Archives de catégorie : MA POÉSIE

Les barbares

Les barbares

Tu as fui ton pays mon frère, ta ville, ta maison bombardés.

Tremblant, les deux bras en avant.

L’humanité de l’Ouest t’assouvit, dépasse tes espérances les plus folles.

Et tu pleures d’émotion mon frère.

Les murs, les barbelés, les frises, 

Les treillis, les armes ont par magie disparu.

L’Ouest te chérit 

Pleure de compassion, 

S’agenouille devant ton malheur.

Tu as les yeux bleus mon frère

Tu as le nez aquilin mon frère

Ton visage carotte

Porte le charme de ta race mon frère. 

Tu es slave mon frère.

Ton regard n’est pas charbonneux

Tes enfants ne sont pas morveux,

Ne pataugent pas dans la fange.

Sur sa tête ta compagne ne porte pas de fichu

Mais une sainte couronne d’épis.

Et si elle en porte, il est diaphane.

Tes génuflexions sont belles mon frère,

Tu ne lèves pas les mains 

Et si tu t’inclines c’est vers l’Occident.

Je m’interroge mon frère,

Car tu ne le sais peut-être pas,

Cette même humanité qui t’offre 

Son merveilleux, fabuleux, prodigieux accueil

Est celle-là même qui crie, hurle, vocifère ne pouvoir 

Accueillir toute la misère du monde, 

Du monde pillé de tout temps par l’Ouest.

Je m’interroge mon frère

Sur cette humanité qui t’enlace 

Et pleure de miséricorde,

Qui t’ouvre ses portes

Et qui simultanément chasse les autres afflictions 

Parce qu’elles sont hâlées, noires, brûlées.

Comme les comptables mon frère et les hommes de bon sens

Je m’interroge sur ces deux mesures pour un même poids

Un même fardeau.

Un même désespoir.

Je m’interroge mon frère,

Quelle est cette humanité qui t’ouvre ses portes

Qui privilégie ta souffrance, 

Ignore celle des gueux 

Ces barbares fuyant leur étrange monde,

Pourtant par l’Ouest bombardé, détruit, anéanti 

Par l’Ouest, cette contrée des Droits de l’Homme, 

De certains hommes.

Mais quelle supercherie envers le reste de l’Humanité !

Je m’interroge mon frère,

Quelle est cette humanité qui 

Se plie en quatre pour t’accueillir

Et dresse toutes ses rancunes, contre le blond d’Égypte

Cet Autre venu des Suds, mon miroir.

Et je n’ai trouvé hélas 

Qu’une réponse mon frère et la voici.

Ta souffrance est blanche mon frère.

Ta langue slave et suave

N’est pas crainte, au pire inconnue.

Tu n’es pas miséreux

Et dans ton regard mon frère

On ne décèle nul effroi de la faim.

Tu as droit aux petits fours, 

Tu as droit aux larges sourires, 

Tu as droit à un fleuve de générosité

Tu as droit à Noël chaque soir.

Tu n’es pas Syrien mon frère

Tu n’es pas Libyen mon frère

Tu n’es pas Maghrébin mon frère

Tu n’es pas Africain mon frère.

Tu n’es pas musulman mon frère.

Tu n’es pas confronté aux barbelés, aux murs, aux requins.

Tes enfants ne s’appellent pas Aylan mon frère.

Tu ne viens pas de la mauvaise rive mon frère.

Tu ne viens pas de la mauvaise rive mon frère.

Tu ne viens pas de la mauvaise rive mon frère.

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Ahmed Hanifi

Poème spontané devant la télé, hier soir samedi 26 février 2022

(à retravailler donc)

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CLIQUER ICI POUR VOIR L’ÉMISSION D’ARTE SUR LE DOUBLE DISCOURS QUE JE SOULÈVE DANS MON POÈME

Une émission diffusée le 20 mai 2022, rediffusée le 31 JUILLET 2022

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CLIQUER ICI POUR VOIR AUTRE EMISSION SUR ARTE À CE PROPOS…. La couleur de peau…

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Les hypocrites

Les hypocrites

Ils nous regardent sans bienveillance

Ils ont kidnappé la vérité majuscule de l’Invisible, travestie, stérilisée.

Et nous la récitent par kilogrammes en veux-tu en voilà.

Chacun la sienne, main sur le cœur.

Ils nous sermonnent, nous alpaguent, nous maltraitent

Parce que chez nous, nous partageons les plaisirs de la table,

Parce que nous ne nous mêlons que de notre vie,

Parce qu’ils ne nous voient pas jouer du coude derrière l’imam, selfies à l’appui.

Ils sirotent les prêches qui leur promettent le Paradis éternel, c’est sûr

Et ne disent mot sur leurs comportements diaboliques ici et maintenant 

À l’égard de leur voisin, de leur frère, de leurs enfants

De leur fille, de leur (s) épouse (s), de leur voisine

De leur fille, de leur (s) épouse (s), de leur voisine

De leur fille, de leur (s) épouse (s), de leur voisine

N’y a-t-il pas problème ?

Nous balbutions « éducation, citoyenneté » 

Nous voilà éjectés hors de la « nation des croyants » 

Le venin toujours et encore au nom de Dieu, le grand, le miséricordieux.

Leurs miroirs malsains déforment nos pensées

Ils construisent le plus grand nombre de mosquées par habitant au monde

Et les plus hautes.

Le Maroc et la France n’ont qu’à bien serrer les fesses.

Et el-ghachi de se prosterner devant l’écran plasma de la honte

Qui montre l’unique voie.

Ils reprennent « Corruption ? la France,

Incompétences ? la France,

Covid 22 ? la France,

Zawiyat kounta ? la France,

Les cousins se jettent par milliers dans les bras de la tour Eiffel ? la France

Trou dans le trou ? la France… »

Dans leur cœur brûle la flamme de la haine 

Parce que nous ne leur ressemblons pas,

Parce que l’humilité nous habite et avons horreur du vacarme.

Et gare si nous ne pointons pas devant les tourniquets de la foi publique 

Cinq fois par jour au bas mot.

Gare si nous ne réveillons pas les résidents du quartier, 

Leur signifier à trois heures du matin et à voix haute,

Que leur place est à nos côtés, sur la route de la mosquée

En groupes pour toujours plus de bruit

Réveiller les bébés, achever les malades

Cogner aux portes et aux fenêtres ah la bonne blague !

Désopiler la rate de l’imbécillité

Preuve de la sainte et heureuse bigoterie

Puis dormir jusqu’à midi

La société d’État guèdra (1), attendra.

Elle a toujours toléré et encouragé.

Sur ordre.

Ps : si vous ne vous reconnaissez pas dans cette bourrade, si vous ne vous sentez pas pointé du doigt, merci de partager et de passer votre chemin. Vous êtes des miens.

ahmedhanifi@gmail.com

dimanche 5 septembre 2021

1_ charika guèdra- « l’entreprise peut ». Expression populaire. Ne pas se préoccuper du « combien ça coûte » puisque l’entreprise (lÉtat) alimente sans règles.

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C

C

Joyeux Yennaïr

Pub Mobilis- Le Quotidien d’Oran- L 11.1.2021

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Joyeux Ennaïr (ou Ennayer ou Yennayer)

Ennaïr* de mon enfance à Oran

Je me souviens du jlid qui nous paralysait à l’intérieur de notre unique pièce,

Je me souviens des gerçures qui parcouraient les mains de nenna,

Je me souviens du kanoun qu’elle sollicitait plus encore ce jour-là,

Je me souviens des cheveux de jais de ma mère qu’à l’occasion elle parfumait au zit zitoun,

Je me souviens du kholkhal autour de sa cheville, 

Je me souviens de la couleur brune du meswek qui embellissait son sourire,

Je me souviens des sacoches noires de elbeciclita verte de mon père,

Je me souviens qu’elles étaient pleines de fruits secs,

Je me souviens que certains résistaient à nos assauts : amandes, noisettes, noix,

Je me souviens que d’autres s’y pliaient : dattes, raisins, figues, cacahuètes,

Je me souviens de la maïda qui, exceptionnellement, débordait de cherchem, de couscous, de lben 

Je me souviens aussi de l’inévitable la mouna qui se faufilait entre les mets,             

Je me souviens du mkhalet de halwa – bonbons, réglisse, coco, chewing-gum – étranglé par une cordelette, une ficelle, ce qu’on trouvait,

Je me souviens de la pièce de khamsa douros, parfois deux, que mon père nous tendait, retenues fermement entre ses pouce et index, 

Je me souviens de lawalimoun dont on abusait, et des mini bougies blanches, 

Je me souviens qu’on fixait les chmaâ dans des boites de conserve qu’on avait  préalablement 

trouées de sept ou neuf trous, du nombre je ne me souviens plus,

Je me souviens qu’on les faisait tourner près du corps comme la grande roue d’une fête foraine,

Je me souviens qu’on allait ainsi en courant jusqu’à Covalawa

Je me souviens – c’était bien plus tard – des souvenirs d’enfance de Pérec, de sa Disparition.

Je me souviens. 

ah – janvier 2018

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* Si d’aventure vous ne comprenez pas la Derja, ce qui suit est pour vous :


Derja : c’est une des langues vernaculaires des Algériens.

Ennaïr : ou Yennayer. Premier jour de l’an du calendrier agraire, le 12 janvier.

Jlid : vent glacé.

Nenna : ma grand-mère.

Kanoun : réchaud en terre cuite.

Maïda : table basse. 

Cherchem : plat épicé à base de pois-chiches, de fèves et de blé bouillis. 

Zit-zitoun : huile d’olive.

Kholkhal : bracelet en argent.

Meswek : écorce de noyer séché que les femmes mâchouillent. Il embellit les lèvres comme un rouge à lèvres naturel, et valorise par contraste les dents (précisions in internet).

Elbeciclita : ou biciclita, bicyclette, ici vélo.

Lben : lait fermenté.

La mouna : brioche pied-noir, d’origine espagnole (dit-on), qu’on consommait à Pâques.

Mkhalet : petite bourse emplie de toutes sortes de halwa.

Halwa : friandises, sucreries.

Chmaâ : pluriel de chemâa, bougie. 

Covalawa : ou Cueva d’el agua. C’est le nom d’une zone située près de la jetée, au bas du quartier Gambetta, à l’est d’Oran. Jusque dans les années 60, c’était un important bidonville.

Douro : le douro est une ancienne monnaie espagnole. A Oran, fortement peuplée d’Espagnols, on disait douro plutôt que francs. Un douro équivalait à une pièce de 5 francs, puis au printemps 1964 de 5 dinars.

Lawalimoun : ou agua limon. Eau sucrée au citron.

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Clin d’oeil de Dilem à l’actualité (américaine)

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Nous entrons ce jour dans un nouvel an berbère. Le Quotidien d’Oran lui réserve deux articles. Le premier en page intérieure régionale « est » (page 9)

le second en page « Culture » (p 16) que voici

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El Watan, 12 janvier 2021

Yennayer, le jour de l’An amazigh, un des éléments du patrimoine immatériel le plus fédérateur de la mémoire collective de l’Algérie et de l’Afrique du Nord, a un goût particulier cette année dans la wilaya de Béjaïa.

On s’est vite rendu compte, après avoir tâté le terrain et pris le pouls des rares préparatifs, que cette fête s’annonce avec beaucoup moins de faste et de solennité que les années écoulées. Même son désormais statut officiel, suite à son intégration dans le calendrier national des fêtes légales, n’y change rien.

La pandémie de la Covid-19 est passée par-là. La crise sanitaire et la contrainte du confinement ont plombé les activités habituelles de célébration. Mais pas que. Le manque de subvention a refroidi les ardeurs des organisateurs de la société civile. «Les associations de notre commune sont à court d’argent. Elles ne peuvent pas organiser une quelconque activité», nous apprend Chafik Abaour, maire de Sidi Aich. «Nous n’avons encore reçu aucun sou dans la caisse. Nous n’avons rien prévu pour Yennayer.

Hormis le déplacement de la statue d’Axel vers le centre-ville d’Ighzer Amokrane et son installation sur un socle. Mais la date de l’opération n’est pas encore arrêtée», souligne Ali Tabet, un des animateurs de l’association Horizons activant dans la commune d’Ouzellaguen. A hauteur du chef-lieu de wilaya, un collectif d’associations a pris son courage à deux mains pour marquer l’événement. Une exposition d’objets traditionnels se tient du 9 au 15 janvier dans l’enceinte de La Casbah.

Il est en outre programmé des balades culturelles à travers les monuments et sites historiques de l’ex-ville des Hammadites, ponctuées par des agapes collectives autour de l’incontournable couscous. Des expositions, des conférences et des ateliers pour jeunes ont également lieu à la maison de la culture et à la bibliothèque communale.

Dans la vallée de la Soummam, Béni Maouche est l’une des rares communes à avoir concocté un programme d’activités consistant pour Yennayer. On annonce pour la matinée du mardi 12 janvier l’inauguration du stade de football du village Aguemoune. L’APC a contribué à hauteur de 110 millions de dinars au financement de cet équipement public.

Les villageois ont mis la main à la pâte et à la poche pour mener l’ouvrage à bon port. «Les citoyens d’Aguemoune ont réuni la somme de 3,5 millions de dinars, mobilisé des engins et réalisé quatre mois de volontariat pour achever ce stade, qui a englouti plus de 20 millions de dinars», nous confie Mokrane Labdouci, le P/APC.

Pour la circonstance, il est prévu un match de gala mettant aux prises l’équipe du village Aguemoune et des vétérans issus des équipes du MOB et de la JSMB. Un couscous est ensuite offert aux convives.

L’après-midi est consacrée à une conférence dans la salle de délibération de l’APC de Trouna (chef-lieu communal), suivie d’une pièce de théâtre et de chants traditionnels berbères.

Dans la commune de Tazmalt, nous informe Sofiane Achour, président de l’association Espoir, les citoyens de la cité Kasdi Merbah, au chef-lieu communal, organisent une exposition centrée sur la thématique de Yennayer et un sacrifice suivant le rite de Timechret. Le même rite sacrificiel est annoncé par l’association Main tendue du village Nord, l’association de la cité des Horloges, les résidants du village Sud, la population du village Ikhervane et l’association Tagmats du village Tiouririne. Une opportunité pour exalter les valeurs de convivialité et de solidarité et sceller la communion entre les villageois.

Dans les autres localités de la Soummam, d’Ighram à Seddouk, en passant par Akbou et Ouzellaguen, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent, si ce n’est, bien sûr, le traditionnel dîner de Yennayer. Du couscous aux «sept ingrédients», agrémenté de la viande de volaille. Un plat qui convoque traditionnellement la fratrie et, au-delà, toute la lignée vivante de la famille. Le tout dans une ambiance empreinte de bonhomie et de sérénité.

