Archives mensuelles : avril 2020

« Un bicot comme ça, ça nage pas, ça coule ! » – Police française en 2020

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LÂ-BAS SI J’Y SUIS: Le 26 avril, à deux heures du matin, à L’Île-Saint-Denis (93), un homme poursuivi par la police s’est jeté dans la Seine. Selon une vidéo tournée par un témoin, l’homme, une fois repêché, a fait l’objet d’insultes racistes et de violences policières. « UN BICOT COMME CA, CA NAGE PAS ! » ou encore  » HAHA ! TU AURAIS DU LUI ACCROCHER UN BOULET AU PIED ! »
Dans un message adressé à l’AFP, la préfecture de police a affirmé saisir l’IGPN afin de « déterminer l’identité des auteurs des propos entendus ».

https://la-bas.org/la-bas-magazine/reportages/un-bicot-comme-ca-ca-nage-pas?fbclid=IwAR34J6o2q7Kd54cEVGbvnMSbTLPlXxUV9b_6dNDQWcx4L6QtuoxPJHYkT44

Kamel Daoud – Divers

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Photo DR.

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(je n’ai pu avoir accès à cet article. Si vous l’avez….. faites-nous signe – merci)

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CLIQUER POUR VOIR VIDEO_ KAMEL DAOUD INVITÉ DE RADIO M

(La littérature est… hors champs)

Même vidéo ici sur Youtube

Kamel Daoud à « La grande librairie »- lecture de Camus – sur F5

(LIRE EN BAS DE CETTE PAGE SON INTERVENTION SUR FRANCE CULTURE, LE LENDEMAIN VENDREDI 24 AVRIL 2020)

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CLIQUER ICI POUR VOIR L’ÉMISSION AVEC LECTURE DE LA PESTE..

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L’animateur, François Busnel fait une proposition aux téléspectateurs… J’y ai répondu le soir même. Nulle réponse. Alors, je poste ici l’extrait que je j’ai enregistré. Les premières pages de La peste.

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La peste.

Les curieux événements qui font le sujet de cette chronique se sont produits en 194. à Oran. De l’avis général, ils n’y étaient pas à leur place, sortant un peu de l’ordinaire. À première vue, Oran est en effet une ville ordinaire et rien de plus qu’une préfecture française de la côte algérienne.

La cité elle-même, on doit l’avouer, est laide. D’aspect tranquille, il faut quelque temps pour apercevoir ce qui la rend différente de tant d’autres villes commerçantes, sous toutes les latitudes. Comment faire imaginer, par exemple, une ville sans pigeons, sans arbres et sans jardins, où l’on ne rencontre ni battements d’ailes ni froissements de feuilles, un lieu neutre pour tout dire ?

Le changement des saisons ne s’y lit que dans le ciel. Le printemps s’annonce seulement par la qualité de l’air ou par les corbeilles de fleurs que de petits vendeurs ramènent des banlieues ; c’est un printemps qu’on vend sur les marchés. Pendant l’été le soleil incendie les maisons trop sèches et couvre les murs d’une cendre grise, on ne peut plus vivre alors que dans l’ombre des volets clos. En automne c’est au contraire un déluge de boue. Les beaux jours viennent seulement en hiver. Une manière commode de faire la connaissance d’une ville est de chercher comment on y travaille, comment on y aime et comment on y meurt. Dans notre pette ville, est-ce l’effet du climat, tout cela se fait ensemble, du même air frénétique et absent. C’est-à-dire qu’on s’y ennuie et qu’on s’y applique à prendre des habitudes. Nos concitoyens travaillent beaucoup, mais toujours pour s’enrichir. Ils s’intéressent surtout au commerce et ils s’occupent d’abord, selon leur expression, de faire des affaires. Naturellement, ils ont du goût aussi pour les joies simples, ils aiment les femmes, le cinéma et les bains de mer. Mais, très raisonnablement, ils réservent ces plaisirs pour le samedi soir et le dimanche essayant les autres jours de la semaine de gagner beaucoup d’argent. Le soir lorsqu’ils quittent leurs bureaux, ils se réunissent à heure fixe dans les cafés, ils se promènent sur le même boulevard ou bien ils se mettent à leurs balcons. Les désirs des plus jeunes sont violents et brefs tandis que les vices des plus âgés ne dépassent pas les associations de boulomanes, les banquets des amicales et les cercles où l’on joue gros jeu sur le hasard des cartes.

