, CNews, deuxième chaîne d’information du pays, est devenue incontournable. Le tout grâce à une stratégie bien précise : l’occupation d’un espace politique à la droite de l’échiquier et le culte du clash. CNews est-elle devenue la Fox News à la française ? Et comment le succès de CNews entraîne une « foxisation » de l’ensemble des chaînes infos françaises ? 

« Qui ment le plus : les médias, Trump ou les deux ? » : Christine Kelly, ancienne « sage » du CSA, animatrice vedette de la chaîne CNews, tweete ce sondage quelques heures avant de prendre l’antenne. De quoi alimenter son « Face à l’info » du jour diffusé quotidiennement sur CNews dans laquelle Éric Zemmour a son rond de serviette. Le thème : « États-Unis : les médias ont-ils fait l’élection ? » Et le polémiste en chef d’expliquer doctement que « oui, les médias américains ont fait l’élection et ont censuré le pouvoir en coupant le micro de Donald Trump ». Il ajoute : « Dans le Wisconsin, il y a des choses étranges, j’ai regardé. À un moment donné, les assesseurs se sont arrêtés quatre heures. Quand ils ont repris, il y avait 139 000 bulletins Biden, 0 pour Trump, c’est étrange. C’est la même chose dans le Michigan. » Kelly l’interrompt : « Quelle source ? » Embarras de Zemmour : « Euh, je ne sais pas, des journaux, je les ai, je vous les donnerai après car, sinon, ça va pourrir le débat. » Il enchaîne : « Je n’ai pas de preuves, mais ce que je dis, c’est que les médias ne se sont pas intéressés à cela. Ils ont fait le choix de Biden. C’est grave pour la démocratie. » Quelques instants plus tard, il lance : « Vous savez bien de toute façon qu’en France comme aux États-Unis les rédactions sont toutes de gauche[1]. »

Quelques semaines auparavant, des journalistes comme Gérard Carreyrou, Jean-Louis Burgat, Marc Menant et Philippe Bilger s’intéressaient au projet de loi contre le séparatisme. « Il manque un volet immigration dans ce texte », jugeait Gérard Carreyrou. Dans la même semaine, comme chaque jour, à 9 heures du matin, c’est « L’Heure des pros ». Elle revient même une seconde fois dans la journée, à 20 heures, pour « L’Heure des pros 2 ». Et, chaque jour, Pascal Praud donne son point de vue. « Mais arrêtez de citer leurs noms, ces gens ne représentent rien ni personne. Qui lit encore Libération ? Nous, nous sommes regardés par des millions de téléspectateurs » : l’ancien journaliste sportif de Téléfoot éructe. Quelques minutes plus tard, le même vilipendera la « dictature sanitaire » qui conduit le gouvernement à imposer un couvre-feu et à « avoir peur de tout ». D’ailleurs, Pascal Praud se vante à longueur d’émission d’être celui qui dit « tout haut ce que l’on ne peut plus dire ». 

Complotisme bon teint, informations non sourcées, flirt contrôlé mais réel avec les idées de l’extrême droite, la deuxième chaîne d’information de France a choisi un créneau éditorial bien précis. Comment en est-on arrivé là ? Comment l’ex-iTélé est-elle devenue une sorte de Fox News à la française ? Enfin, comment CNews a-t-elle entraîné dans son sillage les autres chaînes d’information ?

Pour comprendre le basculement, il faut d’abord remonter à 2016. À cette époque, Vincent Bolloré vient d’acquérir le groupe Canal+. Il prend logiquement la main sur la chaîne d’information iTélé. Si elle jouit d’un certain succès d’estime et qu’elle apparaît par rapport à sa concurrente BFM-TV comme étant la plus « sérieuse » sur la qualité de l’information, iTélé perd alors quelque quarante millions d’euros par an. C’est trop. Deux axes principaux sont fixés pour transformer la chaîne : réduire les coûts de fabrication et faire d’iTélé une chaîne de débats et d’opinions. Le but ? Doubler l’audience et si possible gagner de l’argent. 

I – LE CLASH COMME OUTIL 

Sur le premier axe, les choses n’ont pas traîné. Quatre-vingts journalistes quittent l’entreprise, soit la moitié des effectifs de la rédaction. « Cela coûte moins cher de diffuser des débats que de faire de l’information, du terrain, du reportage », analyse un ancien d’iTélé parti au moment du changement de propriétaire. Sur le second axe, pour doubler l’audience, la chaîne a su conserver des têtes d’affiche comme Laurence Ferrari, par exemple, mais aussi faire venir des personnalités comme Jean-Pierre Elkabbach, Éric Zemmour, Pascal Praud ou encore Christine Kelly. « L’habileté des nouveaux dirigeants de la chaîne a été d’installer des figures bien connues des téléspectateurs pour animer des débats avec des personnalités classées à droite, voire à l’extrême droite », juge un ancien rédacteur en chef de la chaîne. Sur les intervenants réguliers, la liste est parlante : le Rassemblement national, Valeurs actuellesCauseur ou Boulevard Voltaire sont très représentés. Thierry Mariani, Jean Messiha, Ivan Rioufol, Gilles-William Goldnadel, Jean-Claude Dassier, Philippe Bilger, Charlotte d’Ornellas ou encore Guillaume Bigot, Gabrielle Cluzel, Eugénie Bastié, Ludovine de la Rochère et évidemment Éric Zemmour, condamné trois fois pour incitation à la haine raciale, sont des habitués. 

Des éditorialistes « bons clients » qui assurent le spectacle et surtout le clash. Car c’est bien là la logique de la chaîne : faire en sorte que le clash arrive et que le téléspectateur soit attiré par cette invective permanente. Dans le dispositif des plateaux sur CNews, tout est fait pour que « l’invité qui vient avec des années d’études sur un sujet soit confronté à l’argument de “bon sens” du polémiste [et] va ajouter un chiffre ou un exemple historique, et ça fait “match nul” au mieux »confie à la Fondation Jean-Jaurès le sociologue des médias François Jost[2], auteur de Médias : sortir de la haine ? aux éditions du CNRS[3]. Au fond, la culture de « l’engueulade, c’est pour faire comprendre au téléspectateur que la politesse est hypocrite et que le dispositif de l’émission, lui, est totalement transparent », détaille encore François Jost. Pour lui, cette façon de « s’invectiver et de se disputer de façon surjouée est un moyen pour les intervenants de la chaîne de montrer aux téléspectateurs qu’eux ne sont pas dans l’apparence et ne sont donc pas à la solde du pouvoir ». 

François Jost va même plus loin. « Dans la mécanique CNews, le rôle dévolu au présentateur est crucial. C’est lui qui doit porter la parole du quidam et montrer la colère du peuple ou la colère des gens que l’on n’entend jamais, comme ils disent. Cela est très pernicieux, il sort de son rôle pour venir mettre de l’huile sur le feu. » Difficile de lui donner tort tant les exemples sont légion. « Il faut être répressif, il faut de la vidéo partout ! En France tu ne peux pas sortir dans la rue sans risquer ta vie ! », jurait ainsi Pascal Praud avant le démarrage d’un débat sur l’ensauvagement réel ou supposé de la France. « C’est l’un des exemples. Les animateurs cadrent la sémantique du débat et en fixent le périmètre de la façon suivante : cet événement est scandaleux, non ? », confirme François Jost. 

II – FOX NEWS COMME MODÈLE 

Clairement, cela correspond à une forme bien précise de télévision. Celle inventée outre-Atlantique par Fox News fondée par Rupert Murdoch en 1996. Au moment de sa naissance, Rupert Murdoch installe la chaîne pour notamment s’insurger contre ce qu’il appelle la mainmise du Parti démocrate sur les médias américains. Il parle alors d’une information « fair and balanced » (juste et mesurée). Rupert Murdoch pressent avant de nombreux analystes qu’une partie du spectre idéologique américain est délaissée, ce qui constitue une niche marketing nouvelle que va occuper Fox. C’est Fox News qui inventera les couleurs criardes à l’antenne et qui popularisera les bandeaux en bas de l’écran. C’est à Roger Ailes, le stratège de la campagne de Richard Nixon en 1968, que Murdoch confia alors le soin de créer « l’esprit Fox News ». Cet ultra-conservateur a fait de la Fox une entreprise très prospère qui génère près d’un milliard de dollars de revenus par an, soit un cinquième des revenus de la holding21st Century Fox. Pour de nombreux analystes américains, comme le journaliste de Vanity Fair, Gabriel Sherman, Roger Ailes et Fox News, par leur travail incessant de boucle d’informations et de débats thématisés, ont largement contribué à façonner parfois de façon déterminante le débat national en promouvant, par exemple, l’invasion de l’Irak en mars 2003, en favorisant l’émergence du Tea Party ou encore en alimentant la théorie du complot autour du certificat de naissance du président Barack Obama. Dans le documentaire Outfoxed : la guerre de Rupert Murdoch contre le journalisme, sorti en 2004, le journaliste d’investigation Robert Greenwald (qui a été à l’origine des révélations Snowden) documentait de façon précise la façon dont l’information était fabriquée à la Fox : surveillance des opinions des employés, politique du « mémo » interne intimant aux journalistes le traitement de leurs sujets, dispositif sensationnaliste, choix de consultants amis, valorisation quotidienne de Donald Trump, stigmatisation des homosexuels et des leaders communautaires, diabolisation des « antiguerre ». 

Des méthodes qui ne sont pas sans rappeler la description faite par Le Canard enchaîné des mœurs en cours au sein de la chaîne : « Le service police-justice de la rédaction a pour consigne d’être très réactif sur les faits divers anti-flics, les incivilités anti-Blancs. Il chasse ses infos sur Twitter, Facebook. En juillet, un mec avait préparé un off pro-migrants pour la matinale, il a été convoqué le lendemain… », raconte ainsi le palmipède[4]. 

Ainsi, comme Fox News avant elle, sous couvert de la volonté de faire entendre un autre discours supposé « fair and balanced », ce sont bel et bien certains thèmes et certaines obsessions qui sont à l’antenne de la chaîne. Défense de Robert Ménard qui affiche les caricatures de Charlie Hebdo dans sa ville de Béziers et dont Riss, directeur de Charlie, se moque ; invitation d’un agrégé de philosophie qui vient expliquer sur le plateau à quel point l’épidémie de la Covid-19 est banale et que, décidément, le gouvernement ne dit pas la vérité sur cette situation ; mise en avant par Pascal Praud du producteur du documentaire Hold-Up qui fait la part belle à la théorie du complot autour de la Covid-19 ; micro ouvert pour une clinicienne qui explique à quel point « la peur gouverne » la France sur cette question de la Covid-19 ou encore de très nombreux plateaux sur l’élection « faussée » de Joe Biden aux États-Unis. À chaque fois, le dispositif de « L’Heure des pros » – émission phare de la chaîne qui réunit chaque jour environ un million de téléspectateurs – convie trois chroniqueurs plutôt classés à droite et un dernier souvent venu du Parti communiste. Toujours des thématiques à fort potentiel inflammable : le séparatisme, la délinquance, les médias, etc. Alors que l’émission n’existait pas encore, deux titres de travail étaient en balance : « On n’est pas des bobos » et « Machine à café ». Le projet éditorial est là. Pascal Praud lui-même le confirme dans un entretien accordé au Parisien en juin 2019 : « J’ai un côté anar […], l’émission, ce n’est pas le Collège de France[5]. » Clairement, la logique choisie par CNews et particulièrement par « L’Heure des pros » est celle du peuple contre les élites. Du « on dit les choses » contre « l’hypocrisie ». 