Par Maouche

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El Watan, le 10 janvier 2021 

Par M’hamed H

Tipasa : La célébration de Yennayer 2971 «à huis clos»

En raison de la pandémie, la célébration du Nouvel An berbère cette année se déroulera à huis clos dans la wilaya de Tipasa. Abdelkader Bouchelaghem, enseignant universitaire à la retraite, animateur actif des émissions en tamazight au niveau de la radio régionale de Tipasa, nous accueille dans sa petite boutique.

Il commence à nous relater les premiers pas de la célébration de Yennayer à Tipasa. Il s’agit de l’organisation du festival du Daynan, des tentatives de la création du mouvement berbère chenoui (MCC) durant le passé. Les autorités de Tipasa, sous l’ère des walis Frikha Hacène et Laroussi Abdelwahab, avaient organisé des semaines des arts et culture chenouis à Gouraya, Cherchell et Tipasa. Ces festivals, organisés avec peu de moyens et des montagnes de volonté, attiraient beaucoup de monde pendant la décennie 90.

Cet événement est mis aux oubliettes hélas depuis le début des années 2000. L’adhésion des femmes et des hommes, jeunes et moins jeunes, pour célébrer Yennayer, n’avaient pas suscité l’intérêt des décideurs locaux.

Cette manifestation culturelle, qui avait permis aux familles de la wilaya de Tipasa de découvrir la richesse des us et coutumes de leurs différentes régions, le génie de leurs aînés dans la fabrication des outils utilisés dans le passé lointain pour travailler la terre et surtout la création des copieux mets, afin d’afficher leurs appartenances, autant d’aspects instructifs, sont ignorés. Abdelkader Bouchelaghem se laisse aller involontairement dans le récit historique sur l’appellation d’origine berbère des trois pays du Maghreb, le Maroc, la Tunisie et l’Algérie.

«Je vous recommande de lire le livre de Mohamed Chibani, pour plus de détails, car c’est bien la France qui a fait les frontières au niveau de l’Afrique du Nord», nous dit-il. Notre interlocuteur ne s’arrête pas dans son récit. Il revient sur la définition d’origine berbère de «Tefsa», avant d’arriver au nom de Tipasa. L’année berbère a commencé en 950 AV JC. «Assegas Amegaz pour cette année», nous déclare-t-il. Yennayer, une date qui coïncide avec le 12 janvier est devenue une journée fériée.

Cela est insuffisant, car le combat doit continuer. Les dernières années, Abdelkader Bouchelaghem, le métronome infatigable invitait les associations, les poètes, les historiens, les artistes afin d’animer l’arrivée du nouvel an berbère, à travers les expositions des œuvres d’arts et les anciens outils de travail traditionnel dans l’agriculture, la poésie, les conférences suivies des débats, la présentation des arts culinaires de chaque région de la wilaya et les chants pour permettre aux jeunes de mieux connaître le sens et la philosopie de Yennayer. Abdelkader Bouchelaghem utilisait alors les ondes de la radio locale de Tipasa pour permettre aux familles de vivre l’événement.

Ces auditrices et auditeurs, pour diverses raisons, avaient été empêchés de rejoindre l’annexe de l’ONCI de Chenoua, lieu qui abritait la manifestation purement culturelle. «En ce 12 janvier 2021, pour respecter le protocole sanitaire, les familles vont utiliser les réseaux sociaux pour communiquer et perpétuer la célébration en attendant des jours meilleurs», indique-t-il.

Notre interlocuteur a le souffle long. Une pluie fine fait son apparition dans les rues, le ciel est bas, la nuit se lève à grands pas, nous demandons alors «l’autorisation» à notre interlocuteur de partir. Courtois, sympathique, un sourire timide, il est arrivé à transmettre son message à travers El Watan. «Assegass Amegaz depuis Tipasa à votre journal, ses employés et vos lecteurs», conclut Kader, le chenoui, avec son timide sourire, celui d’un grand-père.

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Liberté du mardi 12 janvier 2021

REPORTAGE

Dans l’atlas blidéen, sur les traces des traditions amazighes qui résistent au temps

La terre et l’histoire

Liberté, le 12-01-2021 par Mohamed Mouloudj

Tibboura, Tala Amrane, Tachwit, Tamaksawt, Taghzout, Tifarine, Timsirt, Danes, Gar Ougalmime, Baânsar… La toponymie de la région, à cheval entre Blida et Médéa, fait vivre une culture et des traditions millénaires.

“C’est ici que je suis né. J’y ai vécu et je ne peux être moi-même que sur ma terre.” Voilà une phrase qui résume le sentiment d’appartenance à une terre. Celle de Thourtathine sur les monts de Médéa, sur le versant est de l’Atlas blidéen. Dans ce territoire suspendu entre le ciel et les plaines de la Mitidja, la disparition de tamazight (le zénète) n’a pas pour autant rompu le lien qui unit ses enfants à leur terre. La voix de la terre natale finit toujours par résonner là où la surdité a pris place. 

La perception de l’appel de la terre est d’abord cet attachement atavique qui incite à réintégrer les siens. Le recul ou la quasi-disparition de la langue amazighe fait presque perdre son âme à cette région montagneuse. “La langue est le miroir et le portrait de l’âme”, dit un proverbe italien. John Le Carré écrivait dans La taupe : “Posséder une autre langue c’est posséder une autre âme (…)” Il semble, à première vue, que ces deux citations renvoient à la fidèle expression qu’une langue peut véhiculer.

Toutefois, l’âme, aussi éthérée qu’elle soit, garde en son tréfond la marque d’une vie antérieure qui s’est transmise de façon magique. Tout cela porte un nom. C’est cette appartenance à un groupe social, culturel et linguistique qui la distingue des autres. Lors d’une virée dans l’Atlas blidéen, dans les méandres de cette culture amazighe qui tend à laisser place à d’autres emprises, des indices persistent non seulement à marquer, mais aussi à rappeler cette appartenance à une culture qui se meurt, certes, mais qui revit à travers une toponymie qui tient lieu de garde-fous, de barrières qui protègent un héritage que nul ne veut voir disparaître. 

L’Atlas blidéen, un lieu où se meurt l’amazighité, domine des vallées, mais souffre, hélas, d’indigence. Un dénuement qui détruit une vie, celle d’un peuple. La capitale et Blida au Nord, Médéa au Sud et Bouira à l’Est, ce croisement n’est au final que ce continuum qui dissimule une richesse culturelle et linguistique ensorcelante. Région rurale par excellence, l’Atlas blidéen est un haut lieu d’Histoire. 

Une langue unique, une appartenance qui s’étend au fin fond des âges et aussi un imaginaire social qui se reconstruit peu à peu. Une prise de conscience pour briser les chaînes qui la ligotent à une sphère culturelle et linguistique disparate, conçue par des images sans lien sociologique ou historique à une région que toutes les violences ont écrasée pour mieux l’asservir.  

(…)

Yennayer, une fête, une mémoire 
Sur le chemin qui mène de Hammam Melouane à la montagne, Boualem, un jeune agriculteur aborde Mohamed et Dda Amar. Il ne parle pas le zénète. “Dommage”, répond-il, sauf que pour lui, Amar Djerroudi est là pour le leur apprendre. “J’ai quitté la région avec ma famille pour cause de terrorisme, donc nous avons perdu l’usage de la langue, car dans la plaine, les gens ne parlent pas zénète”, a-t-il expliqué. Sur sa moto, Boualem fait le va-et-vient entre la montagne et chez lui en ville. “Je suis éleveur, mais les conditions sont difficiles, d’ailleurs la route n’a été bitumée que récemment”, dit-il.

Interrogé sur Yennayer, Boualem a précisé que cette fête “Assegas”, a-t-il dit, est fêtée d’une manière désintéressée et magnanime chez lui. “Nous fêtons l’an amazigh chaque année”. Sans chercher à connaître la signification, Boualem considère que ce “rite” est un legs qu’il faut garder. Dda Amar, en revanche, ne cesse d’aborder le sujet. Il raconte dans les moindres détails la fête de Yennayer. Il commence d’abord par expliquer que le zénète qu’il parle “est pur”. “À Yennayer, nous préparons des plats traditionnels et nous le fêtons en famille”, a-t-il dit, expliquant que sa défunte mère “préparait Tassabount, du miel, du beurre, de la viande sèche, du couscous d’orge…, et la fête durait parfois deux à trois jours”.

Amar Djerroudi ne compte pas garder “son trésor” pour lui-même. “Je transmets aux jeunes tout ce que j’ai appris, ce dont je me souviens et tout ce que je connais de l’histoire de la région”, a-t-il dit. Sur cet autre versant de l’Atlas blidéen, la situation est tout autre. Les conditions de vie sont meilleures et l’activité agricole vivrière ne domine pas la vie économique locale. Cet “avantage” a fait en sorte que les gens s’intéressent depuis quelque temps à l’histoire. Sur les réseaux sociaux, des groupes de débats et de partages ont été créés. L’histoire, la civilisation, la langue…, y sont constamment abordées et débattues. 

Othmane Mohamed en fait partie. Féru d’agronomie et d’histoire, il s’y intéresse pour raviver une racine, une langue et une culture. Dda Amar, quant à lui, est la mémoire de la région. Un rôle capital dans la prise de conscience dans la région. Pour Mohamed “ceux qui ont initié le combat identitaire ne se doutaient pas que c’est à partir des patelins de Kabylie que l’espoir de toute une nation est né. Cet espoir de vie de toute l’Afrique du Nord viendra exhumer des pans entiers d’une histoire enfouie dans nos âmes”. 

Mohamed évoque le mouvement populaire, le terrorisme, la politique, tamazight… Sans complexe, il estime que tamazight n’est plus ce qu’elle était. “Elle est là. C’est une réalité qui s’impose à tous”, dit-il. Dda Amar Amellal a salué la prise de conscience des jeunes. “Ils veulent apprendre et se réapproprier l’histoire. Tout est à leur honneur. C’est encourageant et cela me donne de l’espoir”, a dit Dda Amar. 

Qu’en sera-t-il dans les années à venir ? Ces jeunes auront-ils toute latitude de réparer cette “entorse” à l’histoire ? Nos deux Zénètes sont convaincus. Ils font appel à l’organisation de colloques sur la région, son histoire, ses traditions et sa langue. Les spécialistes sont désormais interpellés.
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À toi qui me lis

À l’orée de cette année nouvelle 

à toi qui me lis

Je souhaite que se concrétisent les plus insensés de tes rêves ;

Que s’allument en toi les plus merveilleuses étoiles ;

Que te sourient la lune et les plus beaux astres ;

Que tu palpes chaudement tes désirs les plus ardents ;

Que s’expose ta créativité à la lumière et aux quatre vents verts ;


Je souhaite que se concrétisent les plus insensés de tes rêves ;

Que te réussissent si besoin les remèdes aussi bien aux temps pleins qu’aux vides ;

Que sur toi se déploient tous les bienfaits attendus ; 

Que tu restes toi-même ;

Que tu proposes ton cœur à la disponibilité bienveillante ;


Je souhaite que se concrétisent les plus insensés de tes rêves ;

Que tu ranges au fond de ton abîme tes vaines rancunes ;

Que tu hisses ton cœur sur les cimes du mont Tahat, Djurdjura, Blanc ou 

Kilimandjaro ;

Que tu uses jusqu’à sa dernière fibre ta mansuétude ;

Que tu soies en retour aimé par tes amis, tes proches et tous les autres ;


Je souhaite que se concrétisent les plus insensés de tes rêves ;

Faisons acte d’humilité quelles que soient notre croyance, nos certitudes ;

Regardons l’univers dans les yeux, puis posons un doigt sur un grain de poussière ;

Observons notre miroir, nous ne sommes que cette éphémère misère dont les feuilles 

                                                                              ne vivent qu’un jour ;

Oeuvrons ensemble pour que le nôtre soit le meilleur possible ; 

Marseille, le mardi 29 décembre 2020

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CLIQUER ICI POUR LIRE/VOIR LE VIDÉO-POÈME

Le grand Nord ! les rennes…

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Lire également ici:

http://ahmedhanifi.com/bonne-annee-2/

Ou ici

http://leblogdeahmedhanifi.blogspot.com/2021/01/731-toi-qui-me-lis-loree-de-cette-annee.html

Bonne année 2021 !

et: poème « À toi qui me lis »

CLIQUER ICI POUR LIRE LA VIDÉO _ SOUHAITS POUR LE NOUVEL AN

(Cliquer sur le lien ci-dessus, pas sur l’image)

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À l’orée de cette année nouvelle 

à toi qui me lis

Je souhaite que se concrétisent les plus insensés de tes rêves ;

Que s’allument en toi les plus merveilleuses étoiles ;

Que te sourient la lune et les plus beaux astres ;

Que tu palpes chaudement tes désirs les plus ardents ;

Que s’expose ta créativité à la lumière et aux quatre vents verts ;

Je souhaite que se concrétisent les plus insensés de tes rêves ;

Que te réussissent si besoin les remèdes aussi bien aux temps pleins qu’aux vides ;

Que sur toi se déploient tous les bienfaits attendus ; 

Que tu restes toi-même ;

Que tu proposes ton cœur à la disponibilité bienveillante ;

Je souhaite que se concrétisent les plus insensés de tes rêves ;

Que tu ranges au fond de ton abîme tes vaines rancunes ;

Que tu hisses ton cœur sur les cimes du mont Tahat, Djurdjura, Blanc ou 

Kilimandjaro ;

Que tu uses jusqu’à sa dernière fibre ta mansuétude ;

Que tu soies en retour aimé par tes amis, tes proches et tous les autres ;

Je souhaite que se concrétisent les plus insensés de tes rêves ;

Faisons acte d’humilité quelles que soient notre croyance, nos certitudes ;

Regardons l’univers dans les yeux, puis posons un doigt sur un grain de poussière ;

Observons notre miroir, nous ne sommes que cette éphémère misère dont les feuilles 

                                                                              ne vivent qu’un jour ;

Oeuvrons ensemble pour que le nôtre soit le meilleur possible ; 

Marseille, le mardi 29 décembre 2020

Trois poèmes pour l’absente

La rôdeuse

Elle claudiquait. 

Résistait cahin-caha. 

Tenace.

Nous avertissait, « j’arrive ! » 

Naturellement crasse, indépassable. 

Elle sévit là comme ici.

Sans distinction au grès de son humeur. 

