La 2° mort de Suzanne

Graeme Allright est mort hier dimanche 16 février 2020

J’apprends la disparition, hier dimanche 16 février, de Graeme Allright. De toutes les (belles) adaptations des chansons de Léonard Cohen, c’est Suzanne que je préfère. Il a réussi à lui injecter en français la même force que l’originale. Suzanne pour moi ce n’est pas uniquement les mots de Léonard Cohen ou ceux de Graeme Allright, c’est, au-delà d’eux, en plus d’eux, l’atmosphère et le climat qui s’en dégagent, le climat d’insouciance des années d’une certaine jeunesse, la mienne, celle des années soixante-dix. Je parcourais alors, les mains dans les poches, des milliers de kilomètres sans but précis, souvent à pied, en stop, à la découverte de l’inconnu. Et toujours bien accueilli. Presque toujours. Presque.Le texte que je vous propose ce matin à l’occasion de la disparition de Graeme Allright, je l’ai proposé le 12 novembre 2016 à l’occasion de la mort de Léonard Cohen quelques jours auparavant (7 novembre 2016). Je l’ai intitulé Adieu Suzanne. Le voici (photos vidéos des chansons).

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SUZANNE

adaptation de GRAEME ALLRIGHT

Suzanne t’emmène écouter les sirènes
Elle te prend par la main
Pour passer une nuit sans fin
Tu sais qu’elle est à moitié folle
C’est pourquoi tu veux rester

Sur un plateau d’argent
Elle te sert du thé au jasmin
Et quand tu voudrais lui dire
Tu n’as pas d’amour pour elle
Elle t’appelle dans ses ondes
Et laisse la mer répondre
Que depuis toujours tu l’aimes


Tu veux rester à ses côtés
Maintenant, tu n’as plus peur
De voyager les yeux fermés
Une flamme brûle dans ton cœur


Il était un pêcheur venu sur la terre
Qui a veillé très longtemps
Du haut d’une tour solitaire
Quand il a compris que seuls
Les hommes perdus le voyaient
Il a dit qu’on voguerait
Jusqu’à ce que les vagues nous libèrent
Mais lui-même fut brisé
Bien avant que le ciel s’ouvre
Délaissé et presque un homme
Il a coulé sous votre sagesse
Comme une pierre


Tu veux rester à ses côtés
Maintenant, tu n’as plus peur
De voyager les yeux fermés
Une flamme brûle dans ton cœur


Suzanne t’emmène écouter les sirènes
Elle te prend par la main
Pour passer une nuit sans fin
Comme du miel, le soleil coule
Sur Notre Dame des Pleurs


Elle te montre où chercher
Parmi les déchets et les fleurs
Dans les algues, il y a des rêves
Des enfants au petit matin
Qui se penchent vers l’amour
Ils se penchent comme ça toujours
Et Suzanne tient le miroir


Tu veux rester à ses côtés
Maintenant, tu n’as plus peur
De voyager les yeux fermés
Une blessure étrange dans ton cœur.

(in: greatsong.net-)

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Le chanteur folk Graeme Allwright est mort

Le chanteur français d’origine néo-zélandaise, connu notamment pour avoir adapté de nombreux morceaux d’artistes folks américains en français, avait 93 ans.

Le Monde avec AFP -16.02.2020

Le chanteur français d’origine néo-zélandaise Graeme Allwright, connu notamment pour avoir adapté de nombreuses chansons d’artistes folks américains en français, est mort dimanche 16 février à l’âge de 93 ans, a annoncé sa famille. « Il est décédé cette nuit, dans la maison de retraite où il résidait depuis une année », en Seine-et-Marne, a déclaré sa fille, Jeanne Allwright.

Chanteur humaniste au parcours atypique, Graeme Allwright a fait découvrir aux Français les protest singers (chanteurs contestataires) d’outre-Atlantique, en adaptant Pete Seeger, Woody Guthrie ou Leonard Cohen dans la langue de Molière. « C’était un chanteur engagé pour la justice sociale, un chanteur un peu hippie en marge du show-business, qui a refusé des télés. Il a chanté jusqu’au bout, il a adoré être sur scène », a expliqué l’un de ses fils, Christophe Allwright.

« Il a donné des hymnes aux gauchistes, aux scouts, aux pochtrons, aux punks à chien, aux centristes de gauche… », a résumé sur Twitter le journaliste et auteur spécialiste de la chanson française Bertrand Dicale, saluant « un bienfaiteur de l’humanité ».