« Cette façon de présenter le monde, de maltraiter les médias, de dire très fort que c’est ici que l’on dit la vérité est héritée de la défiance qui est montée petit à petit contre les médias. Cela vient de loin. De 1995 avec le soutien des médias au plan Juppé, de 2005 avec le soutien au traité constitutionnel européen, et plus largement à la déliquescence réelle, supposée ou souhaitée de tous les corps intermédiaires, journalistes compris », analyse François Jost. Il poursuit : « Cela a été très perceptible durant le mouvement des “gilets jaunes”. CNews a ouvert son antenne aux figures médiatiques de ce mouvement et s’est engouffrée dans la brèche la plus antisystème de cette protestation sociale. » 

III – UNE BONNE SANTÉ ÉCONOMIQUE, UNE AUDIENCE EN PROGRESSION ET DES CONCURRENTES QUI S’EN INSPIRENT

Cette mise en clash et en hystérie de tous les débats qui traversent la société, cette tribune donnée à des porte-parole d’une extrême-droitisation de la société et la façon dont CNews s’inscrit désormais dans le champ politique hexagonal sont autant un positionnement politique qu’un positionnement économique et marketing. Positionnement politique en ce sens que – selon nos informations recueillies auprès de nombreux membres de la rédaction sous couvert d’anonymat – les dirigeants de la chaîne sont convaincus que l’avenir de la politique c’est la droite de la droite et que le peuple veut entendre parler de sécurité et de lutte contre l’immigration. « Ils le disent et le font comprendre à longueur de conférence de rédaction », affirme ainsi un journaliste. Il détaille : « 20 % de l’électorat français vote pour le Rassemblement national. L’objectif de CNews aujourd’hui est de s’adresser à cette population. Peu importe ce que cela veut dire éditorialement. » 

Et c’est là que la politique, l’économique et le marketing se rejoignent. Faire de CNews une chaîne rentable avec une meilleure audience était dès 2016 l’un des objectifs. Au-delà des réductions de coûts, il fallait évidemment faire progresser l’audience et engranger des recettes publicitaires importantes. Et, pour cela, il fallait choisir un cap différenciant. D’où l’orientation politique tournée vers la droite qui permet de faire un coup double : toucher une large partie de l’électorat et se différencier des trois autres chaînes d’information qui partagent avec CNews le gâteau publicitaire dédié à ce type de télévision : BFM-TV, LCI et France Info. Sur l’année 2020, en accentuant toujours plus sa ligne éditoriale, CNews a progressé tant en audience qu’en recettes publicitaires. Sur le mois d’octobre 2020, par rapport au même mois en 2019, la chaîne enregistre une progression significative de son audience. Elle gagne un point et touche désormais, chaque mois, plus de 35 millions de téléspectateurs selon les chiffres de Médiamétrie. Sur l’ensemble de l’année 2020, la hausse moyenne de CNews s’établira, vraisemblablement, aux alentours de 0,8 point. De quoi conforter la stratégie éditoriale. L’autre point qui la confortera, c’est la bonne tenue des recettes publicitaires. Selon nos informations[6], sur l’ensemble de l’année 2020, CNews enregistrera une progression de 30 % de ses recettes publicitaires brutes. Rien que sur les mois d’août, septembre et octobre 2020, la chaîne a collecté quelque 27,2 millions d’euros de recettes contre 20 millions pour les trois mêmes mois en 2019. Cela alors même que CNews – faute de clients – ne commercialise pas les espaces publicitaires situés avant, pendant et après l’émission « Face à l’info » où officie Éric Zemmour. Performance d’autant plus remarquable dans une année 2020 qui fut compliquée pour de nombreux médias au niveau publicitaire – le média télé dans son ensemble ayant chuté de 15 % au premier semestre de l’année. 

IV – DE LA « BFMISATION » À LA « CNEWSIATION »

Des chiffres qui viennent, là encore, appuyer la stratégie éditoriale de CNews qui touche quelque 8 millions de téléspectateurs de plus que LCI chaque mois et qui se rapproche tranquillement de la solide leader BFM-TV. Au-delà du modèle Fox News et du besoin d’exister, cette volonté de différenciation, cette prise d’intervalle tournée vers une télévision du débat, du clash et de l’invective prise par CNews a modifié le paysage des chaînes d’information en France. Et c’est peu dire que ce paysage était déjà bien particulier. La France est avec l’Allemagne le seul pays au monde à offrir à ses téléspectateurs quatre chaînes d’information : LCI, CNews, BFM-TV et France info. Même aux États-Unis, pays où le format fut inventé avec CNN en 1990, il n’y a (que) trois chaînes information : CNN, Fox News et MSNBC. Cette exception française est intéressante à plus d’un titre. D’abord dans ce qu’elle dit de l’histoire politique de la télévision. 

Un retour en arrière s’impose. C’est LCI, lancée par TF1, qui a inauguré ce type d’offre en France le 24 juin 1994. Suivront ensuite iTélé (groupe Canal+) en 1999 devenue CNews en 2016, BFM-TV (NextRadio TV) en 2005 et la dernière arrivée, France info (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Ina) depuis 2016. C’est en 2005 que le premier tournant s’opère. À ce moment-là, la TNT (Télévision numérique terrestre) naît. Les Français auront désormais accès à quinze chaînes gratuites. BFM-TV est dans les starting-blocks et le groupe Canal+ dépose le dossier pour iTélé. Les dirigeants de TF1, eux, ne pressentent pas le tournant vertigineux que va représenter la TNT gratuite et demandent que LCI se voie octroyer un canal de TNT payante. Ils s’en mordront les doigts pour finalement rapatrier après de longs débats LCI en gratuit lors d’une nouvelle attribution de fréquences par le CSA. 

Profitant de l’absence de l’historique LCI et des débuts compliqués de iTélé, BFM-TV impose un style : la priorité au direct et la mise en scène de l’actualité même quand celle-ci est plate. Avec son mordant et ses directs, BFM-TV devient rapidement leader des chaînes infos. Avec de belles réussites et aussi de belles erreurs, comme l’annonce erronée de la mort de Martin Bouygues ou, plus grave encore, comme lors des attentats de Toulouse ou bien de l’Hyper Cacher quand l’un des journalistes de la chaîne avait indiqué à l’antenne que des otages se trouvaient dans la chambre froide du magasin, les mettant ainsi en danger puisque le terroriste Coulibaly était branché sur BFM-TV. 

Ce que BFM-TV a inventé dans cette époque, c’est l’adrénaline du « breaking news », cette façon de faire du « en direct » l’alpha et l’oméga du journalisme. Avec ce positionnement, BFM-TV joue sur ce que provoque le direct, c’est-à-dire de s’imaginer qu’il peut toujours se passer quelque chose. C’est tout de même plus fort que le différé et plus fort que la fiction. L’impression d’être dans la réalité, en contact avec le monde, c’est cela qui rend accro. « La campagne électorale de 2012 se fera sur les chaînes d’info », avait même déclaré au Point, en juillet 2011, Franck Louvrier, le directeur de la communication du président de la République d’alors, Nicolas Sarkozy. 

Au tournant des années 2012, la « BFMisation » de l’information et de la vie politique est de plus en plus marquée. Plusieurs fois, Michel Rocard, ancien Premier ministre socialiste, alertera sur cette immédiateté néfaste pour la vie démocratique et politique du pays. Dans un entretien à Télérama notamment[7] : « On gouverne de moins en moins. Les raisons en sont multiples : la mondialisation, la masse des interférences, mais aussi le système médiatique et la manière dont il nous informe. Les effets pervers de l’immédiateté n’ont rien à voir avec une quelconque malignité des journalistes mais sont liés au transport instantané des messages sur la planète. Lorsqu’il se passe un événement grave dans le monde, dix mille micros sont pointés sous le menton de dix mille responsables politiques, tous sommés de répondre sur-le-champ. Ne pas répondre à un prix que la profession journalistique vous fait payer. Vous êtes “ostracisé”. En dehors de certains hommes politiques à forte notoriété (dont je fais partie, mais nous ne représentons que 2 % de l’ensemble du personnel politique), l’immense majorité a besoin de se faire connaître. La plupart se retrouvent donc en position de demandeurs. » 

C’est cet « effet BFM » qu’a également décrit le journaliste, ancien de France Culture, Hubert Huertas dans un petit livre numérique passionnant paru chez UPPR Éditions. Il résume : « Mieux vaut une connerie d’avance qu’une information en retard » et pointe dans cet ouvrage la façon dont les dérives journalistiques de la mise en scène de l’information à outrance, couplées avec la montée en puissance des réseaux sociaux, a aussi entraîné une forme « d’appauvrissement du débat public pour entraîner une BFMisation de la société ». 

En devenant leader, BFM-TV a préempté le créneau du direct. Sa concurrente iTélé n’ayant jamais pu l’égaler sur ce créneau, elle a perdu du terrain. Et de l’argent. Jusqu’à ce que Vincent Bolloré prenne la main sur le groupe Canal+ et décide de positionner CNews sur le créneau Fox News. « Pour faire une chaîne d’information qui rassemble des téléspectateurs, il y a deux recettes, le direct total comme sur BFM-TV, ou alors faire du débat et du clash », résume un grand patron de chaîne[8]. Et d’ajouter « Quand Alain Weill et le groupe NextRadio TV ont relancé la radio RMC, c’est ce qu’ils ont fait. Ils ont choisi d’ouvrir le micro aux auditeurs, de mettre à l’antenne “Les Grandes Gueules”, le “Moscato Show” et toutes ces émissions où le clash est roi. Toutes les radios avec plus ou moins de succès lui ont ensuite emboîté le pas pour ne pas perdre trop d’audience. C’est exactement ce qu’est en train de faire CNews. C’est la même stratégie avec une dimension politique en plus. Cela déteint également sur toutes les chaînes d’information qui recherchent des polémistes en permanence. C’est le nouveau la de notre télévision. » D’ailleurs, à la rentrée de septembre 2020, la chaîne info du groupe TF1 a ainsi recruté le polémiste de BFM-TV, Éric Brunet, qui déclarait au Point que « l’engueulade à la française devait être classée au patrimoine mondial de l’Unesco[9]. » CQFD. 

V – QUID DU CSA ? 

Reste une interrogation : comment CNews s’en est tirée jusqu’ici sans avertissement du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). « On sait bien qui ensauvage, qui agresse, qui vole, ce sont à 99,9 % des gens des enfants de l’immigration maghrébine et africaine. » Cette saillie du 31 août 2020 d’Éric Zemmour à l’antenne de « Face à l’info » n’a toujours pas été sanctionnée d’un avertissement ou d’une mise en demeure de la part du gendarme de l’audiovisuel. Ce dernier a choisi de transmettre la séquence à un rapporteur indépendant qui choisira de transmettre ou non au procureur de la République. De facto, depuis le 3 décembre 2019, le CSA n’a pas bougé alors que des signalements ont été remontés. Cette fois-là, c’était sur une sortie d’Éric Zemmour qui s’était déclaré aux « côtés du général Bugeaud dans la torture en Algérie[10] ». L’atonie du CSA est d’autant plus étonnante que CNews (qui était alors iTélé) a – comme toutes les chaînes de télévision qui se voient accorder un canal de diffusion – signé avec le Conseil une convention qui fixe son cahier des charges. Elle stipule : « l’éditeur veille à respecter les différentes sensibilités politiques, culturelles et religieuses, à ne pas encourager de comportements discriminatoires. » Frontière certes ténue. Toutefois, un réexamen du respect de ladite convention par la chaîne pourrait être le bienvenu.

1_ Émission « Face à l’info » du lundi 9 novembre 2020.

2_ Toutes les citations de François Jost sont issues d’un entretien avec l’auteur de la note.

3_ François Jost, Médias : sortir de la haine ?, Paris, CNRS Éditions, 2020.

4_ Le Canard enchaîné, 23 septembre 2020, page 3.

5_ Carine Didier, « Pascal Praud : “J’ai un côté anar” », Le Parisien, 18 juin 2019.

6_ Informations exclusives obtenues par l’auteur de la note.

7_ Jean-Claude Raspiengeas, « Michel Rocard : “La télévision nous empêche de gouverner” », Télérama, 17 novembre 1995.

8_ Grand patron de chaîne de télé qui souhaite rester anonyme.

9_ Olivier Ubertalli, « Éric Brunet : “L’engueulade à la française doit être classée au patrimoine mondial de l’Unesco” », Le Point, 27 septembre 2020.

10_ « CNews mis en demeure par le CSA pour des propos de Zemmour », Le Point, 3 décembre 2019.

David Medioni

www.jean-jaures.org/

« Je me suis fait la guerre – ou comment être un bon Arabe en France »

À écouter et réécouter. Mille mercis à Stéphane Mercurio, à Fatma Bouvet de la Maisonneuve, à ses patients, à France Culture.

France Culture lundi 4 janvier 2021

« Je me suis fait la guerre », ou comment être un « bon arabe »

Une Expérience signée Stéphane Mercurio, réalisée par Nathalie Battus

Dans le cabinet de la psychiatre Fatma Bouvet de la Maisonneuve, les patient.e.s se confient et notamment sur les discriminations auxquelles ils doivent faire face. Un miroir nous est tendu, s’y dessine notre société. Stéphane Mercurio nous restitue ces confidences et cet écho du monde.

 Depuis des années, Stéphane Mercurio assiste au débat, aux « dérapages  » autour des musulmans, impuissante et inquiète. Sans savoir comment agir sur ce réel qui se dessine avec noirceur.  

Voir ainsi se fracturer la société, provoque chez elle un grand désarroi. C’est alors qu’elle rencontre la psychiatre Fatma Bouvet de la Maisonneuve. Tunisienne mariée à un aristocrate français, cette praticienne a écrit Une Arabe en France (éd. Odile Jacob) et reçoit depuis régulièrement dans son cabinet, celles et ceux qui prennent de plein fouet le discours sur l’immigration, l’Islam… Ceux qui le vivent dans leur chair, dont « le bide se tord ». Ils viennent en urgence, minés par les insomnies, épuisés par leurs vaines tentatives d’être « parfaits »… Fatma Bouvet de la Maisonneuve les écoute avec bienveillance, prescrit parfois des antidépresseurs ou des gouttes pour dormir.  