Les mots pour l’entraver, la juguler, 

Baignaient dans un abîme d’insignifiance. 

Elle est arrivée lourde habillée de fatalité. 

« Par ici » somma-t-elle, pointant du doigt sa cible de l’heure,

La treizième lettre recouvrait son crâne cendré. 

Elle en exhibait trois autres. 

Le mur d’effroi gesticulait, hurlait. 

Dépouillé.

Mma flotte dans son blanc lit.

Comment ne pas craindre le vertige. 

Puis elles s’envolèrent. 

Mais la rôdeuse reviendra.

C’est dans l’ordre de notre condition.

Deux ans plus tard, vendredi 25 décembre 2020

* * * * * * * * * * * *

Sur le rebord du monde

Je n’aime plus Istanbul, le Bosphore

Plus ses eaux turquoise

Ni ses bateaux vapur

Le Café Loti

Ou les îles des Princes

Ma mère est ma douleur

Je n’aime pas les bazars 

Pas les zelliges, formes et couleurs

Ni l’amabilité des Stambouliotes

Leur empathie

Pas les Temples pas les musées pas les mosquées

Le turban blanc d’Abraham

M’indiffère

Et l’empreinte du Prophète

L’épée

La barbe

Le ridicule Derviche me donne le tournis

La mélodie qu’écoulent le daf et le ney 

M’exaspère autant que les applaudissements nourris

Ma mère est ma fêlure

Elle me regarde

Persévère

Longuement

Et encore

Creuse dans mon visage

Dans mon chagrin

Ma mère est mon impasse

Que faire alors de tous les trésors 

Du reflet de la lune le soir

Seul au monde devant le plan d’eau 

Du jardin de Sultanahmet

Ou au cœur de la Küçük Ayasofya camii

Quand ma mère chemine à deux pouces 

du rebord du monde

Istanbul, vendredi 22 juin 2018, 8h30

* * *

Fêlure

Ta joue droite repose sur la paume de ta main

qui la soutient ou réchauffe.

Ou rassure.

Ton regard

si lointain jusque-là

paraît suspendu à tes pensées atrophiées.

Tu semblais méditer au néant,

absente,

te voilà confrontée à un flux de conscience

que tu vibres de tant vouloir transformer en actes de paroles

en réponse à mes interrogations.

Il me semble.

Car je ne suis pas sûr que mes questions te parviennent.

Tes lèvres rétives,

étrangères depuis longtemps à toute parole

demeurent impassibles à mes ridicules gesticulations :

Amma, kiraki, ghaya ?

Tu ne réagiras pas.

« Irrémédiable ».

Je le sais pourtant,

mais je persiste à espérer l’impossible.

Un miracle.

Tu me regardes.

Tu persévères.

Longuement.

Et encore.

Tu creuses dans mon visage,

dans mon chagrin,

pour que surgissent d’improbables souvenirs

et y arrimer la justification de ta présence, l’automne de ta vie.

La lumière qui progressivement, timidement,

jaillit du centre de l’iris, atténue ma tristesse.

Me console un temps.

Je comprends, je saisis le message de cette flamme éphémère.

Tu sembles vouloir me couvrir de 

« combien je t’aime mon fils, combien je te comprends,

combien toutefois je suis captive de la maladie d’Alois ».

La forte pression de ton autre main agrippée à mon bras me réconforte.

Un moment.

La lumière qui jaillissait de tes yeux a un instant transformé tes lèvres demeurées closes.

Tu as souri

et sous mon masque d’homme

coule mon bonheur

ou mon incessible douleur.

In : Débâcles. 2016

* * * * * * * * * * * * * * *

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CLIQUER ICI POUR ÉCOUTER MARCEL KHALIFA « Ma mère » (Ommi)

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Merci à : blog.almodaris.com/

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Quel déshonneur !

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Ce poème épidermique je l’ai écrit à la suite d’événements récents et des réactions nombreuses les approuvant ou les désapprouvant.(lire plus bas)

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Quel déshonneur !

Quel déshonneur que de confondre le bourreau et sa victime.

Quel déshonneur que de jeter l’opprobre sur un peuple en lutte parce qu’il ne nous ressemble pas.

Quel déshonneur que de stigmatiser un peuple colonisé au prétexte qu’il est musulman, chrétien, ou ce que vous voulez.

Quel déshonneur que de refuser d’aider les Palestiniens au motif que leurs dirigeants sont corrompus.

Quel déshonneur que d’emboucher les trompettes du colon et de s’exalter devant « la grandeur, le génie » d’Israël.

Quel déshonneur que de sacrifier sa propre mémoire et celle de ses ascendants.

Ainsi est notre humanité hélas, parfois vile.

Ahmed Hanifi

Marseille, le samedi 12 décembre 2020

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Etc.

Potiche

Potiche

Quand ils ont arrêté l’opposant politique je n’ai rien dit

J’ai pensé qu’il l’avait cherché

Quand ils ont frappé le militant des Libertés je n’ai rien entendu

J’ai pensé qu’il l’avait cherché

Quand ils ont bâillonné le journaliste je n’ai rien vu 

J’ai pensé qu’il l’avait cherché

Quand ils ont fait disparaître le voisin j’ai dit que je ne le connaissais pas

J’ai pensé qu’il l’avait cherché

Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester

Je n’avais jamais rien fait. 

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Pastiche en l’honneur de Martin Niemöller

Ahmed Hanifi, Marseille le 28 novembre 2020

5 Octobre 1988

IL Y A 32 ANS

J’ ai dédié ce poème à tous les enfants d’Octobre



5 octobre 1988, hier.



Sale temps en ce mercredi 5 dans l’œil de Satan. Lundi j’ai déposé les demandes de renouvellement des passeports à Arzew. Des rumeurs ont traversé avec insistance les rues de grandes villes comme Oran, et même chez nous autour d’Arzew. Des anonymes (qui se révèleraient être des flics ou plutôt des « agents », nous disions « khawa ») avaient prévenu « mercredi, elle va se mélanger », entendre « mercredi ce sera le désordre. » 
Et en effet, le mercredi 5, comme le jeudi et les jours suivants, le pays était « à feu et à sang » comme disaient les journalistes étrangers. Les radios et journaux, nous n’avions pas encore les antennes satellites pour capter les chaînes de télévision française. J’étais revenu de France depuis un an et demi. « Retour définitif » (il durerait 7 ans). La crise financière de 1986 semble s’être aggravée. Tous les deux ou trois ans des manifestations se déroulaient dans les grandes et moyennes villes, au point qu’en 1985 le président Chadli avait encouragé la création d’une Ligue des droits de l’homme (LADH) pour à vrai dire contrecarrer l’autre ligue créée en juin 1985 par un groupe de militants dont Maître Ali Yahia Abdennour, la LADDH issue du Mouvement berbère (MCB). Ali Yahia est arrêté dès le 9 juillet. Au sein de la ligue « officielle du pouvoir » il y avait aussi des gens sincères (qui a tué son président Maître Fethallah?) et qui voulaient s’émanciper de la tutelle officieuse du pouvoir. À Oran, Alloula en était membre ainsi que Ghouadmi, Boumediou, Henni,Dahdouh, Khadraoui, beaucoup d’autres,… et moi. 
 
 
Les dernières manifestations juste avant (et même pendant) l’explosion du 5 octobre étaient ouvrières avec les grévistes des usines de Rouiba. On était loin du  « Chahut de gamins » (comme l’avait annoncé le représentant de l’Amicale des Algériens en France, Ali Ammar)
Revenons à Oran.
 
Les locaux du FLN étaient saccagés un peu partout dans le pays. De nombreuses administrations, mairies…. avaient fermé. Il en a été ainsi jusqu’au discours du président Chadli du 10 octobre (après avoir reçu Ali Benhadj, Nahnah et Sahnoun), le jour de la manifestation à Alger noyautée par les islamistes qui avaient la veille lancé des tracts appelant à manifester. Les policiers et les militaires tirent sur la foule ce 10 faisant 33 morts dont le journaliste Sid Ali Benmechiche. Le bilan fait état de plus de 500 morts durant toutes ces manifestations d’Octobre, essentiellement des jeunes gens et adolescents. Beaucoup ont été torturés.C’est ce même jour qu’un « collectif de 70 journalistes » dénonce la censure auprès de l’AFP. Pas avant. Durant les mois précédents les journalistes algériens revendiquaient des logements, des conditions de travail et de salaires corrects, pas de revendications politiques contrairement à ce que certains d’entre eux affirmeront – roublards –  plus tard. Il n’y a qu’à lire leurs écrits dans les journaux d’alors (exemples ici en fin d’article)
 
Revenons encore à Oran. Nous nous sommes rendus dès le lendemain du 5 dans le centre-ville. Des dizaines de jeunes manifestaient dans les rues, certains portant des paquets subtilisés des centres commerciaux ou magasins. Les dérapages existaient bien, mais la coupe était pleine. Dans la voiture, cela sentait l’oignon me semblait-il alors, « crymougène ! » (gaz lacrymogène) me dit B. On a vite fait de traverser Ben M’hidi. À Gambetta, tous les jours vers 18 heures, nous tenions des assemblées informelles chez B, chez Bijouti, chez Bouchi… La parole, soudain, se libérait. Elle partait dans tous les sens et chacun, évidemment, avait raison. 
 

Le 29 septembre le président Chadli avait déclaré dans un discours « incendiaire » : « (…) nous ne sommes pas aujourd’hui pessimistes quant à le situation, mais je rappelle qu’il existe certains éléments dans l’appareil qui entretiennent le doute. que celui qui est incapable d’accomplir son devoir ait le courage de reconnaître son incapacité, car nul n’est indispensable. que certains rejoignent l’autre bord et lancent leurs critiques cela me parait acceptable, mais nous n’accepterons jamais que l’individu demeure au sein de l’appareil tout en semant le doute» ; (…), «(…) nous ne devons pas nous leurrer par les rapports présentés car le devoir nous dicte d’assumer pleinement le responsabilité et de combattre tous les maux et les carences don souffrent les secteurs. nous citerons le gaspillage, les lenteurs bureaucratiques, l’inertie, le monopole de l’autorité, l’absence les instances d’Etat pour le contrôle et les sanctions à prendre contre quiconque se joue les prix. il y a lieu de remarquer que les instances de l’etat son peu efficaces dans le contrôle et le suivi, ce qui engendre l’incapacité de maîtrise de l’économie nationale et fait que les questions de compétence se posent à tous les niveaux. c’est pourquoi tous ceux qui sont compétents trouveront tout l’appui et l’assistance nécessaire (…) ceux qui ne peuvent suivre doivent choisir : se démettre ou bien ils seront écartés. il appartient aux responsables de démasquer les incapables qui on pour toute compétence l’appartenance au groupe de telle ou telle personne».(…)». (vendredi 19 septembre 2009 in Algerie360.com) 

————-

De son côté, Boubekeur Ait Benali, écrit in Algeria Watch : « À la fin du second mandat de Chadli Bendjedid en 1988, l’unanimité de façade, qui a prévalu jusque-là, s’est effritée. Un fait rare, pourrait-on dire, dans un système dictatorial. À vrai dire, c’est l’ampleur de la crise économique qui révèle les tares du système. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Chadli Bendjedid paraît dépassé par les événements. Ainsi, bien que les luttes intestines soient cantonnées, pendant longtemps, dans une sphère plus réservée, à l’approche du VIème congrès du FLN, prévu en décembre 1988, où Chadli, faut-il le dire, ne fait plus le consensus, les appétits s’aiguisent. Cela se traduit au sommet de l’État par une lutte ouverte. À en croire Akram Belkaid, l’été 1988 a été l’un des plus agités que le pouvoir algérien ait connu. En fait, profitant d’une chute du chef de l’État dans un exercice de ski nautique [ce qui n’est pas un sport accessible à tous les Algériens], les adversaires de Chadli –à vrai dire l’aile conservatrice du FLN –montent au créneau. Cela dit, en disant cela, il ne faudrait pas comprendre que l’autre clan veuille uniquement du bien pour l’Algérie. Car, la riposte du clan de Chadli va consister avant tout à sauver ses propres intérêts. « Que certains rejoignent l’autre bord et lancent leurs critiques, cela me paraît acceptable, mais nous n’accepterons jamais que l’individu demeure au sein de l’appareil tout en semant le doute, s’adresse Chadli à ses adversaires lors de son discours du 19 septembre 1988.

Cependant, étant donné l’équilibre des forces au sein du pouvoir, la victoire d’un clan sur l’autre ne signifie pas pour autant la volonté d’impliquer le peuple algérien dans ses propres affaires. En gros, et cette politique est hélas de vigueur jusqu’à nos jours, si l’Algérie est en bonne santé financière, ce sont les dirigeants qui se gavent et si les finances –comme c’est le cas au milieu des années 1980 –sont mauvaises, c’est au peuple algérien de payer les pots cassés. De toute façon, depuis la chute des recettes, tirées essentiellement de la vente des hydrocarbures, seul le peuple subit les conditions draconiennes de restriction. Est-ce que les apparatchiks du régime font leurs courses dans les mêmes Souk-El-Fellah que fréquentent les Algériens ? La réponse est évidemment non. Pire encore, certains d’entre eux s’adonnent au trafic, comme le rappelle Patrick Eveno, correspondant du journal Le Monde en 1988. « Les hydrocarbures représentant 97% de la valeur des exportations, le retournement des cours du pétrole a vu fondre de 40% les ventes de l’Algérie, à 9 milliards entre 1986 et 1989, obligeant le gouvernement à limiter les importations, ce qui entraîne des pénuries et favorise un marché noir très actif avec la France et les voisins du Maghreb », écrit-il. Quoi qu’il en soit, voulant se dédouaner, Chadli accuse le clan antagoniste, lors de son discours du 19 septembre, de soutenir en sous-main ce trafic. « Nous avons vu des chaines aux portes de Souk-El-Fellah pour l’acquisition de produits qui sont «écoulés aux frontières voisines, et cela se fait au détriment de l’économie nationale et payés en devises », dit-il.

Cependant, la situation étant explosive, chaque clan rejette la responsabilité sur l’autre. Le scandale de la banque extérieure d’Algérie est du coup exploité par les adversaires de Chadli, car il implique son fils dans une affaire de détournement d’argent. De la même manière, en guise de toute réponse, les Algériens découvrent dans les colonnes de presses une liste de hauts responsables impliqués dans « le scandale de la distribution de terre agricoles ». Cela dit, malgré la réponse tout autant déstabilisatrice du clan Chadli, l’aile conservatrice du FLN s’emploie activement à vendre la candidature d’Ahmed Taleb Ibrahimi pour le prochain congrès du FLN. « Pour Mahamed Cherif Messaadia, premier responsable du FLN, c’était l’occasion pour faire part publiquement de son souhait d’un « homme fort dont a besoin l’Algérie » pour prendre la succession de Chadli au sommet de la magistrature suprême », écrit Mohamed Ghriss. En tout cas, au moment où ses adversaires croient à une issue en leur faveur, Chadli Bendjedid récupère, plutôt que prévu, de sa maladie et décide, grâce à l’appui des réformateurs, de passer à l’offensive.