On dira sans doute que cela n’est pas particulier à notre ville et qu’en somme tous nos contemporains sont ainsi. Sans doute, rien n’est plus naturel aujourd’hui que de voir des gens travailler du matin au soir et choisir ensuite de perdre aux cartes au café et en bavardages le temps qu’il leur reste pour vivre. Mais il est des villes et des pays où les gens ont, de temps en temps le soupçon d’autre chose. En général cela ne change pas leur vie. Seulement il y a eu le soupçon. Et c’est toujours cela de gagné. Oran au contraire est apparemment une ville sans soupçons c’est-dire une ville tout à fait moderne. Il n’est pas nécessaire en conséquence de préciser la façon dont on s’aime chez nous. Les hommes et les femmes ou bien se dévorent rapidement dans ce qu’on appelle l’acte d’amour ou bien s’engagent dans une longue habitude à deux. Entre ces extrêmes il n’y a pas souvent de milieu. Cela non plus n’est pas original. À Oran comme ailleurs, faute de temps et de réflexion, on est bien obligé de s’aimer sans le savoir. Ce qui est plus original dans notre ville est la difficulté qu’on peut y trouver à mourir. Difficulté, d’ailleurs, n’est pas le bon mot et il serait plus juste de parler d’inconfort. Ce n’est jamais agréable d’être malade, mais il y a des villes et des pays qui vous soutiennent dans la maladie, où l’on peut en quelque sorte se laisser aller. Un malade a besoin de douceur, il aime à s’appuyer sur quelque chose, c’est bien naturel. Mais à Oran les excès du climat, l’importance des affaires qu’on y traite, l’insignifiance du décor, la rapidité du crépuscule et la qualité du plaisir, tout demande la bonne santé. Un malade s’y trouve bien seul. Qu’on pense alors à celui qui va mourir, pris au piège derrière des centaines de murs crépitant de chaleur pendant qu’à la même minute toute une population au téléphone ou dans les cafés parle de traites, de connaissement et d’escomptes. On comprendra ce qu’il peut y avoir d’inconfortable dans la mort, même moderne, lorsqu’elle survient ainsi dans un milieu sec.

Ces quelques indications donnent peut-être une idée suffisante de notre cité. Au demeurant, on ne doit rien exagérer. Ce qu’il fallait souligner, c’est l’aspect banal de la ville et de la vie. Mais on passe ses journées sans difficulté aussitôt qu’on a des habitudes. Du moment que notre ville favorise justement les habitudes, on peut dire que tout est pour le mieux. Sous cet angle, sans doute, la vie n’est pas très passionnante. Du moins, on ne connaît pas chez nous le désordre. Et notre population franche, sympathique et active, a toujours provoqué chez le voyageur une estime raisonnable. Cette cité sans pittoresque, sans végétation et sans âme finit par sembler reposante et on s’y endort enfin. Mais il est juste d’ajouter qu’elle s’est greffée sur un paysage sans égal au milieu d’un plateau nu entouré de collines lumineuses devant une baie au dessin parfait. On peut seulement regretter qu’elle se soit construite en tournant le dos à cette baie et que, partant, il soit impossible d’apercevoir la mer qu’il faut toujours aller chercher.

