Archives mensuelles : mars 2020

Monsieur le Président… Annie Ernaux

Annie Ernaux, lettre à Monsieur le Président

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Cergy, le 30 mars 2020

Monsieur le Président,

« Je vous fais une lettre/ Que vous lirez peut-être/ Si vous avez le temps ». À vous qui êtes féru de littérature, cette entrée en matière évoque sans doute quelque chose. C’est le début de la chanson de Boris Vian Le déserteur, écrite en 1954, entre la guerre d’Indochine et celle d’Algérie. Aujourd’hui, quoique vous le proclamiez, nous ne sommes pas en guerre, l’ennemi ici n’est pas humain, pas notre semblable, il n’a ni pensée ni volonté de nuire, ignore les frontières et les différences sociales, se reproduit à l’aveugle en sautant d’un individu à un autre. Les armes, puisque vous tenez à ce lexique guerrier, ce sont les lits d’hôpital, les respirateurs, les masques et les tests, c’est le nombre de médecins, de scientifiques, de soignants. Or, depuis que vous dirigez la France, vous êtes resté sourd aux cris d’alarme du monde de la santé et ce qu’on pouvait lire sur la  banderole  d’une manif  en novembre dernier –L’état compte ses sous, on comptera les morts – résonne tragiquement aujourd’hui. Mais vous avez préféré écouter ceux qui prônent le désengagement de l’Etat, préconisant l’optimisation des ressources, la régulation des flux,  tout ce jargon technocratique dépourvu de chair qui noie le poisson de la réalité. Mais regardez, ce sont les services publics qui, en ce moment, assurent majoritairement le fonctionnement du pays : les hôpitaux, l’Education nationale et ses milliers de professeurs, d’instituteurs si mal payés, EDF, la Poste, le métro et la SNCF. Et ceux dont, naguère, vous avez dit qu’ils n’étaient rien, sont maintenant tout, eux qui continuent de vider les poubelles, de taper les produits aux caisses, de  livrer des pizzas, de garantir cette vie aussi indispensable que l’intellectuelle, la vie matérielle.  

Choix étrange que le mot « résilience », signifiant reconstruction après un traumatisme. Nous n’en sommes pas là. Prenez garde, Monsieur le Président, aux effets de ce temps de confinement, de bouleversement du cours des choses. C’est un temps propice aux remises en cause. Un temps pour désirer un nouveau monde. Pas le vôtre ! Pas celui où les décideurs et financiers reprennent déjà sans pudeur l’antienne du « travailler plus », jusqu’à 60 heures par semaine. Nous sommes nombreux à ne plus vouloir d’un monde  dont l’épidémie révèle les inégalités criantes, Nombreux à vouloir au contraire un monde où les besoins essentiels, se nourrir sainement, se soigner, se loger, s’éduquer, se cultiver, soient garantis à tous, un monde dont les solidarités actuelles montrent, justement, la possibilité. Sachez, Monsieur le Président, que nous ne laisserons plus nous voler notre vie, nous n’avons qu’elle, et  « rien ne vaut la vie » –  chanson, encore, d’Alain  Souchon. Ni bâillonner durablement nos libertés démocratiques, aujourd’hui restreintes, liberté qui permet à ma lettre – contrairement à celle de Boris Vian, interdite de radio – d’être lue ce matin sur les ondes d’une radio nationale.

Annie Ernaux

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Lettre lue ce matin sur France Inter.

Ce matin, lundi 30 mars 2020, sur France Inter à 8h54. Émission « Lettres d’intérieurs » par Augustin Trapenard. Aujourd’hui, lettre d’ Annie ERNAUX « Sachez, Monsieur le Président, que nous ne laisserons plus nous voler notre vie… »

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CLIQUER CI-dessous pour voir la vidéo (lecture de la lettre):

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Mon atelier d’écriture, confiné

« photos d’une bibliothèque et son contenu »

(1) Ici la photo d’où germa l’idée de cet atelier

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Tout a commencé le matin de ce 4° lundi du mois de mars – il y a donc quatre jours – avec cette image trouvée sur Facebook (1) intitulée Labyrinthe de livres, elle montre deux adolescents courant dans un dédale de livres… La photo illustre l’occupation du temps en un lieu clos ou dans « un labyrinthe de livres ». Ce lundi ouvre la deuxième semaine de confinement (ordonné le mardi 17 à compter de midi). Le confinement nous oblige, par définition, à rester dans un lieu fermé sauf exceptions comme par exemple effectuer des « déplacements brefs, dans la limite d’une heure quotidienne et dans un rayon maximal d’un kilomètre autour du domicile, liés soit à l’activité physique individuelle, soit à la promenade… » Du coup, j’ai réduit à peau de chagrin ma marche quotidienne, pourtant hautement recommandée par mon médecin traitant « au moins 10000 pas ! » Me voilà confiné comme le gardien du phare de Langoz ou de Nividic en temps de tempête. Je passe mon temps dans mon bureau à errer de Facebook à YouTube en passant par des sites de toutes sortes. Mais, avec ou sans coronavirus, je continue de lire et d’écrire. Plus d’écrire, des heures durant. Ce matin, en regardant cette belle photo (1) des deux jeunes ados courant dans un dédale de livres, une idée a germé dans mon esprit. Je me suis dit que moi aussi je pouvais courir au cœur de ma bibliothèque, de mon labyrinthe de livres et monter un atelier d’écriture créative, ce que des années durant j’ai pratiqué (avec des élèves de tous niveaux et aussi des adultes, au profit d’associations, parfois de prisonniers),

Atelier dans la pinède et son champ lexical, à I…

mais aujourd’hui sans aucun participant sinon moi-même « joueur et arbitre ». Le temps de jadis à naguère, avec ou sans regret, est révolu. Alors, par où et comment commencer ? Par la photo justement. Dans la préparation d’un atelier d’écriture créative il est important de choisir « la situation initiale » sur laquelle reposera tout l’atelier. J’ai choisi celle de la combinaison « photos d’une bibliothèque et son contenu ». On peut apporter aux ateliers d’écriture créative autant de nuances qu’il y a de couleurs.  

J’ai donc pris des photos, beaucoup. Il en a fallu 44 pour balayer tous les rayons de ma bibliothèque, celle de mon bureau. Une à deux photos par casier. En moyenne chaque photo montre deux douzaines de livres. Beaucoup d’autres livres de vieilles éditions (voir photo n° 16)…, classés en deuxième rangée, ne sont pas visibles sur les photos. Je me suis contenté de travailler sur les titres apparents, en respectant des consignes ou contraintes élaborées en amont.

J’ai extrait parmi ces mille livres un par photo. J’ai ensuite feuilleté chacun des 44 livres choisis au hasard (plus ou moins), pour en extraire au hasard aussi (plus ou moins) un court passage de cinq phrases maximum. J’ai ensuite mis bout à bout les 44 courts textes en intégrant un apport personnel de deux phrases maximum (ou segment de phrases) pour faire jonction entre les extraits de livres. Cet ensemble j’ai « monté un texte » plus ou moins cohérent. Habituellement, avec les groupes de jeunes (ou non) je ne proposais pas autant de livres, deux ou trois par participant selon l’importance du groupe. À la fin de l’exercice, chacun lisait son texte que l’on portait au tableau, puis, dans un capharnaüm (obligé) indescriptible, ils en faisaient un texte global cohérent. Nécessairement nous abordions tel ou tel auteur, tel ou tel type de roman, de contenu, d’écriture…

Pour ce qui concerne l’exercice présent, j’ai retenu, comme écrit plus haut, un extrait par livre, soit 44 en tout. Je les ai ensuite classés de sorte qu’ils forment un ensemble censé sans quoi le jeu ne vaut rien. Cela n’a pas été facile et cela n’est pas toujours aisé. J’ai gardé les textes des auteurs quasiment tels quels. J’ai réduit au maximum mes interventions d’où les concordances de temps par exemple boiteuses. L’essentiel est ailleurs. Il a fallu que j’ajoute entre les extraits des auteurs ou au cœur des extraits eux-mêmes mes propres mots (ils sont en italique), mais cela fait partie du jeu, une contrainte parmi d’autres. Les nombres entre parenthèse renvoient aux titres/auteurs que l’on retrouve en fin du texte.

Voici d’abord la liste des 44 ouvrages. Puis ensuite le résultat de l’atelier

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Liste des ouvrages

1 : Amin Malouf- Les désorientés p 357

2 : David Grossman-Une femme fuyant l’annonce-p 95

3 : Philippe Roth- Némésis- page 157

4 : Carlos Liscano- Souvenirs de la guerre récente, p 43

5 : Jack Kerouac- Sur la route, 173

6 : Basho, Issa, Shiki- L’Art du Haïku, p 130

7 : Alessandro Barico- soie, p 15

8 : Marie Ndiaye- Trois femmes puissantes, p 250

9 : Mahmoud Darwich- La terre nous est étroite, p 215

10 : Attac- Transgénial !, p 98

11 : Edgar Morin- La méthode : 5-L’humanité de l’humanité, p 330

12 : Jorge Luis Borges- Fictions, p 96

13 : William Faulkner- Lumière d’août, p 527

14 : Michel Foucault- Surveiller et punir, p 294

15 : Georges Friedmann- Le travail en miettes, p 221

16 : Edouard Dujardin- Les lauriers sont coupés, p96-97

17 : Laurent Gaudé- De sang et de lumière, p 11 

18 : Arthur Rimbaud- Œuvres, Une saison en enfer, p 193

19 : Blaise Pascal- Pensées, p 76

20 : Littré- Tome 5, p 5720

21 : Marcel Proust- Du côté de chez Swann

22 : Homère- L’Odyssée, p 171

23 : Taha Hussein- Le livre des jours, p 224

24 : Tahar Ben Jelloun- La réclusion solitaire, p 39

25 : Ahlam Mostegnanemi- Le chaos des sens, p 360

26 : Salim Bachi- Autoportrait avec Grenade, p 45

27 : Isabelle Eberhardt- Amours nomades, p 49

28 : Abdelkader Djemaï- Zorah sur la terrasse, p 83

29 : Kaoutar Harchi- Je n’ai qu’une langue…, p 282

30 : Marsa- Jean Sénac, Pour une terre possible, p 212

31 : Mohamed Nedali- Morceaux de choix, p 112

32 : Ibn Khaldoun- Discours sur l’Histoire universelle T3, p 1214

33 : Saint Augustin- Confessions, p 422

34 : Jacques Ferrandez- L’Étranger (BD), p 64

35 : Albert Camus- Noces suivi de l’été, p 108

36 : Les Cahiers de l’Orient- 4°tr. 1994, 1° tr. 1995

37 : Pierre Bourdieu- Raisons pratiques, p 15

38 : El Hadi Chalabi- La presse algérienne au-dessus de tout soupçon, p 16

39 : Larousse : Encyclopédie médicale de la famille

40 : Dominique Eddé- Edward Said, le roman de sa pensée, p 57

41 : Ahmed Hanifi (désolé) Le choc des ombres, p 244

42 : Encyclopédia Universalis- Tome 18, p 133

43 : Encyclopédia Universalis- 1999, p 472

44 : JMG Le Clézio- Histoire du pied (ma lecture actuelle), p 259

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Résultat de l’atelier 

Pour commencer Le terme ‘‘photography’’ (des termes grecs ‘‘lumière’’ et ‘‘inscription’’ ou ‘‘écriture’’) a été créé en 1836 par sir John William Herschel, en Angleterre, pour désigner l’action ‘‘scriptrice’’ de la lumière sur certaines surfaces sensibles. (42)

Ensuite les textes. Je dois dire que Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n’avais pas le temps de me dire : ‘‘je m’endors.’’ (21) C’est décidé, Je monte à Paris, armé, dissident et heureux. Face aux heures noires, il me reste cet îlot, l’amitié de quelques-uns, la vôtre et l’espoir d’un soleil imputrescible. Avec cela, on peut affronter le dédale. (30) À propos de dédale tiens, je me souviens de Didier Le soir, il sortait avec des gens de son âge pour aller, en des endroits qui ne conviennent pas aux savants, entendre de la musique qui n’était pas faite pour les hommes graves ; enfin il prenait des plaisirs normalement interdits à ceux qui détiennent des fonctions religieuses. (23) Nous nous retrouvions au bistrot de la rue de la Charbonnière C’était un bistrot où on servait de grandes tasses de désolation, de lassitude et de tristesse ; de la bière à la pression et du vin ordinaire. C’était un dimanche matin ; le moment suprême du tiercé et des combinaisons bourrées de rêves petits et courts. J’étais bien habillé. (24) Un soir, il racontait son enfance à un peintre du nord de la France rencontré là Il n’y avait pas de calendriers illustrés, de portraits sous-verre ou de tableaux accrochés à nos murs. Sur ceux de votre enfance à Bohain-en-Vermandois non plus. Les seules images que je regardais étaient celles des livres de classe, des bandes dessinées, les photos de films et l’affiche en couleurs placardée au fronton du Kid, qui me faisait parfois rêver et voyager loin. (28) Le peintre préférait parler littérature  L’œuvre d’Octavio Paz est en cours de publication, sous la direction de J.C. Masson, dans la bibliothèque de la Pléiade, aux éditions Gallimard, où sont déjà publiés la plupart de ses livres traduits en français. (43) La pensée développée dans cet ouvrage a été une pensée par cas, ancrée dans un terrain, bornée par un certain espace et une certaine temporalité. (29) L’auteur mexicain a beaucoup été imité disait Didier et cela lui déplaisait Tel écrivain tente de reprendre à son compte l’œuvre d’un ancien auteur, avec d’autres mots et une disposition différente : c’est du plagiat pur et simple. Tel autre supprime des passages essentiels, ou mentionne des choses inutiles, ou remplace le vrai par le faux. Tout cela n’est que présomption et ignorance. (32) Quant à moi, je pensais à mon poème pastiche de Mouloudji J’avais glissé ce poème dans mon carnet noir. J’eus brusquement envie de le relire, de voir l’effet qu’il aurait sur moi, en ce lieu. (25) Je pensai à un labyrinthe de labyrinthes, à un sinueux labyrinthe croissant qui embrasserait le passé et l’avenir et qui impliquerait les astres en quelque sorte. Plongé dans ces images illusoires, j’oubliai mon destin d’homme poursuivi. (12) Je n’ai pas osé, peur du ridicule, c’est que Nous sommes dans plusieurs jeux, joués, jouets, mais en même temps joueurs. Toute existence humaine est à la fois jouante et jouée ; tout individu est une marionnette manipulée de l’antérieur, de l’intérieur et de l’extérieur, et en même temps un être qui s’auto-affirme dans sa qualité de sujet. (11)

Je les ai quittés tard dans la nuit pour rentrer chez moi Bercé par le roulis du taxi, des pensées décousues, sans lien aucun, me traversent comme des nuages gris, puis m’abandonnent sous la lumière écrasante. Je me souviens d’un jour semblable, où malade à en crever, je sentis que mourir sous l’éclatant soleil serait un gâchis insupportable. (26) C’était une époque ou nous vivions sous tension à cause d’épidémies Après ces cinq ou six nuits, l’alerte cessa de sonner durant quelques jours. On l’entendit de nouveau, sporadiquement, pendant un mois environ, puis elle ne sonna plus, de manière définitive. (4) Les conducteurs  d’autobus de la ligne 8 et de la ligne 14 disent qu’ils refusent de traverser Weequahic si on ne leur donne pas des masques de protection. Certains refusent même carrément de passer par là. Les facteurs refusent de venir distribuer le courrier. Les chauffeurs de camion qui livrent les marchandises aux magasins, aux épiceries, ceux qui ravitaillent les stations-service, et ainsi de suite, refusent eux aussi de venir. (3)Je suivais la foule grossissante de ruelle en ruelle, la tête lourde, les oreilles encore bourdonnantes de fièvre, les tempes en feu, les coudes et les genoux douloureux. La pression de la foule m’emportait comme un long torrent. (31) Arrivé à la maison, je pensais à Ora À dix-neuf heures trente, ce soir-là, elle s’active dans la cuisine en T-shirt et en jean sans oublier, pour parachever le tableau, le tablier à fleurs de la parfaite maîtresse de maison : un vrai cordon bleu. Et tandis que casseroles et poêles fumantes frétillent sur le feu, que des volutes de vapeur odorante s’élèvent jusqu’au plafond, Ora se dit que tout ira bien. (2) Puis, je ne sais pourquoi, j’ai pensé à Ingrid Bergman dans Gaslight Tour à tour son visage est éclairé puis obscurci, tour à tour dans l’ombre indécise et dans le  blanc des lumières, tandis que s’avance la voiture ; près des becs de gaz, en effet, est une grande clarté puis, après les becs, un obscurcissement ; encore ; le gaz de droite brille davantage ; oh ! sa belle blanche face, blanche mat, blanche d’ivoire, blanche de neige obscure, dans le noir qui l’enserre, et tour à tour plus blanche, plus lumineuse dans des lumières, et dans l’ombre s’atténuant, et puis resurgissant ; cependant sur le bois uni du pavé roule la voiture où nous sommes ; doucement, entre sa robe, il prend ses doigts ; elle les retire un peu ; et il lui dit : votre visage dans cette ombre et ces clartés s’harmonisent exquisément… (16) Je pensais à la Grèce et à l’auto-stop avec Dora On est retourné sur la route en pleine nuit, et bien entendu il ne s’est arrêté personne, vu qu’il ne passait pas grand monde, de toute façon. Comme ça jusqu’à trois heures du matin. (5) Dora était samienne Samienne : Terre samienne, nom d’une sorte de terre blanche et gluante à la langue, qui vient de l’île de Samos, et qui a été employée en médecine. (20) Je veux dire samienne, grecque de Samos où je l’ai rencontrée. Elle était avec un type à tourner dans l’île Ils montaient, se tenant par la main, comme des enfants bien sages, l’escalier bleu, puis, soulevant le mince rideau voilant leur porte comme d’une brume légère, ils retrouvaient l’ivresse interrompue la veille, les mille caresses, les mille jeux charmants. (27) Ils me laissaient rêveur, plus rêveur que mélancolique. Le type était nerveux, il gesticulait Où irons-nous, après l’ultime frontière ? Où partent les oiseaux, après le dernier. Ciel ? Où s’endorment les plantes, après le dernier vent ? Nous écrirons nos noms avec la vapeur. (9)La presse alimente l’affrontement tout en voulant donner l’impression qu’elle informe sur son contenu et sa dimension. Elle n’est donc rien d’autre qu’un instrument au service de choix stratégiques dans un affrontement sans merci où l’enjeu reste la population. (38)Beaucoup d’intellectuels sacrifient par ailleurs à des stratégies de pouvoir qu’ils font passer avant ce qui est à mes yeux la première fonction de l’intellectuel, la fonction critique. (36)Mais ce nouveau  courant, bien qu’il doive s’accentuer avec les progrès de l’automatisme et l’apparition de nouvelles fonctions, ne constitue ni une solution universelle, ni une panacée. (15) Apparemment, un homme peut tout supporter. Il peut même supporter ce qu’il n’a jamais fait. Il peut même supporter l’idée que certaines choses dépassent légèrement la limite de ce qu’il peut supporter. Il peut même supporter l’idée que, s’il pouvait se laisser aller à pleurer, il ne le ferait pas. Il peut même supporter l’idée de ne pas se retourner, même quand il sait que se retourner ou ne pas se retourner, ça revient en somme à la même chose. (13)Voilà je touche au but/ et je ne suis pas mort/ fin de l’automne (6) Oui dit Dora en souriant. Elle était triste, mais elle souriait L’automne déjà ! – Mais pourquoi regretter un éternel soleil, si nous sommes engagés à la découverte de la clarté divine, – loin des gens qui meurent sur les saisons. L’automne. Notre barque élevée dans les brumes immobiles tourne vers le port de la misère, la cité énorme au ciel taché de feu et de boue. (18) Le type l’a reprise. « La clarté, l’automne, l’hiver, le passé, le futur… » En quelle manière sont donc ces deux temps, le passé, et l’avenir ; puisque le passé n’est plus, et que l’avenir n’est pas encore ? Et quant au présent,  s’il était toujours présent, et qu’en s’écoulant il ne devînt point un temps passé, ce ne serait plus le temps, mais l’éternité. (33) L’éternité dans le cœur de la ville qui a changé depuis le tremblement de terre. On ne trouvait plus aucune trace, par exemple, de l’ancienne épicerie, du bouquiniste ou du vieux cinéma, celui devant lequel il était passé deux fois par jour, pendant des années, le matin autour de sept heures et le soir vers dix-huit heures trente. (10) J’étais triste lui dit Dora Curieusement ma colère est tombée d’un coup. J’ai ressenti une immense tristesse, je veux dire une immense fatigue. Je regardais cette ville, dont je connais chaque détour, chaque coin de rue, chaque coupole, parce que je n’ai jamais vécu ailleurs. (44)  Avant le tremblement dit le type, Au début des années soixante, cependant, l’épidémie de pébrine qui avait rendu inutilisables les œufs des élevages européens se répandit au-delà des mers, jusqu’en Afrique et même, selon certains, jusqu’en Inde. (7) Un virus implacable Virus : ce sont les plus petits agents infectieux que l’on connaisse. (39)Il faut survivre aux maladies,/ de celle qu’on attrape/ dans les rues éventrées des capitales immondes, de celles qu’on se transmet,/ de celles qu’on respire en famille/ attaché aux jambes d’une mère/ à ses seins,/ à ses bras,/ la mère/ qui n’en peut plus/ Mais se lève chaque matin en attendant de finir. (17)Ainsi s’écoule toute la vie ; on cherche le repos en combattant quelques obstacles, et, si on les a surmontés, le repos devient insupportable, par l’ennui qu’il engendre ; il en faut sortir et mendier le tumulte. (19) Le type, Il s’était levé puis, dans un soupir étranglé, presque un sanglot mais contenu, discret comme l’était cet homme, il s’était écroulé. (8) Appelle les pompiers lui ai-je dit, les pompiers Je parlerai d’un pays que je connais bien, non parce que j’y suis né, et que j’en parle la langue, mais parce que je l’ai beaucoup étudié… Est-ce à dire que ce faisant je m’enfermerai dans la particularité d’une société singulière et que je ne parlerai en rien de la Grèce ou de l’Algérie ? Je ne crois pas. (37)

Doria pleurait, elle semblait avoir perdu le fil de la réalité Autrefois, l’Occident reprochait à nos pays d’Orient leurs éphèbes et leurs femmes lascives, et aujourd’hui on nous reproche notre extrême pudeur. À leurs yeux, quoi que nous fassions, nous sommes toujours en faute. (1) Elle respira longuement Sur ces plages…, tous les matins d’été ont l’air d’être les premiers du monde. Tous les crépuscules semblent être les derniers, agonies solennelles annoncées au coucher du soleil par une dernière lumière qui fonce toutes les teintes. (35)

Plus tard, Doria me parlera de Larbi, cet ami abandonné qui n’aimait pas les journalistes « il te ressemble » Larbi : « le journaliste dit que nous sommes son cauchemar. Il répète ‘‘la France c’est plus la France, c’est l’Afrique.’’ Pourquoi ces gens-là ils nous humilient, pourquoi ils nous assassinent ? Ces gens-là ils nous poussent à détester nos parents, à renier nos arrières grands-parents et nos racines ». (41) Dora me dira aussi qu’un jour, alors qu’elle se promenait avec Larbi sur la plage ils entendirent derrière eux « S’il y a de la bagarre, toi Masson, tu prendras le deuxième. Moi je me charge de mon type… Toi Meursault, s’il en arrive un autre, il est pour toi. » (34)J’ai là cet étranger dont j’ignore le nom ; en ma demeure, après naufrage il est venu ; mais nous arrive-t-il des peuples de l’aurore ou de ceux du couchant ? (22) Elle me dit que Larbi s’était dressé contre les agresseurs Ne craignez-vous pas que le pauvre que l’on traduit sur les bancs des criminels pour avoir arraché un morceau de pain à travers les barreaux d’une boulangerie, ne s’indigne pas assez, quelque jour, pour démolir pierre à pierre la Bourse, un antre sauvage où l’on vole impunément les trésors de l’État, la fortune des familles. Or cette délinquance propre à la richesse est tolérée par les lois, et lorsqu’il lui arrive de tomber sous leurs coups, elle est sûre de l’indulgence des tribunaux et de la discrétion de la presse. (14) Ces mots de Larbi me renvoyèrent à ceux d’un vieil ami d’Edward. Derrière la révolte d’Edward Saïd contre le regard supérieur que porte l’Occident sur l’Orient, d’où naîtra ‘‘L’Orientalisme’’, se jouent deux libérations : d’un côté, la sienne vis-à-vis d’un père en accord avec le pouvoir du plus fort (l’Amérique) et, bien plus complexe, plus difficile à formuler, vis-à-vis d’une mère aussi possessive que changeante, et, puis enfin, sur le plan collectif : celle des peuples abusés par les dominants. (40) »

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Moralité de cet atelier ?