Pour que la riposte soit suffisamment capable de porter un coup de massue à l’aile conservatrice, le clan Chadli joue sur plusieurs fronts. « Dans le but de contrer l’aile adverse de leurs opposants apparatchiks, l’aile rivale parallèle misa sur le mécontentement populaire, discrètement suscité, à la réduction de poste de travail notamment dans le corps enseignant, en passant par certaines mesures contraignantes touchant les lycéens, …, pratiquement tout semble avoir été soigneusement mis en œuvre pour susciter la colère de la rue et discréditer, ainsi, les poids lourds inamovibles du système», souligne Mohamed Khodja, dans « les années de discorde ». Sur le plan de propagande, la mission échoit à deux têtes pensantes du régime, Ghazi Hidouci et Mouloud Hamrouche. Interrogé plusieurs années plus tard sur son rôle dans cette crise, Ghazi Hidouci donnera la réponse suivante : « Nous avons, comme c’était notre rôle, préparé un discours radical dans le fond et non dans la forme. Dans les conditions de crise économique et de décomposition des appareils politiques et administratifs de l’époque, nous proposions que le Président doive signifier aux protagonistes qui se démenaient pour partager le pouvoir après un nouveau congrès du FLN dans le gouvernement et l’armée qu’il refusait de négocier avec eux un nouvel équilibre au pouvoir parce que les démarches politiques, sociales et économiques sur lesquelles ils se positionnaient aboutissaient toutes à l’impasse. »

La suite tout le monde la connait. Après le discours du 19 septembre 1988, le clan Chadli passe à la vitesse supérieure : la manipulation de la rue. Bien que le régime ne s’attende pas à ce que les événements aient une telle ampleur, il n’en reste pas moins que ce discours va permettre au clan Chadli de se débarrasser de leurs rivaux. Mais, à quel prix ? De toute façon, bien que la victoire des réformateurs soit incontestable, le fossé entre les Algériens et le régime ne cesse de s’agrandir. À deux reprises, en juin 1990 et en décembre 1991, les Algériens vont voter pour le parti extrémiste, le FIS en l’occurrence, en vue de se débarrasser du régime. Ramenant toutes les crises à leur expression sécuritaire, ce choix ne reste pas non plus impuni. Comme pour les 500 victimes d’octobre 1988, où aucun dirigeant n’est jugé responsable de l’effusion de sang, le régime s’autoamnistie. Car la mission du régime algérien consiste à faire de la vie des Algériens un cauchemar. Boubekeur Ait Benali, 18 septembre 2013, In Algeria Watch.

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Une partie de mes archives

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Ennaïr de mon enfance

Je me souviens du jlid qui nous paralysait à l’intérieur de notre unique pièce,
Je me souviens des gerçures qui parcouraient les mains de nenna,
Je me souviens du kanoun qu’elle sollicitait plus encore ce jour-là,
Je me souviens des cheveux de jais de ma mère qu’à l’occasion elle parfumait au zit zitoun,
Je me souviens du kholkhal autour de sa cheville,
Je me souviens de la couleur brune du meswek qui embellissait son sourire,
Je me souviens des sacoches noires de elbeciclita verte de mon père,
Je me souviens qu’elles étaient pleines de fruits secs,
Je me souviens que certains résistaient à nos assauts : amandes, noisettes, noix,
Je me souviens que d’autres s’y pliaient : dattes, raisins, figues, cacahuètes,
Je me souviens de la maïda qui, exceptionnellement, débordait de cherchem, de couscous, de lben,
Je me souviens aussi de l’inévitable la mouna qui se faufilait entre les mets,             
Je me souviens du mkhalet de halwa – bonbons, réglisse, coco, chewing-gum – étranglé par une cordelette, une ficelle, ce qu’on trouvait,
Je me souviens de la pièce de khamsa douros, parfois deux, que mon père nous tendait, retenues fermement entre ses pouce et index,
Je me souviens de lawalimoun dont on abusait, et des mini bougies blanches,
Je me souviens qu’on fixait les chmaâ dans des boites de conserve qu’on avait  préalablement trouées de sept ou neuf trous, du nombre je ne me souviens plus,
Je me souviens qu’on les faisait tourner près du corps comme la grande roue d’une fête foraine,
Je me souviens qu’on allait ainsi en courant jusqu’à Covalawa
Je me souviens – c’était bien plus tard – des souvenirs d’enfance de Pérec, de sa Disparition.
Je me souviens.

11 janvier 2018

* Si d’aventure vous ne comprenez pas la Derja, ce qui suit est pour vous :


Derja : c’est une des langues vernaculaires des Algériens.

Ennaïr : ou Yennayer. Premier jour de l’an du calendrier agraire, le 12 janvier.

Jlid : vent glacé.

Nenna : ma grand-mère.

Kanoun : réchaud en terre cuite.

Maïda : table basse.

Cherchem : plat épicé à base de pois-chiches, de fèves et de blé bouillis.

Zit-zitoun : huile d’olive.

Kholkhal : bracelet en argent.

Meswek : écorce de noyer séché que les femmes mâchouillent. Il embellit les lèvres comme un rouge à lèvres naturel, et valorise par contraste les dents (précisions in internet).

Elbeciclita : ou biciclita, bicyclette, ici vélo.

Lben : lait fermenté.

La mouna : brioche pied-noir, d’origine espagnole (dit-on), qu’on consommait à Pâques.

Mkhalet : petite bourse emplie de toutes sortes de halwa.

Halwa : friandises, sucreries.

Chmaâ : pluriel de chemâa, bougie.

Covalawa : ou Cueva d’el agua. C’est le nom d’une zone située près de la jetée, au bas du quartier Gambetta, à l’est d’Oran. Jusque dans les années 60, c’était un important bidonville.

Douro : le douro est une ancienne monnaie espagnole. A Oran, fortement peuplée d’Espagnols, on disait douro plutôt que francs. Un douro équivalait à une pièce de 5 francs, puis au printemps 1964 de 5 dinars.

Lawalimoun : ou agua limon. Eau sucrée au citron.

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Photo: La Wilaya d’Oran (préfecture)

Ennaïr de mon enfance

Ennaïr* de mon enfance

Je me souviens du jlid qui nous paralysait à l’intérieur de notre unique pièce,

Je me souviens des gerçures qui parcouraient les mains de nenna,

Je me souviens du kanoun qu’elle sollicitait plus encore ce jour-là,

Je me souviens des cheveux de jais de ma mère qu’à l’occasion elle parfumait au zit zitoun,

Je me souviens du kholkhal autour de sa cheville,

Je me souviens de la couleur brune du meswek qui embellissait son sourire,

Je me souviens des sacoches noires de elbeciclita verte de mon père,

Je me souviens qu’elles étaient pleines de fruits secs,

Je me souviens que certains résistaient à nos assauts : amandes, noisettes, noix,

Je me souviens que d’autres s’y pliaient : dattes, raisins, figues, cacahuètes,

Je me souviens de la maïda qui, exceptionnellement, débordait de cherchem, de couscous, de lben,

Je me souviens aussi de l’inévitable la mouna qui se faufilait entre les mets,             

Je me souviens du mkhalet de halwa – bonbons, réglisse, coco, chewing-gum – étranglé par une cordelette, une ficelle, ce qu’on trouvait,

Je me souviens de la pièce de khamsa douros, parfois deux, que mon père nous tendait, retenues fermement entre ses pouce et index,

Je me souviens de lawalimoun dont on abusait, et des mini bougies blanches,

Je me souviens qu’on fixait les chmaâ dans des boites de conserve qu’on avait  préalablement trouées de sept ou neuf trous, du nombre je ne me souviens plus,

Je me souviens qu’on les faisait tourner près du corps comme la grande roue d’une fête foraine,

Je me souviens qu’on allait ainsi en courant jusqu’à Covalawa

Je me souviens – c’était bien plus tard – des souvenirs d’enfance de Pérec, de sa Disparition.

Je me souviens.

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* Si d’aventure vous ne comprenez pas la Derja, ce qui suit est pour vous :


Derja : c’est une des langues vernaculaires des Algériens.

Ennaïr : ou Yennayer. Premier jour de l’an du calendrier agraire, le 12 janvier.

Jlid : vent glacé.

Nenna : ma grand-mère.

Kanoun : réchaud en terre cuite.

Maïda : table basse.

Cherchem : plat épicé à base de pois-chiches, de fèves et de blé bouillis.

Zit-zitoun : huile d’olive.

Kholkhal : bracelet en argent.

Meswek : écorce de noyer séché que les femmes mâchouillent. Il embellit les lèvres comme un rouge à lèvres naturel, et valorise par contraste les dents (précisions in internet).

Elbeciclita : ou biciclita, bicyclette, ici vélo.

Lben : lait fermenté.

La mouna : brioche pied-noir, d’origine espagnole (dit-on), qu’on consommait à Pâques.

Mkhalet : petite bourse emplie de toutes sortes de halwa.

Halwa : friandises, sucreries.

Chmaâ : pluriel de chemâa, bougie.

Covalawa : ou Cueva d’el agua. C’est le nom d’une zone située près de la jetée, au bas du quartier Gambetta, à l’est d’Oran. Jusque dans les années 60, c’était un important bidonville.

Douro : le douro est une ancienne monnaie espagnole. A Oran, fortement peuplée d’Espagnols, on disait douro plutôt que francs. Un douro équivalait à une pièce de 5 francs, puis au printemps 1964 de 5 dinars.

Lawalimoun : ou agua limon. Eau sucrée au citron.

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Dossier complet ici:

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La Wilaya (préfecture) d’ORAN

Fêlure (pensée)

À celle qui donna la vie et vécut en silence avant de se retirer à pas de loup, le verbe dans les yeux, dans l’éternité, le mardi 25 décembre 2018. Allah Yerhmek Omma.


Fêlure

Ta joue droite repose sur la paume de ta main

qui la soutient ou réchauffe.

Ou rassure.

Ton regard

si lointain jusque-là

paraît suspendu à tes pensées atrophiées.

Tu semblais méditer au néant,

absente,

te voilà confrontée à un flux de conscience

que tu vibres de tant vouloir transformer en actes de paroles

en réponse à mes interrogations.

Il me semble.

Car je ne suis pas sûr que mes questions te parviennent.

Tes lèvres rétives,

étrangères depuis longtemps à toute parole

demeurent impassibles à mes ridicules gesticulations :

Amma, kiraki, ghaya ?

Tu ne réagiras pas.

« Irrémédiable ».

Je le sais pourtant,

mais je persiste à espérer l’impossible.

Un miracle.

Tu me regardes.

Tu persévères.

Longuement.

Et encore.

Tu creuses dans mon visage,

dans mon chagrin,

pour que surgissent d’improbables souvenirs

et y arrimer la justification de ta présence, l’automne de ta vie.

La lumière qui progressivement, timidement,

jaillit du centre de l’iris, atténue ma tristesse.

Me console un temps.

Je comprends, je saisis le message de cette flamme éphémère.

Tu sembles vouloir me couvrir de

« combien je t’aime mon fils, combien je te comprends,

combien toutefois je suis captive de la maladie d’Alois ».

La forte pression de ton autre main agrippée à mon bras me réconforte.

Un moment.

La lumière qui jaillissait de tes yeux a un instant transformé tes lèvres demeurées closes.

Tu as souri

et sous mon masque d’homme

coule mon bonheur

ou mon incessible douleur.

In : Débâcles.

*

Je n’aime plus Istanbul, le Bosphore

Plus ses eaux turquoise

Ni ses bateaux vapur

Le Café Loti

Ou les îles des Princes

Ma mère est ma douleur

Je n’aime pas les bazars

Pas les zelliges, formes et couleurs

Ni l’amabilité des Stambouliotes

Leur empathie

Pas les Temples pas les musées pas les mosquées

Le turban blanc d’Abraham

M’indiffère

Et l’empreinte du Prophète

L’épée

La barbe

Le ridicule Derviche me donne le tournis

La mélodie qu’écoulent le daf et le ney

M’exaspère autant que les applaudissements nourris

Ma mère est ma fêlure

Elle me regarde

Persévère

Longuement

Et encore

Creuse dans mon visage

Dans mon chagrin

Ma mère est mon impasse


Que faire alors de tous les trésors

Du reflet de la lune le soir

Seul au monde devant le plan d’eau

Du jardin de Sultanahmet

Ou au cœur de la Küçük Ayasofya camii

Quand ma mère chemine à deux pouces

      du rebord du monde

Ahmed Hanifi

Istanbul, vendredi 22 juin 2018

2h15

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22, c’est le Printemps

C’est le printemps,

Sur le croissant de lune

Et l’étoile rouges,

Bourgeonne l’espoir.

Djazaïr Horra, démocratiya.

C’est le printemps,

Une clameur monte dans le ciel,

Main dans la main, le cœur léger,

Les torses se gonflent

De fraternité, de sororité.

Djazaïr Horra, démocratiya.

C’est le printemps,

Les larmes inondent la défaite.

Sous nos semelles le Paradis.

Tous ensemble !

Djazaïr Horra, démocratiya.

C’est le printemps,

Mille mesk ellil, Sakura et oiseaux de Paradis

Pour nos mères, nos sœurs

Et toutes les femmes de mon pays

Pour qu’éclose en cette aube bleue

Djazaïr Horra, démocratiya.

C’est le printemps,

Les teintes chaudes et froides du peintre

Se répandent sur les boulevards et les places.

Des corps tournesols à perte de vue.

Djazaïr Horra, démocratiya.

C’est le printemps,

Les martyrs de Novembre, d’Octobre,

D’Avril et de toutes les ombres,

Sont revenus nous indiquer la voie.

Ils dansent avec nous, chantent

Djazaïr Horra, démocratiya.

