« Hayy ben Yaqdhân » d’Ibn Thufaïl

« Hayy ben Yaqdhân » d’Ibn Thufaïl- mardi 12.12.2023- 16/18

4_ La fin de l’histoire de Hayy ben Yaqdhân 

Ibn Thufaïl cite en appui plusieurs extraits du Coran. À ce propos, notons que dans sa rissala Ibn Thufaïl cite directement trente-neuf fois des versets du Coran ( et y fait allusion à quatre reprises). Puis il poursuit en lui « racontant la fin de l’histoire. » Il s’agit en fait de la dernière partie.

« Quant à la fin de l’histoire, je vais te la raconter » écrit Ibn Thufaïl à son « frère généreux, sincère, affectionné », à son cher ami. Aussitôt revenu de son expérience, de l’état de « ceux qui possèdent la vérité » – la station ou maqām – expérience hors du monde sensible, Hayy ben Yaqdhân fit l’effort d’y retourner. Le monde de la corruption le répugnait. Il y est arrivé progressivement en renouvelant l’expérience et en y consacrant de plus en plus de temps. Il rencontrait de moins en moins de difficultés, malgré son corps qui refusait de suivre. Hayy avait atteint 50 ans.

Dans une île voisine à celle où vit Hayy, s’était introduite « une des religions de bon aloi » – il s’agit en fait de l’Islam – à laquelle les îliens adhéraient de plus en plus nombreux, dont deux hommes qui s’y convertirent avec passion. L’un se nommait Açāl ( ou Absāl chez Ibn Sina, personnage féminin) et l’autre Salāmān. »  Açāl cherchait à découvrir le sens mystique de cette religion, alors que Salāmān, le prince de l’île, s’intéressait au sens littéral, pas à « l’interprétation allégorique, du libre examen et de la spéculation. » (Açāl kāna ached ghawsen âla el-bātin… wa emma Salāmān fakāna akthar ihtifādhen bi edhāhir wa ached bâden âni etta’wīl wa awqafa âni ettasarrouf wa etta’ammoul.) 

Certains passages de cette religion encourageaient à la retraite, d’autres recommandaient la vie en groupes. Açāl choisit la retraite alors que Salāmān lui considérait la retraite comme un égarement et préférait la société des hommes plus à même de les éloigner des mauvaises pensées. Cette différence de vue les sépara. Açāl connaissait l’île où Hayy vivait, une île au bon climat, fertile. Il la pensait idéale pour y finir ses jours, loin de la société des hommes. Il se débarrassa de tous ses biens matériels en les distribuant aux pauvres, affréta une barque et se rendit sur l’île. « Les matelots l’y débarquèrent et le laissèrent. » Açāl pouvait commencer sa vie d’ascète et entamer l’apprentissage de l’isolement. De son côté Hayy ben Yaqdhân continuait sa vie dans sa grotte, « il jeûnait pendant quarante jours. Il s’entraînait à séparer son intellect du monde extérieur et de son propre corps ». Ses pensées étaient orientées sur l’Être nécessaire, lui seul. Il ne sortait de la caverne que périodiquement pour constituer sa réserve de nourriture. 

Un jour, Açāl et lui se croisèrent. Hayy n’avait jamais vu d’être humain avant Açāl dont il prit la tunique noire pour sa peau naturelle. Açāl prit Hayy pour un ermite, un homme qui avait comme lui fui les autres hommes. Il tenta de le fuir, craignant d’être détourné de sa retraite. Hayy retrouva Açāl et réussit de s’en approcher sans que celui-ci ne s’en rende compte. « Il l’entendit lire et louer Dieu, il entendit une belle voix et des articulations ordonnées tel qu’il n’en avait entendu proférer par aucun animal. Il vit ses larmes. » À force de tâtonnements, de voisements, de mots, ils finirent par s’accepter. Hayy abandonna provisoirement sa station sublime (maqām el karīm) pour mieux connaître Açāl, à l’humanité duquel il accède. Açāl apprit à Hayy le langage. En un temps court, Hayy apprit à parler. Il raconta à Açāl les détails de sa vie dans l’île, qu’il a été élevé par une gazelle, lui dit son ignorance de ses origines et qu’il ne savait pas s’il avait des parents. Il lui détailla les connaissances qu’il avait acquises concernant la vie, le ciel, les essences séparées du monde sensible, l’essence de l’Unique. Açāl, après l’avoir entendu, ne vit que proximité entre ce qu’a vu Hayy dans son « état sublime » et la révélation coranique « concernant Dieu, ses anges, ses envoyés, le paradis… » Il voyait qu’il y avait « concordance de la raison et de la tradition ». Açāl « devenait un de ‘‘ceux qui savent comprendre’’ ». Il eut alors une grande admiration pour Hayy et celui-ci lui proposa de se raconter à son tour. Açāl détailla la vie dans l’île qu’il avait quittée, avant « d’avoir reçu la religion » et la vie depuis : « le monde divin, de la résurrection… Hayy n’y vit rien qui s’opposât à ce qu’il avait vu pendant sa contemplation, dans la station de ceux qui possèdent la vérité. Il reconnut que celui qui avait tracé et propagé ces descriptions avait été envoyé par son Seigneur ». Hayy considéra Açāl comme un homme véridique, digne de confiance, et Açāl trouvait « avec étonnement dans le système philosophique découvert par Hayy ben Yaqdhân, une interprétation transcendante de la religion que lui-même professe ».

(à suivre)

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