France Culture.fr       

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Assassinat d’un enseignant

Quels mots pour exprimer mon aversion ? Tuer (assassiner) un homme vulgarisateur de savoir, mais quelle abjection ! Samuel Paty ce professeur de 47 ans, assassiné ce vendredi 16 octobre sur le chemin de son domicile, enseignait au collège du Bois d’Aulne (Conflans-Ste- Honorine, Yvelines) l’histoire et la géographie. Il enseignait comme tous les enseignants des mêmes matières de la République, l’éducation morale et civique, le suffrage universel, le droit, l’égalité entre les citoyens, la séparation « des Églises » et de l’État, la liberté concrète de dire et d’écrire. La liberté de croire ou de ne pas croire. La laïcité c’est cela, c’est pouvoir prier, revendiquer sa foi, quelle qu’elle soit, ou revendiquer son athéisme sans aucun problème et dans le respect d’autrui et dans le cadre de la loi. Sans jamais rien imposer. L’un des objectifs est de donner à l’élève les éléments de la citoyenneté, une « conscience morale » qui lui permette de partager les valeurs humanistes et de vivre en bonne entente avec tous les citoyens.

Parfois le temps alloué à l’éducation à la citoyenneté n’est pas suffisant. J’ai moi-même été enseignant des mêmes matières (plus le français), dans un centre éducatif, et je dois dire que le temps réservé à la citoyenneté, à l’éducation morale et civique était (et demeure) ridicule. Certains élèves nécessitent plus d’attention que d’autres, donc plus d’heures pour appréhender ces questions dont certaines, plus que d’autres (croyances et mœurs), les heurtent profondément. Et ces heures sont très insuffisantes. Certains adolescents évoluent dans un environnement de grande intolérance et de violence. Un environnement d’abord familial et proche, qui n’accepte pas les différences, l’altérité. L’adolescent est confronté à des réalités, à des discours opposés. Parfois même entraîné dans le sillon de la terreur.

Rien ne peut justifier la violence. Quelle qu’elle soit. En attaquant un enseignant, on agresse le cœur de la République. On peut noter ici et là des maladresses de tel ou tel enseignant, marquer sa désapprobation, le signaler auprès de sa hiérarchie. Mais on ne peut en aucun cas se faire justice soi-même. La loi et les dirigeants sont-ils laxistes ? Faut-il bannir de France les citoyens allogènes comme le suggère à demi-mots (parfois ouvertement) l’extrême droite ? Je ne sais si la France « subit une guérilla », mais je suis écoeuré. 

Écoeuré par tous les extrêmes, religieux et profanes.

Dimanche 18 octobre 2020

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Kamel Daoud était hier sur France Culture

Cliquer sur le lien ci-dessous, pour l’écouter

http://ahmedhanifi.com/wp-content/uploads/2020/10/A-bis-_-KAMEL-DAOUD-SUR-FRANCE-CULTURE-_-17.10.2020-_-Vvideo-16-H.mp4

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Barbarie et barbarie

Blasphémer est un droit. Blesser, offenser, humilier, caricaturer aussi… 

À tous ceux qui blessent, qui offensent, qui humilient, à tous ceux qui barbarisent l’Autre, ceci, de Montaigne :

« Mais ces autres, qui nous viennent pipant des assurances d’une faculté extraordinaire qui est hors de notre connaissance, faut-il pas les punir de ce qu’ils ne maintiennent l’effet de leur promesse, et de la témérité de leur imposture ? Ils ont leurs guerres contre les nations qui sont au-delà de leurs montagnes, plus avant en la terre ferme, auxquelles ils vont tout nus, n’ayant autres armes que des arcs ou des épées de bois, apointées par un bout, à la mode des langues de nos épieux. C’est chose émerveillable que de la fermeté de leurs combats, qui ne finissent jamais que par meurtre et effusion de sang ; car, de déroutes et d’effroi, ils ne savent que c’est. Chacun rapporte pour son trophée la tête de l’ennemi qu’il a tué, et l’attache à l’entrée de son logis. Après avoir longtemps bien traité leurs prisonniers, et de toutes les commodités dont ils se peuvent aviser, celui qui en est le maître, fait une grande assemblée de ses connaissants ; il attache une corde à l’un des bras du prisonnier, par le bout de laquelle il le tient éloigné de quelques pas, de peur d’en être offensé, et donne au plus cher de ses amis l’autre bras à tenir de même ; et eux deux, en présence de toute l’assemblée, l’assomment à coups d’épée.
      Cela fait, ils le rôtissent et en mangent en commun et en envoient des lopins à ceux de leurs amis qui sont absents. Ce n’est pas, comme on pense, pour s’en nourrir, ainsi que faisaient anciennement les Scythes ; c’est pour représenter une extrême vengeance. Et qu’il soit ainsi, ayant aperçu que les Portugais, qui s’étaient ralliés à leurs adversaires, usaient d’une autre sorte de mort contre eux, quand ils les prenaient, qui était de les enterrer jusques à la ceinture, et tirer au demeurant du corps force coups de trait, et les pendre après, ils pensèrent que ces gens ici de l’autre monde, comme ceux qui avaient sexué la connaissance de beaucoup de vices parmi leur voisinage, et qui étaient beaucoup plus grands maîtres qu’eux en toute sorte de malice, ne prenaient pas sans occasion cette sorte de vengeance, et qu’elle devait être plus aigre que la leur, commencèrent de quitter leur façon ancienne pour suivre celle-ci.
     

Je ne suis pas marri que nous remarquons l’horreur barbaresque qu’il y a en une telle action, mais oui bien de quoi, jugeant bien de leurs fautes, nous soyons si aveugles aux nôtres. Je pense qu’il y a plus de barbarie à manger un homme vivant qu’à le manger mort, à déchirer par tourments et par gênes un corps encore plein de sentiment, le faire rôtir par le menu, le faire mordre et meurtrir aux chiens et aux pourceaux (comme nous l’avons non seulement lu, mais vu de fraîche mémoire, non entre des ennemis anciens, mais entré des voisins et concitoyens, et, qui pis est, sous prétexte de piété et de religion), que de le rôtir et manger après qu’il est trépassé.


      Chrysippe et Zénon, chefs de la secte stoïque ; ont bien pensé qu’il n’y avait aucun mal de se servir de notre charogne à quoi que ce fut pour notre besoin, et d’en tirer de la nourriture ; comme nos ancêtres, étant assiégés par César en la ville de Alésia, se résolurent de soutenir la faim de ce siège par les corps des vieillards, des femmes et d’autres personnes inutiles au combat. “ Les Gascons, dit-on, s’étant servis de tels aliments, prolongèrent leur vie. ”
      Et les médecins ne craignent pas de s’en servir à toute sorte d’usage pour notre santé ; soit pour l’appliquer au-dedans ou au-dehors ; mais il ne se trouva jamais aucune opinion si déréglée qui excusât la trahison, la déloyauté, la tyrannie, la cruauté, qui sont nos fautes ordinaires.


      Nous les pouvons donc bien appeler barbares, eu égard aux règles de la raison, mais non pas eu égard à nous, qui les surpassons en toute sorte de barbarie… »

Montaigne, Les Essais, livre 2, « Des cannibales »

Racisme en France: lettre de Virginie DESPENTES

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Virginie DESPENTES – DR

« Lettre adressée à mes amis blancs qui ne voient pas où est le problème… » – Virginie Despentes-

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Lettre lue par Augustin Trapenard sur France Inter, le jeudi 4 juin 2020, 8h57

Virginie Despentes est écrivaine. Dans cette lettre, rédigée après la manifestation en soutien à Adama Traoré et adressée à « ses amis blancs qui ne voient pas où est le problème », elle dénonce le déni du racisme et explique en quoi « être blanc » constitue un privilège.

Paris, le 3 juin 2020 

Lettre adressée à mes amis blancs qui ne voient pas où est le problème. 

En France nous ne sommes pas racistes mais je ne me souviens pas avoir jamais vu un homme noir ministre. Pourtant j’ai cinquante ans, j’en ai vu, des gouvernements. En France nous ne sommes pas racistes mais dans la population carcérale les noirs et les arabes sont surreprésentés. En France nous ne sommes pas racistes mais depuis vingt-cinq ans que je publie des livres j’ai répondu une seule fois aux questions d’un journaliste noir. J’ai été photographiée une seule fois par une femme d’origine algérienne. En France nous ne sommes pas racistes mais la dernière fois qu’on a refusé de me servir en terrasse, j’étais avec un arabe. La dernière fois qu’on m’a demandé mes papiers, j’étais avec un arabe. La dernière fois que la personne que j’attendais a failli rater le train parce qu’elle se faisait contrôler par la police dans la gare, elle était noire. En France on n’est pas raciste mais pendant le confinement les mères de famille qu’on a vues se faire taser au motif qu’elles n’avaient pas le petit papier par lequel on s’auto-autorisait à sortir étaient des femmes racisées, dans des quartiers populaires. Les blanches, pendant ce temps, on nous a vues faire du jogging et le marché dans le septième arrondissement. En France on n’est pas raciste mais quand on a annoncé que le taux de mortalité en Seine Saint Denis était de 60 fois supérieur à la moyenne nationale, non seulement on n’en a eu un peu rien à foutre mais on s’est permis de dire entre nous « c’est parce qu’ils se confinent mal ».  

J’entends déjà la clameur des twitteurs de service, s’offusquant hargneusement comme ils le font chaque fois qu’on prend la parole pour dire quelque chose qui ne corresponde pas à la propagande officielle : « quelle horreur, mais pourquoi tant de violence ? »

Comme si la violence ce n’était pas ce qui s’est passé le 19 juillet 2016. Comme si la violence ce n’était pas les frères de Assa Traoré emprisonnés. Ce mardi, je me rends pour la première fois de ma vie à un rassemblement politique de plus de 80 000 personnes organisé par un collectif non blanc. Cette foule n’est pas violente. Ce 2 juin 2020, pour moi, Assa Traoré est Antigone. Mais cette Antigone-là ne se laisse pas enterrer vive après avoir osé dire non. Antigone n’est plus seule. Elle a levé une armée. La foule scande : Justice pour Adama. Ces jeunes savent ce qu’ils disent quand ils disent si tu es noir ou arabe la police te fait peur : ils disent la vérité. Ils disent la vérité et ils demandent la justice. Assa Traore prend le micro et dit à ceux qui sont venus « votre nom est entré dans l’histoire ». Et la foule ne l’acclame pas parce qu’elle est charismatique ou qu’elle est photogénique. La foule l’acclame parce que la cause est juste. Justice pour Adama. Justice pareille pour ceux qui ne sont pas blancs. Et les blancs nous crions ce même mot d’ordre et nous savons que ne pas avoir honte de devoir le crier encore, en 2020, serait une ignominie. La honte, c’est juste le minimum. 

Je suis blanche. Je sors tous les jours de chez moi sans prendre mes papiers. Les gens comme moi c’est la carte bleue qu’on remonte chercher quand on l’a oubliée. La ville me dit tu es ici chez toi. Une blanche comme moi hors pandémie circule dans cette ville sans même remarquer où sont les policiers. Et je sais que s’ils sont trois à s’assoir sur mon dos jusqu’à m’asphyxier – au seul motif que j’ai essayé d’esquiver un contrôle de routine – on en fera toute une affaire. Je suis née blanche comme d’autres sont nés hommes. Le problème n’est pas de se signaler « mais moi je n’ai jamais tué personne » comme ils disent « mais moi je ne suis pas un violeur ». Car le privilège, c’est avoir le choix d’y penser, ou pas. Je ne peux pas oublier que je suis une femme. Mais je peux oublier que je suis blanche. Ça, c’est être blanche. Y penser, ou ne pas y penser, selon l’humeur. En France, nous ne sommes pas racistes mais je ne connais pas une seule personne noire ou arabe qui ait ce choix. 

Virginie Despentes

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Edgar Morin: Autocritique

Écoutez Edgar Morin parler (à travers N. Bouchaud) de son parcours au sein du Communisme. ÉCOUTEZ ATTENTIVEMENT CHACUNE DE SES PHRASES, APPRÉCIEZ-LES À LEUR JUSTE PROFONDEUR. Comment il évoque « Ce monde merveilleux » comme osaient dire les égarés (ou les croyants). Edgar Morin raconte comment il est devenu stalinien (forcément), comment il en est sorti. « Un grand mensonge, une grande religion de l’aire mondiale », jusqu’à son implosion en 1989. Il demeure quelques débris de Grand mensonge, de cette Avant-garde du monde, y compris en Algérie bien sûr, des spécialistes de l’infiltration. Mais l’Histoire a jugé.  Un autre monde est possible au delà du libéralisme économique, au-delà du Communisme. Les bilans matériels et humains de l’un sont aussi exécrables que ceux de l’autre.