Arrivé là, on admettra sans peine que rien ne pouvait espérer à nos concitoyens les incidents qui se produisirent au printemps de cette année-là et qui furent, nous le comprîmes ensuite, comme les premiers signes de la série des graves événements dont on s’est proposé de faire ici la chronique. Ces faits paraîtront bien naturels à certains et à d’autres, invraisemblables au contraire. Mais, après tout, un chroniqueur ne peut tenir compte de ces contradictions. Sa tâche est seulement de dire : « ceci est arrivé », lorsqu’il sait que ceci a intéressé la vie de tout un peuple, et qu’il y a donc des milliers de témoins qui estimeront dans leur cœur la vérité de ce qu’il dit.

Du reste, le narrateur, qu’on connaîtra toujours à temps, n’aurait guère de titre à faire valoir dans une entreprise de ce genre si le hasard ne l’avait mis à même de recueillir un certain nombre de dépositions et si la force des choses ne l’avait mêlé à tout ce qu’il prétend relater. C’est ce qui l’autorise à faire œuvre d’historien. Bien entendu, un historien, même s’il est un amateur, a toujours des documents. Le narrateur de cette histoire a donc les siens : son témoignage d’abord, celui des autres ensuite, puisque, par son rôle, il fut amené à recueillir les confidences de tous les personnages de cette chronique, et, en dernier lieu, les textes qui finirent par tomber entre ses mains. Il propose d’y puiser quand il le jugera bon et de les utiliser comme il lui plaira. Il se propose encore… Mais il peut être temps de laisser les commentaires et les précautions de langage pour en venir au récit lui-même. La relation des premières journées demande quelque minutie.

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ET SUR FRANCE CULTURE LE VENDREDI 24 AVRIL 2020 DANS L’ÉMISSION DE TEWFIK HAKEM

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Le printemps berbère, Tafsut Imaziɣen

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En haut: meeting pour la libération des détenus. Ci-dessus manif. 26 mars 1960- in Tamurt iw

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Jeudi 20 avril 1980, lundi 20 avril 2020 : 40 années nous séparent de cette mémorable journée du 20 avril 1980 qui marquera d’une pierre blanche notre histoire. En quelques mots d’intro : Ce jour-là en Kabylie, la population se met en grève. Le 10 mars, Mouloud Mammeri devait tenir une conférence sur la poésie kabyle, mais elle serait interdite. La première semaine d’avril, des centaines d’étudiants étaient arrêtés. Des cours libre de langue tamazight sont donnés dans le Campus universitaire occupé. Le 17, la télévision diffuse un discours de Chadli Bendjedid s’en prenant à la population de Tizi-Ouzou. L’université de Tizi Ouzou était prise d’assaut par les forces de l’ordre le 19 avril. Comme El Moudjahid contre Mouloud Mammeri, Algérie-Actualité s’en prend au mouvement de contestation accusé d’être sous les ordres d’une « main étrangère ».

Mais laissons la parole à Arab Aknine, militant de la première heure, nous relater (texte d’avril 2011) les faits tels qu’il les a vécus. Je vous ajoute une chronologie réalisée par Rachid Chaker.

Enfin, je termine avec l’article diffamatoire et malsain de Kamel Belkacem (El Moudjahid et Algérie- Actualité) suivi de la réponse mémorable de Mouloud Mammeri.

J’ai ajouté le chapitre « Le printemps berbère » de 1980 du livre de Amar Ouerdane intitulé « La question berbère »

Trois photos montrent une manifestation à Alger du MCB-CN à laquelle j’ai participé. C’était le 20 avril 1994, en pleine terreur. Les autres, correspondent aux grandes manifestations de 1980

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ARAB AKNINE

Le Mouvement berbère

Par Arab Aknine, 17 avril 2011

Le Centre universitaire de Tizi-Ouzou après deux ans d’existence

À la rentrée universitaire 1979-1980, le Centre universitaire de Tizi-Ouzou (Cuto) était à sa troisième année d’existence et comptait déjà près de deux mille étudiants. Le Cuto était composé de trois campus qui accueillaient les deux mille étudiants.