Né à Wellington, en Nouvelle-Zélande, le 7 novembre 1926, Graeme Allwright a découvert le jazz, les crooners et le folk en écoutant les programmes radios de la base militaire américaine installée dans la capitale néo-zélandaise. A 22 ans, il obtient une bourse pour suivre des cours de théâtre à Londres, dans l’école fondée par Michel Saint-Denis, voix de l’émission « Les Français parlent aux Français » sur les ondes de la BBC et neveu de l’homme de théâtre Jacques Copeau. Le jeune homme est recruté par le prestigieux Royal Shakespeare Theatre.

Mais, amoureux de la fille de Jacques Copeau, Catherine Dasté, il décline l’offre et le couple part s’installer en France, près de Beaune. Graeme Allwright exerce une multitude de métiers : ouvrier agricole, apiculteur, machiniste et décorateur pour le théâtre, professeur d’anglais, maçon, plâtrier, vitrier…

Ne connaissant pas un mot de français, il apprend peu à peu la langue et les subtilités de son argot, qu’il utilisera abondamment dans ses adaptations. A mesure que son français s’améliore, il renoue avec la scène, jouant notamment dans la troupe de Jean-Louis Barrault.

Ce n’est qu’à 40 ans qu’il se lance dans la chanson. « L’idée a peut-être germé dans mon esprit lorsque j’ai interprété quelques chansons de Brassens et Ferré, au cours d’une tournée avec une pièce de Brecht trop courte (…). J’ai pris ma guitare et je suis parti chanter des folksongs américaines et irlandaises au cabaret de la Contrescarpe [au cœur du Quartier latin à Paris], sept soirs sur sept pour des clopinettes. » La chanteuse Colette Magny remarque sa voix, teintée d’une pointe d’accent, et le présente à Marcel Mouloudji, qui lui conseille d’écrire une trentaine d’adaptations et produit son premier 45-tours, Le Trimardeur (1965).

Son répertoire contestataire, antimilitariste et profondément humaniste résonne avec les aspirations de la jeunesse française de l’époque. Petites boîtes (adaptation de Malvina Reynolds), Jusqu’à la ceinture (Pete Seeger), Qui a tué Davy Moore ? (Bob Dylan), Johnny (texte original) et surtout Le Jour de clarté (Peter, Paul & Mary), son plus grand succès, deviennent des hymnes de Mai 68.

En 1973, il va voir Leonard Cohen à L’Olympia et en ressort profondément touché par le mysticisme et la sensualité du Canadien, dont il adapte de nombreux textes (Suzanne, Les Sœurs de la miséricorde…). Il fait salle comble dans ses concerts et se pose alors en premier concurrent d’Hugues Aufray, autre importateur du folk en France. Ce père de quatre enfants est aussi connu pour avoir écrit en 1968 la chanson de Noël pour enfants Petit garçon, version francophone d’Old Toy Trains de Roger Miller, ou encore Sacrée bouteille (d’après Bottle of Wine de Tom Paxton).

Mais le succès l’effraie. Il prend ses distances en parcourant l’Egypte, l’Ethiopie, l’Amérique du Sud et surtout l’Inde. Entre deux voyages, il rentre en France, où il reprend ses concerts. En 1980, il partage la scène avec Maxime Le Forestier, pour une tournée dont les bénéfices sont reversés à l’association Partage pour les enfants du tiers-monde.

« Il a beaucoup compté pour moi et pour la chanson française en général. Il a contribué à rendre la musique folk populaire en France », a confié au Parisien Maxime Le Forestier, qui était resté en contact avec lui. « Il adorait marcher et chanter pieds nus », s’est aussi souvenu Maxime Le Forestier, évoquant un homme avec « une vie très saine, une vie d’honnête homme et de moine presque ».

Dans les années 1980, il revient d’un voyage à Madagascar avec des musiciens qui donnent une nouvelle tonalité à sa musique. En 2000, il sort un premier album d’inspiration jazzy, enregistré avec The Glenn Ferris Quartet (Tant de joies).

Depuis 2005, les concerts du chanteur aux pieds nus, qui continuait de sillonner l’Hexagone malgré son âge avancé, commençaient par un rituel immuable : une vibrante Marseillaise qu’il avait « adaptée » avec des paroles pacifistes. « Pour tous les enfants de la Terre, Chantons amour et liberté », entonnait-il.

En 2010, l’Académie Charles-Cros lui a décerné un « grand prix in honorem » pour l’ensemble de sa carrière.

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