Edgar Morin, un grand humaniste.

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IL est « L’Invité » de Patrick Simonin sur TV5MONDE en mars 2017.

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En quatrième de couverture de l’édition du seuil de Autocritique il est écrit:

« Entré simultanément, à vingt ans, en Résistance et en communisme, Edgar Morin a connu le doute à l’égard du second dès la Libération puis, de déchirements en désillusions, au moment des procès et des purges de la  » deuxième glaciation  » stalinienne, le rejet réciproque en 1951. Son appartenance au Parti avait duré dix ans, au cours desquels il avait vu comment l’Appareil pouvait transformer un brave en lâche, un héros en monstre, un martyr en bourreau. Ce livre, publié pour la première fois en 1959, plusieurs fois réédité et augmenté ici d’une nouvelle préface, est le récit sincère d’une aventure spirituelle. Dans ce détournement de l’exercice tristement célèbre de confession publique que le pouvoir soviétique exigeait de ceux dont il entendait se débarrasser, Edgar Morin ne se contente toutefois pas de dénoncer le dévoiement d’une idéologie. Il restitue le communisme dans sa dimension humaine en montrant comment celui-ci a pu tout à la fois porter et trahir les plus grands idéaux. En élucidant le cheminement personnel qui l’avait conduit à se convertir à la grande religion terrestre du XXe siècle, il se délivre à jamais d’une façon de penser, juger, condamner, qui est celle de tous les dogmatismes et de tous les fanatismes. Ce témoignage, qui est celui d’une génération, est aussi une leçon actuelle dans notre époque menacée par de nouveaux obscurantismes. Philosophe et sociologue, directeur de recherche émérite au CNRS et docteur honoris causa de vingt-sept universités étrangères, Edgar Morin est l’auteur d’une œuvre transdisciplinaire abondamment commentée et traduite, dont l’ambitieuse Méthode, en six tomes, publiée au Seuil. »

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VIDEO EDGAR MORIN _ CLIQUER ICI

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Lettre ouverte d’Ines Ibbou à Dominic Thiem à la suite de ses déclarations

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Déclaration de Dominic Thiem

Alors qu’un fonds d’aide a été créé cette semaine par les instances dirigeantes du tennis pour les joueurs les moins bien classés, l’Autrichien Dominic Thiem a exprimé son désaccord avec l’élan de solidarité général. Pour lui, « aucun joueur n’a à lutter pour sa vie »… « Aucun de ces joueurs mal classés ne lutte pour survivre, a-t-il asséné.Toute l’année, j’en vois beaucoup qui ne donnent pas tout au tennis. Beaucoup ne sont pas très professionnels. Je ne vois pas pourquoi je devrais leur donner de l’argent. » In sport.francetvinfo.fr

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INES IBBOU LUI RÉPOND

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Lettre ouverte d’Ines Ibbou à Dominic Thiem

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Photo radioalgerie.dz

« Cher Dominic, après avoir lu ta dernière déclaration, je me suis demandé ce qu’aurait été ma carrière, et donc ma vie, si j’avais été à ta place. Je me suis imaginé ce que ça aurait été d’avoir des parents profs de tennis quand j’ai touché une raquette pour la première fois, à l’âge de 6 ans, et que j’en suis immédiatement tombée amoureuse. Comme j’ai grandi dans les environs d’Alger, dans une famille très modeste, avec des parents qui n’avaient absolument rien à voir avec le monde du tennis, je ne peux pas m’empêcher de penser que ça aurait pu m’aider. Mais je ne te le reproche pas.

Et j’ai arrêté d’y penser, parce qu’après tout, on ne choisit pas là où on naît. Je réalise maintenant la chance que j’ai d’avoir des parents comme les miens, que j’aime plus que tout et que je n’échangerais pour rien au monde. Tu sais, dans un pays comme le mien, ce n’est pas facile pour une femme d’être athlète de haut niveau. Je ne remercierai jamais assez mes parents pour leur soutien et tous les sacrifices qu’ils ont consentis pour que je puisse poursuivre mon rêve.

Si seulement tu savais, Dominic…

Au moins, on peut compter sur les installations locales. Oups ! Savais-tu qu’en Algérie, les tournois juniors ITF sont très, très rares et qu’il n’y a pas le moindre tournoi pro ITF, ATP ou WTA ? Qu’il n’y a pas un seul entraîneur sur le circuit international ? Qu’il n’y a pas le moindre court indoor ? Je ne sais pas comment c’était pour toi, mais pour nous, là-bas, s’il pleut pendant une semaine, on bosse notre revers… à la salle de sport. Et je ne parle même pas de la qualité des installations ou des courts… On ne savait même pas sur quelle surface on jouait. C’est du gazon ? C’est de la terre battue ? « L’Afrique », comme ils disent.

Mais ne te méprends pas. Ça ne m’a pas empêchée de construire ma propre route et d’être l’une des meilleures joueuses du monde à 14 ans. J’ai remporté mes premiers points WTA en gagnant un 10 000 dollars au même âge. Plutôt impressionnant, non ? Comme toi, j’ai atteint les sommets des classements juniors. Pas le top 10, mais 23e mondiale. Pas si mal pour une Africaine, non ? C’était tellement improbable que beaucoup de journalistes m’ont appelée « le miracle du tennis ». Ce n’est pas une blague ! Très peu de jeunes Africains l’ont fait avant moi, disaient-ils. Et aucun dans mon pays.

Si j’avais fait partie de ton monde magique à l’époque, j’aurais probablement attiré l’attention de nombreux sponsors et la fédération aurait pris soin de moi. Mais ça ne s’est pas passé comme ça. Des sponsors, tu dis ? Adidas ? Nike ? Wilson ? Prince ? Head ? Ils n’existent même pas en Algérie ! À part quelques équipements et le soutien de petites entreprises locales, j’ai seulement reçu le minimum pour couvrir ma participation aux Grands Chelems juniors. Et tu sais, en Afrique, le budget pour un athlète finit rarement dans son compte en banque, si tu vois ce que je veux dire…

Je me suis demandé ce qui aurait pu changer pour moi à ce moment-là si j’avais fait partie de ton cercle proche. Si j’avais partagé le même environnement, les mêmes règles. Comme être capable de décider quand c’est le meilleur moment pour passer sur le circuit pro. Personne n’en sait rien en Algérie. Si j’avais eu un budget raisonnable, quel impact cela aurait-il eu sur ma carrière ? Ça aurait changé toute ma vie ! Je chéris le jour où j’aurai les moyens d’offrir un cadeau à mes parents. Je rêve de ce jour…

La meilleure joueuse du pays, au sommet du classement junior, mais pas un centime en poche. C’est ironique, tu ne crois pas ? Je ne suis pas sûre que ça se serait passé comme ça dans ton pays ou dans n’importe quel pays européen. Mais ça ne m’a pas arrêtée. Quand tout était en train de s’écrouler et me poussait vers la fin de ma carrière, j’ai eu la chance de recevoir un coup de main. Des gens qui ont pris soin de moi, qui m’ont fourni le minimum vital : de la nourriture et un endroit où dormir. Certains m’ont aidée en me fournissant gratuitement du matériel, d’autres avec le travail physique.

Ma situation était désespérée. Mais je me suis remise sur les bons rails et j’ai réussi mon passage vers les pros. Malheureusement, je me suis blessée au pire moment possible. Au moment où l’ITF a changé ses règles. Je ne suis pas sûre que ça t’ait vraiment affecté…

Les ressources financières sont la clé pour se remettre en forme. J’ai vraiment pu m’en rendre compte à ce moment-là. Mais, encore une fois, ça ne m’a pas arrêtée. Malgré toutes les difficultés, je me suis débrouillée pour revenir dans le classement WTA. Aujourd’hui, j’ai 21 ans et je suis autour de la 600e place mondiale. J’espère toujours réaliser le rêve pour lequel j’ai sacrifié mon enfance, ma scolarité, mon adolescence, ma vie de famille, mes amis, mon argent, les anniversaires, les vacances, toute ma vie !

Je me demande, Dominic, ça fait quoi d’avoir un entraîneur qui t’aide sur le circuit ? Un préparateur physique ? Un kiné ? Un coach mental ? Un staff rien que pour toi ? Je vis seule la plupart du temps. Je suis une femme solitaire qui voyage à travers le monde, généralement avec deux escales, toujours à la recherche du billet le moins cher. Qui sacrifie son temps, ses entraînements et son repos simplement pour postuler à un simple visa, sans garantie de l’avoir. Parce que, devine : pas de tapis rouge, pas de laisser passer, pas de Schengen. Et, j’oubliais, j’ai besoin d’un visa pratiquement partout. C’est un budget de plus…

J’étudie toutes les possibilités dans le calendrier, à la fois pour optimiser les coûts et essayer de gagner le maximum de points. Je loge loin des tournois pour réduire les coûts. Alternes-tu entre terre battue et dur d’une semaine à l’autre comme moi ? Finis-tu les tournois avec des trous dans tes chaussures comme moi ? Je fais toujours de mon mieux pour satisfaire les espoirs que les gens avaient quand j’étais junior, malgré le manque de financement.

Dominic, laisse-moi te demander : qu’est-ce que ça fait d’offrir un cadeau à tes parents ? Qu’est-ce que ça fait de les voir plus d’une fois par an ? De fêter ton anniversaire avec eux ? Je ne me souviens même pas du dernier anniversaire que j’ai célébré avec mes proches… Oui, tous ces sacrifices font partie du jeu, mais le court devrait décider de l’issue de ma carrière, pas mes ressources financières. C’est totalement injuste. Je fais avec tous les jours, sans me plaindre. Je me bats en permanence, en silence.

Cher Dominic, contrairement à toi, beaucoup partagent ma réalité. Juste un rappel : ce n’est pas grâce à ton argent qu’on a survécu jusqu’à présent, et personne ne t’a rien demandé. L’initiative est venue de joueurs généreux qui ont immédiatement fait preuve de compassion, avec classe. Des joueurs désireux de répandre de la solidarité et de trouver des solutions pour changer les choses. Des champions en toutes circonstances. Dominic, cette crise inattendue nous plonge dans une période délicate et révèle la véritable nature des gens. Aider les joueurs, c’est aider le tennis à survivre. Ce jeu est noble.

La signification du sport, c’est de distinguer les plus talentueux, les plus tenaces, les plus travailleurs, les plus courageux. À moins que tu ne veuilles jouer seul sur le court ? Dominic, je te l’ai dit, on ne t’a rien demandé. À part un peu de respect pour nos sacrifices. Des joueurs comme toi me font m’accrocher à mon rêve. S’il te plaît, ne gâche pas ça. Ines Ibbou. »

Samedi 9 mai 2020-  Quentin Moynet in L’Équipe.fr

« Un bicot comme ça, ça nage pas, ça coule ! » – Police française en 2020

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LÂ-BAS SI J’Y SUIS: Le 26 avril, à deux heures du matin, à L’Île-Saint-Denis (93), un homme poursuivi par la police s’est jeté dans la Seine. Selon une vidéo tournée par un témoin, l’homme, une fois repêché, a fait l’objet d’insultes racistes et de violences policières. « UN BICOT COMME CA, CA NAGE PAS ! » ou encore  » HAHA ! TU AURAIS DU LUI ACCROCHER UN BOULET AU PIED ! »
Dans un message adressé à l’AFP, la préfecture de police a affirmé saisir l’IGPN afin de « déterminer l’identité des auteurs des propos entendus ».

https://la-bas.org/la-bas-magazine/reportages/un-bicot-comme-ca-ca-nage-pas?fbclid=IwAR34J6o2q7Kd54cEVGbvnMSbTLPlXxUV9b_6dNDQWcx4L6QtuoxPJHYkT44

Promenade déconfinée

En application de l’article 3 du décret du 23 mars etcetera, je soussigné ah certifie que mon déplacement est lié au motif suivant : Déplacements brefs, dans la limite d’une heure quotidienne et dans un rayon maximal d’un kilomètre autour du domicile, liés soit à l’activité physique individuelle des personnes, à l’exclusion de toute pratique sportive collective et de toute proximité avec d’autres personnes, soit…

Fait à M. ma ville, le… quotidiennement.

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Coronavirus et l’Afrique: la banalité du racisme

Une vidéo et deux articles: 1- Haythem Guesmi et 2- Dominique Sopo

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LA VIDÉO – à propos d’un discours tenu sur LCI, ici: CLIQUER ICI POUR VOIR LA VIDÉO de LCI ( notamment à partir de : 4’32 »)

OU.CLIQUER ICI

Camille Locht (g.) et Jean-Paul Mira (d.), invités par la chaîne française LCI le 1er avril 2020.