Faut-il qu’il y ait une moralité ? je ne sais pas, mais je sais que l’on peut, avec un minimum de volonté, vivre intelligemment en interagissant par exemple avec des écrivains de tous horizons, à travers leurs écrits, quitte à en dégager sa propre morale et une idée d’écriture pour soi-même.

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Confinement, mais.

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Confinement, mais.

Je me faisais cette remarque de bonne heure ce samedi matin en traversant un des champs en bordure de la ville. Je me disais que contrairement à il y a quelques semaines, lorsque j’entends le mot « confinement », je ne vois plus, n’entends plus, un régiment de canards sauvages cancaner à la lisière d’un étang ou d’oies blanches printanières cacarder dans une ferme, les uns comme les autres sans vergogne ni respect pour leur voisinage. Aussitôt après cette remarque je me suis demandé « pourquoi des oies ? » Je n’en savais rien et n’en sais toujours rien en fait, peut-être à cause de ces sympathiques syllabes « confi » ? Aujourd’hui le terme confinement me renvoie très justement à enfermement (et à « caserne », allez savoir pourquoi, je ne détaillerai pas au risque de me retrouver – et de vous entraîner – au cœur d’un complexe labyrinthe semblable à ceux de Borges).

Aujourd’hui, disais-je, lorsque j’entends « confinement », j’entends en même temps « enfermement ». « Restez enfermés (confinés) chez vous, sauf pour de courtes exceptions » entend-on régulièrement à la radio et à la télé. On peut déroger à la règle « pour, par exemple, pratiquer brièvement un sport individuel ». Les termes exacts portés sur l’Attestation de déplacement – que l’on doit absolument porter sur soi avec sa pièce d’identité sous peine d’amende – sont ceux-ci : « Déplacements brefs à proximité du domicile, liés à l’activité physique individuelle… » Il y a d’autres exemples. Très bien. Mardi dernier lorsque je découvrais cette « Attestation de déplacement dérogatoire, je me suis demandé « mais que signifie ‘‘bref’’ ? » Le dictionnaire nous enseigne que le mot bref veut dire « Qui est court », « qui a peu d’étendue ». Comment puis-je continuer à marcher avec cette définition ? me suis-je alors questionné. Et que veut dire « proximité » ? Le même dictionnaire  répond sans se fouler « à faible distance, aux environs immédiats ». Faire le tour de deux, trois pâtés de maisons pensai-je. De gros pâtés alors, car il me faut répondre aux « recommandations fortes » de mon médecin « marchez une heure et demie par jour au pas accéléré ». C’est qu’il se fâcherait le toubib.

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Rester enfermé, sauf pour marcher, une fois par jour. J’ai donc continué à marcher ce mardi-là et  chaque jour comme les jours d’avant. Oui, il nous faut désormais dire « les jours d’avant », car depuis son déclenchement cette pandémie ravageuse de Coronavirus – une pierre blanche, plutôt noire – est un marqueur majeur pour notre monde, une frontière haute plantée entre deux mondes. Une date charnière. Une date historique comme la naissance de Jésus-Christ il y a 2020 ans (date erronée par ailleurs), où l’extinction des dinosaures il y a 65 millions d’années. On dira « c’était avant le coronavirus » comme on dit « avant J.C » ou « après le coronavirus », ou encore « pendant le coronavirus ». Le monde d’après sera autre. Un nouveau monde naîtra demain à la suite de cette dramatique et scandaleuse expérience humaine, je l’ai rêvé et je l’ai récemment mentionné. Un monde qui fera de la fraternité une vertu cardinale, auprès d’autres. « naïf » ai-je entendu dans mon rêve. Nous sommes pour sûr des millions de naïfs à penser, espérer ce nouveau monde. Nous y croyons et nous l’espérons les bras décroisés, le corps et l’esprit en action. Évidemment. 

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Mais revenons à nos oies d’aujourd’hui. J’ai donc continué à marcher mardi, mercredi, jeudi, vendredi et tôt ce matin comme les jours d’avant. Le soleil pointait au-dessus des arbres, bouffi d’insolence et impassible avec plus ou moins de vigueur, comme hier, et comme demain. Les fleurs du printemps « ces rêves de l’hiver » (Khalil Gibran) commencent à bourgeonner. Voyez la vigne ! Les rues étaient entièrement silencieuses. Le gazouillis des oiseaux, frénétique. Et mes pas qui se bousculaient. Au détour d’une ruelle, un homme surgit avec son petit chien noir au bout d’une laisse, tout frisé, un masque sur le visage. Il portait des gants aussi. Nous avons tous les trois, d’un même mouvement, sursauté. Le fox-terrier se blottit derrière son maître sans même aboyer. Nous avons dit (le monsieur et moi) en même temps « bonjour » sur un ton identique, empreint d’une légère inquiétude, plus que de surprise, le sien étouffé par le tissus. Le fox jappa en trépignant. J’ai traversé la rue et poursuivi mon challenge quotidien plongé dans mes pensées, mais en rasant les murs ou les arbres, comme si je ne souhaitais pas que l’on me voie.

Ahmed Hanifi,

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CONFINEMENT LUXUEUX D’UNE BOURGEOISE ?

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La toile s’affole…

« Je vais faire ma Leila S. ce matin. J’espère que Le Monde publiera ma prose immortelle… » ironise S. Bachi. D’autres : « Le ‘‘Journal de confinement’’ de Leïla Slimani est proprement indécent… un texte ‘‘déplacé’’ qui dit l’hébétude ‘‘d’une bourgeoisie qui se rêve écrivain, écriture en temps de pandémie mais qui n’exhibe que sa folie de classe, à l’heure où les gens meurent’’. « la romantisation du confinement est un privilège de classes. Alors que l’autrice rédige ses carnets de bord de sa maison de campagne, ‘‘les ouvriers partent travailler au péril de leur vie, tout s’effondre’’… »

Après lecture du texte de La Goncourt, je dois dire que finalement, il n’y a pas ici de quoi fouetter un chat. Les critiques que j’ai lues sont plutôt sévères, il eut pire. On a lu pire comme texte égocentré ou baignant dans le cynisme. Non, et sans préjuger des articles à suivre, il en y a bien d’autres de chats à fouetter. Par-dessus le marché, pour atténuer son propos – peut-être que Slimani avait envisagé le pire – elle écrit : « À la télévision, un homme qui était, j’en suis sûre, bien intentionné, a dit que nous étions tous à égalité face à cette épreuve et que nous devions nous unir. Mais nous ne sommes pas à égalité. Les jours qui viennent vont au contraire creuser, avec une cruauté certaine, les inégalités. Ceux qui ont peu, ceux qui n’ont rien, ceux pour qui l’avenir est tous les jours incertain, ceux-là n’ont pas la même chance que moi. Pers, je lui tire la langue, sans plus.

Toutefois, en attendant la suite, voici la chronique « Jour1 » (merci Sabrina F. et Mira M. de Facebook).

Le « Journal du confinement » de Leïla Slimani, jour 1 : « J’ai dit à mes enfants que c’était un peu comme dans la Belle au bois dormant » Le Monde 18.03.2020

Jour 1. Cette nuit, je n’ai pas trouvé le sommeil. Par la fenêtre de ma chambre, j’ai regardé l’aube se lever sur les collines. L’herbe verglacée, les tilleuls sur les branches desquels apparaissent les premiers bourgeons. Depuis vendredi 13 mars, je suis à la campagne, dans la maison où je passe tous mes week-ends depuis des années. Pour éviter que mes enfants côtoient ma mère, il a fallu trouver une solution. Nous nous sommes séparés, sans savoir dans combien de temps nous nous reverrions. Ma mère est restée à Paris et nous sommes partis. D’habitude, nous remballons le dimanche soir. Les enfants pleurent, ils ne veulent pas que le week-end se finisse. Nous les portons, endormis, dans la cage d’escalier de notre immeuble. Mais ce dimanche, nous ne sommes pas rentrés. La France est confinée et nous restons ici.

Je me demande si je n’ai pas rêvé. Ça ne peut pas être. Cela ressemble aux histoires qu’on invente à Hollywood, à ces films que l’on regarde en se serrant contre son amoureux.

Tout s’est arrêté. Comme dans un jeu de chaises musicales. Le refrain s’est tu, il faut s’asseoir, ne plus bouger. Un, deux, trois, soleil. Tu as perdu, il faut recommencer. D’un coup, le manège a cessé de tourner. Il y a une semaine, je faisais encore la promotion de mon dernier roman. Je me réjouissais de rencontrer des lecteurs dans les librairies de France. Certains disaient, « Je vous fais la bise, ça n’a jamais tué personne », et d’autres se moquaient de moi quand je refusais les selfies ou les poignées de main. « On ne va quand même pas croire à ces conneries », ai-je entendu. Il faut bien y croire puisque c’est là, puisque nous voilà cloîtrés, calfeutrés. Puisque jamais l’avenir n’a paru aussi incertain.

Nous sommes confinés. J’écris cette phrase mais elle ne veut rien dire. Il est 6 heures du matin, le jour pointe à peine, le printemps est déjà là. Sur le mur qui me fait face, le camélia a fleuri. Je me demande si je n’ai pas rêvé. Ça ne peut pas être. Cela ressemble aux histoires qu’on invente à Hollywood, à ces films que l’on regarde en se serrant contre son amoureux, en cachant son visage dans son cou quand on a trop peur. C’est le réel qui est de la fiction.

J’aime la solitude et je suis casanière. Il m’arrive de passer des jours sans sortir de chez moi et quand je suis en pleine écriture d’un roman, je m’enferme pendant des heures d’affilée dans mon bureau. Je n’ai pas peur du silence ni de l’absence des autres. Je sais rester en repos dans ma chambre. Je ne peux écrire qu’une fois mon isolement protégé. Le confinement ? Pour un écrivain, quelle aubaine ! Soyez certain que dans des centaines de chambres du monde entier s’écrivent des romans, des films, des livres pour enfants, des chansons sur la solitude et le manque des autres. Je pense à mon éditeur qui va crouler sous les manuscrits. « Chronique du coronavirus », « Quarante-cinq jours de solitude ». Je devrais me réjouir, tenter de tirer quelques pages de cette expérience folle. Mais je n’arrive pas à penser ni à écrire. Je ne parviens pas à me concentrer sur le livre que j’ai ouvert et qui traîne sur mon lit depuis des heures. Je regarde de manière compulsive les informations, je relis dix fois les mêmes articles, je cherche quelque chose mais je ne sais pas quoi. Je suis dans un état de sidération c’est-à-dire privée de mots, de sensations. Comme si j’avais reçu un coup de poing en plein visage et que j’essayais, lentement, de me relever.

A la télévision, un homme qui était, j’en suis sûre, bien intentionné, a dit que nous étions tous à égalité face à cette épreuve et que nous devions nous unir. Mais nous ne sommes pas à égalité. Les jours qui viennent vont au contraire creuser, avec une cruauté certaine, les inégalités. Ceux qui ont peu, ceux qui n’ont rien, ceux pour qui l’avenir est tous les jours incertain, ceux-là n’ont pas la même chance que moi. Je n’ai pas faim, je n’ai pas froid, j’ai une chambre à moi d’où je vous écris ces mots. J’ai le loisir de m’évader, dans des livres, dans des films. Le matin, je fais classe à mes enfants, et pour l’instant nous gardons notre calme. Pour expliquer le principe du confinement, je leur ai dit que c’était un peu comme dans la Belle au bois dormant. Pour que la princesse ne meure pas en se piquant au doigt, les fées ont pris la décision de l’endormir, elle et tous ses proches, pendant cent ans. Nous aussi, nous allons devoir prendre du repos, rester chez nous et un jour, tout comme le prince sauve la belle d’un baiser, nous pourrons nous embrasser à nouveau.

Nous rêvions d’un monde où on pourrait, depuis son canapé, regarder des films, lire des livres, commander à manger. Nous y voilà, ne bougez plus, vos vœux sont exaucés.

Mon fils demande : « C’est parce que la planète est fatiguée ? ». Oui, lui dis-je, tu dois avoir raison. Cette pauvre planète est épuisée, elle prend sa revanche, elle nous assigne à résidence. Comment s’empêcher de voir, dans ce qui nous arrive, une certaine ironie ? Celui qui écrit cette pièce à huis clos ne manque pas d’humour. Monde de solitudes, nous voilà esseulés. Monde de virtualité, nous voilà réduits à n’exister, à ne nous parler, à n’interagir qu’à travers des écrans. Monde inhospitalier, nous voilà enfermés. Nous rêvions d’un monde où on pourrait, depuis son canapé, regarder des films, lire des livres, commander à manger. Nous y voilà, ne bougez plus, vos vœux sont exaucés. Il y a dix jours nous scandions « on se lève et on se casse. » Mais il n’y a plus, à présent, nulle part où aller.

Mon fils est assis à la table de la salle à manger. Je lui apprends l’imparfait. « C’est quand on parle d’autrefois. » Et le futur. « Pour ce qui arrivera demain. » Je regarde ses petits doigts glisser sur la feuille et quelque chose, dans son application, dans son souhait de bien faire, me serre le cœur. Je me rends compte que je ne sais plus faire de multiplications. Je ne l’avoue pas et je cache mon portable sous la table pour utiliser ma calculatrice. Aujourd’hui, j’ai proposé un exercice. « Faites un portrait du coronavirus » et mes enfants ont dessiné des monstres colorés, aux yeux rouges et aux doigts couverts de griffes. « On l’aime ce virus. C’est quand même grâce à lui qu’on est en vacances. » Attendons la suite.

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Si vous l’avez adressez-la moi, merci, je complèterai.

J’ai écrit plus haut que les réactions au texte de Slimani furent nombreux, voici un exemple. Un texte de Diane Ducret paru hier 19 mars 2020 dans Marianne intitulé :

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Je pourrais vous dire que depuis ma fenêtre, Paris n’a jamais été si belle depuis que les hommes l’ont désertée. Que j’ai regardé l’aube se lever sur les immeubles, que j’ai vu les cerisiers japonais fleurir, que cela sentait bon le printemps. Que les mouettes appelant le touriste sur l’île Saint-Louis au loin m’ont fait penser aux vacances d’été à Belle-île-en-mer. Qu’en préparant mon café, j’ai songé à la Joconde prisonnière du Louvre, esseulée elle aussi, se languissant des regards émerveillés posés sur elle, au Baiser de Rodin, à ces amants de marbre que personne ne photographie plus.

Au foyer de l’Opéra de Paris, qui se demande où ses danseurs prodigieux ont bien pu passer depuis qu’ils l’ont quitté. Aux cygnes du jardin du Luxembourg qui s’en veulent d’avoir voulu mordre les enfants qui approchaient leurs doigts d’un peu trop près. A ces livres de la bibliothèque Sainte Catherine, qui soupirent d’ennui à présent qu’aucun doigt humide ne vient tourner leurs pages. Je pourrais vous dire que malgré la peur, je ne me sens pas seule car je suis entourée de ces trésors iconiques, et que, décidée à vivre ce confinement comme dans un roman, enivrée par les premières senteurs du printemps, et ouvert la fenêtre et mis la vie en rose… Mais je ne suis pas Leïla Slimani.

LA DERNIÈRE CUITE ET UN SUICIDE

Résumons. Samedi dernier je regardais Edouard Philippe annoncer la fermeture des bars, cafés et restaurants pour le soir même, à minuit. Dans le bar en bas de chez moi, la fête battait son plein. La dernière cuite avant la fin du monde venait de commencer. Les fêtes de Bayonne et le premier de l’an réunis en un samedi soir apocalyptique. On se prend par le cou, on s’embrasse. Tout le monde s’est transformé en Cendrillon d’un soir, craignant de voir minuit sonner et que le bar ne se change en citrouille. Une musique assourdissante fait trembler la fenêtre de mon deux pièces au 5ème étage, d’où mon voisin de palier, âgé de 80 ans, s’est suicidé quelques jours plus tôt, apprenant que la propriétaire du misérable studio qu’il louait depuis vingt ans voulait vendre l’appartement. Gentrification et loi du marché font bon ménage quand il s’agit de passer un coup de balai sur les vieux, les pauvres, les éclopés.

Dimanche, enfermée chez moi depuis déjà deux jours, j’ai vu les images de parisiens prenant des bains de soleil sur les quais de Seine, dans les parcs, comme des amnésiques joyeux. L’homo sapiens latin n’aime assurément pas obéir, tout impératif lui est insupportable. Sans doute les français sont-ils trop existentialistes, « l’existence précède le bon sens ».

PUNITION COSMIQUE

Lundi soir, fidèle au poste sur mon canapé, j’ai vu le Président annoncer la mise en quarantaine de la population pour le lendemain à midi. Quand on vit seule, dans un appartement aux dimensions modestes, et que l’on est loin de chez soi, ces mots vous pètent les tympans comme une déflagration. C’était comme si après une année de gilets jaunes et un hiver du mécontentement sur la réforme des retraites les français étaient punis d’avoir manifesté trop longtemps. Nous recevons une punition cosmique nous clouant à la maison comme dans une fable de Lafontaine « Vous avez défilé tout l’été, eh bien confinez-vous, maintenant ! ».

Le lendemain matin, j’ai fait la queue pour accéder à un supermarché. La bise était venue, pas un seul petit morceau de mouche ou de vermisseau dans les rayons. Je ne savais pas quoi acheter, j’avais peur, j’aurais voulu pouvoir rentrer chez mes parents, qu’on me dise que tout irait bien.

DE DEUX MAUX LEQUEL CHOISIR ? 

Mais je n’ai qu’une grand-mère, en province. Elle a 88 ans, une santé de fer, s’enorgueillit-elle toujours, mais jusqu’à quand ? Son aide à domicile est confinée, comment pourra-t-elle se faire à manger ? Aller la retrouver pour veiller sur elle et risquer de l’infecter si je suis porteuse du virus, rester ici et la laisser dépérir seule, de deux maux lequel choisir ?

J’ai vu aux informations de 13H des Parisiens quitter Paris pour leurs maisons de campagnes, leur résidence secondaire. De préférence au bord de la mer. Les célibataires, les petits salaires, les banlieusards, les sans famille, les gens en somme, nous n’avons nulle part où aller. Nous n’avons pas de vie de secours.

CEUX QUI N’ONT DE VIE DE SECOURS 

Pendant ce temps, dans un univers parallèle ordonné par les frères Grimm, Leïla Slimani nous livre son journal de confinement dans Le Monde. Depuis sa maison de campagne à colombages, dans laquelle, nous précise-t-elle, elle passe habituellement tous ces week-ends. Face aux collines que l’aube vient colorer, son camélia est en fleurs et le tilleul bourgeonne, comme c’est charmant. Avec son mari et ses enfants, ils jouent à « dessine-moi un coronavirus ». Les bambins dessinent un monstre, mais un monstre gentil, puisqu’il leur offre des vacances.

Pour Leïla Slimani, le coronavirus, c’est un peu La Belle au bois dormant (sic). Son journal de bord emploi la sémantique du conte, tout y est, les monstres et la bonne fée, la campagne enchanteresse. On met en scène l’enfant qui demande si la terre se venge car « la planète est fatiguée ? ». On en appelle la bonne conscience écologique du lecteur tandis que l’on cravache sa mauvaise conscience chrétienne.

LA QUARANTAINE, UNE AUBAINE…

Pour elle, une quarantaine, c’est « une aubaine ». Du temps pour soi, pour écrire et lire, se retrouver. Dans des centaines de chambres s’écrivent les nouveaux Goncourt, nous rassure-t-elle. C’est affreux ce qui se passe, la misère c’est horrible, surtout de loin, « ça ressemble aux histoires qu’on invente à Hollywood, aux films qu’on regarde en se serrant contre son amoureux en se cachant dans son cou quand on a trop peur ». Où l’expérience du confinement entre le conte de fée et le teen movie.

A tout le moins, nous ne vivons pas la même expérience. Si pour Leïla Slimani, le confinement est tel un conte de fée, je me sens plutôt dans un roman picaresque. Je suis le picaro, de rang social peu élevé, sans honneur ou marginal, aspirant à la liberté et espérant trouver sa survie en faisant preuve de débrouillardise.

MARIE-ANTOINETTE JOUANT À LA FERMIÈRE

En découvrant ses mots, je m’en suis voulue de songer que Marie-Antoinette jouant à la fermière à Trianon n’aurait pu être plus éloignée de la peur, l’angoisse du peuple. Une crise sanitaire agit comme un révélateur d’inégalités sociales. De notre devise « liberté égalité fraternité » dont nous sommes si fiers, que reste-t-il lorsque nous sommes attaqués ? Sitôt que notre chère, si chère liberté est remise en cause, l’égalité se montre un idéal et non une réalité.

Nos élites intellectuelles me semblent parfois hors sol, comme si la révolution française n’a pas eu lieu dans tous les domaines, et que seule une certaine classe sociale était autorisée à exprimer le goût de l’époque. Hélas, les écrivains, penseurs et artistes ne se cantonnent pas nécessairement à trois arrondissements bourgeois du centre de Paris, je regrette que Le Monde l’ait oublié.

Depuis ma fenêtre, on ne voit pas le ciel. L’immeuble d’en face est sale, les rues vides me filent des angoisses cafardeuses. Se faire décaniller par un virus dans ma trentaine, mourir seule, peut-être, dans un deux-pièces, ne me tente que très moyennement. Cela aurait été moins vendeur que les collines dorées et les camélias de Leïla Slimani, mais cela aurait été sans doute plus représentatif de ce que nous vivons.