Ahmed Hanifi

21 mars 2019

Sur le rebord du monde

Je n’aime plus Istanbul, le Bosphore

Plus ses eaux turquoise

Ni ses bateaux vapur

Le Café Loti

Ou les îles des Princes

Ma mère est ma douleur

Je n’aime pas les bazars

Pas les zelliges, formes et couleurs

Ni l’amabilité des Stambouliotes

Leur empathie

Pas les Temples pas les musées pas les mosquées

Le turban blanc d’Abraham

M’indiffère

Et l’empreinte du Prophète

L’épée

La barbe

Le ridicule Derviche me donne le tournis

La mélodie qu’écoulent le daf et le ney

M’exaspère autant que les applaudissements nourris

Ma mère est ma fêlure

Elle me regarde

Persévère

Longuement

Et encore

Creuse dans mon visage

Dans mon chagrin

Ma mère est mon impasse

Que faire alors de tous les trésors

Du reflet de la lune le soir

Seul au monde devant le plan d’eau

Du jardin de Sultanahmet

Ou au cœur de la Küçük Ayasofya camii

Quand ma mère chemine à deux pouces

du rebord du monde

Ahmed Hanifi

Istanbul, vendredi 22 juin 2018

8h30

Sur le rebord du monde

Je n’aime plus Istanbul, le Bosphore

Plus ses eaux turquoise

Ni ses bateaux vapur

Le Café Loti

Ou les îles des Princes

Ma mère est ma douleur

Je n’aime pas les bazars

Pas les zelliges, formes et couleurs

Ni l’amabilité des Stambouliotes

Leur empathie

Pas les Temples pas les musées pas les mosquées

Le turban blanc d’Abraham

M’indiffère

Et l’empreinte du Prophète

L’épée

La barbe

Ma mère est ma fêlure

Elle me regarde

Persévère

Longuement

Et encore

Creuse dans mon visage

Dans mon chagrin

Ma mère est mon impasse

Que faire alors de tous les trésors

Du reflet de la lune le soir

Seul au monde devant le plan d’eau

Du jardin de Sultanahmet

Ou au cœur de la Küçük Ayasofya cami

Quand ma mère chemine vers le rebord du monde

Ahmed Hanifi

Istanbul, vendredi 22 juin 2018

1h30

Acrostiche pour un Caillou

à M.

Bonne route et peu importe les cyclones sur les Loyauté, l’humeur des gens des îles, d’ici. On est saisi par la coquetterie des voitures qui narguent à toute vitesse, mais de là haut, les trois commandants de bord n’en ont cure, à chacun son allure.  Noir est mon temps intime, nébuleux celui de la météo. Nouer alliance avec Bourail et l’île des Pins, aux antipodes de nos paisibles calanques, n’est-ce pas nickel ? Enjamber un demi cercle de dix-sept mille cent quinze kilomètres ce n’est pas banal et c’est contrarier cette stupide expression « que le monde est petit ». Renifler, se torturer l’esprit ou liquéfier les larmes qui montent à quoi bon ? On objecte « C’est comme ça » et j’affirme que chacun a droit à son zénith rêvé, nos amis, nos enfants et tous les autres, chacun a droit à son propre Caillou, sa propre utopie, même si parfois ils nous obligent au déchirement, joues humectées. Utopies. Tirer vers soi les lignes d’horizon, cette perspective espérée. Évincer, s’envelopper d’une voile azurée. Maintenir le cap jusqu’à Port Moselle, au bout du rêve. Et jeter l’ancre. Hamdou Allah. Donnez-moi le change, dites ici ce que bon vous semble. « Inventer un monde meilleur », par exemple, mais vous vous fichez peut-être de ces obscures lignes comme de votre dernière embrouille ou de votre première chaussette, et je vous comprends.

Marignane, 19 octobre 2017

Aïn Fouara martyrisée

Tu as depuis longtemps été adoptée

Par la communauté, adulée.

Femme au monde-fontaine,

De ta source jaillit l’universel.

Depuis le premier jour

Tu offres au passant assoiffé ta générosité.

L’invitation permanente gicle de tes yeux voilés,

De ton corps en alerte, ton cœur en ébullition.

Même s’ils savent que tu n’as jamais froid,

Que tu restes de marbre devant leur turpitude

Qu’il vente ou pleuve,

Tu es, femme, la cible ad vitam æternam

Des esprits torturés.

On croyait l’abjection hors de la mémoire de l’esthétique

Mais l’histoire bégaie,

La voilà de retour, armée d’une machette

Pour, comme jadis,

Te récuser, te violenter,

Pour t’amputer,

T’anéantir.

Tes amis t’implorent de nouveau,

Ne cède pas ta beauté aux écervelés torturés

N’abdique pas devant l’acharnement

Des ignorants

Dévots du vide.

Que ta grâce exauce nos vœux ya Fouara*.

Miramas, 20 décembre 2017

* ya Fouara = ô Fouara. Aïn Fouara est une fontaine avec statue, emblématique de la ville de Sétif (Algérie). La sculpture est l’œuvre du Français Francis de Saint-Vidal (1899). La statue représente une femme nue assise sur un rocher, au-dessus d’une fontaine, un bras posé sur la pierre, l’autre sur un côté de la stèle, et une jambe repliée. Sa longue chevelure ondule jusqu’au bas du dos. Elle semble contempler la ville ou le monde…

La statue a été vandalisée le 22 avril 1997, le 31 mars 2006, puis le 18 décembre 2017.

Variations

Il y avait les froufrous des jupes et des jeans,

Il y avait les murmures banals ou affectueux,

Le sifflement des avions en papier

Et les regards alanguis.

Il y avait le crissement des chaussures pressées de quitter la salle,

Il y avait le gémissement des chaises déplacées sans ménagement,

« Eh m’sieur c’est sûr que les serpents à sonnette sont sourds ? »

Le clin d’œil au coin des lèvres et de l’interrogation.

Il y avait le tohu-bohu qui enflait dans la cour nue,

Il y avait le gazouillis que de l’autre côté

Les moineaux sur la pelouse caressée par le mistral

Adressaient aux élèves par-delà les fenêtres béantes et L’attrape-cœurs.

C’était hier peut-être même, déjà, avant-hier,

Vacarme des nombrils pubères égarés dans la nébuleuse

Jusqu’au jour de la restitution des armes,  

« On vous oubliera pas ! »

Il y a désormais l’horloge grise du temps nouveau.

Il y a un autre soleil, bas, plus ambré qu’ocre,

La liberté de m’emmurer ou de plonger dans la grande bleue,

Rêver d’ours blancs au Nunavut ou de khat à Zanzibar.

Il y a l’immense territoire des lettres odorantes de l’H au W,

Il y a la marche quotidienne à travers la campagne chatoyante

Où se mêlent hibiscus, absinthes, genêts,

Lentisques et ravenelles.

Il y a la lune silencieuse, suspendue dans la transparence du vide,

Il y a ce discret scarabée sur ce sable iodé,

Au bord du bel étang de Berre éclairé,

C’est ici et c’est maintenant entre chien et loup.

Janvier 2017

S’ils savaient !

Ils s’arrogent le droit

De te toiser

Du haut de leur profonde laideur.

Habillent les règles

Pour t’intimider, te cerner

Proie trop discrète,

Trop généreuse.

Par ta voix,

Magnanime et inflexible

Comme le Cyprès de Hafiz,

Tu les as faits tes égaux,

Alors qu’ils perdent haleine

Dans une course vaine

Ignorant leur mère

Falsifiant, troquant leur être contre l’avoir.

Tu les as hissés sur le mât de l’indulgence

Qu’ils ne jurent, là, devant toi

Que par toi,

Surtout ne te retourne pas,

Ils te saigneraient.

Dans des cloaques assurément

Ils se nourrissent de mots malsains,

Ils avancent à reculons

La Géhenne dans les yeux

Le sourire doublement fangeux

Aux lèvres pendant

Et le fauchard dans le dos.

Les hypocrites

Les ignorants.

Tu leur indiques le ciel, universel,

Ils plongent les coquins dans leur vil nombril.

S’ils savaient !

Istres, Espace F., le 03 juin 2009

Je me souviens, moi aussi – Ennaïr

Ennaïr* de mon enfance

Je me souviens du jlid qui nous paralysait à l’intérieur de notre unique pièce,

Je me souviens des gerçures qui parcouraient les mains de nenna,

Je me souviens du kanoun qu’elle sollicitait plus encore ce jour-là,

Je me souviens des cheveux de jais de ma mère qu’à l’occasion elle parfumait au zit zitoun,

Je me souviens du kholkhal autour de sa cheville,

Je me souviens de la couleur brune du meswek qui embellissait son sourire,

Je me souviens des sacoches noires de elbeciclita verte de mon père,

Je me souviens qu’elles étaient pleines de fruits secs,

Je me souviens que certains résistaient à nos assauts : amandes, noisettes, noix,

Je me souviens que d’autres s’y pliaient : dattes, raisins, figues, cacahuètes,

Je me souviens de la maïda qui, exceptionnellement, débordait de cherchem, de couscous, de lben,

Je me souviens aussi de l’inévitable la mouna qui se faufilait entre les mets,             

Je me souviens du mkhalet de halwa – bonbons, réglisse, coco, chewing-gum – étranglé par une cordelette, une ficelle, ce qu’on trouvait,

Je me souviens de la pièce de khamsa douros, parfois deux, que mon père nous tendait, retenues fermement entre ses pouce et index,

Je me souviens de lawalimoun dont on abusait, et des mini bougies blanches,

Je me souviens qu’on fixait les chmaâ dans des boites de conserve qu’on avait  préalablement trouées de sept ou neuf trous, du nombre je ne me souviens plus,

Je me souviens qu’on les faisait tourner près du corps comme la grande roue d’une fête foraine,

Je me souviens qu’on allait ainsi en courant jusqu’à Covalawa

Je me souviens des souvenirs d’enfance de Pérec, de sa Disparition.

Je me souviens.

————

Si d’aventure vous ne comprenez pas la Derja, ce qui suit est pour vous :

Derja : c’est une des langues vernaculaires des Algériens.

Ennaïr : ou Yennayer. Premier jour de l’an du calendrier agraire, le 12 janvier. Cliquer sur ce lien, avec modération…

Jlid : vent glacé.

Nenna : ma grand-mère.

Kanoun : réchaud en terre cuite.

Maïda : table basse.

Cherchem : plat épicé à base de pois-chiches, de fèves et de blé bouillis.

Zit-zitoun : huile d’olive.

Kholkhal : bracelet en argent.

Meswek : écorce de noyer séché que les femmes mâchouillent. Il embellit les lèvres comme un rouge à lèvres naturel, et valorise par contraste les dents (précisions in internet).

Elbeciclita : ou biciclita, bicyclette, ici vélo.

Lben : lait fermenté.

La mouna : brioche pied-noir, d’origine espagnole (dit-on), qu’on consommait à Pâques.

Mkhalet : petite bourse emplie de toutes de halwa.

Halwa : friandises, sucreries.

Chmaâ : pluriel de chemâa, bougie.

Covalawa : ou Cueva d’el agua. C’est le nom d’une zone située près de la jetée, au bas du quartier Gambetta, à l’est d’Oran. Jusque dans les années 60, c’était un important bidonville.

Douro : le douro est une ancienne monnaie espagnole. A Oran, fortement peuplée d’Espagnols, on disait douro plutôt que francs. Un douro équivalait à une pièce de 5 francs, puis au printemps 1964 de 5 dinars.

Lawalimoun : ou agua limon. Eau sucrée au citron.

Cliquer sur ce lien (c’est mon blog), pour lire la suite


Débâcles

Canal Algérie Youssef SAIAH Expression livre Mardi 01 nov 2016. Poésie avec Ahmed HANIFI

Débâcles- Éditions Incipit en W – Miramas, 11, 2016

C

À la mémoire de Bendjelida Senouci

« Si mois avec la lune et jours avec le soleil cheminent dans l’éternité, alors les années qui passent sont comme un voyageur. Celui qui va à la rencontre de la vieillesse en faisant flotter sa vie sur une barque, en tirant le mors d’un cheval, fait de chaque jour un voyage, il fait du voyage sa demeure. » Bashô

Les cigales

Elles arrivent par grappes entières,

Une et deux et trois…

Libérées enfin de l’obscurité.

Elles enchanteront le monde des ciels d’azur

Et des mers laiteuses,

Le temps d’une saison

D’une vie,

En se gavant de la sève


Des oliviers de Mare Nostrum,

Surtout pas de mouches ni de vermisseaux.


Elles sont les cigales.

J’en ai entendu quelques-unes ce matin.

Félicité et plaisir nous invitent à l’indulgence.

*

Embryon

D’un seul trait, elle m’a fendu comme un dard

Ou en quelques secondes chrono.

Une lave ai-je pensé, abattu.

Liquide, mais acérée comme l’éperon du cheval

Elle s’est répandue dans mon être, ardente,

Usinant ma résistance, s’en souciant comme d’un fétu.

Rage et désespoir ma fille devant ce fleuve de douleurs.

Stérile bourgeon, si loin de la vie.

*

Nouvel An

Mille myriades d’étincelles éblouiront les cœurs au Soir venu

Chaque point cardinal de chaque rose des vents

Pétillera de ses mille feux à fatiguer des heures durant la nuit ténue

Qui ira le cœur joyeux s’éteindre de nouveau devant l’Astre levant

Bénis soient ceux dont la génuflexion exalte notre humilité.

*

Napoli

Napoli, disent-ils.

Je ne te vois pas

Ne te crois pas

Tu n’es qu’abstraction à l’horizon

Le terme du voyage.

Napoli, disent-ils

Je te devine là-bas

Mon cœur est serré, mais serein

Impitoyable temps

Qui émonde mon chemin

L’abrège.

Napoli, disent-ils.

Rassurée par la faux

Qui tremble en toi

S’impatiente,

Tu souris.

Napoli, disent-ils

Me voilà à Mori

Sans épitaphe,

Glacé d’éternité

Au pied d’un cyprès

À la porte du Ciel.

Ilawiir.

*

L’homme qui marche

Entre les nervures des frêles feuilles

De mon éphéméride,

L’onctueuse encre

De ma conscience

A tracé des signes

Verdâtres, blets ou irisés

Que le granulaire miroir

De ma mémoire

A depuis longtemps invalidés.

Traces puériles, stériles, vaines

Qu’une tempête de sable ou d’humeur

Un jour, une nuit,

Dispersera hors du temps.

Poussière.

*

Ceux de Mimoun

Des rideaux de sable chaloupent en ce matin finissant

Dans le ciel de la ville qu’ils colorent.

La ville de ceux des croyants, de Mimoun l’ancêtre

Dernier aïeul de Tadmaït et de Tazegart

De Tahataït et d’Aghlad.

Dans un même élan

Les corps et les esprits seront bientôt 

Gagnés par l’inertie

Et l’assourdissant silence du verbe.

Trente-cinq à l’ombre des palmiers.