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Les articles:

1_ Le Blog de Haythem Guesmi _ in Mediapart.fr 8 avril 2020

La banalité du racisme abject dans les médias français vient confirmer une certitude sans faille chez beaucoup des Africains : si on veut imaginer ensemble la possibilité d’un autre monde après cette crise, il faut surtout sauver l’Afrique de la prédation de l’élite française.

La séquence largement partagée sur les réseaux sociaux est connue, le discours raciste et abject est familier, mais cette nouvelle « provocation » nous présente avec une scène inédite : après la figure de journaliste-polémiste, c’est autour d’un médecin reconnu, le chef de service réanimation à l’hôpital Cochin, de décider en l’espace d’une minute de se métamorphoser en un scientifique-troll pour stigmatiser tout un continent et son peuple.

De la pure ingénierie mentale. Parce qu’il savait que ses propos vont suivre une trajectoire connue : le buzz, l’indignation, les excuses, le révisionnisme néocolonial, et enfin l’avancement de carrière. Et le cycle ne s’arrêtera jamais. La mise en scène est même travaillée : avant de commencer son discours avec une timide « si je peux être provocateur », le scientifique-troll savait déjà la suite des choses. Le jeu de regard, la dédramatisation en premier temps de l’ampleur de sa provocation, qui légitime dans un deuxième temps un racisme d’une violence inouïe. Bien sûr, certains osent parler de l’idiotie, l’absence de jugement et l’involontaire pour justifier l’injustifiable.

Le médecin devenu troll ainsi que son interlocuteur le directeur de recherche Inserm à l’Institut Pasteur de Lille, ce que l’institution française a produit de mieux, ont volontairement et en toute connaissance de cause décidé d’insulter les africains en réitérant la thèse hégélienne raciste et ignorante que l’Afrique est un continent sous-développé et marqué par la barbarie et la brutalité. Un espace de diable.

La banalité de racisme abject chez ces deux médecins vient confirmer une certitude sans faille chez beaucoup des Africains : si on veut imaginer ensemble la possibilité d’un autre monde après cette crise, il faut surtout sauver l’Afrique de la prédation de l’élite française.

À la recherche d’une jouissance perdue   

L’imaginaire raciste sur l’Afrique que véhiculaient les propos racistes de deux médecins se retrouve dans beaucoup des récits politiques et médiatiques sur l’incapacité de ce continent à faire face à la crise sanitaire. Après le Christianisme, c’est la science qui devient le seul et unique fondement du progrès de l’humanité, et l’Afrique est réduite à être un laboratoire à ciel ouvert.  

La note de recherche du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) ainsi que plusieurs analyses journalistiques et reportages médiatiques banalisent tout progrès scientifique et toute expertise en gestion de la pandémie. Chez des experts français, que l’état africain aille « faire massivement la preuve de son incapacité à protéger ses populations » lors de la pandémie de COVID-19 parait inéluctable.

Pourtant, dans les faits, rien ne justifie ces projections alarmistes sur l’Afrique. Non seulement le nombre des cas de contamination et de morts plusieurs pays africains restent à date très restreint, mais aussi les mesures de confinement et de distanciation sociale ont été mises en place en suivant les consignes de l’OMS, même lorsque ces mesures sont fortement ruineuses pour les économies locales. De plus, l’onde de choc à venir après cette crise n’est pas exclusive au continent africain et ses dictateurs. Même dans des démocraties solidement établies comme la France et les États-Unis, la gestion chaotique de la pandémie témoigne de leur vulnérabilité, voir l’irrationalité comme avec la tenue des élections municipales. Même avec leurs mensonges d’état à répétition, les dictateurs africains, eux, ne l’ont pas osée.

Dans un quotidien de pandémie où le spectacle morbide de la mort et d’effondrement se tient en Europe plutôt qu’en Afrique, l’inversion inattendue des rôles ne peut que suspendre la possibilité de jouissance. Dans ce sens, l’intérêt pour les éventuels scénarios de catastrophe en Afrique doit être appréhendé dans leur capacité à combler un vide dans l’imaginaire toxique qui lie la France et l’Afrique. Chez les racistes et les néocoloniaux, se fantasmer à faire violence à ces africains, réduits à des cobayes et des prostituées, aide à calmer leur crise d’angoisse. La répétition de l’ordre colonial intensément intériorisé chez l’élite française favorise un retour de jouissance dans l’espace public français.  

Elle est là la faille ! Quand l’élite française nous demande d’oublier le passé colonial et invite à passer à autre chose parce que le temps de la colonisation est révolu, nous les africains savons que le temps n’est jamais linéaire, surtout quand la notion de la continuité, dans son expression la plus ignoble, celle de néocolonialisme, se manifeste au quotidien dans le rapport que l’élite française a avec nous.

Le besoin urgent d’accuser l’élite française!  

Cette continuité néocoloniale qui caractérise la relation entre la France et l’Afrique prend toute son ampleur dans sa virulente capacité infinie à empoisonner l’horizon africain. Comme plusieurs analystes et observateurs africains l’ont souligné à maintes reprises, l’effet dévastateur des propos racistes de deux médecins français ne se résume pas seulement à « la montée du sentiment anti-français au sein de la jeunesse africaine », mais encore à une éventualité plus grave : le refus des jeunes africaines de se faire vacciner contre le coronavirus par peur de se faire passer pour des cobayes.

Face à cette réalité affligeante, il me parait évident que le besoin urgent de décoloniser l’élite française de son imaginaire toxique et prédatrice ne peut être la responsabilité des Africains. Nous on sait qu’un racisme anti-africain très ancré en France ébranle toute forme de solidarité et de coopération équitable dans le monde futur qui se prépare. Et on n’a pas cessé de le souligner dans notre activisme et littérature, mais en vain.  

Au lieu d’envisager le « patient politique zéro » qui vient déstabiliser les régimes africains, il est plus que vital d’imaginer une « grande figure politique zéro » en France qui aura le courage de sacrifier sa carrière, engager son honneur et s’exposer personnellement pour dénoncer ses collègues qui font du racisme un métier et un quotidien.

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Entre les commentaires, celui-ci de Cécile Winter

Les propos du médecin français ne sont pas étonnants, mais reflètent ce qu’a été jusqu’aujourd’hui la réalité du rapport des médecins français et en général de « l’occident » à l’Afrique en matière de santé. Il serait temps d’écrire et faire connaître l’histoire monstrueuse qui a été celle du rapport à l’Afrique concernant l’épidémie du VIH. Je ne cite ici que quelques points:

1. Dès le départ. Il y a une conférence du Pr. Gentilini faite à Abidjan en 1989 ( avant qu’il n’y ait aucun traitement). Je viens de voir qu’on peut la retrouver sur le net. Je me rappelle très bien la phrase  » si on devait écrire le bêtisier du Sida ce serait long… », or ce n’était que le début. Il mettait alors en cause l’OMS qui avait fait savoir aux gouvernements africains qu’il s’agissait d’une maladie « de blancs » qui ne les concernait pas , qu’ils devaient se focaliser sur leurs problèmes de santé endémiques, ce qui, expliquait-il, a faire prendre un retard énorme dans les campagnes d’information et de prévention. Or bien sûr la maladie venait d’Afrique (le virus a commencé à se répandre dans les années 20 avec la colonisation belge, les regroupements de gens dans les pires conditions d’hygiène dans ce qui allait devenir Kinshasa). Elle n’a pas été repérée pendant longtemps  étant donné les structures sanitaires, et est-ce qu’on allait trouver anormal que quelqu’un meure après avoir eu des diarrhées et avoir maigri ( forme clinique la plus fréquente que prenait le Sida en Afrique). Donc on l’a découverte quand des américains qui voyageaient ont présenté une infection opportuniste bizarre et peu fréquente. Par contre, et dans l’autre sens, vous savez qu’à l’époque on l’appelait la maladie des trois H, un des H étant pour « haïtien » de telle sorte que les USA avaient fermé leur frontière aux haïtiens, alors qu’en fait ce sont des « touristes » américains, qui ont introduit le virus VIH en Haïti. A ce sujet il y a des explications détaillées dans le livre de Paul Farmer intitulé « inégualities and infectious diseases » 

2. Chapitre « vaccins ». Pendant longtemps il y a eu un buzz considérable sur le thème: la solution pour l’Afrique ce sera le vaccin. Or la question d’un vaccin » pour le VIH, virus qui infecte les cellules du système immunitaire et s’intègre dans leur ADN, n’a rien à voir avec les vaccins contre des virus  donnant lieu à des infections aiguës, tels que Ebola grippe coronavirus etc… Les vaccins contre ces virus posent des questions de fabrication technique, mais la conception est simple et correspond à ce qu’ a toujours été un vaccin, à savoir: accélérer la réponse immunitaire normale de l’organisme, en injectant des antigènes de l’agent pathogène contre lequel on veut vacciner, qui vas susciter une réponse anticorps qui sera alors prête à agir immédiatement quand l’organisme rencontrera l’agent pathogène en question ( il y aura une « mémoire immunitaire » prête à l’avance pour « détruire l’agent infectieux). C’est le même principe pour tous les vaccins existants. Le VIH n’a rien à voir car l’organisme ne crée pas spontanément une réponse immunitaire qui protège (des anticorps, tous ceux qui ont le VIH en ont, c’est même comme ça qu’on faite le diagnostic: ils sont « séropositifs »), dont il faudrait en « inventer » une extra-naturelle, or malgré tous les labos qui sont sur le sujet, on n’en a même pas l’idée aujourd’hui en 2020 ( disons en 2017 parce que je ne suis plus la biologie fondamentale et les conférences VIH depuis ma retraite), on n’en a pas l’idée malgré les centaines d’études sur les 5% de gens qui ont le VIH mais contrôlent spontanément le virus (ils ont une charge virale négative spontanément et on les appelle « elite controlers »).

Bref, je vous dis tout cela parce que en 1992! à la conférence mondiale sur le Sida à Amsterdam, un type est monté à la tribune (je me rappelle le nom de sa firme, « Genetech ») et il a sorti des diapos montrant « combien de morts auraient été évitées en l’an 2000 »!!! grâce au vaccin. J’étais à côté d’une amie virologue bossant à Pasteur, on s’est regardées ahuries, pour apprendre effectivement au cours du congrès que 4 essais vaccinaux allaient commencer!!! dans 4 pays, Ouganda, Brésil, Thaïlande, j’ai oublié le 4è qui était aussi je crois un pays d’Afrique noire(en tout cas aucun pays en Europe ou Amérique du nord) Coïncidence bizarre, les seuls médecins « non blancs » qui ont parlé au cours de ce Congrès venaient de ces pays (je me rappelle la présentation du collègue ougandais parce qu’elle était bouleversante et pathétique). Lors d’une pause, mon amie et moi nous sommes assises à côté du premier « noir » que nous avons vu,  c’était un collègue de Zambie qui nous a expliqué qu’on avait fait pression sur eux tous pour leur faire accepter cet essai dans leur pays, lui et beaucoup d’autres avaient refusé parce que ils devaient accepter sans savoir qui serait vacciné et avec quel produit, mais ils avaient en même temps l’angoisse au ventre, au cas où ils auraient peut-être refusé quelque chose, ou des crédits futurs pour quelque chose qui aurait pu aider leurs malades. Il nous avait dit aussi qu’ils avaient chargé le médecin ougandais, seul invité à faire une présentation à la tribune, de parler pour eux tous.

je raconte cela parce que cette comédie du vaccin VIH avec l’antienne « pour l’Afrique ce sera le vaccin » a duré des années, avec je ne sais combien « d’essais ». Dans les congrès vous aviez les séances « essais vaccinaux » pendant que dans les sessions d’immunologie fondamentale on expliquait x hypothèses mais pas la moindre idée de ce qui pourrait protéger du VIH. Pourquoi je pense que cela mérite d’être raconté, entre autres parce que je pense que ce bluff énorme a pu générer une méfiance logique dans les pays d’Afrique vis-à-vis du « vaccin » en général

3 Pendant qu’on parlait pour l’Afrique de vaccins dont le concept même n’existait pas, les traitement antirétroviraux ont eux bel et bien commencé à arriver, et en 1996, on disposait d’une trithérapie permettant de contrôler la charge virale de tous nos malades, autrement dit on ne mourrait plus du Sida, on devenait porteur chronique d’un virus qu’on savait contrôler. Mais il n’ y avait aucun de ces traitements en Afrique noire. J’ai le souvenir d’un éditorial du » Monde » disant textuellement « étant donné le prix des médicaments, il faut que les africains comprennent qu’ils devront se contenter du préservatif », je ne l’ai plus sous la main pour retrouver sa date, mais je pense que c’est vers 1999 (c’est là que j’ai envoyé un dossier de presse à tous mes collègues et à tous les journaux, en obtenant seulement du Monde Diplomatique la proposition d’écrire un commentaire sur le livre de Paul Farmer, ce que j’ai fait). Comme vous le savez peut-être, ce qui nous a sauvés, ou commencé à nous sauver, c’est la décision du gouvernement brésilien de fabriquer des génériques (ainsi qu’un labo thailandais qui fabriquait à l’époque un générique d’une molécule). C’est ce qui a fait baisser le prix des antiviraux d’une facteur 20 ( ou plus, 150 euros le traitement mensuel contre environ 5000 euros en France à l’époque) et c’est seulement alors qu’a été fondé le fameux « fonds mondial contre VIH tuberculose et palu. Mais vient alors la question de l’usage de ces médicaments;