CENDRILLON VEUT DANSER TOUTE LA NUIT

Au beau milieu d’une ère faite d’images et de superficialité, j’ai le sentiment d’avoir basculé dans l’ère de l’invisible. La menace est partout, en nous, un virus comme une idéologie terroriste se répandent à bas bruit et contaminent les corps et les esprits. Ils peuvent frapper à tout moment. Ma génération n’a jamais été confrontée à la guerre ni à la famine, la société de consommation a rendu floues les lignes entre nos besoins et nos désirs. Et pourtant, comme je me sens démunie face à ce changement de paradigme.

Nous ne voulons pas que la fête s’arrête, nous voulons être divertis, Cendrillon veut danser toute la nuit, et dans des pompes de marque. Nous n’avons jamais eu à retarder nos envies, à délayer nos besoins, et cet apprentissage nous est douloureux.

Résister, c’est moins grandiloquent et romanesque qu’on le souhaiterait. C’est fait d’égoïsme, d’ennui, d’énervement, de réveils nocturnes, mais on tient, presque malgré soi. Le seul ennemi d’un confinement, le temps. Sitôt qu’on sait l’apprivoiser, on ne craint plus grand-chose.

Diane Ducret

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Lettre aux Français depuis leur futur

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LIBERATION, 18 Mars 2020

Lettre aux Français depuis leur futur

Par Francesca Melandri

Je vous écris d’Italie, je vous écris donc depuis votre futur. Nous sommes maintenant là où vous serez dans quelques jours. Les courbes de l’épidémie nous montrent embrassés en une danse parallèle dans laquelle nous nous trouvons quelques pas devant vous sur la ligne du temps, tout comme Wuhan l’était par rapport à nous il y a quelques semaines. Nous voyons que vous vous comportez comme nous nous sommes comportés. Vous avez les mêmes discussions que celles que nous avions il y a encore peu de temps, entre ceux qui encore disent «toutes ces histoires pour ce qui est juste un peu plus qu’une grippe», et ceux qui ont déjà compris. D’ici, depuis votre futur, nous savons par exemple que lorsqu’ils vous diront de rester confinés chez vous, d’aucuns citeront Foucault, puis Hobbes. Mais très tôt vous aurez bien autre chose à faire. Avant tout, vous mangerez. Et pas seulement parce que cuisiner est l’une des rares choses que vous pourrez faire. Sur les réseaux sociaux, naîtront des groupes qui feront des propositions sur la manière dont on peut passer le temps utilement et de façon instructive ; vous vous inscrirez à tous, et, après quelques jours, vous n’en pourrez plus. Vous sortirez de vos étagères la Peste de Camus, mais découvrirez que vous n’avez pas vraiment envie de le lire.

Vous mangerez de nouveau.

Vous dormirez mal.

Vous vous interrogerez sur le futur de la démocratie.

Vous aurez une vie sociale irrésistible, entre apéritifs sur des tchats, rendez-vous groupés sur Zoom, dîners sur Skype.

Vous manqueront comme jamais vos enfants adultes, et vous recevrez comme un coup de poing dans l’estomac la pensée que, pour la première fois depuis qu’ils ont quitté la maison, vous n’avez aucune idée de quand vous les reverrez.

De vieux différends, de vieilles antipathies vous apparaîtront sans importance. Vous téléphonerez pour savoir comment ils vont à des gens que vous aviez juré de ne plus revoir.

Beaucoup de femmes seront frappées dans leur maison.

Vous vous demanderez comment ça se passe pour ceux qui ne peuvent pas rester à la maison, parce qu’ils n’en ont pas, de maison.

Vous vous sentirez vulnérables quand vous sortirez faire des courses dans des rues vides, surtout si vous êtes une femme. Vous vous demanderez si c’est comme ça que s’effondrent les sociétés, si vraiment ça se passe aussi vite, vous vous interdirez d’avoir de telles pensées.

Vous rentrerez chez vous, et vous mangerez. Vous prendrez du poids.

Vous chercherez sur Internet des vidéos de fitness.

Vous rirez, vous rirez beaucoup. Il en sortira un humour noir, sarcastique, à se pendre.

Même ceux qui prennent toujours tout au sérieux auront pleine conscience de l’absurdité de la vie.
Vous donnerez rendez-vous dans les queues organisées hors des magasins, pour rencontrer en personne les amis – mais à distance de sécurité.

Tout ce dont vous n’avez pas besoin vous apparaîtra clairement.

Vous sera révélée avec une évidence absolue la vraie nature des êtres humains qui sont autour de vous : vous aurez autant de confirmations que de surprises.

De grands intellectuels qui jusqu’à hier avaient pontifié sur tout n’auront plus de mots et disparaîtront des médias, certains se réfugieront dans quelques abstractions intelligentes, mais auxquelles fera défaut le moindre souffle d’empathie, si bien que vous arrêterez de les écouter. Des personnes que vous aviez sous-estimées se révéleront au contraire pragmatiques, rassurantes, solides, généreuses, clairvoyantes.

Ceux qui invitent à considérer tout cela comme une occasion de renaissance planétaire vous aideront à élargir la perspective, mais vous embêteront terriblement, aussi : la planète respire à cause de la diminution des émissions de CO2, mais vous, à la fin du mois, comment vous allez payer vos factures de gaz et d’électricité ? Vous ne comprendrez pas si assister à la naissance du monde de demain est une chose grandiose, ou misérable.

Vous ferez de la musique aux balcons. Lorsque vous avez vu les vidéos où nous chantions de l’opéra, vous avez pensé «ah ! les Italiens», mais nous, nous savons que vous aussi vous chanterez la Marseillaise. Et quand vous aussi des fenêtres lancerez à plein tube I Will Survive, nous, nous vous regarderons en acquiesçant, comme depuis Wuhan, où ils chantaient sur les balcons en février, ils nous ont regardés.

Beaucoup s’endormiront en pensant que la première chose qu’ils feront dès qu’ils sortiront, sera de divorcer. Plein d’enfants seront conçus.

Vos enfants suivront les cours en ligne, seront insupportables, vous donneront de la joie. Les aînés vous désobéiront, comme des adolescents ; vous devrez vous disputer pour éviter qu’ils n’aillent dehors, attrapent le virus et meurent. Vous essaierez de ne pas penser à ceux qui, dans les hôpitaux, meurent dans la solitude. Vous aurez envie de lancer des pétales de rose au personnel médical.

On vous dira à quel point la société est unie dans un effort commun, et que vous êtes tous sur le même bateau. Ce sera vrai. Cette expérience changera à jamais votre perception d’individus. L’appartenance de classe fera quand même une très grande différence. Etre enfermé dans une maison avec terrasse et jardin ou dans un immeuble populaire surpeuplé : non, ce n’est pas la même chose. Et ce ne sera pas la même que de pouvoir travailler à la maison ou voir son travail se perdre. Ce bateau sur lequel vous serez ensemble pour vaincre l’épidémie ne semblera guère être la même chose pour tous, parce que ça ne l’est pas et ne l’a jamais été.
À un certain moment, vous vous rendrez compte que c’est vraiment dur.
Vous aurez peur. Vous en parlerez à ceux qui vous sont chers, ou alors vous garderez l’angoisse en vous, afin qu’ils ne la portent pas. Vous mangerez de nouveau.

Voilà ce que nous vous disons d’Italie sur votre futur. Mais c’est une prophétie de petit, de très petit cabotage : quelques jours à peine. Si nous tournons le regard vers le futur lointain, celui qui vous est inconnu et nous est inconnu, alors nous ne pouvons vous dire qu’une seule chose : lorsque tout sera fini, le monde ne sera plus ce qu’il était.

Francesca Melandri

(traduit de l’italien par Robert Maggiori)

Copié du post FB de Noureddine K.

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La pandémie enrayée, un monde nouveau est possible

C’est comme un nouveau rêve : la pandémie enrayée, un monde nouveau est possible à l’horizon.

Nous arrivons au terme d’un cycle, j’en suis persuadé et j’en ai rêvé. Je suis convaincu que le monde actuel est à l’agonie. Ce monde, où chez beaucoup hélas l’égocentrisme est un repère un modèle, a produit sa propre impasse. Ce monde dans lequel le marché, la mondialisation économique et financière qui contribue à la destruction d’une grande partie de l’humanité où 8 % des hommes possèdent 83% des richesses du monde, ce monde-là est à l’agonie. Un monde nouveau est possible au sein duquel les hommes n’auront plus les yeux braqués sur le Nasdaq et autres indices boursiers Cac 40, Dow Jones… Indices dont ce monde nouveau, au risque de le perpétuer, réduira drastiquement l’objet, à défaut de les supprimer.

La pandémie du Coronavirus, à la suite des grandes crises mondiales financière et économique de 2007 et plus, tombe à point. Et si cette pandémie ne nous abat pas, elle nous instruit, nécessairement – on ne paie jamais trop cher une bonne leçon. La pandémie du Covid 19 nous confirme la faillite de notre monde présent (frontières financières et marchandes ouvertes/frontières humaines fermées, inégalités béantes Nord/Sud, faillites écologiques, dérégulations multiples, repli sur soi accentué, gestion chaotique, etc.) Aujourd’hui, ce virus qui se propage à travers le monde, et qui risque de laisser derrière lui des dizaines de milliers de morts, nous offre l’occasion inespérée de le repenser, repenser notre monde.

Depuis le début de ce 21° siècle, des voix s’élèvent. Elles sont essentiellement jeunes et c’est très bien. Elles sont l’avenir. Depuis quelques années des initiatives germent et se multiplient un peu partout, pour qu’un monde nouveau redonne sa dignité à l’homme, pour qu’enfin celui-ci puisse se débarrasser de la course effrénée au gain, à la dégradation de l’environnement.

Un monde nouveau est possible où les pratiques abusives et inadmissibles de l’économie de marché incontrôlée au nom de la liberté d’entreprendre (ainsi l’obsolescence programmée…), seront bannies, comme seront dénoncées les pratiques d’exclusion, la course à l’évaluation individuelle, à la notation individuelle au détriment de la collectivité. Un monde nouveau est possible où il sera mis un terme au nationalisme étriqué source de guerres à d’autres hommes, lointains ou proches, ces métèques ou ces barbares. C’est une nécessité.

Un monde nouveau dans lequel consommer ce qui pousse dans et autour de sa ville, réduire la masse des déchets, les recycler, créer des monnaies locales (pour contourner la spéculation), mettre en commun les biens les plus lourds (les nationaliser), valoriser les loisirs seront des activités encouragées à travers des territoires bien plus grands que les initiatives locales actuelles. Un monde nouveau dans lequel la santé est appréhendée comme un bien précieux non négociable, hors comptabilité. Un autre monde possible est devant nous j’en suis convaincu, qui mettra fin aux crises écologiques, économiques et  sociales que traversent de très nombreux pays, et plus encore leurs classes intermédiaires et populaires. Espérons-le le plus proche possible.

Un monde nouveau où les valeurs de solidarité et de partage diffusées à travers tous les territoires l’emporteront sur la course effrénée aux biens matériels de manière inconsidérée. Où la fraternité enfin, l’homme enfin, sera au-delà du verbe au cœur des hommes.

Encore faut-il que nous nous en donnions les moyens. Mais je l’ai rêvé.

Ahmed Hanifi,

Marseille, mercredi 18 mars 2020

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Un jour ordinaire, au temps du Covid-19, dans le sud de la France

Au Bled, pendant le ramadan, à l’heure de la rupture du jeun, dans les rues des villes et villages, plane un étrange silence. Les rues sont totalement vides des habitants, regroupés en famille autour du dîner. Un étrange silence, mais léger, un silence paradoxalement de réjouissances. Car nous savons que dans les maisons on écoute de la musique (chaabi), on échange des nouvelles, on rit… Le silence dont je vous parle ici est autre. C’est un drôle de silence, un silence lourd, qui nous enveloppe ces jours-ci et précisément ce matin ici où même les arbres ont perdu de leur superbe. Le clocher de l’église sonne un coup à 9 h pile, et au cœur de cette petite ville du sud de la France, les activités ont cessé. Rares sont les commerces qui, comme le petit Discount ou la boulangerie, sont ouverts. Les gens avancent à pas pressés. Habituellement ces mêmes rues du cœur de cette petite ville sont très agitées. Aujourd’hui il n’y a ni chansons, ni brouhahas, ni rumeurs. Rien. Pas même l’agitation des écoliers du boulevard Chave, astreints à étudier à domicile. Cet étrange silence est interrompu de temps à autre par le bruit du moteur des rares véhicules, par le crissement de leurs pneus ou par l’arrivée d’un train régional hasardeux, vide, qui ralentit mais ne s’arrête pas. Plus loin le piaffement d’oiseaux insouciants l’allègent. Il n’y a ni rat mort, ni docteur Rieux, mais elle rode un peu partout, la mort de l’autre peste, la mort du Covid-19, on le sait. France Inter indiquait tôt ce matin que le nombre de personnes atteintes du coronavirus en France s’élève à 5423 et que 127 personnes en sont décédées. Je presse le pas. Quelques personnes avancent, semblent se murmurer (à elles-mêmes), elles se rassurent peut-être. On évite de trop se rapprocher lorsqu’on se croise, au contraire on fait chacun un pas de côté, discret pour ne pas se froisser. Peut-être sourit-on avec gêne. Et on continue vers ses occupations, l’esprit agité. La poste est fermée. « En raison des directives gouvernementales, nous sommes contraints de fermer le bureau jusqu’à nouvel ordre. » Alors je n’ai plus rien à faire à l’extérieur. Pas le cœur à ma marche quotidienne (5 à 6 kms chaque matin). Dans son intervention télévisée de ce soir, le président Macron annoncera certainement des mesures de confinement. Au-delà du stade 3. Et probablement le report du deuxième tour des élections municipales. Et demain sera un autre jour.

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Le nouveau Muppet Show et le Coronavirus

Je sortais ce matin du Consulat de Marseille lorsque Kada m’a téléphoné : « tu es où ? » Habituellement le samedi à cette heure-là je l’avais rejoint. J’aime bien descendre à Marseille les samedis, aller fouiner dans les rayons de la Fnac ou de la bibliothèque de l’Alcazar, et surtout retrouver Kada mon ami de plusieurs dizaines d’années, et refaire, encore une fois, le monde, le nôtre mais pas que. Il y a tant de choses à dire sur tel et tel… généralement nos amis et généralement pour rire, pas plus. Mais là, j’ai été retenu au Consulat. J’avais le numéro P 38 et au guichet on répondait au client portant le numéro P 23. Client n’est peut-être pas le terme approprié, mais il faut savoir qu’on vous demande 5 € pour légaliser un document, comme dans une boucherie ou un autre magasin. Les samedis il y a plus de monde qu’en semaine. C’est comme le hammam, il y a plus de chance d’y rencontrer des connaissances, d’échanger… Quant à moi, cela me permet de régler deux coups en une descente, solutionner quelque problème administratif (en l’occurrence ce matin une procuration) et rencontrer mon ami Kada pour morigéner nos amis et tous les autres autour d’un verre de thé, leur trouver des travers, comme le faisaient si bien les deux vieux du Muppet Show (ça ne vous dit peut-être rien Kermit la grenouille et ses amis l’ours Fozzie, Piggy, les deux vieux ragoteurs Statler et Waldorf…) Ragoter, oui, voilà ce que nous faisons aussi quand nous nous retrouvons Kada et moi.

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Moi : « J’arrive, tu es où ? »

Kada : « Chez Krimo derrière l’Alcazar »

Il y avait du monde chez Krimo Gambitta. Son café se trouve derrière l’Alcazar. À la terrasse trois personnes discutaient autour de Kada. Trois gars du Bled dont un, Hamid, que je n’avais pas vu depuis quelques semaines. Sur la table, des verres de thés à la menthe chauds et de tasses de graines d’arachides super salées (une dizaine de pigeons pas du tout intimidés, ils connaissent bien la maison, attendaient qu’on partage avec eux les cacahuètes) Lorsque je suis arrivé à leur auteur, Hamid s’est levé. Je lui ai présenté mon coude en souriant, je voulais lui dire bonjour en faisant un El bow bump, un peu comme on nous le montre souvent à la télé depuis la propagation du Coronavirus. C’est rigolo, (tout comme le check) et ça évite toute éventuelle contamination, à l’heure grave du Covid-19. Que n’ai-je pas fait là ! Hamid riait à gorge déployée et m’embrassa en jetant ses bras autour de mes épaules comme un reptile constricteur.

Moi, en essayant de le repousser, mais c’était peine perdue : « ne prenons pas de risque khoya »

Hamid : « aweddi khallik, koulch mektoub »

Moi : « kifech mektoub, ah non, là ça va pas. Le monde entier essaie de se protéger et toi tu me dis mektoub »

Hamid, qui avait perdu son sourire : « en’âl echittan, kayna aya dgoulek ta destinée est écrite quoi que tu fasses »

Moi : « alors suicide-toi directement si tu es contre la protection contre le danger du virus ! »

Un autre gars est intervenu après avoir insisté en me tendant la main « salam alikoum. Bon, je lui ai tendu la main, idem pour le troisième et également pour Kada.

Le gars : « ma ken walou si Mohamed. Si tu dois avoir peur c’est de Dieu seul, pas du corona. Hada el mard c’est Rabbi qui le veut, on n’y peut rien nous les humains. »

Moi : « tu ne crois pas à la Science, aux hommes de savoir ? »

Le gars : « ces gens sont mieux que Dieu ? »

Moi : « connais-tu ce verset ? “Sont-ils égaux, ceux qui savent et ceux qui ne savent pas ? ” Seuls les doués d’intelligence se rappellent. » (S 39)

Le gars : « Dieu est mieux que tout, il faut compter sur Dieu »

Moi : « et celui-ci tu connais ? ‘‘Iqra bismi rabbika elladi khalaqa…’’ » (S96), ya Sahbi, lis ! apprends au lieu de dire des conneries !

Le gars : « Koulch bel mektoub, Hamid te l’a dit. Ne t’immisce pas dans les affaire de Dieu, la cherk bi Allah.» (cherk = s’associer à Dieu…)

Moi: « quel cherk mon ami? Regarde bien (j’ai pris son verre de thé), si je verse sur la table la moitié du verre, c’est el mektoub? et si je décide de lancer ce même verre sur la tête d’un idiot c’est el mektoub ? Qu’est-ce que tu fais de ma responsabilité intime, de ma conscience ? »

Sur ce, j’ai fait un signe à Kada, je souhaitais lui parler en aparté. Je lui ai dit deux, trois mots et me suis excusé « lorsque tu es avec des types comme ça évite-moi la punition, s’il te plaît, c’est fatigant. »

Aux autres gars, j’ai prétexté un autre rendez-vous pour mieux les fuir. Pas possible quoi. Ça se passe à Marseille, chez Krimo Gambitta, mais cela se passe également ailleurs en l’an de grâce 2020 après Jésus Christ, au temps de la robotique et de l’intelligence artificielle. Je vous jure qu’il y a trente, quarante ans ici en France, cet échange n’aurait même pas pu être imaginé, c’est dire la régression.

Heureusement, j’avais une petite bouteille de gel hydro alcoolique dont j’ai utilisé la moitié (35 ml) pour purifier mes mains de leurs crasses ignorances. Dans la bibliothèque de l’Alcazar, avant de monter à l’étage Littérature, j’ai utilisé un mètre de Sopalin pour me nettoyer le visage.

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A.H_ Marseille, le 14 mars 2020.

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Les disparitions forcées durant les années 90

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Le 8 mars c’est aussi ça. Radio M (grand merci) consacre une émission aux disparitions forcées en Algérie. Un dossier parmi les grands tabous des années 90. Le silence sur cette question dramatique fut quasi total. C’est LE dossier noir de la presse publique et « indépendante » qui en fit le black out pendant des années, accusant les familles des disparus de « familles de terroristes » sans aucun autre jugement, au-delà du droit, au nom de l’éradication. Merci aux ONG internationales de défense des Droits de l’Homme, à la LADDH et aux valeureuses mères courages algériennes comme celles que nous voyons sur cette vidéo, ces « folles de mai » comme en Argentine, comme au Chili, comme en Afrique du Sud, etc. qui ont réussi à faire entendre au plus haut la voix des disparus forcés

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Un drame très peu évoqué dans les médias. Un roman publié en 2012 en a fait le cœur de son intrigue. Lisez ici : http://ahmedhanifi.com/la-folle-dalger/

Le Banc public

LE QUOTIDIEN D ORAN

25 MARS 2019

Le Banc public- Ceci n’est pas une mise au point

Par Kamel Daoud

Un pays est à venir. Il est aujourd’hui possible. Mais nous ne pouvons le construire ni par les radicalités intimes, ni par la reconduction des mœurs du Pouvoir, ni par ce nombrilisme populiste. Lui, le Régime, il aime contrôler les libertés, censurer, s’immiscer dans l’intime conviction, douter et faire douter de la bonne foi. On ne doit pas lui ressembler.
Internet nous a aidés à surmonter le manque de liberté, son impossibilité dans notre pays. Il a été l’instrument de notre triomphe.


On ne doit pas transformer cet outil en espace pour des tribunaux populaires qui s’installent et déjà jugent, condamnent, empoisonnent et lapident.


Aujourd’hui, certains ont prétendu que j’en suis venu à négocier avec un représentant du Régime sur le dos des manifestants. Comme si j’étais un politique, un élu, un chef de parti, un président ou un délégué qui a la possibilité de négocier ou de dialoguer.


J’en fus blessé mais j’ai refusé, par fierté, d’y répondre dans l’immédiat et sous l’injonction de l’affect ou des inquisiteurs. Parce que je n’aime pas me justifier, ni le faire croire, ni me soumettre aux ordres de quelques nouveaux commissaires politiques (je ne l’ai pas fait avec les anciens !). Et je n’ai rien à cacher, ni à me faire pardonner. Fier et libre et révolté. Ce que je vis, ce que je pense, je l’écris et depuis deux décennies. A l’époque des grands silences de certains. Dans mon droit à la singularité, à la différence ou à l’erreur.


Et si j’en parle aujourd’hui, dix jours après, c’est pour trois raisons.


D’abord, sur insistance d’amis, pour éclairer et aider à la lucidité : j’ai rencontré Brahimi Lakhdar à Sciences Po où j’enseigne et où il est bénévole, parfois. Deux fois. Et avant sa mission à Alger et bien sûr hors du cadre de ses consultations tentées et jamais abouti à Alger. Je suis libre de le faire, je ne suis ni représentant d’un mouvement, ni un politique, ni un chef de parti, mais journaliste et écrivain. Je rencontre qui je veux et quand je le décide. Si aujourd’hui au nom d’une révolution on veut me priver, par inquisitions et insultes, de ma liberté, c’est que ce n’est plus une révolution, mais une future dictature qui va seulement changer de personnel. Certains médias électroniques y versent déjà pour décrédibiliser des gens qui ne se casent pas dans leurs projets. Certains journaux électroniques en sont déjà à la diffamation après avoir excellé dans le chantage et le régionalisme pour obtenir l’argent des annonceurs.