Le site de Oued-Aïssi qui abrite le siège du rectorat du Cuto et l’Institut des sciences exactes en plus d’une résidence universitaire de garçons, le site de M’douha transformé pour la circonstance en résidence de filles et le campus de Hasnaoua, encore en chantier, inauguré en partie pour abriter les structures des instituts de biologie, de droit, de sciences économiques, de lettres arabes et une résidence universitaire. Les deux mille étudiants du Centre universitaire de Tizi-Ouzou provenaient pour l’essentiel des wilayas de Tizi-Ouzou, Béjaïa et de Bouira. Durant les deux premières années de son existence, le Cuto s’est déjà distingué par deux grèves et des actions de protestation d’étudiants.

À sa première année d’ouverture (1977-1978), les autorités de wilaya (1) avaient interdit le gala du chanteur Aït Menguellet, invité par les comités estudiantins d’animation culturelle et artistique. Aucune raison, pour motiver ce refus, n’a été avancée par l’administration. L’année suivante, à l’occasion du 19 Mai, Journée nationale de l’étudiant, c’est la représentation théâtrale de la pièce de Kateb Yacine La guerre de 2000 ans, interprétée par la troupe des étudiants, qui fera les frais de l’interdiction sous le motif, cette fois clairement assumé, de : « Thème ne concordant pas avec la journée. » On a également enregistré durant cette année des actes mystérieux de mise à sac de deux salles de prière (M’douha et Oued-Aïssi) par des inconnus.

La dynamique autonome : pour une représentation légitime

Même si les relents d’une atmosphère lourde sont largement perceptibles dans les milieux universitaires, rien ne pouvait tout de même présager la tournure de ce qui allait être le mouvement d’Avril 1980. Nous voilà subitement en face d’une situation politique inédite qui va surprendre même les groupes politiques qui activaient clandestinement. La campagne d’inscriptions dans les rues de Tizi-Ouzou et les distributions de tracts du FFS dénonçant la dictature et réclamant les libertés pour les Algériens n’avaient pas suscité d’intérêt à la mesure de ce qui allait s’enclencher brutalement.

Nous sommes à la deuxième semaine du mois d’octobre 1979, la grogne commençait à se faire sentir autour des conditions de vie des étudiants dans les campus universitaires. Un groupe d’étudiants des sciences exactes prend l’initiative de convoquer une assemblée générale pour débattre de ces conditions. C’est de nuit, en faisant le porte-à-porte, que les étudiants furent invités à la réunion en dépit de l’omniprésence des éléments structurés dans l’UNJA moribonde. Nous étions loin de soupçonner qu’on venait alors d’inaugurer un processus qui allait évoluer vers un événement qui marquera la vie politique de l’Algérie. Très vite, le bouillon de débats va se structurer et s’axer sur une revendication de contestation de la légitimité des représentations des comités d’étudiants sous la bannière de l’UNJA, organisation de masse du FLN. Une grève qui durera près d’un mois (du 17 octobre au 13 novembre 1979) fut déclenchée par les étudiants. La décision de cette grève fut prise par vote en assemblée générale qui désigna également un groupe dénommé « la délégation » pour représenter ces derniers auprès des structures de l’administration. La grève se prolonge et installe la crise dans la durée pour se corser davantage. Des manœuvres sournoises seront entreprises par des éléments de l’UNJA pour briser la grève et démobiliser le mouvement. En vain.

C’est au tour du FLN de mobiliser pour la circonstance ses militants extra-universitaires par cars et d’envahir les campus universitaires, brassards aux bras, pour contraindre les étudiants à reprendre les cours. L’irruption des militants du FLN à l’intérieur de l’enceinte de l’université offrait un spectacle inédit et stupéfiant. Les contacts et les discussions directs qui s’engagent dans le calme entre les étudiants et ces militants en faction nous révélèrent l’ignorance totale de ceux-ci des raisons de leur présence au milieu des étudiants. Le soir, ils repartirent sans heurts et dans le calme. La grève se prolonge. Même avec la détermination certaine qui était manifeste dans la masse des étudiants, l’atmosphère commençait à peser lourdement sur le moral. Les analyses que nous faisions nous dictaient l’impératif de rester vigilants et d’agir avec doigté et sans répit pour assurer un souffle continu au mouvement et maintenir le niveau de mobilisation. C’était l’unique voie à même de nous mettre à l’abri des contrecoups d’une éventuelle situation de reflux. Un bras de fer s’engage entre les autorités locales et le mouvement de contestation des étudiants représenté par « la délégation ».