J’ai pris l’exemple de l’initiative mondiale pour éviter la transmission mère-enfant, annoncée au congrès international de Durban en 2000 – qui a été l’occasion pour la première fois d’une importante mobilisation, mais il n’y avait toujours pas d’antiretroviraux disponibles en Afrique. Cette initiative annoncée à grand bruit consistait à proposer aux femmes enceintes arrivant au moment d’accoucher et chez qui on diagnostiquait alors le VIH, un comprimé de Nevirapine (Viramune) en début de travail. Le « rationale » de l’affaire, c’est que la Nevirapine fait baisser très rapidement la charge virale, si bien qu’au moment de l’expulsion de l’enfant on pouvait éviter sa contamination per partum. Malheureusement, la charge virale remonte aussitôt à son niveau antérieur, avec cette fois un virus résistant à Nevirapine, car c’est très rapide, il suffit d’une mutation pour que ce médicament ne marche plus ( c’est même en se servant de Nevirapine que le fameux Dr. Ho avait pu calculer la quantité de virus produite quotidiennement dans l’organisme, grâce à la pente très rapide d’apparition de ce virus résistant): donc je veux dire que clairement tout le monde le savait.Moralité, les femmes qui ont reçu ce traitement avaient des chances heureuses d’avoir un enfant non infecté, mais la trithérapie à venir était foutue pour elles, car on savait que la trithérapie qui allait arriver comportait Viramune plus deux autres médicaments, 3TC et D4T ou AZT. Si elles ( ou leur enfant malheureusement infecté malgré Viramune) recevaient ensuite cette « trithérapie », c’était en fait une bithérapie puisque Viramune était inefficace: ce qui veut dire que le virus continuait à se multiplier, hors la résistance à 3TC survient en environ un mois ou moins ( il suffit aussi d’une seule mutation) donc la trithérapie était en fait monothérapie et on finissait par avoir aussi la résistance à D4T /AZT. Combien de patientes arrivant dans ce cas j’ai pu voir, venant d’Afrique noire et d’Haïti, et combien de publications à ce sujet!! Cela survenait – et survient encore – quand les médicaments viennent à manquer et qu’il y a des interruptions. Mais dans l’initiative internationale dont je vous parle, on le savait et on pouvait parfaitement l’éviter: il suffisait de donner à la femme, même si on voulait arrêter ensuite le traitement, un traitement de quinze jours après l’accouchement – avec AZT au moins ou AZT/3TC – le temps que la Nevirapine disparaisse du sang ( car ce médicament a une demi-vie longue): cela permettait d’éviter l’apparition de la mutation de résistance à Viramune et donc préserver l’efficacité de la trithérapie à venir pour la femme. C’est par exemple ce que les thaïlandais ont fait chez eux, ils prolongeaient par 15 jours d’AZT, c’était parfaitement faisable. Pourquoi cela ne s’est pas fait dans ce programme magnifique! pour l’Afrique noire, je suppose que c’est parce que le labo Boehringer qui fabriquait à l’époque Viramune le fournissait « gracieusement » et que les autres ne l’ont pas fait. Je n’étais pas dans leur tractation. j’ai levé timidement la main au cours de cette séance, timidement à cause de mon mauvais anglais, pour poser la question, me demandant comment il se pouvait que je sois la seule à intervenir! et je me suis fait rembarrer par l’orateur d’un revers de main, « ah, question de résistances… »

3) Pourquoi le type de Cochin parle de prostituées, ça a dû lui venir tout seul parce que sans doute comme moi il a entendu des années durant dans les congrès des communications faites à partir de « la cohorte des prostituées de Nairobi », chez lesquelles on faisait x prélèvements pour étudier la susceptibilité génétique au virus et x truc de ce genre sans inclure ces femmes dans aucun programme de soin. Tapez sur google « cohorte des prostituées de Nairobi ». Il y a eu plein d’études de ce genre à l’époque. Il serait temps que le « grand public » y mette son nez

4) Le florilège des interventions et commentaires relevant du racisme le plus bestial, je pourrais le faire, y compris dans les communications des congrès internationaux. Mais si je dis que toute cette histoire mérite d’être  racontée en détails, c’est d’abord en soi, et ensuite, parce que cela entretient une suspicion légitime, mais en même temps nuisible, parce qu’elle conduit parfois à refuser des choses qui sont fondées scientifiquement et utiles. Ceci dit, il suffit de s’expliquer. Il m’est arrivé bien souvent de dire à mes patients africains que je savais comme eux que les crimes des blancs étaient innombrables, mais que la « science des blancs » est à prendre comme telle dans la mesure où c’est la science tout court, d’ailleurs l’algèbre a été inventée en tel lieu, la physique moderne en tel autre, ce qui compte c’est que si on est dans la science elle vaut pour tout le monde . Ils comprenaient parfaitement, « vous voulez dire que c’est universel » et je répondais oui c’est ça.Je suis beaucoup moins optimiste quant au décrassage des esprits de nos compatriotes. Quand Paul Farmer  et son équipe ont réalisé le premier programme de trithérapie anti VIH « en région pauvre » – c’était sur le plateau central d’haïti -, tous les experts à l’époque émettaient des doutes, n’est-ce-pas, sur la capacité des pauvres et illettrés à prendre le traitement! il a eu des taux de succès de plus de 99%, bien mieux que chez nous, parce que l’observance était parfaite, parce que une ou deux dames déjà traitées faisaient le tour du village chaque jour, entraient chez ceux qui devaient prendre le médicament pour vérifier s’ils l’avaient pris, s’ils avaient de quoi manger avec etc..

In blogs.mediapart.fr – 8 avril 2020

Haythem Guesmi est doctorant à l’Université de Montréal en études anglaises et écrivain tunisien. (cette info, « doctorant… » lue in Le Monde daté 17 mai 2019 à la suite d’un article intitulé« L’Europe veut imposer aux Tunisiens un projet de dépendance économique totale »)

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2_ Dominique Sopo

[Tribune] Traitements contre le coronavirus testés en Afrique : LCI et les « provocateurs »

Par Dominique Sopo  – Président de SOS Racisme (France)

08 avril 2020

Deux médecins français ont évoqué, sur la chaîne d’information LCI, l’idée de tester des traitements contre le coronavirus en Afrique, déclenchant une vive polémique. Si les scientifiques se sont excusés depuis, Dominique Sopo, président de SOS Racisme, juge l’incident tristement révélateur.

Mercredi 1er avril sur LCI, deux médecins ont devisé du rôle du vaccin BCG contre le coronavirus. Le professeur Locht, directeur de recherche à l’Inserm, expose les protocoles mis en œuvre afin de tester ce vaccin. Il déclare que ces essais se déroulent en Europe – et qu’il espère les voir se dérouler également en France – ainsi qu’en Australie.

Le professeur Mira, chef de service à l’hôpital Cochin, amène alors le professeur Locht sur le terrain de l’efficacité de l’étude, qu’il serait compliqué de mener à une échelle suffisante dans les pays cités puisque les protections contre le virus s’y multiplieraient. Il finit par déclarer : « Si je peux être provocateur, est-ce qu’on ne pourrait pas faire ces tests en Afrique, où il n’y a pas de masques, pas de traitements, pas de réanimation, un peu comme c’est fait d’ailleurs pour certaines études avec le Sida, où chez les prostituées on essaie des choses parce qu’on sait qu’elles sont hautement exposées et qu’elles ne se protègent pas ? »

Quelques instants plus tard, le professeur Locht lui répond : « Vous avez raison, et nous sommes en train de réfléchir à une étude en Afrique pour faire ce même type d’approche avec le BCG et un placebo ».

Certes, comme je l’ai exposé, ces propos s’inscrivent dans une séquence plus longue où le professeur Locht explique que des tests se pratiquent sur d’autres populations et où ces deux médecins apportent des arguments scientifiques à l’appui de leurs analyses.

Mépris des corps noirs

Alors, pourquoi cette émotion devant de tels propos ? Au-delà des mauvaises interprétations – non, l’Inserm ne mène pas une étude sur les Africains à l’exclusion des autres populations -, les mots du professeur Mira révèlent à l’endroit des corps noirs un mépris, fut-il inconscient, et présenté d’un ton badin sur le thème de la « provocation ».

Provocation fort déplacée en réalité, tant les arguments avancés pour faire des Africains des cobayes (absence de masque, absence de traitement…) pourraient également être utilisés pour l’Europe. Provocation fort déplacée en réalité, tant le professeur Mira aurait pu éviter d’adopter un ton primesautier pour évoquer des tests sur des populations présentées comme démunies – elles le sont en partie – sans jamais se poser la question de leur dénuement, pas plus que celle de la façon d’y remédier pour les protéger d’un virus mortel.

Que dire, en outre, de la comparaison, strictement réservée aux Africains, avec le Sida et les prostituées ? Quelle association d’idée se réalise à ce moment-là chez ce professeur pour qu’il extraie de son registre de références cette analogie précise, dont on sait qu’elle est socialement péjorative ?

Interroger le dispositif médiatique

La direction de LCI que j’ai jointe a insisté sur le contexte dans lequel ces propos ont été tenus (c’est-à-dire la totalité de la séquence), sur la parole sans affect des médecins et sur la faible maîtrise des médias par ces derniers. Ces trois arguments doivent être interrogés.

Ce n’est pas là une parole sans affect. C’est une parole sans respect.

Tout d’abord, je constate que les problématiques du racisme, du mépris et de l’infériorisation disparaissent de la légitimité médiatique française. Les principaux médias de notre pays jurent qu’ils sont contre le racisme mais, curieusement, trouvent que les noirs et les Arabes poussent le bouchon trop loin à chaque fois qu’ils évoquent un irrespect à leur égard.

Ensuite, je constate que le manque d’affect n’est pas précisément ce qui caractérise la parole du professeur Mira lorsqu’il se réfère aux prostituées et au Sida. Ce n’est pas là une parole sans affect. C’est une parole sans respect. Nuance de taille.

Enfin, s’il est vrai que les médecins ne sont pas habitués à parler devant une caméra, pourquoi les chaînes d’infos multiplient-elles les directs avec eux ? A minima, si l’argument devait être retenu, cette séquence doit interroger les dispositifs des chaînes d’infos où il faut sans cesse remplir l’espace, à tout prix.

Condamner les propos stigmatisants

Mais si l’on sortait de ce « a minima », il faudrait interroger la scène médiatique sur un autre aspect : pourquoi, lorsque des professeurs de médecine dérapent, trouve-t-on à leur égard l’excuse d’une défaillance de la maîtrise du discours (rappelons qu’il s’agit de personnes d’âge mûr, ultra-diplômées et habituées à parler à des publics, que ce soit dans leurs services ou dans des activités d’enseignement) ? Peut-être faudrait-il, à l’aune de ce registre d’argumentation, relire toutes les polémiques insensées et violentes qui s’abattent régulièrement sur tel ou tel jeune d’origine immigrée qui, lorsqu’il était ado, a fait un tweet raciste, antisémite ou homophobe…

Cette séquence, en réalité, nous amène à deux conclusions. La nécessité – pour le média où ils ont été tenus – de savoir condamner les propos stigmatisants et, lorsqu’on les a tenus, de savoir s’en excuser, ce qu’a d’ailleurs fait le professeur Mira dans les termes les plus clairs. C’est la condition sine qua non de la fin d’un déni de racisme et celle, alors, pour recréer un espace où ces sujets reviennent autrement qu’à travers la stigmatisation ouverte contre les noirs et les Arabes dans des émissions avec des personnages tels qu’Éric Zemmour, expérience qui se prolonge par mille scènes médiatiques plus feutrées.