Quant à moi, je fais mon métier, j’exerce ma vocation et ma liberté m’est essentielle, pour mes opinions, mes livres et mes chroniques et je n’en rends compte à personne, hier comme demain. J’ai écrit quand beaucoup se taisaient et je vais continuer à écrire alors que certains bavardent et lapident.

L’autre raison, est plus urgente : dénoncer ce climat qui s’installe ou se réveille en nous. Nous avons su entrevoir, dans le chant et la solidarité, la possibilité de vivre ensemble dans nos différences. C’est encore fragile et nous pouvons détruire cet espoir. Les tribunaux populaires d’internet, les insultes et la méfiance radicale envers la bonne foi possible sont un danger pour notre futur. Nous allons provoquer la rupture et l’hésitation chez ceux qui ne nous ont pas rejoints, à force de ce révisionnisme comique. De ces tribunaux rétroactifs sur les uns et les autres. La nouvelle république donnera leur place aux héros, aux fervents, aux militants, mais aussi à ses enfants qui reviennent à la raison, et ses femmes et hommes qui se sont trompés. La radicalité peut nous mener aux pelotons d’exécution. Pas à la Réconciliation.


Il nous faut cesser avec cela. Respecter la liberté, sous toutes ses formes, l’intimité des personnes, refuser l’inquisition et ne pas ressembler à ce Régime. Il n’y pas de vérité, il n’y a que des femmes et des hommes de bonne ou de mauvaise foi. Seuls les morts détiennent la vérité. Et elle leur est inutile. Et si cette révolution commence par ma pendaison, elle ne m’est pas utile, déjà.


Alors sauvons ce que nous n’avons pas encore vécu : la liberté de chacun, son droit de penser, écrire, vivre. Arrêtons avec ce doute et cette fabrication du traître. Arrêtons. Ou partons chacun de son côté. Qu’on en arrive à m’exiger ce que j’ai dit et ce que m’a dit cette personne est un scandale moral. La liberté et la sommation ne sont pas synonymes. Et si j’ai réussi à défendre ma liberté face à un régime et face à ses corruptions durant toute ma vie professionnelle, aujourd’hui je n’irais pas à me justifier devant des tribunaux derrière des écrans. Devant des radicalités anonymes ou devant les procès de quelques agités de l’ordre de mon métier.


Certains juges algériens en sont à se battre pour libérer la Justice de l’injustice et il faut les soutenir. Alors que des amateurs des réseaux se bousculent déjà pour mener les procès de ceux qui ne sont pas comme eux.


Ce pays je l’ai rêvé meilleur, par l’exigence sévère envers les miens et envers ma propre personne. Et je vais continuer. Comme depuis vingt ans.

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LE QUOTIDIEN D ORAN

19 MARS 2019

Le Banc public- C’est si nouveau pour nous que d’enfin choisir

Par Kamel Daoud

Le Mal est profond. En Algérie, on aime bien le dire, le penser.


Parfois, cette sentence exaspère, ou aboutit au fatalisme. Mais parfois, elle se révèle comme une occasion de dépassement. Aujourd’hui, les Algériens se retrouvent dans la rue, puissants, rassemblés, rieurs et heureux, comme plongés dans le vertige des retrouvailles. Et ils découvrent l’angoissante question du «politique» dont ils ont été depuis toujours dépossédés. Qui est qui ? Qui représente quoi ? Expérience de l’obligation de déléguer pour parler sans cacophonie, mais aussi d’accepter les différences. Le Pouvoir nous a habitué à la pensée unique, le parti unique et la non-pensée unique. Aujourd’hui, pour nous, la différence est inquiétante, nouvelle, angoissante et presque heureuse. On a l’intuition qu’être différent n’est pas être traître mais être riche. Mais cette intuition est encore fragile.

L’angoisse de la représentativité face au Régime, de l’obligation de trouver des «représentants», des porte-parole se heurte à la méfiance. Le Régime a depuis toujours fraudé, corrompu la notion d’élu et de délégué. Elle signifie, depuis des décennies, triche et trahison. Du coup, on en a peur. On veut continuer une Révolution mais sans accepter son aboutissement politique. «Il ne me représente pas» est l’autre slogan triste de «Dégagez». Pire encore, on est dans l’élan de l’absolu : on croit que celui qui va porter notre parole, aujourd’hui, va le faire à vie, pour toujours, alors qu’il s’agit seulement de délégation pour une transition. Une période fixe pour permettre de faire survivre l’Etat et la passion, au temps. La méfiance est de mise mais la transformer en loi est une impasse. On se retrouve, alors, tenté par l’exclusion au nom de l’unanimisme. Et pourtant nous sommes là dans nos différences. Et si nous devons déléguer, nous le ferons avec le prisme large de ces différences, pas avec l’idée de l’absolu et de l’exclusion. Aucun Algérien ne peut représenter toute cette révolution, mais certains peuvent aider à représenter certains de ses courants de fond, corporations, passions, régions, classe d’âge… etc. Il ne faut pas trop se hâter, mais cette voie nous aidera à apprendre ce qu’est le consensus tout en maintenant vives et riches nos différences. Un pays n’est pas la terre uniquement. C’est cet équilibre qui vous maintient debout ou vivant, entre les mille contradictions de l’apesanteur, de l’histoire, des langues et des cultures. Un pays, c’est un choix de vivre ensemble et pas un lot de terrain morcelé.

Cela fait donc peur cette question de la représentation et du soupçon, réveille la paranoïa, le doute sur la bonne foi des autres, le malheur. Et cela se comprend. Nous avons été soumis au conditionnement de ce régime depuis l’indépendance. Nous avons été dépossédés du choix si longtemps, qu’aujourd’hui il en devient angoisse. Nous avons été poussés à nous exclure, les uns les autres, au nom de beaucoup de choses et cela n’est pas facile à oublier.

Pourtant, la possibilité de guérison est là : il suffit juste de remplacer l’affect par la raison et le souci de ne pas être trahi, par le souci de ne pas trahir nos descendants.

Tant de choses à rétablir et à guérir : l’effort, le salaire, le corps, la confiance, la différence, le désir, l’acceptation, la souveraineté et la vraie, la grande réconciliation. Pas celle des milices et du Régime. Nous avons déjà montré que l’on peut marcher tous ensemble, on peut démontrer que nous pouvons continuer. Le ton peut paraître sentencieux, mais ce n’est pas le but. Le chroniqueur essaye juste d’apporter sa réflexion sur ce qui le concerne : le pays où il vit et où il mise sa vie et celle des siens et de ses enfants. Une réflexion pour empêcher une pente dangereuse : nous ne pouvons pas demander le départ du Régime et reconduire ses tares, ses cultures, sa méfiance, ses inquisitions, ses diffamations et son mépris. Nous ne devons plus ressembler à ces gens-là. Je me dis, avec imprudence, que peut-être, que chaque fois que nous devons faire un choix, examinons ce que fait ce Régime depuis toujours et faisons le contraire. Souvent.

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LE QUOTIDIEN D ORAN

11 MARS 2019

Le Banc public- Dissoudre le FLN pour le libérer

Par Kamel Daoud

«F LN dégage». C’est l’un des slogans majeurs de ce soulèvement des Algériens contre la Régence d’Alger. Des jeunes le criaient sous les murs du siège de ce parti, à Oran, ce premier Mars. Mais aussi partout dans le pays. On y retrouve l’envie de naître, renaître, retrouver Larbi Ben M’hidi sans passer par Ould-Abbès, se libérer des courtiers et des Saidani. Car le FLN a été volé, depuis longtemps, pris en otage, cambriolé et obligé à vivre par le faux et l’usage de faux. Ce parti, auteur d’une magnifique épopée de décolonisation, a fini en sigle pour manger mieux que les autres, grimper sur le dos des autres et parler en leur nom. Les décolonisateurs en chefs, ou ceux qui se revendiquent de ce statut, en ont fait un parti de nouveaux colons. Il faut libérer, donc, le FLN qui a libéré ce pays.

Comment ?

Par la dissolution. Immédiate, sans retard ni sursis. Dissoudre le FLN c’est le libérer, le restituer à la mémoire collective, à tous les Algériens. Il nous appartient, à tous et pas à un comité, un président d’honneur qui l’a déshonoré, ni à ces clowns cycliques que sont ses récents secrétaires généraux et ses comités centraux. Le FLN est un patrimoine, pas un club, ni une licence d’importation. C’est une mémoire, pas une veste et un pin’s. C’est une épopée, pas une autobiographie ou une association de malfaiteurs. Sauvons le FLN de ses kidnappeurs. Faisons-en un souvenir et pas une machine de fraude. Il faut aussi consommer la rupture avec les courtiers de notre mémoire : nous devons le respect à ceux qui se sont battus mais le ministère des Moudjahidine ne doit plus exister. Ni l’association de leurs fils, ni les autres appareils dentaires comme l’ONM, l’organisation nationale des Moudjahidines. Il faut arrêter le scandale immonde des fausses fiches communales.Fermer cette page. Cette population a le droit à des prises en charge, une pension, l’immense remerciement d’un peuple, a le droit à la mémoire et au respect, mais nous aussi. Il faut dissoudre cet apartheid, ce système des intouchables avec ses privilèges honteux. Ceux qui ont fait la guerre pour libérer ce pays n’ont pas le droit de transformer le pays en butin pour eux et leurs enfants. Nous avons libéré la rue, le drapeau, l’hymne et le vendredi, il reste à libérer la mémoire, le FLN, les nouveau-nés.

Tous les Algériens ont été, d’une manière ou d’une autre anciens moudjahidine. Tous sont enfants de martyrs. Tous sont FLN sans en faire une mangeoire, tous sont morts et tous sont vivants, tous sont égaux et il n’y a pas de privilège autre que celui de sa propre vertu et de son courage.

Fonder une deuxième république passe aussi par la libération du présent, de l’avenir et surtout, du passé.

Pour moi, c’est le premier pas. Le symbole fort d’une nouvelle époque.

C’est le signe radical d’une rupture saine et courageuse. En attendant un conseil national de transition, une assemblée constituante, une refonte de la gouvernance et un contrôle public direct sur les dépenses locales, l’armée, la gouvernance des wilayas, un haut conseil des Magistrats indépendant et autonome… etc.

Le FLN d’aujourd’hui est la liste exacte des gens qui ne doivent plus avoir de postes de responsabilité, dans ce pays, des personnes à écarter, des noms à ne jamais élire ni écouter, des visages à qui il ne faut plus jamais faire confiance.

Alors commençons.


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LE QUOTIDIEN D ORAN

04 MARS 2019

Le Banc public- Un terrifiant retour de la beauté

par Kamel DAOUD

Un peuple peut renaître. Peut mourir. C’est fragile, immense, rare et puissant, imprévisible. Nous étions longtemps morts. Corps gris, muscles défaits, cheveux dressés, regards durs sur soi et les siens, la peau en parchemin juste pour raconter le passé. Tout appartenait à ce Régime et nous étions sur sa terre à lui, hagards et tristes, indignés et en colère parce qu’indignes. Radicalisés ou démissionnaires. Tout était au Régime : l’arbre, la route, l’eau, les choses courantes, l’histoire, le verbe, la télé et le drapeau. Le seul territoire qui restait en dehors, un peu, de sa poigne cendreuse était Dieu ou le ciel ou Internet. Alors beaucoup allaient à la mosquée, ne la quittaient plus dans leur tête parce qu’il fallait remplacer la terre par le paradis, espérer encore malgré l’état des routes, croire en quelque chose, déplacer le souffle vers l’au-delà. A défaut d’un pays, un paradis. Pour certains c’était Internet. A défaut de vivre, regarder. Se regarder. Pour d’autre c’était la mer. Elle était un grand mur, une montagne, un maquis, une épreuve, un chemin. On plongeait dedans pour ressortir ailleurs. Il fallait retenir son souffle sous l’eau. Certains y arrivaient et ressortaient vivants. D’autres non, mourraient. La chaloupe était un endroit étrange : dès que des Algériens y embraquaient, dès qu’ils franchissaient les eaux territoriales, ils se mettaient à chanter et à rire. Regardez leurs vidéos : ce n’étaient plus des chaloupes, mais des salles de fêtes.

La chaloupe remplaçait la rue, l’espace, l’air et la salle des fêtes impossibles. La prière enjambait le temps. L’écran et les réseaux sociaux étaient le pays par défaut. Et tout le reste était le champ du Régime, ses dents, ses hommes minables et carnivores.


Aujourd’hui, cela s’inverse. La chaloupe devient la rue. On peut y danser et rire. Y respirer. Libérer le pays de la caste féodale de ceux qui croient qu’il est à eux et que nous y sommes en trop. Trop nombreux, violents, haineux et jaloux de leur immortalité.


Cela va-t-il durer, cette rue, cette liberté, cet espace, ce grand poumon ? Il faut faire attention. Ce régime ne partira pas facilement, il est haineux, méprisant et croit qu’il peut régler la question du sens par la matraque et la semoule. Il nous méprise. Il va manipuler, corrompre, ruser, attendre, frapper, tuer. Il ne faut pas se tromper sur sa nature, sa nature est mauvaise. Il a pris trop d’argent pour céder aussi facilement. Il a trop mangé et tué. Il nous faut aussi cesser la haine des élites. C’est une maladie du régime, pas la nôtre. L’élite n’est pas la trahison, mais la possibilité d’éclairage, d’aide, d’union. Ils nous ont appris à détester l’élite, à la mépriser, à la croire traître et faible. Depuis la guerre de libération, et jusqu’à aujourd’hui. Le 22 février et le 01 mars n’ont été possibles que parce que, des années durant, certains ont maintenu vivante l’idée d’être libre, l’idée d’être digne.


On peut être dépossédé de cet élan ? Comme en Égypte ou en Tunisie ? Oui. Mais on peut aussi rester vigilant, car ce qui s’est passé dans ces deux pays, nous l’avons connu il y a vingt ans. Il y a vingt ans nous avons subi le vol de la démocratie comme en Égypte, la guerre comme en Syrie, le complot comme en Tunisie, le cauchemar du chaos possible comme il advint en Libye. Nous avons vingt ans d’avance et d’expérience. Cela ne garantit rien, mais rend possible de sortir de ce cercle vicieux qui tue et fait s’agenouiller les bonnes volontés.


Nous allons céder devant Bouteflika & Cie ? Si nous le faisons, nous sommes morts pour toujours. Le Régime pourra nous faire élire un âne ou même un crachat. Nous serions alors les serfs et nos enfants après nous.


Il faut donc accentuer, aller vers la grève, le sit-in permanent, la résistance pacifique, la vigilance accrue pour contrer ses médias en mode chiens de service. Il faut avancer. Démissionner de l’APN et du FCE pour les plus honnêtes. Libérer le FLN et le rendre à l’histoire et le séparer de l’alimentation générale. Contrer l’argument fallacieux de «il a le droit de se porter candidat». Oui, s’il était vivant, en bonne santé et dans un système électoral sain. Pas en mode photo. Pour retirer un chèque il faut la présence de l’intéressé, disent les internautes, et pas pour gouverner un pays ?

Passons. Un peuple peut mourir. Nous le savons tous. Nous sortons tous d’un cimetière qui avait un drapeau. Nous avons le corps désarticulé, le teint pâle. Nous les avions jusqu’à ces dernières semaines. Nous nous sommes fait volé l’indépendance et le 1er novembre. Il ne faut pas se faire voler le 01 mars. Il faut continuer. Ils ont eu droit à soixante ans de dictature et de rapine, nous avons droit à des années de protestation et de joie.


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LE QUOTIDIEN D ORAN

26 MARS 2018

Le Banc public- Un rêve simple et pratique

par Kamel DAOUD

«…Rares sont les journées heureuses. Elles valent mille ans au décompte. Ou plus. Hier ce pays  était beau comme réconciliation. Des milliers d’Algériens candidats à la Omra ou au Hadj ont rendu leurs «passeports spéciaux» et se sont fait rembourser. «L’argent est pour vivre, pas pour tuer», a titré Echourouk. Ce journal comme tant d’autres, a fait campagne pour que les devises algériennes restent dans le pays, aillent aux écoles, à financer des lunettes ou à faire manger les migrants subsahariens. «Le cœur peut être noir, pas la peau», ont crié des manifestants solidaires avec les errants de nos rues. Des milliers d’Algériens ont préféré donner leur argent à ces passants du continent qu’aux familles royales saoudiennes. «Dieu est partout et pas seulement en Arabie», ont expliqué des imams. L’argent réuni ainsi a servi à financer des campagnes de vaccination, d’hygiène dentaire, à achever des chantiers de piscines dans les Hauts Plateaux et à former les femmes dans les villages à exercer un métier au lieu d’attendre des coups. «La femme n’est pas la moitié de l’homme, mais la moitié du pays, la moitié de l’économie, la moitié de notre futur, la moitié de notre armée et la moitié de notre produit intérieur brut», a conclu le cheikh Abou, cheikh qui a compris qu’un sac vide ne tient pas debout, même avec cinq prières chaque jour.

C’est que le pays a changé. L’Algérie a retrouvé sa vocation ancienne d’être du côté des spoliés et des endoloris, la Mecque des colonisés. Dans presque tous les villages, il y a eu des rassemblements pour soutenir les Yéménites, les Kurdes, les Nigérianes kidnappées par Boko Haram, etc. «Nous sommes avec la Palestine, mais aussi avec les enfants tués au Yémen ou les gosses bombardés par Erdogan au Kurdistan». Pas de distinction dans la compassion. «C’est quoi la différence entre un enfant tué en Syrie ou à Gaza ? Aucune. Alors mon cœur n’est pas raciste. Ce n’est pas parce qu’on est noir qu’on n’est pas palestinien», expliquera un jeune enseignant à Bougtob. Nous avons connu la guerre et la mort et nous savons qu’ils sont les mêmes, partout. Des associations ont appelé à des dons et le gouvernent a autorisé un immense rassemblement à Alger pour dénoncer les victimes au Yémen et au Tibet. Pas seulement en Palestine. Des partis conservateurs et islamistes ont même soutenu des campagnes de nettoyage des rues et villages, des appels au devoir écologique : «Aller au paradis ne veut pas dire fabriquer un enfer pour nos enfants», a crié un leader islamiste, soutenant l’imam de la Mosquée d’Alger qui avait appelé les fidèles à faire des ablutions, une fois par mois, au pays au lieu d’en faire cinq par jour pour eux-mêmes. Des campagnes pour «une heure de plus est une zakat» ou «travailler c’est aussi prier» ont été lancées aussi, incitant les fonctionnaires de l’Etat à faire du volontariat et à assurer les horaires pour lesquels ils perçoivent un salaire. «Une heure de volontariat pour un fonctionnaire, ce n’est rien et cela vaut mieux qu’une fatwa, qu’une prière surérogatoire, une ablution, ou que le temps d’un café», expliquera un Algérien sur la radio. Des leaders de partis islamistes et du FLN ainsi que du RND ont décidé de s’investir dans le mouvement associatif bénévole au sud algérien et de scolariser leurs enfants dans les villes du Sud pour mieux comprendre le sud algérien, ses carences et ses besoins. «Un an de ma vie» est le slogan de cette gouvernance tournante. Chaque ministre est soumis à cette loi solidaire. En service civil.

Un vent de révolutions : à l’aéroport, les policiers sourient et ne disent plus «passes !» avec colère et mépris, mais disent «Bienvenue au pays ! Vous pouvez passer s’il vous plaît !». Les Algériens refusent d’utiliser le sachet bleu pour leurs achats : «La tête est une poubelle, pas le pays», lit-on sur les pare-brises des voitures. Les écrivains algériens ne sont pas insultés mais enseignés, dans leurs différences et leurs révoltes, dans les manuels scolaires. Pour la première fois depuis l’indépendance, le nombre de PME/PMI a dépassé celui des mosquées et des salles de loisirs ont été financées par des particuliers pour aider les jeunes à ne pas se pendre aux cordes, aux chaloupes, aux minarets ou aux drogues. Les Kabyles ne sont pas traités comme des Kurdes et les Kurdes ne sont pas traités comme des champignons. L’arabité n’est plus une matraque mais une arabesque. L’islam a été déclaré religion universelle, ouverte au monde. L’âge officiel de l’Histoire algérienne a été reconnu comme de trois mille ans ou plus et ne commence pas seulement en 1954 ou 1830. «L’identité c’est travailler, pas se souvenir», a clamé un célèbre présentateur TV à Alger, surprenant ses invités venus expliquer qu’ils «sont arabes, arabes, arabes !» en criant comme des hystériques. Le pays bouge ! Il n’attend pas que le régime lui donne à manger ou lui redonne le pays. «Le régime c’est nous !» a expliqué un célèbre chroniqueur qui ne jette plus ses mégots dans la rue.

Oui, un vent de changement. Il n’y a qu’à méditer le chiffre des baguettes de pain qui ne sont plus jetées dans les poubelles : 20 millions de baguettes par jour il y a un an, presque trois mille par jour aujourd’hui. Des gens sont morts, durant la Guerre de libération, pour qu’on ait du pain, pas pour qu’on le jette. Quelqu’un l’a dit. On s’en est souvenu. Tout le monde le pense aujourd’hui.

Un jour qui vaut mille ans. Chaque baguette vaut onze martyrs et demi de la Guerre de libération. Dans les écoles, on enseigne à compter, écrire, parler dix langues, penser même en dormant, dessiner et nettoyer les classes et les lieux comme des Japonais. Il y a eu un consensus soudain et inattendu. Tous ont compris qu’il fallait arrêter de tuer les enfants et de les manger chaque jour. Personne ne parle de la CIA, d’Israël et du Mossad pour se laver les mains d’avoir jeté sa poubelle en pleine rue. La France ? «La guerre est finie. On ne veut pas être français, on veut être mieux. On ne lui demande pas des excuses car nous avons vaincu. On demandera des excuses à nos enfants, car nous n’avons pas tout réussi». Ce discours est resté dans les mémoires. C’étaient les derniers mots du dernier moudjahid véritable, certifié vrai. Avec photos et blessures sur la peau du dos. Oui, mille ans. J’ai déjeuné à Tunis, j’ai dîné au Maroc, je suis passé par Alger pour serrer une main. En une seule nuit. Le Maghreb est un train, pas une crevasse. «Que Dieu nous pardonne : il nous a donné une terre, nous avons voulu en faire un trou pour chacun», murmura un ancien cadre du MALG. Que dire d’autre ? Le pays a changé en une nuit sacrée, en un jour long. D’un coup. Chacun a compris qu’il est responsable de tout, lui, pas un autre. Que c’est à cause de lui qu’on a été colonisés depuis mille ans, qu’on a de mauvaises routes et qu’on ne marche pas sur la lune. Chacun a compris qu’il est responsable de tout ce qui s’est passé avant même sa naissance car la preuve est que sa naissance n’a servi à rien depuis qu’il est né. Chacun a saisi le sens angoissant de sa liberté et de sa responsabilité. De chaque acte qu’il fait depuis son éveil, à sa mort, de chaque dinar dépensé, chaque baguette de pain jetée.