Les autorités locales choisissent la stratégie de pourrissement et espéraient une désaffection et le reflux du mouvement. Une action énergique de solidarité du corps enseignant algérien avec le mouvement de contestation coupa l’herbe sous les pieds aux partisans de la logique du pourrissement. « La délégation » s’imposa comme représentant incontournable du mouvement des étudiants et renvoie définitivement à la marge les structures de l’UNJA. La grève prend ainsi fin le 13 novembre 1979 et consacre la légitimité de « La délégation ». Le terrain est définitivement libéré à l’action et aux activités de « La délégation ». Au mois de janvier 1980, tous les campus avaient fêté avec éclat, de façon libre et autonome, la journée de Yennayer. Des représentations théâtrales et des galas artistiques avaient été organisés dans les trois campus durant la nuit du 12 janvier 1980. Je ne puis manquer de rendre hommage à la mémoire de feu Ouahioune Djaffar, étudiant en sciences exactes, et de rappeler son dynamisme qui était pour l’essentiel dans la réussite de ces festivités. Le FLN cesse définitivement d’exercer la tutelle, par l’entremise de l’UNJA, sur les structures estudiantines. Les deux premiers mois de l’année 1980 seront vécus comme période de répit et d’observation. La surveillance policière autour des campus universitaires s’est accrue et s’est renforcée même de nuit. Des informations qui nous parvenaient à la cantonade faisaient état de discussions dans les rangs du FLN pour la création de milices de surveillance pour parer aux distributions nocturnes de tracts.

L’université autonome ou la conscience en mouvement

Ce sont les maisons d’édition françaises qui publient l’écrivain Mouloud Mammeri. Si ses œuvres romanesques et théâtrales en langue française sont disponibles dans les librairies en Algérie, ce n’est pas du tout le cas pour les œuvres portant sur la langue berbère. La Sned, société publique d’édition et de diffusion, n’a distribué que quelques exemplaires de celles-ci. Le livre consacré au poète Si Mohand ou Mhand ( Isefra de Si Mohand ou Mhand, éd. Maspero 1969) et La grammaire berbère Tajerrumt n Tmazirt, éd. François Maspero 1976).

Au début de l’année 1980, M. Mammeri publie, toujours chez Maspero, Les poèmes kabyles anciens. Le journal français Libération rend compte de la publication de ce livre consacré à la poésie kabyle ancienne. En Algérie, pas même un entrefilet d’annonce n’a été réservé à celle-ci par les journaux de l’époque. Dans les milieux universitaires, rares sont ceux qui étaient au fait de cette publication. Mais, ce sont les poèmes anciens qui vont mettre le feu aux poudres, titrera quelques semaines plus tard un journal français.

Deux enseignants de l’université, Ramdane Achab et Hend Sadi, étaient en contact avec l’écrivain Mouloud Mammeri qui rentrait de France après la parution de son livre. Ils nous font part au campus de Oued-Aïssi de la possibilité d’inviter l’écrivain pour une conférence sur son dernier livre consacré à la poésie kabyle ancienne. La nouvelle a été accueillie favorablement dans les comités d’étudiants. Il restait à confirmer et fixer la date. Les deux enseignants sont chargés pour cela auprès de Mouloud Mammeri. Quelque temps plus tard, arrive la confirmation et la date du lundi 10 mars 1980 à quatorze heures au campus de Hasnaoua fut retenue pour cette conférence. À quelques jours seulement de cette date, les comités de cités placardent des affichages muraux pour annoncer l’information aux étudiants. Il était difficile de croire qu’une conférence de Mouloud Mammeri sur la poésie kabyle ancienne pouvait déranger en haut lieu de hiérarchie. Tant pis pour ceux qui affectionnent et privilégient la logique de contrôle policier au détriment de l’autonomie et des libertés. Des manœuvres dilatoires et des agissements occultes seront mis en branle durant la nuit du 9 au 10 mars. Un appel téléphonique mystérieux se faisant passer pour le recteur du centre universitaire annonce à M. Mammeri l’annulation de la conférence. Ces manœuvres qui ont suscité beaucoup d’inquiétudes sont restées dans le secret total parce que cela risquait de provoquer un effet de démobilisation. Plus tard, le nom du directeur du Cous (Nour Merabtene) a été évoqué comme l’auteur probable de ce coup de fil. Pouvait-il agir seul ? Pas si sûr !