La nécessité, également, de rappeler que l’on ne peut aborder la crise sanitaire avec des dispositifs télévisuels qui deviennent des spectacles dans lesquels des médecins – dont certains chercheront à devenir des « bons clients » – n’ont finalement pas grand-chose à faire. Un rappel que les autorités sanitaires et le CSA – que SOS Racisme a saisi en ce sens – devraient opérer d’urgence. Un rappel, pour les chaînes d’info, à entendre tout aussi urgemment.

in : www.jeuneafrique.com

Monsieur le Président… Annie Ernaux

Annie Ernaux, lettre à Monsieur le Président

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Cergy, le 30 mars 2020

Monsieur le Président,

« Je vous fais une lettre/ Que vous lirez peut-être/ Si vous avez le temps ». À vous qui êtes féru de littérature, cette entrée en matière évoque sans doute quelque chose. C’est le début de la chanson de Boris Vian Le déserteur, écrite en 1954, entre la guerre d’Indochine et celle d’Algérie. Aujourd’hui, quoique vous le proclamiez, nous ne sommes pas en guerre, l’ennemi ici n’est pas humain, pas notre semblable, il n’a ni pensée ni volonté de nuire, ignore les frontières et les différences sociales, se reproduit à l’aveugle en sautant d’un individu à un autre. Les armes, puisque vous tenez à ce lexique guerrier, ce sont les lits d’hôpital, les respirateurs, les masques et les tests, c’est le nombre de médecins, de scientifiques, de soignants. Or, depuis que vous dirigez la France, vous êtes resté sourd aux cris d’alarme du monde de la santé et ce qu’on pouvait lire sur la  banderole  d’une manif  en novembre dernier –L’état compte ses sous, on comptera les morts – résonne tragiquement aujourd’hui. Mais vous avez préféré écouter ceux qui prônent le désengagement de l’Etat, préconisant l’optimisation des ressources, la régulation des flux,  tout ce jargon technocratique dépourvu de chair qui noie le poisson de la réalité. Mais regardez, ce sont les services publics qui, en ce moment, assurent majoritairement le fonctionnement du pays : les hôpitaux, l’Education nationale et ses milliers de professeurs, d’instituteurs si mal payés, EDF, la Poste, le métro et la SNCF. Et ceux dont, naguère, vous avez dit qu’ils n’étaient rien, sont maintenant tout, eux qui continuent de vider les poubelles, de taper les produits aux caisses, de  livrer des pizzas, de garantir cette vie aussi indispensable que l’intellectuelle, la vie matérielle.  

Choix étrange que le mot « résilience », signifiant reconstruction après un traumatisme. Nous n’en sommes pas là. Prenez garde, Monsieur le Président, aux effets de ce temps de confinement, de bouleversement du cours des choses. C’est un temps propice aux remises en cause. Un temps pour désirer un nouveau monde. Pas le vôtre ! Pas celui où les décideurs et financiers reprennent déjà sans pudeur l’antienne du « travailler plus », jusqu’à 60 heures par semaine. Nous sommes nombreux à ne plus vouloir d’un monde  dont l’épidémie révèle les inégalités criantes, Nombreux à vouloir au contraire un monde où les besoins essentiels, se nourrir sainement, se soigner, se loger, s’éduquer, se cultiver, soient garantis à tous, un monde dont les solidarités actuelles montrent, justement, la possibilité. Sachez, Monsieur le Président, que nous ne laisserons plus nous voler notre vie, nous n’avons qu’elle, et  « rien ne vaut la vie » –  chanson, encore, d’Alain  Souchon. Ni bâillonner durablement nos libertés démocratiques, aujourd’hui restreintes, liberté qui permet à ma lettre – contrairement à celle de Boris Vian, interdite de radio – d’être lue ce matin sur les ondes d’une radio nationale.

Annie Ernaux

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Lettre lue ce matin sur France Inter.

Ce matin, lundi 30 mars 2020, sur France Inter à 8h54. Émission « Lettres d’intérieurs » par Augustin Trapenard. Aujourd’hui, lettre d’ Annie ERNAUX « Sachez, Monsieur le Président, que nous ne laisserons plus nous voler notre vie… »

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CLIQUER CI-dessous pour voir la vidéo (lecture de la lettre):

.http://ahmedhanifi.com/wp-content/uploads/2020/03/YouTube.webm

Islam: reconquérir les territoires de la raison

19 févr. 2020 Par Les invités de Mediapart_ Blog: Le blog de Les invités de Mediapart

Dans une actualité polarisée sur les enjeux d’intégrisme religieux, un collectif d’universitaires et spécialistes de l’Islam alerte sur la dangerosité des travaux de Gilles Kepel et Bernard Rougier, porteurs d’une vision idéologique occultant les racines socioéconomiques du salafisme. Ils appellent à fournir aux quartiers populaires incriminés les moyens de «sortir de la stigmatisation et de l’enclavement» et à cesser de faire d’une question sociale un enjeu strictement répressif.

Nous, signataires de cette tribune, travaillons directement ou indirectement sur l’islam en France, en Europe et même au-delà (Maghreb, Moyen-Orient, Afrique). Nous ne partageons pas nécessairement les mêmes analyses, mais respectons la diversité des points de vue, voire les divergences. C’est ainsi que nous pouvons progresser, amender ou vérifier nos hypothèses. Nous ne pensons donc pas que la polémique gratuite et les procès d’intention soient la meilleure façon d’imposer notre point de vue.

Or, dans plusieurs articles ou entretiens accordés à la presse, Gilles Kepel et Bernard Rougier ont systématiquement pris le chemin de la dénonciation, voire de l’intimidation et de l’injure pour manifester leur désaccord avec ceux qu’ils désignent à la vindicte publique : pour eux, quiconque n’adhère pas à leurs conclusions devient de facto un collaborateur potentiel du jihadisme.

Mais surtout, leur approche crée une image distordue de l’islam et des musulmans en France. Elle fait de cette « conquête des territoires » (les banlieues populaires) par l’islamisme un projet orchestré et importé de l’extérieur. Or, on est là à cent lieues des résultats attestés par une écrasante majorité des recherches consacrées à ce sujet.

Aucun d’entre nous ne nie le fait que certains jeunes issus des quartiers populaires se replient sur eux-mêmes en épousant parfois le salafisme, et pour une infime minorité le djihadisme ou encore, une version “orthodoxe” de l’islam. Mais ce sont les racines sociales, économiques et culturelles de ce repli sur une approche clivante de la religion qu’il importe d’identifier, en en dénonçant les causes et non les expressions. Ces racines ont pour nom la non-mixité sociale des quartiers, l’enclavement des « banlieues », la stigmatisation, le chômage, et le recours à l’économie parallèle ainsi que l’humiliation et le déni de citoyenneté. Ce repli est aussi une réaction à certaines des politiques conduites par la France dans le monde musulman : qu’il s’agisse, en particulier, de la question israélo-palestinienne, ou du traitement très sélectif des dérives autocratiques, selon qu’elle soient égyptienne ou turque, notamment.

Quant à proclamer l’existence d’un projet hégémonique des “islamistes” – terme sous lequel sont amalgamés des vendeurs de kebab, des imams de toutes sensibilités et jusqu’aux associations citoyennes dénonçant ces amalgames (CCIF et d’autres), et en faire un terreau unique pour le jihadisme, cela relève des théories du complot. La seule attitude légitime vis-à-vis de musulmans qui seraient tous vêtus de la même étoffe antirépublicaine, serait celle de la répression. Ces théories reçoivent, hélas, le soutien d’une grande partie des médias qui se disputent en majorité l’électorat d’extrême-droite et transforment ces dévoiements évidents de la recherche en autant de best-sellers.

Dans Terreur dans l’Hexagone : genèse du djihad français Gilles Kepel a soutenu des points de vue qui divergent de ceux de la quasi-totalité des chercheurs aussi bien dans la sphère anglophone que francophone. Sa vision idéologique, très proche du sens commun, construite sur un usage particulièrement sélectif et partisan des données, n’est destinée qu’à confirmer ses thèses. Ainsi de sa conception des émeutes de 2005 dans les banlieues inspirées selon lui « par les islamistes » alors que la quasi-totalité des sociologues a qualifié cette mobilisation de non-religieuse. Il s’appuie pour cela sur le seul cas d’une mosquée atteinte par un projectile, et d’où serait partie la mobilisation toute entière. On pourrait multiplier les exemples. Méprisant la prudence propre aux scientifiques, la presse à sensation a cherché enfermer les chercheurs dans l’alternative : ou bien la radicalisation de l’islam (thèse de G. Kepel et de B. Rougier), ou bien l’islamisation de la radicalité (thèse d’Olivier Roy). Or la réalité sociologique montre que les deux interagissent, le même individu passant de l’un à l’autre selon le moment de sa vie.

Les descriptions de B. Rougier dans Les territoires conquis de l’islamisme vont, elles aussi, dans le sens de la théorie du complot islamiste. Les musulmans de diverses obédiences, unifiés dans une alliance « salafo-frériste » (Frères musulmans) secondée par d’autres tendances comme le Tabligh visent, selon lui à conquérir un nombre croissant de territoires, et à expulser de la République des banlieues de plus en plus « islamisées », comme en un projet sectaire cohérent et englobant. Dans un éditorial du 16 janvier 2020, Le Figaro croit pouvoir annoncer « la victoire du chercheur Gilles Kepel dans la controverse qui l’oppose à son confrère, Olivier Roy. Le salafisme est bien l’antichambre du djihadisme.»

Or les faits constatés sur le terrain par les chercheurs sont tout autres. Dans la grande majorité des cas (dans les Quartiers Nord de Marseille, mais aussi dans de nombreuses autres cités), au lieu de favoriser le jihadisme, le salafisme, certes en désocialisant ses adeptes, lui barre le chemin. Le salafisme refuse la société de consommation, car ses adeptes, pour la plupart originaires des quartiers pauvres et démunis n’ont matériellement pas la possibilité d’y accéder (même si une petite minorité use des portables high tech, la grande majorité appartient au monde des précaires ou des exclus). Il « sectarise » ceux qui se trouvent déjà dans des quartiers enclavés. Il claquemure ceux qui sont déjà emmurés dans des cités sans mixité sociale.

Bref, le salafisme a des racines socio-économiques. B. Rougier refuse de les voir, dénonçant l’hégémonie de l’islamisme là où il faudrait plutôt se scandaliser de l’absence d’intégration sociale de ceux auxquels nul avenir digne de ce nom n’est proposé. Or, les solutions crédibles à ce retrait de la société passent non par la répression mais par la prise en charge de ces quartiers, comme celle que le Plan Borloo avait préconisée.

Car nul ne nie l’existence, dans certains quartiers de France, de problèmes sociaux à connotation religieuse. Mais pour « reconquérir » ces territoires dits perdus, et « conquis » par les soi-disant islamistes, il faudrait que ces quartiers gagnent en dignité sociale, que les moyens leur soient fournis de sortir de la stigmatisation, de l’exclusion et de l’enclavement, que la mixité sociale y soit restaurée, et que surtout, l’on cesse de se complaire dans la recherche de solutions purement répressives quand la question est éminemment sociale. La thèse de G. Kepel et de B. Rougier occulte la nature du problème en donnant un vernis de scientificité à une vision idéologique, dédaigneuse de la complexité du réel, qui apporte seulement de l’eau au moulin de l’extrême-droite. En réduisant les banlieues à une seule dimension « islamiste », ils ignorent l’opposition de la grande majorité des français de confession musulmane à l’usage de la violence politique, tout comme ils taisent le véritable dynamisme associatif des quartiers populaires. Tandis que bien des acteurs de ces quartiers essayent de recréer du lien social, ils portent le discours de la guerre de tous contre tous.

Premiers signataires :

Claire Beaugrand, Chargé de recherche au CNRS
Alain Bertho, Professeur d’Anthropologie à Paris 8
François Burgat, Directeur de recherche émérite au CNRS
Sonia Dayan Herzbrun, sociologue, Professeure émérite à l’Université de Paris
Christine Delphy, Directeur de recherche retraitée, CNRS
Sylvie Denoix, Directeur de recherche au CNRS
Karima Direche, Directeur de recherche au CNRS
Nicolas Dot-Pouillard, Chercheur en sciences politiques Beyrouth
Jérôme Ferret, Maître de conférences en sociologie HDR, Université Toulouse Capitole
Alain Gabon, Professeur associé Virginia Wesleyan University.
Alain Gresh, Directeur du site Orient 21
Vincent Geisser, Chargé de recherche au CNRS
Aïssa Kadri, Professeur émérite de Sociologie à Paris 8
Farhad Khoskhokhavar, DE retraité à l’EHESS, Paris
Michel Kokoreff, Professeur de sociologie, Université Paris 8
Stéphanie Latte Abdallah, Chargé de recherche au CNRS
Raphaël Liogier, Professeur des universités, Sciences Po Aix-en-Provence
Bjorn Olav Utvik, Professeur à l’Université d’Oslo
Matthieu Rey, Chargé de recherche au CNRS
Marc Sageman, consultant anti-terroriste
Fabien Truong, professeur agrégé, département de Sociologie et d’Anthropologie de Paris 8.

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Pour lire à la source cliquer ici

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Voir aussi, intéressante émission de Arte 28 minutes.