Le régime c’est nous, nous c’est «je» et chacun est fautif de ce qui advient au pays. «Moi», pas les mille autres…»
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LE QUOTIDIEN D ORAN

19 MARS 2018

Le Banc public- S’acheter une île dans sa tête

par Kamel DAOUD

Il neige à Paris. Cela provoque un curieux effet ces flocons qui tombent sur des pierres et des monuments. Des lions en fer, à un rond-point, mouillés par des blancheurs, luisants et immobilisés dès la naissance. Ponts qui traversent des champs de dentelle, des affiches aux couleurs chaudes et des passants aux pas prudents. A l’hôtel, rencontre avec des documentaristes canadiens qui font un film sur Raïf Badaoui. Ce jeune Saoudien, condamné à 1000 coups de fouet et dix ans de prison en Arabie. Le monde l’oublie peu à peu. La mode est pour le nouvel homme fort qui veut « réformer ». Le blogueur a ce malheur d’être le prisonnier le plus faible de l’homme le plus fort. Personne n’y peut rien : l’Arabie est trop riche, achète beaucoup à l’Occident. « Ne trouvez-vous pas paradoxal que le nouveau prince héritier soit plus réformateur que Badaoui lui-même mais qu’il le maintienne en prison ? », me dit l’intervieweur. Vrai. C’est le propre du politique : décapiter l’opposant pour le remercier, quelques années plus tard, pour ses idées. Ce que j’en pense ? « Le prince devrait réformer les prisons : libérer Raïf qui appelle à la vie et mettre en prison ceux qui ont appelé à la mort, chez eux, chez nous, partout dans le monde ». Libérer Raïf est la meilleure preuve que peut apporter ce prince quant à ses intentions de réformer. C’est loin, c’est flou, cela n’a aucun lien avec nos pains et nos villages en Algérie, ni avec le 5ème mandat, mais il fallait en parler, le rappeler. L’Arabie ce sont trente mille hadjis algériens et un prisonnier condamné à 1000 coups de fouet et dix ans de prison. Et que chacun décide en son âme et conscience.



Dans la rue, encore la neige qui cède à l’eau dès qu’elle touche au sol. Question qui taraude : comment « parler » en Occident ? Quels mots dire pour à la fois ne pas être dans le spectacle de l’opposant, ni dans la complicité du crime contre le sens chez soi, avec les siens ? Faut-il se taire sur nos sorts, nos misères et nos lâchetés pour ne pas « faire le jeu de… » ? Ou parler, quitte à être insulté comme traître pour avoir brisé l’omerta postcoloniale ? La vérité est qu’on est témoin de son époque, ou son complice. C’est lent, laborieux, parfois agaçant, mais il faut trouver les mots justes, dénoncer, dire. L’Occident veut entendre certaines paroles et pas d’autres ? J’en profite pour lui dire des mots qu’il ne veut pas entendre aussi. Mais la neige est si belle qu’elle ressemble à une métaphysique apaisée. Pourquoi alors ne pas écrire des contes, des livres, acheter une île dans sa propre tête, cultiver l’apesanteur et voyager jusqu’au sommaire final du monde, sa dernière page ? Parce que ce n’est pas aussi simple que de plier des bagages. Il faut avoir la conscience apaisée, et celle du siècle ne l’est pas. Il faut voyager léger et donc s’acquitter de son devoir de témoin, de lutteur et de refuznik de son époque. Il faut que la prison change de lieu et de camps : elle ira enfermer ceux qui tuent, appellent aux meurtres dans les prêches ou les discours, ceux qui avilissent l’homme ou le sens de l’humain, poussent aux radicalismes qui tuent et à marcher sur le corps du plus faible ; et il faut que la liberté soit le royaume des Raïf et des autres qui veulent juste marcher sous la neige, choisir un dieu ou une route, embrasser sans l’intermédiaire d’un courtier, et travailler pour que le pain soit comme l’air, partout. Vœux naïfs ?

Oui, mais bon Dieu à quoi s’accrocher sinon ? Que vaut une vie si elle n’a pas un chant muet à l’oreille ?


Ces mots magnifiques et durs d’Asli Erdogan que je vais voir l’après-midi. Dans « Le silence même n’est plus à toi », la Turque, fière et libre, écrira : « l’écriture, comme cri, naissant avec le cri… une écriture à même de susciter un grand cri qui recouvrirait toute l’immensité de l’univers… Qui aurait assez de souffle pour hurler à l’infini, pour ressusciter tous les morts… Quel mot peut reprendre et apaiser le cri de ces enfants arméniens jetés à la fosse ? Quels mots pour être le ferment d’un monde nouveau, d’un autre monde où tout retrouverait son sens véritable, sur les cendres de celui-ci ? Les limites de l’écriture, limites qui ne peuvent être franchies sans incendie, sans désintégration, sans retour à la cendre, aux os et au silence… si loin qu’elle puisse s’aventurer dans le pays des morts, l’écriture n’en ramènera jamais un seul. Si longtemps puisse-t-elle hanter les corridors, jamais elle n’ouvrira les verrous des cellules de torture. Si elle se risque à pénétrer dans les camps de concentration où les condamnés furent pendus aux portes décorées et rehaussées de maximes, elle pressent qu’elle n’en ressortira plus. Et si elle en revient pour pouvoir le raconter, ce sera au prix de l’abandon d’elle-même, en arrière, là-bas, derrière les barbelés infranchissables… Face à la mort, elle porte tous les masques qu’elle peut trouver. Lorsqu’elle essaie de résonner depuis le gouffre qui sépare les bourreaux des victimes, ce n’est que sa propre voix qu’elle entend, des mots qui s’étouffent avant même d’atteindre l’autre bord, avant les rives de la réalité et de l’avenir… la plupart du temps, elle choisit de rester à une distance relativement sûre, se contentant peut-être, pour la surmonter, de la responsabilité du “témoignage”… ».

Mais qu’y peut-on ? Que reste-t-il quand on n’a même plus le courage d’être témoin ? De l’indignité. Contrairement à l’argent et au reste, elle peut vous poursuivre dans la tombe.

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LE QUOTIDIEN D ORAN

12 MARS 2018

Le Banc public- L’angoisse des chaussures neuves qui n’ont pas de routes

par Kamel DAOUD

Question obsédante : pourquoi on a peur de la différence ? On répète que c’est à cause de la mer : tout ce qui est différent nous vient de la mer et tout ce qui nous est venu par la mer nous a tué, blessé, colonisé, spolié. Ottomans, Français, Romains…etc. La différence est le signe avant-coureur de l’agression. Du coup, on n’aime pas la différence. On n’aime pas les autres (Français, Marocains, Maliens, Mauritaniens, Tunisiens, Libyens… etc.), on n’aime pas la pensée différente, l’idée qui diffère, l’Autre. Le soupçon s’étend même à la notion du pluriel : enfants de la guerre unique, née de l’histoire unique, aboutissant au parti unique, on continue dans cette voie qui nous évite le poids du monde et la naissance au monde. Nous nous rêvons, alors, unis, uniques, soudés, uniformes. Cela va du religieux à la politique, à la culture. Le différent est toujours accusé d’être traite, agent, venu d’ailleurs ou travaillant pour l’ennemi. Cela frappe tout de la méfiance et colorie le monde en gris et nuit.


Du coup l’unanimisme nous a fabriqué une seconde nature de violence. On l’exerce dès qu’un esprit, un leader ou un assis ou un croyant veut exprimer une différence. L’unité nous obsède jusqu’à la catastrophe actuelle de la gouvernance. Et la paranoïa carie notre regard sur le monde que l’on accuse de tous nos malheurs.


L’unanime est fascinant : enfermant, refus de vivre, réclusion, pathologie de l’universel, exacerbation du particulier. Nous sommes nous. En entier, en un seul morceau et indifféremment jusqu’à en étouffer. Celui qui veut respirer ne peut le faire que s’il part ou s’il meurt ou épouse une calotte glacière et un méridien. Nous nous voulons en bloc, dans l’étreinte du dominé et dominant, incapables de partage et de cohabitation. Tout est un. Le reste c’est zéro. Nation binaire. Ou même pas.


Et tout ce qui est différent du Un majeur, est une menace. Alors on le pourchasse et on le tue. On ne peut débattre, tolérer les champs des différences, sortir de l’unanime sans se faire lyncher. Le mouvement est inacceptable car il remet en cause le principe fondateur de cette nation : nous sommes le tout. Il n’y a pas d’individu, de différence ou de droit de différence. La règle n’est pas de dire «je ne suis pas d’accord avec vous car je pense différemment», mais «je ne suis pas d’accord avec vous, donc vous êtes un traître, je vous tue». Vous êtes un impie. Un agent de la main étrangère. Un vendu. Il nous faut TOUS soutenir la Palestine par exemple. Celui qui fait sienne la cause des enfants tués au Yémen est un traître. Vous devez soutenir, d’ailleurs, la Palestine, non pas selon ce que vous pensez (construire une nation souveraine et forte) mais selon moi : marcher en rond, cracher sur celui qui ne pense pas comme moi (mais qui n’a pas d’armes pour répondre), puis renter chez moi et attendre le prochain tour de piste des enthousiasmes. La guerre d’Algérie ? C’est selon une unique version. Elle s’étend dans les journaux, récit ravageur et soucieux, s’impose dans le film, les discours, les manuels. Celui qui n’est pas dans le casting de cette orthodoxie est un traître. L’histoire algérienne commence en 1830 (fondée donc non par notre mémoire mais par l’invasion française !! La France, se retrouvant au centre de nos datations est donc fondatrice de notre histoire, à la place de nos ancêtres !). La religion ? C’est selon «je» qui parle au nom du «nous». «Et si je pense autrement ?», Je te tue. L’Islam c’est moi car je suis le musulman. «mais vous n’êtes qu’une personne, vous ne vivez pas être une religion?». Non, les deux sont un et ce «un» c’est moi.

Je t’insulte d’abord en puisant dans la poubelle pour l’insulte et dans un verset pour me donner du courage. Le reste du monde ? C’est un ennemi composé des sionistes, de la France, la CIA et toi. Mais c’est simpliste comme vision ? Et notre responsabilité dans le présent de notre pays ? Non, cela est de ta faute à toi, comme le séisme est la faute de la jupe et la saleté est la faute d’Israël. Et les langues ? Elles sont à nous toutes ? «Une seule». Sacrée, venue du ciel et marchant pieds nus dans les mosquées, pure et dure. Les autres langues sont des dialectes, c’est-à-dire des blabla, c’est-à-dire des croassements, des restes de la France, des stratégies pour nous affaiblir, des impiétés, des expressions des phalanges de la colonisation qui n’ont pas été rapatriées. La langue c’est l’arabe et l’arabe c’est l’Islam et l’Islam c’est Dieu et Dieu c’est moi. Pas d’issue. Sauf l’échine courbée.

Et l’Algérie ? Elle est à nous c’est-à-dire moi. Je suis son fils unique, son ancêtre, son chef et son peuple. Je suis le peuple. Nous sommes «je» et je suis tout. Il n’y a qu’un seul drapeau et c’est ma coupe de cheveux. Je déteste la femme belle mais je la veux, la France est un ennemi mais je veux y vivre, l’Islam c’est moi, la langue arabe est la langue du paradis, j’irai au paradis alors pourquoi me fatiguer à le construire chez moi ? Je prie et le Chinois travaille et l’Occidental invente, et le reste du monde doit se convertir. Je suis Tout. Eternité, arabité, unanimité, café et thé et tu es le contraire. L’adversaire donc. L’ennemi, évidemment.


Pourquoi avons-nous peur de la différence ? Parce que nous ne sommes pas solides, nous sommes fragiles, peureux, impuissants devant la lourde variété du monde. Nous sommes dans le repli. Alors tout est à nos yeux invasions, néo- colonisations, traîtrises, menaces, peurs, agressions. Nous en devenons violents par la force du déni. Nous tuons car c’est le versant le moins fatiguant du suicide. Et le plus lâche. Nous ne voyageons pas et on ne laisse personne, presque, venir chez nous. C’est une philosophie et pas seulement une question de visa que les étrangers peinent à obtenir. Nous sommes une île sous une veste qui sur le dos d’une personne qui tourne le dos à tous, y compris à elle-même. Fiers que nous sommes. Parce que depuis l’indépendance nous avons, tous, des chaussures. Mais pas de routes qui vont vers le monde. Alors nous insultons. Nous nous insultons dans l’étreinte de nos paniques.

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LE QUOTIDIEN D ORAN

05 MARS 2018

Le Banc public- Oran, Mostaganem… : on déteste ce pays !

par Kamel DAOUD

A Mostaganem, à l’ouest du pays, un bidonville tout neuf. Il s’est installé, là, entre nuit et lune, sur un terrain agricole à l’entrée sud de la ville. C’est l’effet d’appel de la rente et des logements sociaux. C’est la nouvelle méthode de chantage au social. Le régime « tient » la population par la promesse de logement, il en obtient votes et soumission; les demandeurs « tiennent » le régime par la demande de logement gratuit, le bidonville et les constructions illicites ou le blocage des routes. Juste à côté, une immense mosquée, hideuse, en deux ou trois étages. C’est la troisième donne de l’équation algérienne : le religieux comme occupation de l’espace, de l’esprit, du bras, avant-bras, tête et vision du monde.


La ville de Mostaganem, ses villages, sont devenus d’une saleté repoussante. Il n’y a qu’à s’y promener pour en avoir le cœur en semelle. On compare alors, sans cesse, la mémoire de l’enfance et le champ traversé de sachets en plastique, de déchets de chantiers. Et revient cette interrogation métaphysique : pourquoi ce peuple construit des mosquées partout, à bras-le-corps, sans esthétique ni architecture, et ne s’occupe ni de la saleté ni du travail, de la justice ou de la légalité, de l’école et de donner des noms aux étoiles ? Il y a une mosquée inachevée chaque cent mètres presque et surtout près des plages, dernier lieu de refuge du corps et de son droit au bronzage. Bien sûr, on va crier à l’impiété du chroniqueur parce qu’il parle de hideur des mosquées, de leur surnombre comparé aux entreprises, usines et fabriques, de l’insouciance face à l’écologie mais de l’obsession face au rite. C’est chose habituelle et facile de se réfugier derrière le dogme pour ne pas avoir à assumer le réel et de lyncher le premier qui parle de nos défaites. Et pourtant, il faut le dire : il y a trop de mosquées monstrueuses, construites n’importe comment, partout, sans arts ni utilité, destinées au vide et à apaiser les consciences. Et il n’y pas d’entreprises, de campagne pour un pays vert et propre, pour la santé de nos enfants, les loisirs, la joie et la vie. Triste tableau des villages traversés où s’adosser au mur et regarder la route est le seul pendant à la prière aveugle et hâtive. Eucalyptus coupés, stationnement en mode chamelle et pagaille et visages soupçonneux. Le pays est sans bonheur. Au village natal du chroniqueur, une grande salle au centre : « la salle des fêtes ». On s’en sert uniquement pour les obsèques et enterrements. Cela résume tout.


En ville, à Mostaganem, de même qu’à Oran, la nouvelle mode : des affichettes sous les « feux rouges » qui vous appellent à consacrer le temps de l’attente à la prière et au repentir. On rêve alors d’un pays où on appelle à ne pas jeter ses poubelles par les vitres de sa voiture, où on appelle à ne pas salir et cracher, insulter et honnir, qualifier de traître toute personne différente et ne pas accuser les femmes en jupes de provoquer les séismes. On rêve de respect de la vie, des vies. Mais ce n’est plus le but de la nation. La nation veut mourir pour mieux vivre dans l’au-delà, plutôt que construire un pays, une souveraineté, une puissance. On rêve de prier et de mourir. On rêve de mosquées à chaque dix pas pour ne pas avoir à faire dix pas debout sur ses propres jambes. On rêve que Dieu fasse la pluie, les courses du marché, la guerre, la paix, la santé, les hôpitaux, la Palestine, les victoires, les récoltes et les labours, pendant qu’on regarde descendre du ciel des tables garnies. On ne rêve pas, on attend, pendant que les Chinois travaillent. Les Turcs l’ont bien compris au demeurant : ils ont offert à Oran une grosse mosquée (encore une autre tout près de celle de Ben Badis) et se sont fait offrir une gigantesque entreprise de rond à béton. Les Turcs ont offert une mosquée, pas un hôpital, pas une école de formation pour le transfert du savoir-faire, pas une université. Non, juste une mosquée. Nous, on va prier et eux vont construire leur puissance.


Ces mosquées sont construites dans une sorte de zèle, parfois par des hommes d’affaires soucieux de se blanchir les os et le capital. Elles sont laides comme celle construite en haut de Santa Cruz, à Oran, servant juste à sanctifier un promoteur oranais, indécente de disgrâce et de pauvreté. Elles sont partout et le travail et le muscle ne sont nulle part. Et pourtant, on laisse faire l’affiche et l’architecte idiot. On ne demande pas d’autorisation, on n’a pas la foi sourcilleuse et la légalité en alerte. Aucun administrateur n’aura le courage de s’y opposer. On en aura pour fermer des locaux d’associations féministes à Oran. Là, le DRAG a du zèle en guise de courage et de la puissance. On a de la vaillance pour fermer deux églises car c’est plus facile, c’est du djihad et de la bravoure. On prétextera des agréments qu’on refuse de donner et de la fermeté qu’on n’a pas devant les affichages illégaux. Une question de muraille et de courte muraille selon nos proverbes.

Le mauvais goût national


On rêve. Je rêve de ce moment où on aura une entreprise algérienne chaque dix mètres, un appel à respecter la propreté de ce pays sous chaque feu rouge, une loi qui aura la même force face à une association de défense des droits de femmes que face à une zaouïa servile ou une mosquée clandestine ou une association islamiste. On rêve d’un pays, pas d’une salle d’attente qui attend l’au-delà pour jouir du gazon au lieu de le nourrir ici, sous nos pays, pour nous et nos enfants. On rêve et on retient, tellement difficilement, ce cri du cœur : pourquoi avoir tant combattu pour ce pays pour, à la fin, le maltraiter si durement ? Pourquoi avoir poussé nos héros à mourir pour transformer la terre sacrée en une poubelle ouverte ? Pourquoi avoir rêvé de liberté pour en arriver à couper les arbres et inonder le pays de sachets en plastique ?



Retour. Encore des villages, des moitiés de villes aux constructions inachevées, des hideurs architecturales, entre pagodes, bunkers, fenêtres étroites alors que le ciel est vaste, ciments nus, immeubles érigés sur des terres agricoles au nom du « social », urbanisme de la dévastation. La crise algérienne, sa douleur se voit sur ses murs, son urbanisme catastrophique, son irrespect de la nature. Les années 90 ont été un massacre par la pierre et le ciment. Le « social » des années 2000 a consommé le désastre. Au fond, nous voulons tous mourir. Camper puis plier bagage. C’est tout.

Arrivée près d’une plage à Mers El Hadjadj. Plage d’une saleté repoussante, inconcevable. On comprend, on a l’intuition d’une volonté malsaine de détruire les bords de mer, le lieu du corps et de la nature et de le masquer par des minarets et des prières. Car il y a désormais une mosquée à chaque plage. Insidieuse culpabilisation. Egouts en plein air. Odeurs nauséabondes. On conclut à une volonté nette de détruire ce pays et de le remplacer par une sorte de nomadisme nonchalant. Non, c’est une évidence : on n’aime pas ce pays, on s’y venge de je ne sais quel mal intime. Tout le prouve : la pollution, le manque de sens écologique, l’urbanisme monstrueux, la saleté, les écoles où on enterre nos enfants et leurs âmes neuves pour en faire des zombies obsédés par l’au-delà. Oui, c’est une volonté, on veut tuer cette terre. Et pendant ce meurtre, on ne trouve rien de mieux à faire que de s’attaquer à deux associations féministes à Oran. Bousculades, mots dans la tête, le cœur qui a mal, la main qui tremble sur le clavier. Tellement mal après juste une balade le long d’une route côtière. A revisiter les villages de son enfance devenus des cités-dortoirs et de mosquées défouloirs, des décharges publiques aux arbres coupés. Mais où est notre rêve de puissance et de liberté ? Pourquoi on veut tous mourir pour aller au paradis en fabricant un enfer pour nos descendants ? Pourquoi on veut tous construire des mosquées et pas un pays ? D’où vient cette maladie qui nous a conduits à nous tuer, tuer nos différences, tuer nos enfants qui ne sont pas encore nés et tuer le temps ?


Oran. La ville s’étend vers l’Est et mange ses terres et ses récoltes. Immeubles en cohortes. Procession vers le vide. Cannibalisme de la terre. Il y a de l’irréparable dans l’air. Près d’une cité-dortoir, sous un feu rouge, la même affiche « occupe ton attente par la prière ! » Le pays est une grande mosquée construite par des Chinois, meublée par l’Occident, ravagée par les racines et destinée à surveiller le corps et la lune. On y prie pendant que les Turcs travaillent, le monde creuse et conquiert, les nations se disputent les airs et les cieux.

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CORONAVIRUS _ COVID.19

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VOICI UN EXCELLENT ARTICLE DU PROFESSEUR EN INFECTIOLOGIE AÏT HAMOUDA RABAH PARU SUR FACEBOOK CE JOUR, Dimanche 15 MARS 2020

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De la grandeur d’un peuple 

L’histoire nous apprend que l’humanité a de tout temps été confrontée à des périls, conflictuels, sanitaires, cataclysmiques ou tout autre. Des civilisations combien dominantes ont disparu, d’autres ont été marquées au fer rouge et d’autres ne se sont jamais relevées. Il y a des peuples qui subissent l’histoire et d’autres qui écrivent leur nom dans le livre de l’Histoire.

Je n’ai aucune intention de rentrer et m’embourber dans un débat politique mais en tant que citoyen algérien, médecin, professeur en infectiologie directement concerné et impliqué dans la riposte à cette menace sanitaire mondiale, je ne peux en mon âme et conscience me contenter de surfer sur la toile ou zapper de plateaux en plateaux et puis me mettre sous une couette en me disant ‘’ je ne suis pas concerné, c’est aux autres de se débrouiller’’. Il est temps que chacun, à son niveau, prenne ses responsabilités et une des miennes est d’apporter dans cette contribution des éléments de réflexion et de lever certaines équivoques. 

1) De quoi s’agit-il et que sait-on ? 

Le 29 décembre 2019, A Wuhan, une ville de Chine de 11.000.000 habitants, trois cas de pneumonie ont été notifiés aux autorités sanitaires, dont un décès. Le China-CDC (C-CDC, centre de contrôle des maladies de Chine, organisme chargé de l’étude des maladies) établit un rapport entre les cas et la fréquentation d’un marché où l’on vend des animaux à consommer. Tous les examens recherchant 22 agents pathogènes habituels responsables de pneumonies ont été négatifs. Fort de l’expérience passée en 2002-2003 avec l’épidémie SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère dû à un virus des chauves-souris qui a touché 8.000 personnes) à Guangdong au Vietnam, le C-CDC a orienté les recherches dans ce sens. Rapidement un virus appartenant à la famille des coronavirus a été isolé. 