Conférence interdite : le sursaut de dignité

Avant de se rendre à Tizi- Ouzou durant la matinée du lundi 10 mars, M. Mammeri avait pris le soin de confirmer les choses par téléphone auprès de M. Arab, recteur du Cuto. Ce dernier avait démenti le report ou l’annulation de la conférence et s’est déclaré étranger à cet appel téléphonique. Pour les étudiants, cette matinée du 10 mars se présentait au rythme du train de vie ordinaire.

Habituellement, les après-midi des journées du lundi étaient libres de toute activité pédagogique pour être consacrées à l’animation culturelle ; le plus souvent au cinéclub de la Maison de la culture. Mais pour ce lundi 10 mars 1980, les bus du transport universitaire commençaient à converger massivement vers le campus de Hasnaoua à partir de treize heures. Il y avait foule dans la cour du campus et beaucoup parmi les présents étaient des extra-universitaires, informés sans doute de la tenue de la conférence et venus y assister. Quand arrive l’heure prévue pour la tenue de la conférence, M. Mammeri n’était toujours pas là. La foule commençait à s’impatienter au fur et à mesure que le temps passait. Un sentiment d’indignation générale se lisait sur les visages même si aucune information n’avait été donnée par les organisateurs, qui eux-mêmes ignoraient tout. Une heure passe. Il est quinze heures et les organisateurs n’avaient toujours aucune information sur ce qui est advenu du conférencier. Une demi-heure plus tard, Tari Aziz, étudiant en sciences exactes, prend la parole pour inviter la foule présente à se disperser dans le calme et rester attentive en attendant des informations. La foule se disperse calmement mais non sans grande consternation.

Que s’est-il passé au juste ? M. Mammeri en compagnie de Salem Chaker a été interpellé par un barrage de police à la hauteur de Draâ-Ben-Khedda puis conduit au cabinet du wali. Après avoir été retenu pendant longtemps au siège de la wilaya, on lui annonça que sa conférence était annulée et qu’il était indésirable à Tizi-Ouzou, qu’il doit quitter impérativement. Blessés, affectés dans notre dignité, nous étions loin d’imaginer une forme quelconque de réaction à cet attentat à la dignité tant l’émotion du sentiment d’injustice pesait si fortement sur nos esprits. Il y avait comme un sentiment général éprouvé de dépossession. Mais la détermination et la volonté à rétablir l’éthique piétinée à l’université étaient totales et lisibles chez tous les étudiants. Il ne restait que les formes à définir. Après le dîner, les étudiants du campus de Oued-Aïssi improvisent une assemblée générale. Quelque temps après avoir fait le porte-à-porte des pavillons de résidence, l’amphithéâtre des sciences exactes était déjà bondé de monde. Une heure à peine avait suffi à l’assemblée pour prendre des décisions et arrêter des actions : manifestation pour le lendemain dans les rues de la ville pour dénoncer l’interdiction de la conférence. Constitution de plusieurs groupes de volontaires désignés pour informer tôt le matin du mardi 11 mars les étudiants du campus de Hasnaoua de ces décisions.