Émission de Élisabeth Quin

« Emmanuel Macron a annoncé hier des mesures contre cette dérive / La France court-elle vraiment un risque de « séparatisme islamiste » ? Mardi 18 février à Mulhouse, le président de la République Emmanuel Macron a affirmé sa détermination à lutter contre le « séparatisme » islamiste. Un mot soigneusement choisi pour remplacer celui de « communautarisme », annonçant la venue de nouvelles mesures sur un dossier politique et sociétal sensible. Cette visite donne donc le coup d’envoi d’une stratégie du gouvernement contre la radicalisation et l’islam politique. « Dans la République, l’islam politique n’a pas sa place », a ajouté le chef de l’État. Ces mesures suffiront-elles à lutter contre l’islam radical ? On en débat ce soir. »

CLIQUER ICI POUR VOIR L’EMISSION D’ARTE_ 28 (à partir de: 14’25 »)

Bourdieu, le journalisme, là-bas, ici.

À propos de la profession de journalisme, de Pierre Bourdieu.

À propos de Bourdieu, de Sayad des amis de l’époque parisienne…quelques souvenirs avec à la clef les interventions du sociologue.

Il y a 18 ans, le 23 janvier 2002 disparaissait à 71 ans Pierre Boudieu, un ami des Algériens. Cet éminent intellectuel (directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études, professeur titulaire de la chaire de sociologie au Collège de France,) était engagé contre le néolibéralisme et la politique socialiste en France. Il était « Pour une gauche de gauche ». Très jeune, il fut assistant à la faculté d’Alger. Ses écrits sont très nombreux, (« Les héritiers », « Le sens commun », « La reproduction », « Raisons pratiques », « La misère du monde »- sous sa dir.-…  )

J’ai eu l’honneur de le rencontrer le 13 mars 1999, grâce à notre cher ami Mouhoub Naït Maouche, grand militant du FFS. C’est Bourdieu qui est venu vers Da Mouhoub, et c’est comme ça que nous avons discuté. J’avais été moi-même « en recherche sociologique » quelques années auparavant avec  P. Lantz, A. Kadri et P. Champagne, très proche de P. Bourdieu. Ce jour-là, nous étions nombreux dans les locaux de Génériques au 34 rue de Citeaux (Paris 12°) pour un hommage à l’autre ami de P. Bourdieu, Abdelmalek Sayad dont il disait qu’il était  « un des plus grands sociologues de sa génération », décédé un an auparavant, le 13 mars 1998 : Mouhoub donc, Mahmoud B., Driss E-Y., Saïd B., des amis de Tamazgha (14°), il me semble qu’il y avait également Abbès H., Said Ch., Hsen T., Ahmed. D. qui venait d’éditer « L’Algérie à l’épreuve » … Il y avait à l’époque effervescence contre l’inique projet de loi d’arabisation, et nous étions à un mois de l’élection présidentielle algérienne qui s’est révélée tordue. Perso, j’achevais « Le temps d’un aller simple ».

Pour revenir à notre journée d’aujourd’hui, en souvenir de Pierre Bourdieu, j’offre son cours télévisé du Collège de France – extraits du livre et émission de télé (1) – à tous les commentateurs et animateurs (télé et presse écrite) plongés ou non dans une « logique d’autorenforcement permanent… à ceux qui voient le monde à partir de leurs seules catégories, de leur seule propre histoire, de leur propre carrière » et qui ne souhaitent pas (continuer à) « penser dans la vitesse ». « Ces deux cours télévisés du Collège de France, présentent, sous une forme claire et synthétique, les acquis de la recherche sur la télévision. Le premier démonte les mécanismes de la censure invisible qui s’exerce sur le petit écran et livre quelques-uns des secrets de fabrication de ces artefacts que sont les images et les discours de télévision. Le second explique comment la télévision, qui domine le monde du journalisme, a profondément altéré le fonctionnement d’univers aussi différents que ceux de l’art, de la littérature, de la philosophie ou de la politique, et même de la justice et de la science ; cela en y introduisant la logique de l’audimat, c’est-à-dire de la soumission démagogique aux exigences du plébiscite commercial.» (in homme-moderne.org).

Ces interventions ont été transcrites (et retravaillées) pour donner ce livre intitulé « Sur la télévision ». Pierre Bourdieu y décortique donc « le système télévision » pas très sain que l’on peut globalement calquer, sans difficulté, sur les médias en général. Il faut aussi lire « Les nouveaux chiens de garde » de Serge Halimi. Cela est valable en France, mais aussi en d’autres environnements, comme par exemple en Algérie où dans le même milieu (celui des médias, pas que la télé), en plus de ce qu’a révélé Pierre Bourdieu pour les médias en France, l’unique ou le quasi unique critère de visibilité est la proximité. Plus qu’un « réseau ». Ça tourne en rond, entre potes, « je t’introduis chez flen, tu m’invites chez felten », où le bousni wen boussek est si répandu que la vulgarité en rougit.

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 1 – Sur la télévision, ed Liber/ Raisons d’agir, 1996 et Sur la télévision, télévision Paris Première, mai 1996. Transcriptions d’interventions de Pierre Bourdieu au Collège de France.

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2 vidéos et 1 livre:

« Sur la télévision » :

« Arrêt sur image » :

Marche pour les victimes de la rue d’Aubagne

Nous étions quelques milliers (6 ou 10 ?) à marcher dans les rues du centre de Marseille, de la place du Mont jusque devant l’hôtel de ville devant le vieux port de Marseille, avec passage par la rue d’Aubagne et le cours Belsunce. Marcher à la mémoire des victimes de l’effondrement de deux immeubles dans la rue d’Aubagne, le 5 novembre 2018 qui a fait huit morts et plusieurs blessés.

Une pensée pour: Ouloume (mère de famille), Julien (30 ans), Taher, Chérif (36 ans), Fabien (57 ans), Simona (24 ans), Niasse (26 ans), Marie-Emmanuelle (55 ans).

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CLIQUER ICI POUR VOIR LA VIDÉO DE LA MANIFESTATION

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LCI: VICTIMES – Quatre jours après l’effondrement des deux immeubles rue d’Aubagne à Marseille, huit morts ont été retrouvés dans les décombres. Fabien, Simona, Ouloume ou encore Cherif, qui sont les disparus de cette sombre journée du 5 novembre 2018 ?

08 nov. 2018 10:35 – La rédaction de LCI

Le 5 novembre, dans la matinée, deux immeubles se sont effondrés rue d’Aubagne, à Marseille. Un drame qui a fait huit morts – cinq hommes et trois femmes. Le bilan n’a pas encore été présenté comme « définitif » par les autorités. Les recherches se poursuivaient vendredi soir dans les décombres des immeubles.

Le procureur de la République de Marseille, Xavier Tarabeux, a annoncé l’identification de plusieurs des victimes, sans pour autant en dévoiler l’identité. Le quotidien La Provence a néanmoins dévoilé plusieurs éléments concernant les habitants de la rue d’Aubagne, disparus ou potentiellement décédés dans l’effondrement des deux immeubles.

Ouloume, mère comorienne de six enfants

Originaire des Comores et mère de six enfants, Ouloume, installée au 65 rue d’Aubagne, a déposé son fils Elamine, 8 ans,  à l’école quelques minutes avant le drame, explique La Provence. « Elle n’est pas allée le rechercher à l’école, et je n’ai aucune nouvelle », a expliqué son autre fils de 34 ans, Abdou Ali. D’après une information relayée par le média local Habari Za Comores le ministère des Affaires étrangères des Comores a communiqué concernant la disparition d’Ouloume dans l’effondrement des deux immeubles.

Julien, Taher et Chérif, victimes du 2ème étage

Au second résidait Julien, un homme de 30 ans, et Rachid. Ce dernier s’en est sorti en allant acheter des cigarettes, avant d’assister, impuissant, à l’effondrement de l’immeuble. Prisonniers chez lui : ses amis Taher, un Tunisien de 58 ans, et Chérif, un Algérien de 36 ans. Arrivé à Marseille en 2016 en provenance de l’Algérie, Chérif, 36 ans, marié et père d’un enfant, n’a plus donné signe de vie depuis le jour du drame. Pour ses cousines, qu’il a rejointes à Marseille, tout laisse à penser que Sherif se trouve sous les décombres : « Dans le quartier, tout le monde le connaît. Nous sommes persuadés qu’il se trouve sous les décombres, nous n’attendons que la confirmation officielle de sa mort afin de pouvoir récupérer le corps et le rendre à sa famille… »

Fabien, Simona, Niasse, voisins et amis du 4e étage

Fabien, âgé d’une cinquantaine d’années, vivait dans un deux-pièces du quatrième étage et exerçait l’activité d’artiste-peintre. « Affaibli par la maladie », selon son compagnon Sylvain, les espoirs de le retrouver en vie paraissent très faibles. Au même étage, une Italienne trentenaire prénommée Simona, originaire de Tarente, dans les Pouilles, vivait au 65 rue d’Aubagne depuis plusieurs semaines et semblait très inquiète concernant l’état de l’immeuble. La jeune femme avait d’ailleurs été invitée chez son voisin Fabien trois jours avant le drame, lors d’une soirée festive. Enfin, Niasse, un jeune italien d’origine sénégalaise, 26 ans, dormait chez Simona le soir du drame. Sa dépouille a depuis été formellement identifiée et ses papiers ont été retrouvés sur lui. Enfin, au dernier niveau, le 5ème étage, vivait Marie-Emmanuelle, une femme âgée de 55 ans. (Lire : https://www.lci.fr)

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CLIQUER ICI POUR ÉCOUTER L’ÉMISSION 1 DE FRANCE CULTURE

Marseille : enquête sur les logements insalubres 15/11/2018

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CLIQUER ICI POUR ÉCOUTER L’ÉMISSION 2 DE FRANCE CULTURE

Le drame du logement à Marseille : une aubaine pour qui ? 19.12.2018

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CLIQUER ICI POUR LIRE D’AUTRES INFORMATIONS SUR LE DRAME DU 5 NOV 2018 _ Wikipédia

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Il faut tirer à balles réelles sur les jeunes des cités

Zineb El Rhazoui déclare: « Il faut tirer à balles réelles» sur les jeunes des cités « les barbares », « les racailles ».

Zineb El Rhazoui est une ancienne journaliste de Charlie Hebdo. Ses propos sont aussi vulgaires que dangereux, mais pas étonnant venant d’elle. « Il faut tirer à balles réelles », dit-elle, sur les jeunes des cités « les barbares », « les racailles ». C’était ce matin 5 novembre dans l’émission de Pascal Praud sur CNEWS, «L’heure des pros ». Pascal Praud lui a fermé le bec. La gueule.

Cliquer ici pour visionner la vidéo

Rue d’Aubagne, Marseille

Il y a un an, la rue d’Aubagne à Marseille.

Au-delà du pont, pointe la rue d’Aubagne, interdite aux véhicules depuis l’effondrement de deux immeubles vétustes le lundi 5 novembre dernier. Quelques piétons, des résidents. Et des policiers qui forment trois petits groupes.
Ils discutent entre eux ou avec des passants qui s’interrogent. Une jeune dame dépose une gerbe de fleurs à hauteur du « 56 », une jeune fille pose ses doigts contre la photo d’un jeune homme, elle en caresse le visage. À côté, ceux de deux jeunes-hommes Chérif et Julien et une dame, Marie-Emmanuelle, décédés lors de la catastrophe semblent sourire à l’éternité. Sous l’ombre d’une autre femme (sans photo) il est écrit « Ouloume mère de famille – un fils de 8 ans orphelin ». A deux pas de la colonne-fontaine de Homère.

Cliquer ici pour lire
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Le Monde. Fr – 04 novembre 2019

Un an après le drame de la rue d’Aubagne, la crise se poursuit à bas bruit à Marseille- Le 5 novembre 2018, huit Marseillais mouraient dans l’effondrement de deux immeubles insalubres. Depuis, les évacuations d’immeubles en péril se poursuivent et le dispositif de relogement est à la peine. Par Luc Leroux.

Un temps de silence à l’heure de l’effondrement, un banquet des voisins, des expositions photo, un livre, une radio libre, une marche « contre le mal-logement »… Le quartier de Noailles s’est donné une semaine pour commémorer la mémoire des huit Marseillais tués par l’effondrement de deux immeubles, le 5 novembre 2018, rue d’Aubagne. Marie-Emmanuelle, Simona, Taher, Julien, Fabien, Niasse, Ouloume et Cherif : leurs photos, leurs prénoms s’affichent à nouveau sur les murs de ce quartier meurtri où le grand creux laissé par les immeubles effondrés est désormais d’un blanc aveuglant, la couleur du crépi qui recouvre les murs des bâtiments mitoyens.Un an plus tard, les projecteurs sont de nouveau braqués sur ce quartier du centre-ville, mais, en réalité, c’est partout dans la seconde ville de France que le piéton bute sur l’incurie de la municipalité à gérer la crise. Là, un arrêté de péril grave et imminent affiché au scotch marron sur une porte fermée par une grosse chaîne. Ici, des plots en béton ou de puissants tirants en métal pour empêcher le passage au pied d’une façade lépreuse et menaçante, ou encore des rues entièrement fermées à la Belle de Mai.

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