Les coronavirus sont des virus animaux connus depuis 1930 par les vétérinaires, et en 1960, des variants ont été identifiés chez l’homme ; ce sont les ‘’Human-coronavirus’’ au nombre de quatre circulant continuellement dans la population provoquant des ‘’rhumes’’ banals sans mortalité.  
A ces quatre ‘’gentils’’ virus, viennent s’ajouter deux autres cousins plus méchants et plus morbides provoquant des infections respiratoires graves, souvent mortelles :

• Le premier est apparu en 2002-2003 Guangdong au Vietnam affectant 8.000 personnes dont 623 décès. Ce virus dénommé ‘’SRAS-CoV’’ (Coronavirus du Syndrome Respiratoire Aigu Sévère) n’est plus en circulation.

 • Le deuxième apparait en 2012 au Moyen-Orient (Arabie Saoudite), appelé MERS-CoV (Middle-East Respiratory Syndrome cornavirus) touchant entre 2012-2019, 2.458 personnes dont 845 décès et toujours en circulation actuellement au Moyen-Orient.

• Et puis ce troisième, l’actuel qui fait la une et qui vient de conquérir le monde et qu’on dénomme ‘’SRAS-CoV2’’. La pathologie respiratoire qu’il provoque s’appelle COVID-19 (COronaVirus Infected Disease, ou maladie du coronavirus)

Ces virus sont fragiles dans le milieu extérieur et sont détruits par les désinfectants habituels comme l’alcool, l’hypochlorite de sodium (eau de javel), les détergents et autres. Ils sont doués d’une grande capacité de mutation qui leur permet d’être plus virulents et de pouvoir à l’occasion passer d’une espèce animale à une autre. Ce nouveau virus a muté trois fois déjà depuis décembre 2019.

Ces trois nouveaux virus sont zoonotiques c’est-à-dire d’origine animale comme beaucoup d’autres (Ebola en Afrique équatoriale, Nipah et Hendra au sud-est asiatique, en Australie).

 L’animal qui les héberge de façon naturelle et pérenne sont des grandes chauves-souris frugivores qui n’existent pas chez nous et le cycle biologique de survie du virus se fait entre-elles. A un moment donné, quand l’occasion se présente, ces virus peuvent passer de la chauve-souris à l’homme. C’est ce qu’on appelle ‘’le franchissement de la barrière inter-espèces’’ qui est un mécanisme très complexe et long à réussir nécessitant des mutations successives qui consistent à ‘’se fabriquer’’ pour faire simple, une clé d’entrée chez l’homme. Ce franchissement se fait rarement directement, mais plutôt en empruntant un chemin détourné par passage d’abord chez un animal proche de l’homme qui devient de ce fait un hôte intermédiaire. Pour le SRAS 2003, c’était un mustélidé, la genette, pour le MERS-CoV c’est le dromadaire et pour ce nouveau venu on suspecte le pangolin, un mammifère recouvert d’écailles.

Ce nouveau virus a muté, il s’est fabriqué la clé et a franchi la barrière en passant chez l’homme : il a réussi son émergence en provoquant une pandémie mondiale c’est-à-dire sortir du foyer originel et circuler dans plusieurs continents devenant une menace sanitaire mondiale. Nul besoin de parler des chiffres galopants qui font la une de tous les médias.

2) Comment se transmet ce virus ?

Ces virus respiratoires se transmettent très facilement par les aérosols de gouttelettes que nous dégageons en parlant, en toussant, en éternuant, en embrassant un parent et nous on aime bien s’embrasser, mais également par le partage d’ustensiles au repas (verre, fourchettes, et la fameuse cuillère que l’on goûte avant de la donner à son bébé ou sa grand-mère) ; ce qui explique que la transmission est de ‘’type rapprochée’’ à moins d’un mètre, la promiscuité et le comportement en sont un facteur déterminant. Pour s’en prévenir, il faut simplement tousser, éternuer et se moucher dans un mouchoir à jeter, ou sur le pli du coude fléchi mais jamais dans les mains, car les mains souillées sont très dangereuses.

En effet, les mains que nous souillons lors de l’effort de toux, d’éternuement ou de mouchage sont un vecteur de transmission très facile et très dangereux. Avec mes mains souillées de mes gouttelettes, je vais contaminer la main de mon copain, d’un parent, la poignée de la porte, la rampe de bus ou de métro, le clavier de mon PC ou mon Smartphone et il suffirait pour mon parent, copain ou ami de porter sa main souillée par mon passage au visage, au nez, aux yeux pour être contaminé. D’où la recommandation de se laver les mains fréquemment et au moins 20 secondes avec du savon liquide et de s’essuyer avec une serviette en papier jetable. La solution hydroalcoolique n’est pas un savon et elle n’a d’efficacité que si les mains sont propres, elle sert à désinfecter et non à laver. 

Le malade est contagieux avant même les signes cliniques et peut le rester plus longtemps c’est pour cette raison que l’isolement est nécessaire jusqu’à négativation des examens. Certains ne présentent pas de signes et sont dits asymptomatiques ou peu-symptomatiques. Ces personnes infectées, transmettent le virus à leurs amis, leurs parents, sans le savoir. 
En faisant simple, pour être contaminé, il faut récolter des postillons de toux, d’éternuements etc.), avoir été en contact physique (embrassade, poignée de main, manipulation d’objets souillés par des mains souillées) ou partager un espace de proximité fermé de transport (avion bus, taxi) ou de vie (classe d’école, cinéma, chambre,) ou ouvert (rassemblent de personnes dans la rue, les stades, les lieux de cultes. C’est pour cette raison que l’on prend des mesures de restrictions de mouvements, d’habitude de vie aboutissant au confinement d’une ville comme Wuhan, une région comme le nord de l’Italie, et annuler la Omra.

3) Quels sont les signes et quelle est la gravité de la maladie ?

Après une incubation (temps écoulé entre la pénétration du virus dans l’organisme et le début de la maladie) estimée à 2-14 jours, le malade va présenter : 

• Dans 80% des cas des symptômes banals d’infection respiratoire avec une fièvre, une toux sèche pénible, des courbatures, une fatigue. Quelques fois, les signes sont tellement légers qu’on n’y prête même pas attention. Ces cas sont les plus dangereux dans la transmission dans une population car ils négligent la maladie, ne consultent pas et souvent ne prennent pas de précautions. Ils continuent à embrasser les autres, à aller à la mosquée, à d’autres rassemblements de famille ou de travail ou autres et disséminent de façon innocente la maladie.

• Dans 15% des cas une forme sévère avec une pneumonie.

• Dans 5% des cas une forme grave avec atteinte de plusieurs organes engageant le pronostic vital. 
• Et dans 2.3% entraîner la mort.

Ces formes graves s’observent essentiellement chez des personnes âgées, ou personnes avec ou cumulant des comorbidités, maladies chroniques telles que le diabète, les maladies cardiovasculaires, les broncho-pneumopathies chroniques liées au tabac ou autres, les personnes en immunodépression etc.

4) Comment fait-on le diagnostic ?

Le diagnostic de certitude est fait par la recherche de nucléotides viraux (des traces de matériel génétique) par la technique dite RT-PCR au niveau d’un prélèvement souvent nasopharyngé. Chez le malade, on introduit dans le fond du nez une tige portant un dispositif pour prélever les secrétions que l’on met ensuite dans un milieu de transport et que l’on adresse à l’institut Pasteur d’Algérie (IPA) qui est le Centre National de Référence (CNR). Bientôt d’autres antennes de l’IPA seront ouvertes dans plusieurs grandes villes d’Algérie.

5) Comment est organisée la prise en charge ?

Dès l’annonce de l’alerte par l’OMS, le MSPRH a réactivé le dispositif ayant servi pour le SRAS en 2003 et pour la grippe A/H1N1 dite ‘’porcine’’ en 2009. Des instructions portant sur la maladie, son diagnostic, sa prise en charge ont été diffusées aux différents responsables de la santé. Ainsi des centres référents ont été désignés dans chaque ville avec des structures d’isolement et de traitement. Les services d’infectiologie, de pneumologie ou de médecine interne et de réanimation ont été chargés de la prise en charge, les services d’épidémiologie pour les enquêtes, la surveillance, la notification et le suivi et l’Institut Pasteur pour le diagnostic. 
Par ailleurs, je pense qu’il est très important au cours des épidémies d’anticiper les événements à venir ; ce qui se passe en France et surtout en Italie nous enseigne de façon simple et caricaturale le déroulement sournois et quelque fois explosif des épidémies ; car avec les moyens dont ils disposent et l’adhésion de la population, ils arrivent tous juste à freiner l’épidémie. Les mesures draconiennes décrétées par les gouvernants, appliquées et respectée par la population en Chine et à Singapour ont permis d’éteindre l’incendie. C’est pour cette raison que l’adhésion de la population en termes d’écoute, d’application des recommandations est un prérequis indispensable dans la lutte.

 
Il est clair que si jamais la situation venait à empirer, et il faut toujours anticiper et avoir cette hypothèse en tête, un redéploiement des structures et des personnels publics et privés seraient étudié.
Quant au traitement, à ce jour, il n’a pas été proposé de façon consensuelle de traitement spécifique contre ce virus par les organisations internationales. Des essais avec des molécules antivirales et autres ont été tentés en sauvetage en Chine avec des résultats jugés prometteurs. Des essais sont actuellement en cours en France. Quant à nous, nous ne pouvons nous inscrire que dans ce qui est validé par les organisations internationales.

Pour le vaccin, plusieurs laboratoires et institutions s’y attellent et quel qu’en soit le résultat, le produit doit passer par les trois phases d’immunogénicité, de tolérance et de protection ; ce qui va demander du temps.

6) Alors, où en est-on ?

Le monde est devenu un village, la globalisation n’est pas uniquement économique ou commerciale, elle l’est également dans la dispersion des agents pathogènes, des résistances bactériennes. Ainsi, l’effet papillon ‘’le battement d’aile d’un papillon à Honolulu peut provoquer un ouragan au Texas’’ vient encore d’être d’actualité.

Comme tout le reste du monde, l’Algérie n’est pas à l’abri des phénomènes microbiologiques mondiaux et le croire c’est faire preuve de crédulité.

 Avec un trafic aérien intercontinental, une grande communauté établie à l’étranger, un mouvement de population permanent pour des raisons commerciales, touristiques ou autres, il était évident et attendu que ce virus finisse un jour par s’introduire chez nous. 
Malgré les mesures-barrières de dépistage aéroportuaire au demeurant scientifiquement et pratiquement peu suffisantes pour repérer des cas en introduction (cas asymptomatique, fausse déclaration de santé, et tous les cas importés de Chine en Europe sont passés à travers les mailles du dispositif aéroportuaire), le premier cas importé a été diagnostiqué chez un étranger travaillant dans un champ pétrolier et je tiens ici à féliciter le ou les médecins qui ne sont pas passé à côté du cas. Dans ces situations d’alerte sanitaire, la veille comme système de détection est impérative. Bravo Docteur, vous méritez une médaille.

Secondairement un cluster familial a été détecté à Boufarik à l’occasion d’un rassemblement familial provoqué par un parent venant de France. D’autres personnes, des algériens en provenance d’Espagne, de France ont également été diagnostiqués. Actuellement, le MSPRH fait état de 48 cas notifiés avec quatre décès. La plupart des cas ont été enregistrés dans la wilaya de Blida, d’autres décrits à Guelma, Skikda, Alger, Mascara.

Par ailleurs, ceux qui me connaissent vous diront que je ne suis pas du genre à caresser dans le sens du poil mais il faut reconnaitre qu’un effort juste et appréciable en communication a été fait par notre autorité de santé. Contrairement à ce que nous avons l’habitude de vivre lors des épidémies précédentes, nous avons chaque jour un état de la situation, des messages de prévention en boucle, des débats sur plateaux, une ouverture de portails-web des organismes concernés (IPA, MSPRH, INSP). C’est la première fois que nous disposons d’un numéro-vert pour répondre aux soucis des patients. Il restera à exploiter d’autres espaces de communication comme le web car tout le monde surfe sur Google, Facebook ou YouTube ou autres et peu suivent les écrans télé. De jeunes blouses blanches, des étudiants ont crée des pages d’informations scientifiques comme le ‘‘Collège des Infectiologues d’Algérie’’, le ‘‘Réseau des Épidémiologistes Algériens’’, ‘‘Formation Médicale Continue’’, ‘‘Avis-doc’’, ‘‘Je suis Médecin’’ pour ne citer que ceux-là. Ils constituent un réseau d’information de sensibilisation et d’alerte qui méritent d’être accompagnés.

7) Quel est l’impact de cette épidémie ?

a) Impact sociétal : au départ quand l’épidémie était concentrée en Chine, les communautés chinoises installées ailleurs ont été victimes de stigmatisation, de rejet et tous les commerces chinois ont vu leur chiffre d’affaire baisser.

b) Impact économique : je ne suis pas expert en la matière mais il est clairement annoncé que l’économie mondiale a subit un choc sans précédent. Le prix du baril de pétrole est au plus bas. La Chine est un pays-usine où beaucoup de sociétés étrangères ont élu domicile. Le confinement régional, l’arrêt des transports ont provoqué une panne dans les circuits de production.

 c) La mésinformation virale : Le monde est devenu une page ouverte, l’information circule 24h/24h et plus la peine d’aller la chercher ailleurs, elle s’impose dans votre tablette, votre Smartphone souvent d’origine chinoise d’ailleurs !! 

La mésinformation c’est-à-dire la diffusion d’informations fausses, insuffisantes, tendancieuses est aussi vieille que l’homme ; elle accompagne ou remplace la rumeur dont le but principal, volontaire ou non, malveillant ou innocent est de créer le doute vis-à-vis d’une information officielle. Cette mésinformation est distillée par une nébuleuse qui écume la toile avec des vidéos virales. Ce phénomène est devenu dangereux et épidémique au point où l’OMS classe la mésinformation comme une des dix menaces sanitaires du 21e siècle. Dans cette nébuleuse, on y trouve des scientifiques antivaccins, des anti-pharma, des conspirationnistes et du n’importe-quoi jusqu’au marabout et le garçon du café d’en face qui découvre ‘‘Eureka’’ sur le flacon de la solution hydroalcoolique fabriqué en 2014 que ce produit agit sur plusieurs bactéries et virus dont les coronavirus. Le raccourci est vite emprunté, si c’est mentionné en 2014 donc le virus corona existait déjà, alors nous en parler maintenant, c’est vite compris comme une manipulation grossière pour vendre des médicaments déjà prêts.

Beaucoup jouent sur l’ignorance et sur la fibre religieuse. Il n’y rien de plus mortel que l’ignorance. Je dis toujours à mes étudiants, ‘‘Quand le savoir est accessible, l’ignorance devient un crime’’.

D’autres, parlent de complot ourdis par des uns et des autres pour casser l’économie chinoise, réduire la population mondiale, briser l’union européenne, se débarrasser des musulmans en faisant fuiter par inadvertance ou par malveillance un virus d’un laboratoire chinois. 
Qu’à cela ne tienne, je réponds toujours de la même façon : ‘‘vous habitez un village entouré de forêt, un incendie se déclare vous passeriez votre temps à réfléchir qui a allumé le feu et dans quel but ou essayer de sauver votre village, votre maison et votre famille ?’’ 

Le fait est là, le virus est chez nous comme il est chez tous les autres, alors que faire ? Continuer à faire la sourde oreille en restant dans la suspicion et la désobéissance ? Nous risquons de le payer très cher car les virus n’ont pas de sentiments et ne reconnaissent aucune frontière et chaque fois qu’une occasion leur est donnée ils en profitent et se répandent. Survivre, muter et se répandre est une des lois de la conservation des espèces.

Loin de moi l’idée de jouer au plus nationaliste que les autres, au plus patriote que les autres, ou être compris comme un ‘‘actionné’’ ; je voudrai simplement exprimer mon avis de citoyen interpellé par cette menace sanitaire et qui est du domaine de ma qualification d’infectiologue. Je suis issu de l’école algérienne, de l’université algérienne, je suis au crépuscule de ma vie professionnelle et il me fait mal de voir mon pays prendre un risque inutile. 

Il y a des peuples qui subissent l’histoire et d’autres qui écrivent leur nom dans le livre de l’Histoire. L’Algérie a écrit son nom dans le livre de l’Histoire. 

Depuis des millénaires elle a fait face et survécu aux différentes invasions, aux différentes crises internationales, à la famine, aux pestilences, aux épidémies. Elle a de tout temps payé le prix de sa survie dans le sang, dans la douleur et les larmes. Peu de pays seraient restés debout.
Depuis une année, le mouvement citoyen ‘‘Hirak’’, porté par des jeunes, des femmes, des enfants, des personnes âgées, des étudiants, ouvriers, chômeurs clame dans la rue un changement. Ce mouvement a stupéfait le monde entier par son originalité de non-violence, sa ‘‘Silmya’’, témoin d’une conscience sans égal. Il a survécu sans fléchir ni se disloquer. Il est libre à chacun de participer à un rassemblement de rue pour exprimer ses idées, il doit assumer le risque de s’exposer à une contagion, il en payera le prix ou il fera payer le prix à ses enfants, sa mère ou ses grands-parents. L’OMS insiste sur les risques de propagation du virus corona encourus lors des rassemblements de personnes. 

Ce mouvement avec cette conscience extraordinaire qui lui a permis de tenir une année dans la ‘‘silmya’’ peut trouver une alternative d’expression sans faire prendre de risques aux personnes, sans aboutir à la promulgation de l’état d’urgence sanitaire et sans provoquer une catastrophe sanitaire. 

Il n’en sera que grandi car c’est dans ces moments que se mesure la grandeur des peuples.
L’ Histoire a une grande mémoire.

AÏT HAMOUDA RABAH, Professeur en infectiologie

Batna, 15 mars 2020

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Qu’est-ce qu’un coronavirus ? | AFP Animé – 20 janvier 2020

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« Sur ce site Web, vous trouverez des informations et des conseils de l’OMS concernant la flambée actuelle de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) qui a été signalée pour la première fois à Wuhan, en Chine, le 31 décembre 2019. Nous vous invitons à visiter cette page pour consulter les mises à jour quotidiennes.

L’OMS travaille en étroite collaboration avec les experts mondiaux, les gouvernements et les partenaires pour élargir rapidement les connaissances scientifiques sur ce nouveau virus, suivre la propagation et la virulence du virus, et donner des conseils aux pays et aux individus sur les mesures à prendre pour protéger la santé et empêcher la propagation de cette flambée. »

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EN ALGÉRIE

Le Monde, Par Zahra Chenaoui Publié aujourd’hui à 13h00 (mardi 3 mars 2020)

L’Algérie se mobilise face aux trois cas de Covid-19

Après un travailleur italien d’une base gazière, les autorités ont annoncé dimanche que deux femmes ayant reçu la visite de proches résidant en France sont positives au virus.

A l’heure du déjeuner, masque sur le visage, les travailleurs récupèrent un sac contenant un repas individuel. Sur la base de vie saharienne de Menzel Ledjmet Est, où la compagnie nationale algérienne Sonatrach et une filiale de l’entreprise italienne ENI exploitent du gaz, à plus de 1 000 kilomètres au sud d’Alger, la salle de restauration collective est désormais fermée pour éviter les regroupements.

C’est ici que le premier cas de coronavirus a été identifié. Le 25 février, le ministre de la santé algérien, Abderahmane Benbouzid, a annoncé au journal télévisé qu’un Italien, originaire de Lombardie, l’une des zones les plus touchées en Italie, salarié d’ENI et arrivé sur la base le 18 février, était « confirmé positif ». L’homme a été isolé pendant quatre jours dans la base de vie avant d’être rapatrié en Italie par un avion d’AIitalia. Les travailleurs ont eux aussi été confinés.

Parallèlement, les autorités algériennes ont lancé un appel, au lendemain de l’annonce, pour retrouver les passagers du vol Milan-Rome-Alger du 17 février. Dans la ville de Tizi Ouzou, au nord du pays, trois salariés de la base de Menzel Ledjmet Est, en congés, se sont présentés à l’hôpital, affirmant avoir travaillé avec l’Italien contaminé. Ils ont été placés en isolement, puis libérés, après que les prélèvements effectués « se sont avérés négatifs à toute contamination au Covid-19 », selon un communiqué du CHU de la ville.

« Hospitalisation corona »

Dimanche 1er mars, le bilan s’établit à trois cas. Un communiqué du ministère de la santé annonce qu’une femme de 53 ans et sa fille de 24 ans sont « confirmées positives » dans la région de Blida, au sud de la capitale. Comment ont-elles été contaminées ? Deux membres de leur famille, résidant en France, sont venus passer une semaine de vacances en Algérie. C’est lors de l’enquête épidémiologique qui a suivi l’hospitalisation, en France, de ces deux patients, que ces deux femmes ont été approchées par les équipes médicales alors qu’elles ne présentaient aucun symptôme.

A Alger, un étage de l’hôpital El Kettar est désormais réservé à l’isolement de cas suspects. Sur les portes rouges, des feuilles A4 portant la mention « Hospitalisation corona » sont affichées. Des soignants apportent un stock de thermomètres. Une dame habillée d’un long manteau vert demande sa route et s’approche de la porte avant d’être interceptée par une jeune femme : « Vous êtes sûre que vous voulez entrer ? Ici, il y a le corona. Il vaut mieux attendre. »

A l’étage du dessous, des patients sont hospitalisés au service infectieux. Et l’entrée est la même, ce qui ne rassure pas Leïla, la parente d’un patient. « Mais j’ai un proche hospitalisé, il faut bien que je lui apporte à manger. Quand j’ai vu les agents de l’accueil avec des masques, je me suis demandée s’il fallait que j’arrête de venir. Finalement, je me lave bien les mains en rentrant chez moi et j’espère que ça ira », tente de se convaincre la visiteuse.

La panique ne semble pas l’emporter

Dans le pays, la mobilisation est importante. Dimanche 1er mars, le président Abdelmadjid Tebboune a présidé une réunion du Haut-Conseil de sécurité où il a appelé à maintenir « un haut degré de vigilance et une mobilisation active », selon l’agence officielle APS. Dans les médias privés comme publics, des responsables répètent les mesures de prévention. Des médecins publient des vidéos sur les réseaux sociaux pour rassurer l’opinion. Dans les hôpitaux, des masques et des blouses de protection ont été distribués aux personnels, et des affiches informatives sur les mesures d’hygiène ont été placardées sur les murs des services d’urgence.

Le ministère de la santé a par ailleurs affirmé avoir réuni les fabricants de masques pour s’enquérir de leur stock et pour leur demander qu’ils « cessent toute vente et toute exportation pour que cela reste disponible pour l’Etat algérien ». Jeudi 27 février, Air Algérie, qui avait déjà suspendu ses vols vers la Chine, a annoncé qu’elle suspendait également ceux à destination de l’Arabie saoudite, alors que 100 000 Algériens étaient enregistrés pour la Omra, le pèlerinage à la Mecque qui se fait tout au long de l’année.

En dépit de cette série de mesure, la panique ne semble pas, pour l’heure, l’emporter. « Je ne suis pas trop inquiet, explique Hafidh, 40 ans. C’est une maladie qu’on ne voit pas pour l’instant. Mais je surveille quand même les informations à la télévision », poursuit-il, vigilent malgré tout. Certains craignent cependant que la situation ne se complique si le nombre de cas vient à augmenter, du fait de la fragilité du système de santé public, au sein duquel les mouvements de protestation des personnels ont été réguliers ces dernières années.