Au loin, dans un effort ailé

Les derniers Traquets se retireront.

Là-bas, la rose des sables et les dunes,

Dunes et dunes encore figurant

Bien après les foggaras, la Palmeraie,

Bien après la blanche Sebkha

Là-bas à l’horizon

La rose des sables et le Grand Erg éternel,

Veillent.

Ils seront, le soir venu, appelés à la rescousse

Par le chant reconnaissant d’Ahellil

Jamal Ahellil

Ceux de Mimoun

Écrasés par le mutisme des mémoires

En colère pourtant.

Épaule contre épaule,

Lemserreh et Taguerabt,

Bengri et Tamja.

Et les qarqabous, les qarqabous.

Ici des maisons de crépis rouge carmin

Et des lauriers roses hors d’eau,

Sont cernés par le Chergui, le sable ou le néant.

En contrebas de la Hamada

De Tin-Ziri à At-Saïd

Les jardins résistent.

À l’ombre de la tonnelle de roseaux blêmes,

Croisés aux branches desséchées des palmiers,

Les thés rouges attendent que leur destin

Les libère des verres insensibles qui mal les étreignent.

Comme hier et comme demain,

À Aghlad et à Ighzer,

À Timimoun.

*

Bou-Sfer

Odeur marine,

Tapis d’algues et de mousse

Sur les récifs.

Éclats de lumières

Jardins de Keukenhof

Mosquée de Mara e Sharif

Et toiles gauguines réunis.

Rouge, vert, bleu, violet du spectre

Brume sous le soleil

Savez-vous…

L’île de Paloma à dix lieues

Paonne au milieu des eaux hésitantes,

Dans le silence de ses cuisines, Martinez est englué.

Veille de premier mai.

Flonflons et slogans de la syndicale

Un air vicié du passé frémit un instant.

Chaluts, etc.

Le saviez-vous ?

Courses aux anchois, bonites, calamars,

Dorades et espadons.

Le frisson

Du grand poisson de Heredia

Échappe à la nasse du comptable

Qui tremble ‘‘combien, combien ?’’

Une vedette traverse le cadre de la véranda

Ou la fenêtre ouverte de Moderato cantabile.

Le bruit de son moteur

Emporte le chant et les ailes déployées

D’un goéland argenté.

Le soleil a dissipé la brume

Les récifs émergent enfin.

De cette terre-là je suis,

Vous le savez.

*

Galerie 

Ils tournent en rond

Brassent de l’air

Bousculent leurs semblables

S’étouffent, suffoquent

Dans la galerie.

Ils font fi des règles

Élémentaires

Feux tricolores.

Machines à tuer

Karsan ou Coaster

Tous les sens uniques

Mènent où tu veux

À Rome, à la bourse ou au ciel

Loi du plus fort, du plus rusé,

Pas même de la jungle.

Vulgarité.

Capharnaüm.

Ils courent,

Montres de chez Kitsch au poignet

Mauvais goût et obscénité encore

Brasser du vent toujours

Intimider ses frères.

Et ils courent, courent.

Recherchent la boussole, la banque

Où l’asile

Dans la galerie.

‘‘Time is money’’

Abriter ses neurones aux pieds

Du bazar.

Temps irrespirable

Et monnaie de singe.

Contre mon silence, mes ritournelles,

Ils me promettent le paradis

Sous les tapis contrefaits de Taïwan

Ou de l’autre Orient

Dans la galerie, songerie.

Sous le ciel généreux

Les cœurs sont démontés

C’est Aladin et Disneyland

À mille lieues de Hikmet

D’Aïtmatov ou de Ben-Karriou,

De Gibran ou de Qabbani.

Ils ont défiguré, violé ma galerie.

Transformer ma songerie

Est leur horizon

Le i qu’ils planteront après l’s de ma songerie

Ne sera pas de Queneau.

Il achèvera ma Galerie, ma songerie,

Dans l’oued asséché de Rob’ el Khali.

*

Débâcle

Bien assis sans nulle façon,         

Serrés, rêvassant de combines   

Sur la balustrade ils affinent     

Leurs décisions les six garçons. 

Vers la Montagne des lions*    

Leurs familles font triste mine   

De la plage de Aïn Franine         

Ils iront sans bénédiction          

Se glisser dans l’embarcation      

La tête pleine d’Argentines      

Avec le soleil qui décline       

Le regard fixant l’horizon           

Harraga est leur nouveau nom     

Et la mer de glace assassine       

Les engloutira sous nos ruines     

Les écrans du monde offriront     

Six larmes à leur disparition         

Six larmes à leurs tombes marines 

Lucarnes de croco chagrines         

Miroirs de tous les abandons.         

* Montagne des lions : montagne à l’est d’Oran

Aïn Franine : village côtier en contrebas de la montagne des lions.

Harraga : « brûleurs » de frontières. Clandestins ou sans-papiers en devenir.

*

Le voyageur de Caspar

Sous le rocher, à tes pieds,

Le temps a posé

Au-delà de l’océan du possible,

La voie dont tu n’emprunteras

Que des débris.

Où vas-tu ?

Plaines et montagnes,

À l’infini lactescent du ciel,

S’amalgament

Depuis la première nuit.

D’où viens-tu ?

Nul ne te le demande.

Fruit de tribulations cosmiques,

Peut-être.

L’inconnue ne comblera pas ton impatience.

Elle te happera au vol

À l’heure qu’elle jugera venue,

Au sommet de ton faîte

Ou dans la vague.

Qu’es-tu ?

*

Leurre

Dans les labyrinthes d’immeubles

Bariolés

Une multitude d’existences

Et autant d’abandons

‘‘Notre métier c’est d’aider les entreprises

à vendre leurs produits…

À chaque palier

De ce désert vertical

Des espoirs s’accrochent,

…Or pour qu’un message publicitaire soit perçu,

il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible…

Silencieux

Au bouillonnement univoque

Des écrans plats.

…Le rendre disponible, le divertir, le détendre

pour le préparer entre deux messages…

Si elles avaient la certitude

Ferme

Qu’ils n’étaient pas qu’une ombre insensible,

…Ce que nous vendons aux entreprises, c’est du temps de cerveau humain disponible…

Mais rien n’est plus difficile que d’obtenir cette disponibilité.’’

Si elles avaient la certitude

Ferme

Qu’ils n’étaient pas qu’un leurre,

Un trompe-l’œil impénétrable,

Les solitudes les éventreraient

Pour mettre bas l’Autre.

*

Apothème

Entre le murmure des mots et la rumeur de

La mer, l’ancien enfant des deux

Montagnes-phares, trace

Des suppliques qu’il adressera aux

Lions de la ville

Et au mausolée de

Santa Cruz au terme de la dernière aube :

Érigez à la source blanche, sur

Ma terre,

Demeure des aïeux, la géographie de mon

Éternelle épitaphe. 

*

Trop-plein

Suspendus aux exigences de mes semblables,

Les tourments et les joies qui m’assiègent,

Embellissent ou déforment

Le profil des mots qu’ils conquièrent

Pour les libérer afin qu’eux-mêmes

M’affranchissent du trop-plein

De vacuité ou d’excès,

L’une et l’autre en équilibre

Sur le triangle d’un fil ténu

Tendu entre le bord de ma mémoire rétive,

L’abîme et la cime du monde.

*

L’automne déjà ?

Désormais mon soleil rafraîchit son visage à l’eau de mer. Qu’il est loin le chant du coq…celui-là même qui m’a ouvert au monde et m’y a mis. Les saisons dansaient autour de mes insouciances, et mes rêves insensés froissaient les cloisons jusqu’aux plus sophistiquées. ‘‘Larguez les amarres !’’ s’exclamaient les marins des mers et des océans aux hommes arrimés à leurs certitudes, servitudes. À leurs misères.

Je les ai bien écoutés et le moment propice un jour, alors que le printemps de nouveau parsemait ses robes versicolores et emplissait nos îlots de ses effluves enivrants, j’ai attendu que l’obscurité s’installe pour envelopper l’amertume, le conformisme et tous les ismes et umes à ma portée – ils ont longtemps brûlé le sel de mon corps à mon corps défendant – dans un manteau que j’ai mis en bière et jeté par-dessus bord, pas comme une bouteille qui dit autre chose, qui crie ‘‘j’arrive !’’ mais pour m’en délester définitivement. J’avais vingt ans, mon éternité tenaillait tous les enfers. La veille j’avais craché sur les poids et mesures de la Balance et toutes les lâchetés. Adieu aussi aux amitiés asséchées, décharnées ! ‘‘A nous deux liberté !’’

Il fallut manœuvrer et s’armer de patience. Voilà que l’horizon n’était plus qu’une ligne du large, dépassée. L’envers de l’enfer n’était pas l’endroit du paradis. Que de couleuvres avais-je eu à avaler ! Dans les berges d’Amsterdam, des matelots ivres et des femmes-accordéons m’ont lancé des frites belges et j’ai fermé les yeux. Dans mon dos innocent, des index tapageurs pointaient mon intrusion. Avaler des danses et des boas, n’est-ce pas le lot de notre humanité ?

Plus tard, dans d’autres contrées où l’atmosphère se parait de bienveillance, j’ai frôlé la fierté de montagnes souvent inaccessibles. Au pied de l’astre bleu des beaux jours, j’ai fait des rencontres inattendues. J’ai déambulé dans les banlieues de la vie à la recherche d’audaces à assouvir et une langue pour m’y noyer corps et plume. Des danses il y en eut d’autres, de toutes sortes, jusqu’à la torride Turku, jusqu’aux aurores boréales. Aux quatre points cardinaux, sans crier gare, les clepsydres se chargeaient d’écouler les émois du monde en perpétuel équilibre incertain. Ils s’écoulèrent et s’écrouleront, percés par la Flèche.

Les souvenirs paralysent ma mémoire dans leur inévitable conversion.

L’aurore que j’avais longtemps soumise à mes caprices ne m’a pas toujours été fidèle non plus. Aujourd’hui le ciel se couvre un peu plus. Des orages obscurs s’amoncellent alentour sur les aubes et les hommes de ma génération. Mon soleil se farde de rouge et le questionnement aporétique égrène prestement les saisons qui ne cessent de virevolter dans un monde engoncé dans une profonde dépravation. N’est-ce pas déjà l’annonce du seuil d’un intime et banal automne ?

*

Ligne d’arrivée

Les rais du jour peu à peu s’évanouissent

Dans le soir qui se déploie.

L’ombre absorbe la lumière

Qui l’ensorcellera de la même manière

Le moment recommencé.

Les tics et les tacs sont épuisés

Les aiguilles ont le tournis

Fatiguées de battre la mesure

Et la pendule s’impatiente.

Le cœur est en peine

Frissonne et s’interroge

Franchir la ligne d’arrivée

Une porte qui s’ouvre ou une interrogation réitérée

Qui tombe et file à la traîne des mystérieuses étoiles dans le ciel

Dans l’indifférente palpitation de la nuit.

_______ Lire 2° partie in « Aubuscule »_______

Les cigales : Miramas, juin 2014

Embryon : Fos-sur-Mer, décembre 2014

Nouvel An : Marseille, décembre 2014

Napoli : Miramas, janvier 2015

L’homme qui marche : Provence, février 2015

Ceux de Mimoun : Timimoun, avril 2015

Bou-Sfer : Bou-Sfer, avril 2015

Galerie : Oran, avril 2015.

Débâcle : Oran, avril 2015

Le voyageur de Caspar : Provence, mai 2015

Leurre : Provence, mai 2015

Apothème : Provence, juin 2015

Trop-plein : Provence, juin 2015

L’automne déjà ? : Miramas, juillet 2015

Ligne d’arrivée : Alger Agha, novembre 2015

Aubuscule

Aubuscule- Éditions Incipit en W – Miramas, 10, 2014

(plusieurs des poèmes ci-dessous sont parus in « Débâcles »)

« De la musique sortit, coula de ses doigts sans qu’il parût le vouloir, en décider, et sournoisement elle s’étala dans le monde une fois de plus, submergea le cœur d’inconnu, l’exténua. »

Marguerite Duras, Moderato cantabile. Ed de Minuit. Paris, 1958.

Préface

Écrire c’est, d’une certaine façon, saisir la possibilité de s’écarter, ou mieux, de se libérer de cette mystification dont nous sommes l’objet, de ces mensonges que nous portons, que porte notre humanité et qu’elle dissimule ou qu’elle tente de dissimuler sous de faux-semblants imposés par nombre de codes sociaux. Il nous est difficile d’être, mais plus aisé de paraître. Nous sommes exhortés à avoir, toujours plus. Le consumérisme (1) au détriment de la vérité, de notre vérité.

Car écrire c’est, d’une certaine façon, se saisir de notre propre vérité, je dirais de nos propres vérités, au-delà de l’orgueil et de la gloire. « J’écris pour me parcourir » affirmait Henri Michaux (2). Écrire ce que, pour une raison ou une autre, l’on ne dit pas toujours, car il est – souvent – difficile de dire, au-delà du sens commun, du conformisme. Écrire c’est provoquer, libérer le silence et la douleur que nous portons, et les joies aussi bien sûr : nos vérités disais-je. Les dévoiler. En écrivant « on n’invente bien que ce qu’on porte en soi » écrit Robert Mallet dans une préface dédiée à V. Larbaud (3).

On peut faire le choix de la prose, celui de la poésie, ou s’exprimer à travers l’une et l’autre. Les fragments que je propose furent écrits entre 2002 et 2014.

A.H.

1_ Lire Les Choses, deGeorges Pérec,Julliard, Paris 1965.

2_ Obsevations, in Passages. Œuvres complètes Gallimard/Pleiade, 2001.

3_ Valery Larbaud, Les Poésies de A.O. Barnabooth.

Gallimard/Poésie, Paris 1966.

Entre chien et loup *

« Dans la profondeur du tableau, il y a la ligne d’un ciel fané d’automne, le vent, par-dessus une lointaine rangée de montagnes, chasse de rapides petits nuages pie. Au premier plan, d’un rouge brun, la steppe des absinthes. Et le chemin noir qui n’a guère eu le temps de sécher après les pluies récentes. »

Tchinghiz Aïtmatov, Djamilia.

Denoel/folio, Paris 2001.

* * *

« Il y a dans cette tempête rouge

dans ce flux en tous sens de sang

dans ce recouvrement parfait de rouge sur toute

chose

dans cet épandage mondial

il y a deux loups affrontés »

Henri Michaux, Lecture de huit lithographies de Zao Wou-Ki. Œuvres complètes, Gallimard/Pleiade, 2001. 

* * *

* Cf les notes en fin de recueil.