Confectionner dans la nuit des banderoles avec les slogans retenus. Préparer les conditions matérielles de l’assemblée générale de toute l’université à 9h au restaurant universitaire de Hasnaoua. Canaliser et orienter les étudiants et les étudiantes à la salle de réunion. En un tour de main, les choses étaient totalement ficelées. Quatre draps d’étudiants seront sacrifiés dans la foulée pour faire office de banderoles peintes au gros marqueur. Quand arrive minuit, le groupe se disperse pour quitter la chambre de Aziz Tari du pavillon E avec toutes les tâches accomplies. Les quatre banderoles avaient tout le temps de sécher au petit matin.

– « La culture berbère n’est-elle pas algérienne » ?
– « Wali, CNP conférence de M.Mammeri interdite ».
– « Non à la répression culturelle ».
– « Oui pour une culture populaire algérienne ».

Au matin du mardi 11 mars 1980, quand arrivent à Hasnaoua les étudiants de Oued-Aïssi à bord de bus pleins à craquer, les groupes désignés étaient à pied d’œuvre et avaient déjà accompli l’essentiel des tâches assignées d’information et de mobilisation. La salle de restaurant était bondée d’étudiants attentifs et prêts à toute consigne qui pouvait être donnée. Les véhicules de la police rôdaient ostensiblement autour de l’université avec leurs gyrophares en action pour nous intimider. En l’espace d’une heure à peine, toutes les décisions furent soumises de nouveau à l’assemblée générale de l’université et approuvées par la majorité des étudiants. Et vers dix heures trente, une marche de plusieurs centaines d’étudiants accompagnés de quelques enseignants universitaires s’ébranle vers la ville scandant des slogans de dénonciation de l’interdiction de la conférence. La ville s’est vite mise en arrêt d’activité, le trafic de véhicules et les agents de police disparaissent de la circulation. Quand arrive le cortège à hauteur de l’hôpital, les trottoirs étaient noirs de badauds. Beaucoup se joignaient au cortège. Deux tours des rues de la ville, une halte devant la wilaya et une autre devant le lycée polyvalent, une minute de silence devant le monument aux morts du centre-ville et la marche s’achève au campus de Hasnaoua en compagnie de beaucoup de ceux qui s’étaient joints au cortège. Les youyous des femmes lancés des balcons de la ville résonnaient encore dans nos oreilles et gonflaient l’orgueil de la foule qui s’est dispersée calmement avec les remerciements des étudiants et le sentiment du devoir accompli.

La dynamique d’automobilisation

Le 12 mars 1980, une lettre ouverte adressée au président de la République fut rédigée en assemblée générale. Elle ne parviendra à la présidence que le 15 mars, quand le groupe d’étudiants chargés de la remettre fut reçu par le secrétaire général (M. Benhabilès). A leur retour, un compte-rendu a été présenté devant l’assemblée générale des étudiants qui s’est tenue au campus de Hasnaoua. La lettre ouverte retraçait les étapes et les interdits dont étaient victimes les activités organisées par les comités autonomes des étudiants du Cuto. Dans sa conclusion, elle réaffirmait la nécessité de rétablir les droits de la culture berbère et garantir les libertés démocratiques au sein de l’université.

Le 13 mars 1980 au matin, les citoyens découvrent les murs de la ville recouverts d’inscriptions du FFS qui dénoncent l’injustice et appellent à la démocratie. Les autorités mobilisent une armée de peintres qui les couvrent précipitamment.

A partir du 16 mars 1980, des manifestations sporadiques de jeunes éclatent dans toutes les villes et villages. Et pour la première fois, certains titres de la presse étrangère rendent compte de ces manifestations. Le lendemain, Daniel Junqua, correspondant du journal Le Monde à Alger, s’était déplacé à Tizi-Ouzou et fut reçu à l’université par les étudiants et les enseignants.

Le 17 mars 1980, le chanteur Ferhat est invité par les étudiants pour un gala au campus de Hasnaoua. About Arezki, laborantin à l’université, prend la parole durant les débats pour évoquer les tracts distribués d’un parti clandestin dénommé FUAA (Front uni de l’Algérie algérienne). Il sera arrêté le lendemain par des agents de la gendarmerie.