En attendant, lundi 2 mars, le vol régulier d’Air Algérie en provenance de Pékin a atterri à Alger, avec plus d’une centaine de passagers à bord, après avoir été suspendu pendant un mois, sans aucune explication officielle.

Zahra Chenaoui (Alger, correspondance)

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EN FRANCE

Au 03/03/20, à 13h, la situation épidémiologique nationale fait état de 204 cas confirmés. Ces cas confirmés sont rapportés dans 12 régions en métropole avec au moins un cas confirmé : Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Bretagne, Grand-Est, Hauts de France, Ile-de-France, Normandie, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Pays de la Loire, Provence Côte d’Azur et Guadeloupe.

Trois décès ont été rapportés en France depuis le 14/02/2020 : un homme de 81 ans diagnostiqué fin janvier 2020, qui était hospitalisé à Paris ; un homme de 60 ans diagnostiqué fin février 2020 hospitalisé à Paris ; et une femme de 89 ans diagnostiquée début mars, hospitalisée dans les Hauts-de-France.

Caractéristiques des cas, COVID-19, France, 02/03/20, 12h (source : Santé publique France)

1126 cas investigués dont : 178 (16%) cas confirmés, 815 (72%) cas exclus, 133 (12%) cas en cours d’investigation ; parmi les 178 cas confirmés : 99 hommes, 79 femmes, et âge médian : 51 ans (cas âgés de 1 à 92 ans). 
La mise à jour de la définition de cas avec l’ajout des régions italiennes dans la liste des zones d’exposition à risque a été suivie d’une augmentation du nombre de signalements de cas possibles chez des personnes de retour de ces régions.

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LIRE AUSSI in Wikipédia:

CORONAVIRUS

« Une nouvelle forme de syndrome respiratoire, analogue au SRAS, est apparue à Wuhan (province du Hubei, Chine) début décembre 2019. Cette pneumonie, appelée maladie à coronavirus 2019, est due au SARS-CoV-2, un nouveau coronavirus13,14. En janvier 2020, le virus a été nommé provisoirement 2019-nCoV, puis en février définitivement SARS-CoV-2.

La maladie est apparue chez des clients et les commerçants du marché aux poissons de Huanan à Wuhan (où l’on vend aussi des oiseaux, des serpents et des lapins). Elle est d’origine animale et se transmet entre êtres humains15. Le 31 janvier 2020, on constate que le bilan s’alourdit sur 9 776 cas de contamination, la Chine enregistre du début de l’épidémie au 8 février 2020 – 722 décès, épicentre de l’épidémie16. La contagion se répand dans le monde, notamment dans des pays asiatiques, européens, océaniques et en Amérique du Nord : le 29 janvier 2020 plus de 6 000 personnes se retrouvent infectées. L’épidémie devient ainsi plus importante que l’épidémie de SRAS, en 200317. Le jeudi 30 janvier au soir, l’Organisation mondiale de la Santé a décrété l’urgence de santé mondiale. Cette mesure n’avait été décrétée que cinq fois depuis sa création : pour Ebola (deux fois), la grippe H1N1, Zika et la poliomyélite. En date du 2 mars 2020, le cap de 90 000 cas et de 3 000 décès a été franchi. »

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Notes : 13_ (en) Parham Habibzadeh et Emily K. Stoneman, « The Novel Coronavirus: A Bird’s Eye View », The International Journal of Occupational and Environmental Medicine, vol. 11, no 2,‎ 5 février 2020, p. 65–71 (ISSN 2008-6520 et 2008-6814, DOI 10.15171/ijoem.2020.1921, lire en ligne [archive], consulté le 5 février 2020)

14_  (en) Jon Cohen et Dennis Normile, « New SARS-like virus in China triggers alarm », Science, vol. 367, no 6475,‎ 17 janvier 2020, p. 234-235 (DOI 10.1126/science.367.6475.234) .

15_ (en) « China confirms people-to-people transmission of new coronavirus (state media) » (archive), sur France 24, 20 janvier 2020 (consulté le 20 janvier 2020)

16_ « EN DIRECT- Coronavirus: avec 5974 personnes touchées, le nombre d’infections en Chine dépasse celui du SRAS (archive), sur LCI (consulté le 29 janvier 2020)

17_ « Coronavirus: plus de 6000 cas confirmés dans le monde, le nombre d’infections en Chine dépasse celui du Sras (archive), sur L’Obs (consulté le 25 février 2020)

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L’article dans sa totalité, ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Coronavirus

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SITUATION AU 10 MARS:

CLIQUER ICI POUR VOIR LA VIDÉO_ SITUATION AU 10 MARS EN FRANCE___

ET: In: sante.journaldesfemmes.fr/maladies/ [Mise à jour le mardi 10 mars à 12h57]

CORONAVIRUS – Près de 115 000 personnes contaminées par le coronavirus dans le monde, plus de 4000 morts et une épidémie qui avance à grande vitesse en Italie où tout le pays est confiné. En France, plus de 1400 cas et 30 morts sont recensés. Morbihan, Loire, Paris, Ile-de-France… Liste des villes touchées, âge des décès, test coronavirus…

 L’épidémie de coronavirus Covid-19 avance à grande vitesse. L’ensemble de la population italienne est désormais confinée puisque l‘Italie est le deuxième pays du monde le plus touché. Dans le monde, près de 115 000 contaminations sont comptabilisées et plus de 4000 personnes sont mortes. En France, selon le dernier point de Santé Publique France, 1412 cas de coronavirus sont recensés et 30 décès. Il y a 7 regroupements de cas (Bourgogne-Franche-Comté, Haut-Rhin, Morbihan, Oise, Grand Est, Haute-Savoie, Ile-de-France) et un nouveau regroupement en Corse avec 38 cas. Il est recommandé d’éviter les visites aux personnes âgées, tout particulièrement celles des enfants de moins de 15 ans ou des personnes présentant des symptômes ou malades. Dans les établissements de santé, les visites sont limitées à une personne par patient. Les mineurs et les personnes malades ne doivent pas rendre visite aux personnes hospitalisées, y compris en maternité. Comment se protéger pour éviter la transmission ? Est-ce un virus dangereux? Quel est l’âge des personnes décédées en France ? En quoi consiste la quarantaine ? Peut-on toujours voyager ? Comment ne pas céder à la psychose ? Le point en direct. 

Dernières infos en direct :

  • Après la confirmation de 6 nouveaux cas positifs au coronavirus dans l’Aude (14 contaminations au total), tous les établissements scolaires à Quillan et trois écoles de Lézignan-Corbières sont fermés depuis ce mardi 10 mars matin. Les rassemblements sont également limités.
  • En raison d’une possible contamination, Patrick Strzoda, le directeur de cabinet d’Emmanuel Macron, doit rester confiné chez lui et télétravailler, indique l’Élysée. Il devra être testé au coronavirus dans la journée.
  • Le 9 mars, l’ARS a confirmé le cas d’une enseignante de l’école élémentaire Les Sablons de Poissy dans les Yvelines testée positive au coronavirus. L’établissement est fermé jusqu’au 22 mars.
  • Morbihan : 55 cas confirmés dans le département le 9 mars dont une personne décédée, un homme de 92 ans. 4 nouveaux cas confirmés viennent s’ajouter à ceux déjà recensés dans la zone de circulation active du virus constituée par les clusters d’Auray-Crac’h-Brec’h-Carnac-Saint-Philibert-Saint-Anne-d’Auray et de Saint-Pierre Quiberon. 4 nouveaux cas confirmés sont apparus dans plusieurs communes du Morbihan, à Pluvigner, à Plumergat et à Plouharnel.
  • Le ministre de la Culture Franck Riester est testé positif au coronavirus mais s’est dit « en forme » le 9 mars.
  • Une classe de CE2 a été fermée à Paris jusqu’au 17 mars, à l’école élémentaire Blomet du 15e arrondissement. Une élève de 8 ans a été diagnostiquée positive au coronavirus, confirme l’ARS Ile-de-France ce 9 mars : « L’état de l’enfant n’inspire aucune inquiétude. » précise-t-elle dans son communiqué.
  • Un employé du parc Disneyland Paris a été testé positif au coronavirus. Il travaille à la maintenance, dans les équipes de nuit et n’a pas été en contact avec le public selon la direction du parc de loisirs (qui reste ouvert).
  • Le Musée du Louvre a décidé lundi de réguler ses entrées. Seuls les visiteurs munis d’un e-billet et ceux bénéficiant d’une entrée gratuite sont autorisés à y rentrer.
  • Cinq députés français sont infectés par le coronavirus.
  • Le ministre de la Santé Olivier Véran a annoncé l’interdiction de rassemblements de plus de 1000 personnes, sauf les manifestations, les concours ou « le recours aux transports en commun ».
  • 72 cas confirmés de coronavirus en région Paca le 9 mars : 22 personnes dans les Alpes-Maritimes, 25 personnes dans les Bouches-du-Rhône, 12 personnes dans les Hautes-Alpes, 9 personnes dans le Var, 3 personnes dans le Vaucluse et 1 dans les Alpes-de-Haute-Provence.
  • Un cas de coronavirus a été diagnostiqué en Essonne chez un enseignant du lycée Geoffroy Saint-Hilaire d’Etampes. Il a été contact avec un participant du rassemblement religieux de Mulhouse où plusieurs cas de Covid-19 ont été confirmés. Dans un communiqué du 8 mars, l’Académie de Versailles demande aux élèves de certaines classes de rester chez eux jusqu’au 18 mars.
  • 26 cas de coronavirus sont confirmés en Pays de Loire lundi 9 mars dont 4 patients guéris. 8 mars, selon le dernier bulletin de l’ARS :  5 en Sarthe, 4 en Vendée, 8 en Loire-Atlantique, 6 en Maine-et-Loire, 1 en Mayenne et 1 personne hospitalisée dans les Pays de la Loire mais originaire d’une autre région.
  • La ville d’Ajaccio en Corse a été classée en « cluster » (foyer de contagion) dimanche 8 mars. La préfecture de Corse annonce que tous les établissements scolaires d’Ajaccio vont rester fermés deux semaines. Environ 10.000 élèves de 32 écoles, 5 collèges et 5 lycées vont devoir rester chez eux.
  • Les prélèvements pour les tests de dépistage du coronavirus sont désormais réalisables par les laboratoires de ville. 
  • AccorHotels Arena annule tous ses concerts jusqu’au 31 mai sur ordre de la Préfecture de Police de Paris à cause du coronavirus. 24 concerts y sont annulés et seront reportés à des dates ultérieures.
  • Le gouvernement français publie un décret autorisant les pharmacies à fabriquer du gel hydro-alcoolique.
  • La France a engagé le niveau 1 du plan blanc (plan de mobilisation interne), ce qui met tous les hôpitaux en tension pour préparer et anticiper le niveau 2, ainsi que pour mettre en place rapidement des moyens matériel, logistiques et humains indispensables en cas d’afflux de patients dans l’établissement hospitalier. 
  • La France a déclenché le plan bleu dans les Ehpad (Etablissement Hébergeant des Personnes Agées Dépendantes) le 6 mars. Le principe est le même que dans les hôpitaux : le chef d’établissement doit permettre « la mise en oeuvre rapide et cohérente des moyens indispensables pour faire face efficacement à une situation exceptionnelle ». Le plan bleu peut induire notamment « le confinement des résidents, usagers et personnels ; l’évacuation des résidents, usagers et personnels ».
  • Le décret portant sur l’application de prix plafonds des gels hydro-alcooliques est paru le 6 mars au Journal Officiel, et vaut jusqu’au 31 mai 2020. Dorénavant, les contenants à 50 ml ne pourront être vendus plus de 2 euros et les contenants de 100 ml 3 euros maximum. 
  • Le Préfet du Val-d’Oise interdit les rassemblements de toute nature en milieu clos (concerts, salons, expositions, réunions publiques, manifestations culturelles ou sportives, exercice des cultes, …) jusqu’au 20 mars 2020 inclus.

Coronavirus en France : 1412 personnes ont été contaminées

Le virus est désormais présent dans toutes les régions de France métropolitaines et dans trois régions d’Outre-mer (Guadeloupe, Martinique et Guyane). Les cas de contamination au coronavirus en France sont portés à 1412 au lundi 9 mars. Parmi les cas confirmés et isolés :

  • 25 sont décédés : 15 hommes et 10 femmes, 21 personnes de plus de 70 ans ou présentaient des co-morbidités.
  • 66 cas graves.

> En savoir plus sur le profil-type des victimes

Face à l’augmentation des cas en France, le gouvernement a décidé d’annuler tous les événements de plus de 1000 personnes et de fermer des écoles dans certaines villes de l’Oise et de Haute-Savoie, particulièrement touchées par l’épidémie. La France est dans le stade 2 de l’épidémie, c’est-à-dire que le virus circule mais pas sur l’intégralité du territoire. L’objectif est toujours de freiner la diffusion du virus et de protéger les zones non ou peu touchées avec près de 160 établissements de santé mobilisés. Les autorités recommandent de reporter les voyages non indispensables surtout hors de l’Union européenne. Les personnes les plus fragiles sont les plus âgées, atteintes de pathologies chroniques, immuno-déprimées.

• Où sont localisés les cas en France ?

Toutes les régions françaises sont touchées par le coronavirus. Celles qui rapportent au moins 10 cas sont : Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne Franche-Comté, Bretagne, Grand Est, Ile-de-France, Hauts-de-France.

7 regroupements de cas ont été observés :

  • Oise (Crépy-en-Valois / Creil / Vaumoise, Lamorlaye, Lagny Le Sec) 
  • Haute-Savoie (Les Contamines-Montjoie, La Balme-de-Sillingy) : 66 cas confirmés le 9 mars par l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes, dont 8 personnes guéries.
  • Grand-Est : 310 cas confirmés par la préfecture du Grand Est. La plupart des cas confirmés sont reliés au foyer épidémique en lien avec la Semaine de Carême de l’Eglise La Porte Ouverte Chrétienne de Bourtzwiller (Haut-Rhin). 5 cas dans la Marne, 1 cas dans l’Aube, 1 cas en Haute-Marne, 1 cas dans les Ardennes, 3 cas dans la Meuse, 11 cas en Meurthe-et-Moselle, 22 cas en Moselle, 17 cas dans les Vosges, 53 cas dans le Bas-Rhin, 193 cas dans le Haut-Rhin et 3 cas originaires de l’Aisne. Ces cas ont été hospitalisés dans les établissements de santé concernés de la région du Grand Est.
  • Morbihan : 55 cas confirmés dans le département le 9 mars dont une personne décédée, un homme de 92 ans. 4 nouveaux cas confirmés viennent s’ajouter à ceux déjà recensés dans la zone de circulation active du virus constituée par les clusters d’Auray-Crac’h-Brec’h-Carnac-Saint-Philibert-Saint-Anne-d’Auray et de Saint-Pierre Quiberon. 4 nouveaux cas confirmés sont apparus dans plusieurs communes du Morbihan, à Pluvigner, à Plumergat et à Plouharnel.
  • Corse : 38 cas confirmés le 9 mars.
  • Bourgogne-France-Comté : 119 cas confirmés le 9 mars par l’ARS Bourgogne-Franche-Comté. A l’exception de la Nièvre, tous les départements de Bourgogne-Franche-Comté sont confrontés au COVID-19 dans des proportions variables, le Doubs et le Pôle métropolitain Nord Franche-Comté concentrant la grande majorité des cas.
  • Ile-de-France où 300 cas sont confirmés au 9 mars.

Et aussi :

  • 72 cas confirmés de coronavirus en région Paca le 9 mars : 22 personnes dans les Alpes-Maritimes, 25 personnes dans les Bouches-du-Rhône, 12 personnes dans les Hautes-Alpes, 9 personnes dans le Var, 3 personnes dans le Vaucluse et 1 dans les Alpes-de-Haute-Provence.
  • 182 cas en région Auvergne-Rhône-Alpes dont 171 habitants actuellement atteints du COVID-19 dans 9 départements (17 dans l’Ain, 6 en Ardèche, 16 dans la Drôme, 1 en Isère, 15 dans la Loire, 9 dans le Puy-de-Dôme, 49 dans le Rhône, 3 en Savoie, 66 en Haute-Savoie). 8 personnes sont guéries (dont les 6 personnes des Contamines-Montjoie) et 3 personnes sont décédées.

•  300 cas en Ile-de-France : quelles sont les villes touchées ?

Le 9 mars 2020, 57 nouveaux cas de Coronavirus Covid-19 ont été confirmés depuis la veille en Ile-de-France. Cela porte à 300 le nombre de cas confirmés pris en charge dans la région. 283 de ces cas confirmés résident en Ile-de-France.

  • 27 cas à Paris.
  • 15 cas en Seine-et-Marne. 
  • 25 cas dans les Yvelines. Un premier cas de coronavirus avait été confirmé le 4 mars à Versailles. Puis celui d’un patient pris en charge le 6 mars à Mantes-la-Jolie avant d’être diagnostiqué positif à Paris. Le 9 mars, l’ARS a confirmé le cas d’une enseignante de l’école élémentaire Les Sablons de Poissy testée positive au coronavirus. L’établissement est du coup fermé jusqu’au 22 mars.
  • 7 cas dans l’Essonne. 1 homme revenant de Suisse, 2 personnes revenant de Mulhouse où plusieurs cas ont été confirmés. Le premier est un étudiant confiné à son domicile, la préfecture n’a pas précisé son lieu d’habitation. Le deuxième est une femme hospitalisée à l’hôpital Bichat à Paris. Trois cas contacts ont été identifiés et sont confinés. Les deux derniers cas n’ont pas été précisés par les autorités. 3 classes sont fermées dans un lycée d’Etampes. Un enseignant du lycée Geoffroy Saint Hilaire d’Etampes (Essonne) a été testé positif. L’enseignant donnait cours aux 3 classes concernées. S’agissant des autres enseignants, 4 d’entre eux ont été identifiés comme ayant eu des contacts avec le malade, avec un risque de contagion faible donc sans nécessité de mesures d’isolement.
  • 20 cas dans les Hauts-de-Seine.
  • 16 cas en Seine-Saint-Denis. Le 6 mars, l’ARS Ile-de-France indiquait qu’une institutrice exerçant au sein de l’école maternelle Jacqueline Quatremaire de Drancy a été diagnostiquée positive au coronavirus. Le préfet de Seine-Saint-Denis, l’ARS et le rectorat ont décidé la fermeture de cette école maternelle jusqu’au 18 mars inclus, puisque l’institutrice a été en contact rapproché avec plusieurs enfants et collègues. Par ailleurs, deux cas ont été confirmés dans la ville de Montreuil (un père et sa fille âgée de 12 ans) et ont été hospitalisés à Paris.
  • 15 cas dans le Val-de-Marne.  5 cas sont recensés dans le Val-de-Marne, deux personnes vivent à Charenton-le-Pontdeux à Vitry-sur-Seine et une au Kremlin-Bicêtre. Elles sont âgées de 20 à 70 ans. Deux sont hospitalisées. Parmi les autres cas, un agent administratif du lycée Mistral de Fresnes, un conducteur de bus du dépôt de Thiais de la RATP testé positif au coronavirus jeudi 6 mars .
  • 45 cas dans le Val-d’Oise. Des cas d’infection au coronavirus ont été diagnostiqués au sein d’une même famille résidant à Louvres, a confirmé l’ARS Ile-de-France dans un communiqué du 4 mars. Un enfant fréquentant le groupe scolaire du Bouteillier et un parent ayant participé à la vie de l’école ont été diagnostiqués positifs. Le maire a décidé la fermeture du groupe scolaire du Bouteillier de Louvres jusqu’au 18 mars 2020 inclus. Le 8 mars une animatrice intervenant au sein de l’école maternelle Delacroix de Louvres (Val-d’Oise) a été testée positive au Coronavirus Covid-19. Elle est confinée à son domicile pour 14 jours et les membres de sa famille ont été testés négatifs. Compte-tenu de cette information et du fait que les échanges entre enfants en bas âge sont réguliers et difficilement traçables, la décision a été prise de fermer l’école maternelle pour 14 jours à compter du 6 mars, date du dernier contact avec le cas confirmé. Le 7 mars, 5 nouveaux cas de coronavirus ont été identifiés à Méry-sur-Oise, s’ajoutant au 9 premiers déjà confirmés dont un patient est décédé (un homme de 86 ans). Un lien a pu être trouvé entre tous ces cas qui vivent dans un périmètre géographique restreint. L’un d’entre eux est dans un état sévère. Le Préfet du Val-d’Oise interdit les rassemblements de toute nature en milieu clos (concerts, salons, expositions, réunions publiques, manifestations culturelles ou sportives, exercice des cultes, …) jusqu’au 20 mars 2020 inclus. Les écoles et établissements scolaires de la commune restent ouverts et les accueils périscolaires sont maintenus. Seules les sorties scolaires sont suspendues jusqu’au vendredi 20 mars 2020 inclus.

Décès en France

« Le taux de mortalité est réévalué  » et tourne autour des 1 à 2%, indique Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé. Soit un taux plus élevé que la grippe, mais moins que celui du SRAS. 30 décès ont été confirmés par Santé Publique France le 9 mars. Parmi eux : 

  • un patient chinois de 80 ans le 14 février à Paris,
  • un enseignant français de 60 ans le 26 février dans l’Oise,
  • un troisième décès a été confirmé le lundi 2 mars, il s’agit d’une femme de 89 ans hospitalisée et décédée à Compiègne et testée positive au coronavirus après le décès.,
  • le mardi 3 mars 2020, la Direction générale de la Santé annonce un quatrième décès dans le Morbihan : il s’agit d’un homme âgé de 92 ans.
  • le jeudi 5 mars 2020, le ministère des Solidarités et de la Santé ont annoncé deux décès supplémentaires : une personne de 73 ans originaire de l’Oise et une autre de 64 ans originaire de l’Aisne.
  • Samedi 7 mars, l’Agence régionale des Hauts-de-France indique que l’un des nouveaux décès est une femme de 83 ans et résidente en EHPAD à Crépy-en-Valois dans l’Oise.
  • Un homme de 86 ans habitant de Méry-sur-Oise est décédé après avoir été infecté par le coronavirus.
  • 3 décès sont confirmés le 9 mars par l’ARS et la Préfecture d’Auvergne-Rhône-Alpes : un homme de 81 ans, originaire de Savoie, et une femme de 76 ans venant du Rhône, une autre personne décédée dans la Drôme. 
  • Quatre décès dans le Grand Est dont une femme décédée le 9 mars, âgée de 94 ans et originaire des Vosges.
  • Premier mort du coronavirus en Corse : un homme de 89 ans à l’hôpital d’Ajaccio dans la nuit de dimanche 9 mars au  lundi 10 mars. 

Stades de l’épidémie 1, 2 et 3 : c’est quoi ?

Il y a trois stades de gestion de l’épidémie de coronavirus en France. La France est actuellement en stade 2. Qu’est-ce que ça veut dire concrètement ? Et à quoi correspond le stade 3 ?