Nostalgie

Le son de tes voies coule dans mes veines

N’avais-je pas suffisamment d’audace

Pour tatouer sur ton corps mes peines

Retrouverai-je tes artères, tes places

Dis-moi Paname si ma quête est vaine.

* * *

Et toiles fécondes

Les corbeaux noirs ne volent plus au-dessus des

champs de blé

Les sillons d’Auvers ne sont plus à la fête

Le gris et le noir du marbre glacé ne dénouent

les âmes ni l’esprit

Les feuilles mortes alentours ne sont plus

ramassées par les pèlerins

Ni les tournesols récoltés

Les couleurs orphelines de père Tanguy ne

luisent plus

Ses yeux, d’Orient

Ni de voyage aux Marquises, ne rêvent plus

Dans ce Nouveau Monde, les archipels ne

semblent pas veiller

Ils ne ploient pourtant ni devant l’adversité ni

devant les défis

Nul ne pourra haler ces confettis à bord de

l’indécence

Les hommes n’y regardent ni l’hiver ni le ciel

La végétation ne forme pas de stèles pour les

hommes de toiles et d’étoiles

Jamais n’est forcée la porte de l’indicible

L’agitation sourde jamais ne flatte l’obscurité

Ni les murets de la parcimonie n’escalade.

* * *

Ivresse

Fuir la perfidie de l’esprit

La cupidité de l’estomac

La vanité de mon nord

Tamtert ou El-Ouata me voilà

Vite

M’habiller d’aridité

Me combler de silence

Retrouver les signes que ma mémoire a semés

Faire mes ablutions

Avec l’ocre des grains de sable

Pyramides

Et à la tombée du jour

Un verre d’effluves divins à la main

Deux et trois

Menthe sauvage et thé rouge

Plonger mes yeux dans les yeux

De l’Astre couchant.

Renaître.

* * *

Aubuscule

Était-ce une aube comme une autre aube Jason ?

Ces ombres affairées dans des felouques

Dont ton Brownie a saisi le courage

T’attendaient-elles pour larguer les amarres ?

Ciel et mer aux couleurs du Luberon

Ocres matinales que tu reluques

Ce Red horizon tableau ou image

Sir, nous fond avant l’heure autant qu’Icare

Brownie ou palette finalement

Lac, lagon, océan ou champ de houque

Peu importe le flacon, l’outillage

Ce moment ce lieu Jason, accaparent

L’horizon s’étire et à ce moment

Des bras aguerris à l’aviron souquent

Je rêve de hamac, de bastingage

Était-ce le crépuscule sur le phare ?

* * *

Été

L’homme somnole

À l’ombre d’un pin

Le roman glisse entre les doigts

Sous la treille fournie de raisins

D’autres jouent aux cartes un mégot à la main

Le cendrier déborde

Les cigales stridulent

Dans la pinède ombragée

La boule est tirée

L’enfant rêve de sapins blancs

Couchés sur la remorque

Ses yeux pétillent.

* * *

Rengaine

Sous les faisceaux de la lampe de bureau

Sur la feuille opaline

Ruisselle mon flux de conscience.

De l’autre côté du temps

L’océan engloutit l’astre irisé

Tandis que la nuit sombre de nouveau

Dans les méandres du jour.

Le sablier se vide et se plaint

Le coq le couve de son orgueil répété

La feuille s’assombrit en silence

* * *

Dis-moi Lolita…

« Dans la joyeuse cité de Lepingville, je lui achetai quatre albums de bandes dessinées, une boite de bonbons, une boite de serviettes hygiéniques, deux cocas, une trousse de manucure, une pendulette de voyage avec un écran lumineux, une bague avec une vraie topaze, une raquette de tennis, des patins à roulettes avec des bottines blanches, des jumelles, un poste radio portatif, du chewin-gum, un imperméable transparent, des lunettes de soleil, d’autres vêtements encore – des pulls-overs chics, des shorts, toutes sortes de robes d’été… »

Vladimir Nabokov, Lolita. Éditions Gallimard/folio, Paris 2001.

* * *

« Qu’est-ce qui m’avait menée là ? Était-ce ma curiosité littéraire qui me jetait dans une aventure aussi singulière ? Ou moi qui allais vers l’amour en suivant le chemin de la littérature ? »

Ahlam Mosteghanemi, Le chaos des sens. Éditions Sedia, Alger 2009.

* * *

Katia

kaléidoscope tu es papillonnant

autour de moi cœur puéril


tu as fait de moi un

insoumis sur le retour

à la raison au monde

* * *

Gazelle

Le son de ta voix coule dans mes veines

N’avais-je pas suffisamment d’audace

Pour tatouer sur mon corps tes peines

  Affronter tes humeurs tes menaces

Dis-moi Gazelle si ma quête est vaine.

* * *

La photo jaunie

L’amande de ton regard

Appuyée par la rosée suggérée de tes lèvres

Et le charbon de tes paupières

Retenus dans le vase

Oval de ton visage

Candide, jauni

Enserré par ce cadre,

Embaument l’impatience

De ma mémoire malmenée

Qu’ils assouvissent,

Et apaisent

Aussitôt

Retrouvée

* * *

Absences

« Il est une chose que je regrette amèrement, je n’ai jamais dit… ‘‘Maman, je t’aime’’… J’ai toujours eu peur de me trahir… J’aurais tant voulu l’appeler au moins une fois maman. Farroudja n’a jamais entendu ce mot dans ma bouche. »

Boualem Sansal, Rue Darwin. Éditions Gallimard, Paris 2011.

* * *

Ya Mraya

Les premières notes

Coulent du cœur de la caisse

Lampe merveilleuse

Cordes pincées.

Un parfum suranné

Ensorcelle mon verre de thé à la menthe.

Il tremble, vacille.

Une voix épurée suit,

Chevauchant le tapis harmonique.

Elles remontent ensemble 

Mon biscuit, ma madeleine,

La nuit blanche de mon être.

Douleur et corps se déchiquetaient alors.

Pour quelque dépouille pour l’une,

Un instant de répit pour l’autre.

Adolescence enceinte par l’implacable

Et inhumaine douleur affligée par les sept Cieux.

Corps liquéfié.

Pas de rémission pour l’itim’*.

Pourtant.

Ya Mraya, ô miroir, ya Mraya,

Cette voix complaisante

Qui tangue au-dessus du verre enflammé,

Extirpe du cœur de la lointaine affliction,

L’autre temps,

Répit disais-je

En arrache le temps de l’insouciance.

De la joie et de la révolte mêlées.

Car la vie glanait alors,

Dans les interstices du néant

Envers et contre tout,

Contre toutes les douleurs,

Inacceptables et révoltantes douleurs

Quelques pépites bon gré mal gré,

Les copains d’abord

Carricos et pitchaks

Ou Covalawa*,

Aïn-Franin et Yoyo, la blonde Yoyo

Le temps, à seize ou vingt ans,

De tous les défis, de tous les possibles,

Le temps où celui de la fusion des éléments

Et des cheveux changeants,

Était encore inconcevable,

Posé sur l’horizon du ciel

Aujourd’hui rattrapé.

* l’itim’ : l’orphelin

Carrico (chariot) : jeu constitué de deux planches auxquelles sont fixés trois ou quatre roulements à billes.

Pitchak : jeu de jonglage formé à partir, notamment, de chambre à air de vélo découpée en fines rondelles attachées entre elles par un fil.

Covalawa : ou Cueva d’el agua. C’est le nom d’une zone située près de la jetée, au bas des falaises du quartier Gambetta, à l’est d’Oran. Jusque dans les années 60 c’était un bidonville.

* * *

Fêlure

Ta joue droite repose sur la paume de ta main

qui la soutient ou réchauffe.

Ou rassure.

Ton regard

si lointain jusque-là

paraît suspendu à tes pensées atrophiées.

Tu semblais méditer au néant,

absente,

te voilà confrontée à un flux de conscience

que tu vibres de tant vouloir transformer

en actes de paroles

en réponse à mes interrogations.

Il me semble.

Car je ne suis pas sûr que mes questions te parviennent.

Tes lèvres rétives,

étrangères depuis longtemps à toute parole

demeurent impassibles à mes ridicules gesticulations :

« Amma, kiraki, ghaya ? » *

Tu ne réagiras pas.

« Irrémédiable ».

Je le sais pourtant,

mais je persiste à espérer l’impossible.

Un miracle.

Tu me regardes.

Tu persévères.

Longuement.

Et encore.

Tu creuses dans mon visage,

dans mon chagrin,

pour que surgissent d’improbables souvenirs

et y arrimer la justification de ta présence,

l’automne de ta vie.

La lumière qui progressivement, timidement,

jaillit du centre de l’iris, atténue ma tristesse.

Me console un temps.

Je comprends, je saisis le message de cette flamme

éphémère.

Tu sembles vouloir me couvrir de

« combien je t’aime mon fils, combien je te comprends,

combien toutefois je suis captive de la maladie d’Alois ».

La forte pression de ton autre main agrippée à mon bras

me réconforte.

Un moment.

La lumière qui jaillissait de tes yeux a un instant transformé tes lèvres demeurées closes.

Tu as souri

et sous mon masque d’homme

coule mon bonheur

ou mon incessible douleur.

* Amma, kiraki, ghaya ?: Maman, comment vas-tu, bien ?

* * *

Douleur

Ton silence,

Sous les pierres

De la Source blanche

A l’ombre des cyprès

Posées contre la chair de ma mémoire

Endolorie

De tant de sollicitude,

Me pèse.

* * *

Debout

« Nous nous unirons au déshérité. Nous nous en irons par une montagne, par une vallée, par une ville, nous irons par le désert, mon silence et ma crainte (…) Nous ferons couler la neige de nos monts pour que vive le pain de nos vallées. Nous drainerons les écritures pour qu’à travers les roseaux siffle le bonheur. »

Yamina Mechakra, La grotte éclatée. Ed ENAL, Alger 1986

* * *

« Comment la vérité du chasseur pourrait-elle jamais s’accorder à celle du gibier ? »

Karl Gunnar Vennberg in « Stig Dagerman, la littérature et la conscience »

Ed Marginales/Agone, Forcalquier, N° 6 Printemps 2007.

* * *

Ils ont dit à la mère

ils ont dit à la mère ton fils est un terroriste

elle a dit mon fils est sorti acheter du pain

ils lui ont dit ton fils est inexistant

elle leur a demandé ce que ce mot signifiait

ils lui avaient dit on n’a rien trouvé signe ici

la mère a supplié je l’ai enfanté rendez-le moi

rendez-moi son corps

il n’y a pas de corps

ni nouvelles ni tombe la khbar la qbar

ils n’ont pas baissé la tête n’ont pas rougi leur loi les

protège

ont-ils une âme à défaut de cœur

elle s’est tournée vers leur chef général il avait fui

ils entendront jusqu’au fond de leur propre éternité

Vérité et justice pour mon fils

leurs enfants imploreront pour eux pardon réconciliation

cette mère est dans nos cœurs

cette mère est notre mère notre sœur

Vérité et justice pour notre humanité

* * *

Une mère à son fils ‘disparu’

Tu brûlais tout ton être d’enfant

Tu maintenais au loin l’horizon

N’est-ce pas

Je sais que de ta cellule, ton trou

Tu vois les charniers, entends les loups

Je sais

Je suis depuis ton départ, perdue

Je, est insensé c’est entendu

Sans toi

992 jours, ma perpétuité.

* * *

Octobre

Ce matin d’automne l’heure de vérité avait éclos

À la fenêtre de mes dix-sept printemps

Emporté par la colère et le ras-le-bol

Ils étaient depuis des lustres mon lot contagieux

Je glissais parmi les mille et les cents

Travail y a pas

Logement y a pas

Distraction y a pas

Chkaya y a pas

Hogra Hogra Hogra*

Ce matin-là

Parmi les mille et les cents

C’est leur opulence,

Arrogance et mépris

Que je ciblais

Je brisais, enflammais, barricadais

Bâtiments officiels,

FLN et villas

Porté par des mille et des cents

Au soir venu

Les kakis blindés nous ont embastillés

Leur couperet s’est abattu sur nos naïvetés

Au crépuscule sombre de ce matin diaphane-là

Nous étions des mille et des cents

Nous murmurions, revendiquions

Liberté Liberté Liberté

Dans nos rues et cités crues

Et dans leurs geôles écarlates

Ils nous ont torturés, tués

Martyrisés

Larbi Ben M’hidi

L’avait prédit

Mourir avant l’indépendance la belle affaire

Que vivre sous l’oppression – alors à venir – des

frères

Car, lorsque nous serons libres

il se passera des choses terribles !

*  Chkaya : porter plainte, dénoncer.

Hogra : le mépris

* * *

Quelle Affiche demain ?

Pour ne pas oublier
J’offre ces vers-amour poignants
À toutes ces plumes xénophobes
Cette peste brune en devenir
À toi aussi petite raciste à la banane grasse

                  d’ignorance
Nourrie au millet des petits Ammours
À vous chroniqueurs contrariés
Haineux de tous les Manouchian
Ils étaient vingt et trois et plus
Et de l’est et du sud
Morts pour libérer vos propres aïeux, parents
Haineux de tous les M.O.I, Roms et Arabes

                  réunis
Ignorants
Quelles affiches brunes préparent-ils pour nos

                  enfants
Mais à quels grills songent-ils ?
À quels barbecues apéro-sauciflards ?
Pour ne pas oublier
J’offre à tous ces écervelés
Ces chemises noires et phalanges
D’aujourd’hui
Fanas de tous bords de toutes les ignominies
J’offre à tous ces égarés, ce tarés
Pour la fraternité humainement possible
Cette affiche rouge de quelques mots libres
Merci Lény, Léo, Louis et tous les autres.

* * *

Tourment

Je crains mes cruels rêves

Engluée dans mon délire

Leur folle injonction perdure

Il me faut suivre leur ordre

Faut-il qu’ils se soulèvent

Que la lumière se retire

Et qu’éclate à leur bordure

En mon âme le désordre

Sous l’inflexible glaive

Il me faudra bien choisir

Sous leurs abjectes procédures

Abdiquer ou les tordre

* * *

Frères d’abjecte conviction

Se réveiller les yeux embués, l’estomac noué et la bouche bée. Regarder par-dessus le dernier étage de la tour ces points qui se meuvent indifférents à leur propre monde qui vont, viennent. Sont-ils ligotés, sont-ils seulement ? Les interrogations sont-elles audibles ? Aucun son n’exprime le refus ou l’incompréhension. Le cauchemar est pourtant bien réel. Un boulevard est ouvert au centre duquel trône le spectre de l’innommable.

Comment dire, comment dire, sont-ils devenus fous, sommes-nous devenus amnésiques ? On vaque ça et là dans les rayons des supermarchés des années de la peste brune les yeux aveuglés et l’esprit calfeutré le soir venu. Et la mémoire vautrée dans la fange idem. Serpents entrelacés, la haine, le chauvinisme et d’autres ismes agitent leur hideuse tête venimeuse. Le nouveau métèque et le fils de l’étranger réunis, sont assignés à résidence dans les sentes noires et boueuses des barres à la marge des cités ragaillardies, mis en demeure de trembler.

Allons zenfants de la tyrannie, sachez que nous tournerons autour de vos morsures enceints de nos identités tressées, jusqu’à vous ensorceler, jusqu’à ce que l’honneur de nos aînés, notre étendard, soit réparé. Nos anciens s’appelaient Manouchian, Lévy, Mamadou ou Mohamed. Ces métèques – ‘vermines du monde’, disaient les vôtres qui les vouaient aux gémonies des services spéciaux–, ces étrangers, ne réclamaient ni gloire ni larmes eux dont les vôtres ont affiché le nom sur les murs des villes et villages de la France fraternelle, de la France libre.

La France que vous vous acharnez à étêter a besoin de ses six lettres, de tous les caractères, de tous les signes qui la constituent. Vous avilissez l’Hexagone comme les vôtres hier aux temps des bonnes actions françaises, aux temps des pleutreries.

Sachez une chose : s’il pleut sur nous demain il dégouttera nécessairement beaucoup sur vous.

* * *

Dualité

L’homme qui n’a pas

Au moins une fois dans sa vie

Froissé le voile qui comprime ses turpitudes

N’a pas perforé, lézardé, entrouvert

L’enveloppe

Dans laquelle se terre l’obscénité

Tellement humaine

Pour que, le temps d’une respiration,

De deux,

Il éructe quelque abjection

Nécessaire parfois

Pour dire non

Ne pas avancer

Bouche fermée

Échine courbée

Parce que les bons mots, la bienséance

Ou l’intelligence

Sont par l’adversité

Proscrits en certaines circonstances

Cet homme est-il fait de ses semblables ?

* * *

Palestine

Abjection

« Bordure protectrice »

Bombes par milliers

Beït Lahiya mon amour anéanti

Check-points et humiliations

Cadavres encerclés

Colonisés colonisateurs c’est pareil dixit les médias

Crimes contre l’humanité

Drones bombardiers semant la mort sur des kilomètres

Deïr el Balah mon amour détruit

Droits de l’homme dans les salons et patati

El Qods ‘ya zahrata el madaïn’* tes enfants renaîtront

Europe criminelle, ta culpabilité te ronge au point que

Fermer les yeux aujourd’hui sur Gaza penses-tu

Fera passer, digérer tes génocides passés

Funestes soldats sans mère, onzième puissance militaire

Fusées de malheur

Fœtus exsangues

Gaza mon amour gazé

Hiroshima se souvient

Intifada 1,2, 3

Indignation sélective des médias « roquettes Khamas,

roquettes Khamas ! »

Israël 1967, 2008, 2014 et alors

Jérusalem, nous reviendrons ô rose des villes

Je te le crie jusqu’au fond de leur lâcheté

Jebaïlia mon amour ruiné

Kalachnikov

Khan Younis mon amour saccagé

Lignes de démarcation

1967, 2008, 2014 et plus encore

Médicaments de base en pénurie amputez amputez

Mur de la honte

Mur apartheid

Mensonges des médias sous contrôle

Nagasaki silence

Naqba

Occupation

Pluie de bombes

Palestine l’Enfer et la Géhenne te jalousent

Palestine Bantoustan gruyère

Palestine trahie par ta famille «Aïna el arab?* »

Palestine « victime habillée de bourreau »

Palestine ton tortionnaire demain écrira ton nom

Parce que c’est écrit sur le fronton de ta liberté

« Quittez notre Terre, Nos rivages, notre mer
Quittez Notre blé, notre sel, notre blessure »
s’écrie le

poète éternel

Quartiers soufflés

Rayons de la mort

Roquettes cacahuètes

Roquettes désespoir

Rafa mon amour massacré

Stupéfaction sélective des médias « roquettes Khamas,

roquettes Khamas ! »

Saloperie des satrapes

Silence tuméfié, agité

Soleil et lumières sélectifs

Samba brésilienne planétaire

Sheikh Zaïd mon amour assassiné

Terroriste Arafat

Terroriste Ben M’hidi

Terroriste Moulin

Urgence universelle

Victimes collatérales

Versées dans la rubrique pertes et profits

Vous êtes interdits d’adagio de Barber ou d’un autre

Violons pour les cimetières

Whisky dans les salons et patata

Xylophone, bendir et youyou

Ya Qodsou* ya zahrata el madaïn’

Zahrata el madaïn’, tu renaîtras de tes cendres.

* El-Qods, Qodsou : Jérusalem

ya zahrata el madaïn : Ô fleur/rose des villes

Aïna el arab?: où sont les Arabes ?

* * *

Sous le pont la mort au bout

Des enfants tournent autour de la fontaine

D’eux tout autour

Flotte comme une belle aubaine

Au large des uniformes chargés de haine

Dans leur misère intérieure

Des montagnes de laideur

Les mômes jouent sur la plage près du palace

Loin des voyous

Qui du navire menacent

Ils ajustent la ligne de mire les rapaces

Dans leur misère intérieure

Des montagnes de laideur

La douleur des enfants déchiquetés monte

Dans le ciel bas

Dans le navire de la honte

On compare la dextérité on confronte

Dans leur misère intérieure

Des montagnes de laideur

Dans le navire les démons dansent et chantent

Ils ont semé

La mort d’âmes innocentes

Devant télés et ambulances hurlantes

Dans leur misère intérieure

Des montagnes de laideur

Sur la plage des pêcheurs on ne joue plus

Le sable et le ballon sont orphelins

Des bambins de la plage rouge de Gaza

Les bombes des marins les ont écharpés

Dans leur misère intérieure

Des montagnes de laideur

* * *

Vanité

Les mythes combinés et encensés

Par des derviches escamoteurs

Inféodés au mensonge

Imprègnent notre réalité

Sans autre forme de procès.

Ils aggravent les sillons de nos illusions

Nous empêchent d’escalader nos Everest

Pour mettre à nu leurs turpitudes

Et notre indignité.

Nos vérités ont largué les amarres

Nous ont abandonnés.

Au-delà de la ligne d’horizon

Aux confins de notre humanité

Elles pointent la profondeur de nos vanités

Érigées en mode de vie.

* * *

Lorsque

Lorsque ton regard brillera au-delà de ta lucarne

Lorsque ton ouïe s’étendra au-delà de ta muraille

Lorsque ta main s’offrira à l’horizon

Lorsque le sel de ton humeur

S’agrègera à la douceur des gens de l’ailleurs

Alors l’ailleurs et l’ici

Les montagnes et les océans

Les confins et les nombrils du monde

Se confondront dans une chaleureuse étreinte

Alors tu seras libre.

* * *

Solaire

« Le soleil volait bas, aussi bas que l’oiseau.

La nuit les éteignit tous deux.

Je les aimais. »

René Char, Les Martinaux suivi de la parole en archipel. Gallimard, Paris 1987.

* * *

« Si mois avec la lune et jours avec le soleil cheminent dans l’éternité, alors les années qui passent sont comme un voyageur. Celui qui va à la rencontre de la vieillesse en faisant flotter sa vie sur une barque, en tirant le mors d’un cheval, fait de chaque jour un voyage, il fait du voyage sa demeure. »

Bashô (Kinsaku) Matsuo, ‘‘ Oku no hosomichi’’ in L’art du haïku , Textes présentés par Vincent Brochard et Pascale Senk.

Editions Belfond/folio, Paris 2009.

* * *

Grand Central

la Bannière étoilée

est pendue sous la voûte verte

no photo me dit l’agent

* * *

Ellis

l’île des pleurs récusait les malades

aujourd’hui encore

mais les Cœurs brisés désormais

viennent des Suds

* * *

Victoire

guenilles balluchons

progéniture nombreuse

regards et misère du monde

* * *

La guêpe est à Fès

mouche
 ou moustique


sur un napperon 
fleuri


glu
, mais où est la guêpe

* * *

Aïssatou

17 heures, ouf.
Blé le rayon
Bleue la goutte,
Chaussons et casquette
Farniente
Cigales
Dakar

* * *

Réveillon

allongé sur une dune

grain submergé d’éternité étoilée

où et qui suis-je

* * *

Skagway

Rhapsody of the seas

est amarré au quai immobile

le pacifique s’impatiente

* * *

Nahanni

coule Nahanni

des moutons gros de pluie

le silence de la réserve apaisée

* * *

Ruée vers l’or

au fond du Yukon

la cabane en rondins de Service

le barde du Klondike

* * *

Tuk

pas de chance Inukshuk

permafrost et panne à Dawson

adieu Inuvik et Tuktoyaktuk

* * *

Fétu de YK

soleil de minuit

ramadan

que faire

* * *

Insomnie


clic clac deux heures trois puis quatre

prière en silence

« Allah » chante le muezzin

* * *

Froideur

l’homme tend une écuelle

son chien grelotte

les passants passent

* * *

Zouaoui

le Zouave du pont est oublié

à ses pieds la Seine

ruisselle de honte

* * *

Ages

un demi de bière

le raffut des jeunes me cerne

je libère le siège

* * *

Impasse

mes doigts sur le clavier suspendus

l’esprit plane

une page blanche

* * *

Madeleine

des lentisques sur les hauteurs

de l’étang de Berre

embaument ma mémoire

* * *

Ô rage

un vin à Cassis

des nuages s’amoncèlent

à quoi bon s’entêter

* * *

Piedestal

je suis las Cassis

de Sbire ton faux fils

le prestidigitateur

* * *

Muguet

band’roles et vin à Bandol

bras levés soleils d’espoirs

désenchantement toujours

* * *

Oasis

Derrière le sommet de la dune

vidée du néant

Taghit

* * *

La roue

Il y a soixante ans

À l’âge de raison

Il raillait son ‘vieux’

* * *

Éclipse

Silence et obscurité

Les oiseaux fuient

Le soleil s’éteint

* * *

Déclin

Le soleil coule

dans la mer

rouge

* * *

Vie

La pendule s’est arrêtée

le moineau sur le mimosa

s’envole

* * *

Les chiens

Sur le seuil de la banque

un mendiant abrite son chien

du crachin

* * *

Un souffle

Du ventre de la mère

à la terre

une vie

* * *

Silence

Sur l’écran du monde

Entre la dune et le firmament

dans le silence de la nuit étoilée

un avion est passé

* * *

Tempête

Les arbres couchés

par la tempête

ont disparu

* * *

Le fil

une hirondelle

emportée par le vent

Le fil frémit

* * *

Notes :

Entre chien et loup

Nostalgie : Juillet 2011

Et toiles fécondes : Auvers-sur-Oise, décembre 2013

Ivresse : El-Ouata, janvier 2014.

Aubuscule : Miramas, février 2014

Été : Salon-de-Provence, le 13 mars 2014

Rengaine : Miramas, septembre 2014

Dis-moi Lolita…

Katia : Miramas, octobre 2002

Gazelle : Juillet 2011

La photo jaunie : Marseille, avril 2014.

Absences

Ya Mraya : Miramas, décembre 2013.

Fêlure : Douar B., février 2014.

Douleur : Oran, le 29 mars 2014

Debout

Ils ont dit à la mère : in La folle d’Alger, Ed L’Harmattan, Paris 2012

Une mère à son fils ‘disparu’ : in La folle d’Alger, Ed L’Harmattan, Paris 2012

Octobre : Avignon, le 5 octobre 2013

Quelle Affiche demain ? : Marseille, le 05 novembre 2013

Tourment : Marseille, avril 2014

Frères d’abjecte conviction : Marseille, le 26 mai 2014

Dualité : Marseille, mai 2014

Palestine : Miramas, le 2 juillet 2014

Sous le pont la mort au bout : Marseille, le 18 juillet 2014

Vanité : Sète, le 19 juillet 2014

Lorsque : Avignon, le 5 octobre 2013

Solaire

Grand Central : New-York, août 2008

Ellis : Ellis Island, New-York, août 2008

Victoire : Ellis Island, New-York, août 2008

La guêpe est à Fès : Miramas, juin 2009

Aïssatou : Istres, juin 2009

Réveillon : Taghit, décembre 2010

Skagway : Skagway, juillet 2011

Nahanni : Blackstone Parc, juillet 2011

Ruée vers l’or : Dawson City, juillet 2011

Tuk : Dawson City, juillet 2011

Fétu de YK : Yellowknife, J1- 1° août 2011

Insomnie : Oran, juillet 2012

Froideur : Paris, février 2013

Zouaoui : Paris, février 2013

Ages : Marseille, avril 2013

Impasse : Miramas, avril 2013

Madeleine : Miramas, avril 2013

Ô rage
 : Cassis, avril 2013

Piedestal
 : Cassis, avril 2013

Muguet : Miramas, mai 2013

Oasis : Taghit, janvier 2014

La roue : Miramas, mars 2014

Éclipse : Miramas, mars 2014

Déclin : Port Saint-Louis du Rhône, mars 2014

Vie : Marseille, mars 2014

Les chiens : Marseille, mars 2014

Un souffle : Marseille, mars 2014

Silence : Port Saint-Louis du Rhône, mars 2014

Tempête : Marseille, mars 2014

Le fil : Marseille, mars 2014

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TABLE

Préface

Entre chien et loup                             

Nostalgie, Et toiles fécondes, Ivresse, Aubuscule,

Été, Rengaine.

Dis-moi Lolita…                                  

Katia, Gazelle, La photo jaunie.

Absences                                         

Ya Mraya, Fêlure, Douleur.

Debout                                      

Ils ont dit à la mère, Une mère à son fils ‘disparu’,

Octobre, Quelle Affiche demain ?, Tourment,

Frères d’abjecte conviction, Dualité, Palestine,

Sous le pont la mort au bout, Vanité, Lorsque. 

Solaire                                       

Grand Central, Ellis, Victoire, La guêpe est à Fès,

Aïssatou, Réveillon, Skagway, Nahanni, Ruée vers l’or,

Tuk, Fétu de YK, Insomnie, Froideur, Zouaoui,

Ages, Impasse, Madeleine, Ô rage, Piedestal, Muguet,

Oasis, La roue, Éclipse, Déclin, Vie, Les chiens,

Un souffle, Silence, Tempête, Le fil.

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