Stade 1 :  freiner l’introduction du virus sur le territoire national.

Il se traduit par la mise en alerte du système de santé et des professionnels : mobilisation des moyens pour isoler les malades, les détecter rapidement ainsi que les cas contact, contrôles au retour des zones infectées.

 Il n’y a plus de quatorzaine pour les personnes revenant d’une zone à risque comme le virus circule dans plusieurs régions.

Stade 2 : empêcher que le virus ne circule activement sur le territoire. 

Le virus ne vient plus seulement de Chine et d’Italie. Il circule au sein de plusieurs regroupements de cas en région comme dans l’Oise. Il n’y a plus de quatorzaine pour les personnes revenant d’une zone à risque mais des mesures de réduction sociale. La quatorzaine est toutefois maintenue pour les cas contacts à haut risque. Plusieurs mesures strictes sont prises comme la fermeture d’écoles, l’annulation d’événements rassemblant plus de 5000 personnes… Il y a un déclenchement d’une deuxième ligne d’établissements de santé pouvant accueillir les malades du coronavirus (on est passé de 38 à 138). Un hôpital de référence a été désigné dans chacun des départements et régions d’outre-mer.

Stade 3 : le virus circule largement dans la population.

Le stade 3 ou stade épidémique correspond à une circulation active du virus sur tout le territoire. La stratégie repose alors sur l’atténuation des effets de l’épidémie. 

Que faire si on pense avoir des symptômes ?

Les premiers symptômes d’une infection au coronavirus ressemblent à ceux de la grippe : fièvre, toux, douleurs musculaires, fatigue... puis elle dégénère et se caractérise par des difficultés à respirer. « La maladie démarre de façon bénigne et puis vers le 8e jour ou 10e jour, il y a un certain nombre de patients qui s’aggravent de façon conséquente, c’est un processus pas très habituelle en maladie infectieuse » remarque le Dr Catherine Leport, responsable de la mission Coreb lors d’une table ronde au Sénat le 26 février 2020. Il existe des formes asymptomatiques et bénignes, ce qui distingue ce nouveau coronavirus du virus du Sras (un autre coronavirus) qui ne se manifestait que par des formes sévères, et retarde le diagnostic.

En cas de signes d’infection respiratoire dans les 14 jours suivant le retour de Chine (Chine continentale, Hong Kong, Macao), de Singapour, de Corée du Sud, d’Italie ou d’Iran :

  • Contacter le Samu Centre 15 en faisant état des symptômes et du séjour récent en Chine (Chine continentale, Hong Kong, Macao), de Singapour, de Corée du Sud, ou des régions de Lombardie, de Vénétie et d’Emilie-Romagne en Italie.
  • Évitez tout contact avec votre entourage et conservez votre masque.
  • Ne pas se rendre chez son médecin traitant ou aux urgences, pour éviter toute potentielle contamination.

Un virus qui se transmet bien plus par les mains que par la salive : lavez-vous les mains souvent !

Comment éviter la transmission ?

Comme il n’y a ni vaccin, ni médicament efficace contre le coronavirus, le meilleur moyen de s’en protéger est l’application de mesures d’hygiène. Si beaucoup se ruent sur l’achat de masques, il faut savoir qu »ils n’ont « aucun sens si on ne se lave pas les mains puisqu’en pratique on touche des surfaces contaminées. l’hygiène des mains est donc fondamentale » a martelé le Pr Jérôme Salomon. Il est recommandé de se laver les mains après avoir toussé, éternué, avant et après avoir préparé à manger, avant de manger, après être allé aux toilettes, après avoir manipulé des animaux… Autre réflexe à prendre quand on sort de la maison : emmener du gel antibactérien avec soi pour désinfecter les mains en l’absence d’eau et de savon. Enfin, le Pr Jérôme Salomon a recommandé le 9 mars de rester chez soi et de ne pas aller travailler si on tousse et qu’on a de la fièvre.

Port de masque : lequel, pour qui, où en trouver ?

Le port du masque chirurgical est recommandé si vous êtes malades pour éviter de diffuser la maladie par voie aérienne, et pour les professionnels de santé. Il n’est pas recommandé dans les autres cas. La vente de masques de protection est désormais soumise à une prescription médicale. Seules les personnes disposant d’une ordonnance et les professionnels de santé peuvent en recevoir en se rendant en pharmacie. Un décret a été publié au Journal Officiel pour réquisitionner les stocks de masques de protection de type FFP2 détenus par  » toute personne morale de droit public ou de droit privé » et les stocks de masques anti-projections détenus par les entreprises qui en assurent la fabrication ou la distribution. 

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Zones à risque dans le monde

Les zones à risque à cause de l’épidémie de coronavirus sont celles où le virus circule activement. Il s’agit de :

  • La Chine (Chine continentale, Hong-Kong, Macao)
  • Singapour
  • La Corée du Sud
  • Quatre régions d’Italie (Lombardie, Vénétie, Emilie-Romagne et Piémont)
  • L’Iran

Que faire en cas de voyage ?

L’épidémie de coronavirus complique les déplacements à l’étranger. Le gouvernement déconseille les voyages en Chine et recommande de reporter les voyages non indispensables surtout hors de l’Union européenne. Plusieurs conseils aux voyageurs sont affichés dans les aéroports : ne pas manger de viande crue, se laver les mains, ne pas toucher d’animaux… 

PAYS NOMBRE DE MORTS
Chine 3 136
Italie 463
Iran 237
Corée du Sud 54
France 30
Espagne 30
US 26
Japon  9
Irak 7
Japon – Bateau Diamond Princess 6
Grande-Bretagne 5
Australie  4
Pays-Bas 4
Hong Kong 3
San Marino / Saint-Marin 2
Suisse 2
Allemagne 2
Philippines 1
Argentine 1
Taiwan 1
Canada 1
Thaïlande 1
Egypte 1
TOTAL 4026

c

Cas confirmés de coronavirus dans le monde au mardi 10 mars à 11h02
PAYS CAS CONFIRMES DE CORONAVIRUS
Chine 80 756
Italie 9 172
Corée du Sud 7 513
Iran 7 161
France 1 412
Espagne 1231
Allemagne 1 224
Etats-Unis 754
Japon 530
Suisse 374
Pays-Bas 321
Royaume-Uni 321
Suède 261
Belgique 239
Norvège 227
Singapour 160
Autriche 157
Malaisie 117
Hong-Kong 115
Danemark 113
Bahreïn 109
Australie 91
Grèce 84
Canada 77
Irak 71
Koweït 65
Islande 65
Emirats Arabes Unis 59
Egypte 59
San Marino 51
Thaïlande 50
Israël 50
Inde 47
Taiwan 47
Liban 41
République tchèque 40
Portugal 39
Philippines 35
Finlande 33
Vietnam 31
Brésil 30
Palestine 25
Slovénie 25
Irlande 24
Arabie Saoudite 20
Algérie 20
Russie 20
Indonésie 19
Qatar 18
Oman 18
Argentine 17
Roumanie 17
Pologne 17
Pakistan 16
Equateur  15
Géorgie 15
Chili 13
Croatie 13
Macao 10
Estonie 10
Azerbaïdjan 9
Pérou 9
Costa Rica 9
Hongrie 9
Slovaquie 7
Afrique du Sud 7
Mexique 7
Albanie 6
Maldives 6
Lettonie 6
Biélorussie 6
Bosnie-Herzégovine 5
Guinée Française 5
Nouvelle-Zélande 5
République dominicaine 5
Luxembourg 5
Tunisie 5
Sénégal 4
Macédoine du Nord 4
Afghanistan 4
Bulgarie 4
Malte 4
Bangladesh 3
Colombie 3
Cambodge 2
Cameroun 2
Saint Martin 2
Îles Féroé 2
Nigéria 2
Maroc 2
Chypre 2
Martinique 2
Serbie 2
Lituanie 1
Burkina Faso 1
Saint-Barthelemy 1
Monaco 1
Channel Islands 1
Mongolie 1
Togo 1
Arménie 1
Ukraine 1
Vatican 1
Liechtenstein 1
Panama 1
Andorre 1
Gibraltar 1
Brunéi 1
Moldavie 1
Bhoutan 1
Népal 1
Jordanie 1
Paraguay 1
Sri Lanka 1
Autres 696
TOTAL 114 536

In: sante.journaldesfemmes.fr/maladies/

Les petits de Décembre, de Kaouther Adimi

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Je viens d’achever le dernier roman de Kaouther Adimi, « Les petits de Décembre ». Éditions Barzakh, Alger, 2019, 248 pages. Il est dédié « À Koteb, un des petits. » En exergue, figure les deux premiers tercets d’un poème de Mohammed Dib, L’Enfant-jazz. Ce roman a été écrit, probablement, jusqu’au premier semestre 2019. Il est paru en août de la même année. Quel sujet traite-t-il ? Celui de la résistance contre les puissants, précisément de la résistance d’un groupe de jeunes devant la toute-puissance de deux généraux.

Nous sommes à Dely Brahim, dans la périphérie sud-ouest d’Alger, près de Cheraga, et donc non loin du Club des pins, en février et mars de 2016. Des généraux sont sur le point de faire construire leurs villas sur le terrain de football des jeunes de la cité. Un « plan de la cité du 11 Décembre 1960 à Dely Brahim, Alger » est présenté en page dix. La ville est détaillée dans le chapitre 9 (il y en a 34).

Qui sont les protagonistes ? D’un côté des enfants qui ont pour habitude de jouer sur un terrain vague de « un hectare et demi », près de chez eux, appartenant au Ministère de la Défense et laissé à l’abandon depuis la construction de la cité. De l’autre deux généraux qui ont acheté ce terrain pour en faire des villas. Personnages auxquels on ajoute une voyante et une folle. Il faut noter que presque toutes les familles des personnages ont un lien plus ou moins direct avec l’armée.

Les enfants :

Ce sont pour l’essentiel Inès, Jamyl, Mahdi et Youcef. La dizaine en âge pour les trois premiers qui se connaissent depuis leur première année d’école, 20 ans pour Youcef.

Commençons par Inès et sa famille.

– Inès a onze ans. Elle n’a pas connu son père Amine, ni son oncle maternel, tué il y a vingt ans presque jour pour jour par l’explosion d’un camion devant la Maison de la presse. Il était étudiant en journalisme. La maman d’Inès, Yasmine, a été abandonnée par son mari alors qu’elle était enceinte, comme le fut sa grand-mère maternelle, une mère « de mauvaise vie ». Yasmine est très active, elle est juriste (pistonnée) dans une « entreprise publique de l’industrie pétrolière », où elle est harcelée, car sans mari. Yasmine a créé une association d’aide aux femmes, aime le jazz, fume, et elle est superstitieuse. La grand-mère d’Inès, Adila, est une ancienne Moudjahida qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. Elle est connue et respectée. Elle a l’habitude de prendre des notes sur un calepin noir. Elle y raconte son passé, celui de l’Algérie des années 90, « Le GIA » et « Les GIA » (il est juste de faire précéder l’acronyme d’un article pluriel, car contrairement à la propagande officielle relayée par certains médias, ils étaient nombreux les groupes armés islamistes et sans commandement unifié). Raconter « la politique de la purge » menée par l’armée, « ai-je protesté… ai-je aidé ces femmes qui continuent à attendre le retour d’un mari, d’un fils, d’un père ? Les ai-je soutenues ? »

– Jamyl a dix ans. « Il est petit, grassouillet ». Il a un faible pour Inès. Depuis la mort de son père en 2007 dans un attentat à la bombe, il vit chez son grand-père paternel, un général à la retraite. On ne sait pas grand-chose de sa famille sinon qu’elle emploie une femme de ménage plus ou moins complice de Jamyl et des enfants en lutte auxquels elle apporte « un grand couffin plein de plats. » (C’est « une ancienne pauvre, grosse et très laide ».

– Mahdi. Sa maman est militaire. Son père a 47 ans, à 30 ans il fut blessé lors d’une attaque terroriste à Baraki. Depuis, il est sur un fauteuil roulant, sans jambes.

– Youcef a 20 ans. Il a une petite sœur qui fait partie elle aussi des enfants qui résistent. Youcef « est plus grand que son père » Mohamed. Celui-ci est âgé de 56 ans. C’est un colonel à la retraite. Il donne parfois des cours à l’université. Il a créé un parti politique d’opposition.

Les généraux :

Ils sont deux : Saïd et Athmane. Ils ont 70 ans. Ils se connaissent depuis vingt ans, « chacun a des dossiers sur l’autre ».

– Saïd est « un petit homme » qui est atteint d’un cancer. Il a été formé en URSS où on l’appelait « le nabot ». Il fut l’instigateur des purges des années 90. Il a trois enfants qui sont tous boursiers en France. L’un d’eux est impliqué dans une affaire de faux billets.

– Athmane a fait ses études en Grande-Bretagne. Il n’a eu aucun titre universitaire. Il a passé son temps à boire. Il a été recruté dans l’armée avec un faux diplôme. Il a des biens en Europe. C’est un grand et bel homme. Il fait appel à une voyante pour l’orienter dans ses choix. Il a un frère qui possède une entreprise de travaux publics qu’il aide grâce à sa position au sein de l’institution militaire. Avec son épouse « qui est du même village que lui » ils ont trois garçons et deux filles et cinq petits enfants (un par enfant).

Deux autres personnages

Le premier est celui de cette voyante que convoque de temps à autre le général Athmane et qui se fiche de lui (elle : « Quelqu’un vous veut du mal. Méfiez-vous des femmes en rouge », lui : Mon Dieu, mais on ne peut rien faire ?) Le second est celui de cette « vieille folle aux cheveux rouges tressés en couronne », qui apparaît à de nombreuses reprises, pour participer à la sauvegarde du terrain des jeunes, pour aider ceux-ci « Tu as besoin d’aide mon tout petit ? », pour repousser les généraux ou pour alerter du danger « Au feu ! » crie-t-elle à la fin du livre en tambourinant aux portes des maisons. La folie qu’exprime cette vieille édentée « permet à l’esprit d’entretenir un rapport naturel avec la vérité et le réel profond » dixit André Breton (rapporté par Kahina Bouanane.) On retrouve cette folle qui fait partie du groupe, qui se fond en lui, sous d’autres traits dans de nombreux ouvrages algériens ou dans des films.

L’intrigue

Nous sommes mardi 2 février 2016. « Depuis vingt ans maintenant, les enfants de la Cité, mais aussi de tout le quartier ont disputé des milliers de parties de foot. » Inès joue au foot avec ses camarades garçons, Jamyl et Mahdi. Il pleut sans discontinuer, mais les enfants sont heureux et rêvent de célébrité. Le lendemain, deux hommes arrivent « dans une voiture noire aux vitres teintées ». « Ils portent des lunettes de soleil alors qu’on est en février » dit Youcef. Le chauffeur des généraux stationne devant le terrain vague. Les militaires sortent des plans. Ils sont observés par Adila, depuis sa fenêtre. Ces deux hommes sont les généraux Saïd et Athmane. « On y est allés tous les trois et ça a vite dégénéré » en bagarre dit Youcef. Deux colonels à la retraite ont assisté eux aussi à l’altercation de loin d’abord – Cherif et Mohamed le père de Youcef, « deux amis qui, lorsqu’ils se rencontrent, « refont le monde » – puis ont essayé de s’interposer. « Ensuite, les généraux ont sorti leur arme ». Après l’école, Inès, Jamyl et Mahdi « découvrent des adultes en train de vociférer et de gesticuler » Youcef hurle, Adila « essaye de frapper » avec sa canne les deux généraux. Le lendemain, les journaux et les réseaux sociaux s’emparent de l’affaire. Youcef et Adila sont embarqués à la gendarmerie. Adila reconnaît les faits alors que le gendarme est impressionné par elle « je suis l’un de vos grands admirateurs » lui dit le gendarme. « Elle est relâchée avec les excuses des gendarmes. »

Youcef est vertement grondé par son père qui lui reproche d’être mêlé à cette affaire, mais Youcef ne regrette pas son action et « met son père devant ses contradictions » lui, son père, qui a créé un parti d’opposition. Mohamed et son épouse se rendent chez le général Athmane qui les attend ainsi que Saïd et leurs femmes. Ils présentent leurs excuses autour d’un café avant de se séparer. « Si un jour vous avez le moindre problème, appelez-moi. Nous avons besoin d’hommes comme vous » dit le général Athmane à Mohamed. Lui est content, « si on a les généraux de notre côté, on obtiendra enfin gain de cause après toutes ces années » confie-t-il à son ami Cherif.

Une semaine après la bagarre, le 9 février, les jeunes « échafaudent mille plans » car ils ne veulent pas se laisser voler leur stade… Ils font une liste de ce dont ils ont besoin. Trois semaines plus tard, les jeunes ont amassé  une tente, des couvertures, sacs de couchage et toute sorte de nourriture qu’ils entreposent la nuit sur leur terrain. « Ils préparent leur campement et montent un muret de briques, ramassent des pierres ». La révolte des « petits de Décembre » commence le vendredi 25 mars 2016. Des dizaines d’enfants arrivent des environs en solidarité, ainsi que des adultes, dont les généraux concernés eux aussi autrement décidés. Ces derniers demandent aux enfants de partir, car les travaux vont commencer, mais la résistance est forte, Adila filme la scène, la folle secoue leurs manches, les injures fusent. Les généraux se voient obligés de déguerpir, l’arme qu’ils dégainent ne leur sert à rien. Les réseaux sociaux s’y mettent, « la vidéo postée par Adila a été visionnée plus d’un millier de fois. » Les enfants poursuivent leur sit-in sans que les adultes dubitatifs ou même « lâches » s’y joignent.

Le directeur de la Sécurité, en réponse à la doléance exposée par le général Athmane contre les jeunes, promet qu’il va « faire comme d’habitude : création de milliers de faux comptes pour attaquer ceux qui diffusent. » Peu convaincu, le général souhaite que les agitateurs soient arrêtés, ce que veut éviter le directeur de la Sécurité « Si on intervient pour embarquer des mômes et une vieille dame qui a subi la torture des Français, les gens arracheraient les portes des prisons. » Bien au contraire répond Athmane « Les Algériens font ce qu’on leur dit de faire et ils ne sortent plus dans la rue depuis bien longtemps. » De son côté, Mohamed culpabilise « qu’ai-je fait moi pour lutter ? » alors que son fils, Youcef refuse d’écrire aux généraux pour s’excuser. S’il faut se battre « il faut se battre avec les mots » dit Mohamed à son ami Cherif.

Les événements s’accélèrent. Des dizaines d’enfants venus de toute la ville se dirigent vers le terrain pour en découdre, alors même que les adultes se contentent de regarder. Cette histoire des généraux ridiculisés par des enfants a passé les frontières, comme une contagion en Tunisie, au Maroc, « elle se transforma. »  

Athmane ne sait plus quoi faire et se demande « est-ce que j’ai bien fait d’acheter ce terrain ? » Il convoque sa voyante « je vous en prie, il doit être possible de faire quelque chose, non ? »

« Toute l’Algérie est en ébullition. » « Saurons-nous être à la hauteur de ces grands petits ? » s’enthousiasment les journaux. Encouragé par la Sécurité, un imam tente de raisonner les enfants « il ne faut pas se révolter contre l’ordre établi », mais ceux-ci le criblent de cailloux. Un vieux chef de parti, veut récupérer le mouvement de contestation. En vain.

Une nuit de mars, « la folle aux cheveux rouges hurle : « Au feu ! » On accoure, les pompiers sont alertés, la fumée est de plus en plus dense, le feu avale tout ce qu’il trouve » « ça ressemble à l’enfer ». Quelqu’un crie : « Attention, il y a quelqu’un qui tire avec un pistolet. » Le directeur de la gendarmerie conclut que c’est un accident. Les adultes demandent aux enfants, qui refusent, de quitter les lieux. Ils passent une nouvelle nuit sur le terrain mouillé.

Les deux dernières pages du roman sont écrites en italiques, une lettre laissée à la postérité par Inès, Jamyl et Mahdi : « Nous avons peu dormi. Deux ou trois heures, tout au plus… Nous nous sommes réveillés en même temps à cause du bruit des bulldozers sur le terrain… Sur la route, une voiture noire, et adossés aux portières, les deux généraux. Nous avons baissé la tête pour que les généraux ne voient pas nos larmes. Nous ne partirons pas. Ce printemps ne se transformera pas en une anecdote. Nous arracherons chaque brique qu’ils poseront et nous rendrons le terrain aux petits. » La bataille des petits est un échec, provisoire, d’autres batailles sont inscrites dans leur futur, jusqu’à la victoire. Dans le roman, qui est paru en août dernier, Kaouther Adimi a réussi a glisser malicieusement, un clin d’œil au Hirak, bien réel celui-ci.

Le texte :

Ce qui retient notre attention en ouvrant le roman, c’est le nombre de « chapitres » : 34. Le plus long contient 13 pages, le plus court 3 pages. 19 sont construits sur 2 à 5 pages. Un narrateur externe relate des événements qui se sont déroulés dans un passé récent, en février et mars 2016, dans un présent historique, mais aussi aux temps du passé, selon les chapitres. J’ai noté quelques confusions dans la concordance des temps dans le chapitre 3 et 13 avec l’utilisation de l’indicatif plutôt que du conditionnel. Je me trompe peut-être. Les écrits en italiques sont ceux des personnages, Adila au chapitre 13, et en fin de livre ceux des trois jeunes Inès, Jamyl et Mahdi.

On notera certaines invraisemblances qu’on oubliera aussitôt, car il s’agit non d’un récit, mais d’un roman et Kaouther Adimi est toute pardonnée. Je vous en donne quelques exemples. Le premier concerne ces toutes petites filles d’à peine une dizaine d’années qui passent des nuits à l’extérieur, avec des garçons qui plus est, comme si de rien n’était comme si on était en Norvège. Un autre exemple est celui de Yasmine qui fume tranquillement devant la porte de sa maison comme si l’on était en Norvège, en Suède ou au Liechtenstein. Ces hauts gradés de l’armée qui prennent le bus comme la plèbe, la populace (c’est ainsi que les généraux et autres hauts gradés militaires algériens voient ou désignent le peuple), pas même le taxi. Ou encore ce colonel à la retraite, le père de Youcef, qui écrit à la mairie comme un simple citoyen lambda le ferait (plutôt que d’intervenir sèchement en exhibant ses atouts via un subordonné, ce qui est la vérité). Ou les deux généraux (dont Saïd qui fut l’instigateur des purges des années 90 » !) qui se font attaquer par des enfants et qui fuient après avoir sorti leur arme. De vrais pieds nickelés pas sympathique pour un sou. Si c’est ce qu’a voulu exprimer l’auteure, elle a bien réussi. Et son roman est agréable à lire.

Last but not least, comme ont dit (écrit) dans la haute, l’auteure aurait mieux fait de faire appel à des jeunes, des adolescents, des familles éloignées, très éloignées de toute attache avec les militaires (en maintenant celles des généraux Saïd et Athmane, « les salauds ») comme c’est le cas ici. Dans Les petits de Décembre en effet, presque tous les personnages sont issus de familles qui vivent dans le giron de l’armée.

Ahmed Hanifi,

Marseille, le 1er mars 2020

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EXTRAITS:

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