Le 20 mars, le journal El Moudjahid publie un concentré d’insultes contre Mouloud Mammeri qu’il intitule « Les donneurs de leçons » avec une signature aux initiales K. B. Des informations nous parviennent à l’université faisant état de l’arrestation, à At Douala, d’un technicien en électronique (Chemim Mokrane). Tard dans la soirée, feu Benghezli Mohamed Achour, originaire de At Doula, nous confirme cette arrestation. La campagne de presse et les arrestations qui se poursuivaient commençaient sérieusement à susciter de l’inquiétude dans le milieu des étudiants.

Le 26 mars, l’assemblée générale des étudiants décide de manifester une seconde fois en ville pour dénoncer ces arrestations et les mensonges de la presse. Encore une fois, il a fallu tout le courage et l’énergie de feu Ouahioune Djaffar pour renverser la tendance à la réticence des étudiants, largement gagnés par l’inquiétude. Des informations nous parviennent de la wilaya de Béjaïa avec son lot de manifestations et d’arrestations également.

A partir du 2 avril 1980, des rumeurs persistantes faisaient état d’une manifestation à Alger le 7 avril à 10 h à la place du 1er- Mai. Dans la masse des étudiants, il y avait beaucoup de détermination à se rendre en force à cette manifestation.

C’est dans l’après-midi du 5 avril que nous parviendra la mise au point de M. Mammeri à l’article du journal El Moudjahid, intitulé « Les donneurs de leçons ». Quand les étudiants envahissent massivement le centre de reprographie de Oued-Aïssi pour reproduire la lettre de M. Mammeri, c’est le commissaire divisionnaire de police Naït Abdelaziz qui se rendra sur les lieux dans un style hollywoodien — talkie-walkie en main — pour nous inviter à surseoir à cette diffusion, car toutes les revendications étaient satisfaites. Il sera vertement pris à partie par les étudiants et vidé de l’université.

En désespoir de cause, et face à la fougue de notre jeunesse, il ne cessait de nous répéter qu’il avait encore le plomb du colonialisme français dans sa chair et qu’il n’avait pas le temps pour se faire opérer. Plus tard, nous apprendrons que c’est entre le Maroc et le nord de la France qu’il a passé toute la période de la guerre de Libération.

Des renforts de police antiémeutes ont été dépêchés dans la wilaya de Tizi-Ouzou. C’est le centre de formation professionnelle de Tadmaït qui est transformé pour la circonstance en caserne d’accueil.

Le dimanche 6 avril 1980, la communauté universitaire tient une assemblée générale et décide de participer massivement à la marche de protestation d’Alger. Pour échapper aux barrages de contrôle dressés sur la route Tizi-Ouzou/Alger, des groupes empruntent de nuit l’axe Ouadhias-Tizi Ghenif avec banderoles et tracts. Redoutant une répression et des arrestations massives durant la marche d’Alger, certains enseignants avec des étudiants restés sur place tiennent une réunion informelle dans la soirée et envisagent de constituer un comité de suivi. C’était l’embryon du futur comité anti-répression. Beaucoup de naïveté de notre part. L’inexpérience faisant. Nos méthodes de travail n’étaient pas exemptes de reproches. Le lendemain, une répression violente fut déclenchée contre les manifestants, plusieurs centaines d’arrestations ont été enregistrées en fin de matinée de ce lundi 7 avril 1980 à Alger. Et jusque tard dans la soirée, plusieurs dizaines d’autres étudiants n’avaient pas encore donné signe de vie.

Propagande et répression : l’impasse d’une vision utopique

Avec le bilan si lourd de cette situation inattendue, nos camarades restés sur place à Tizi-Ouzou proclament la naissance du comité anti-répression pour dresser le bilan de la marche.

Le mardi 8 avril 1980, le comité anti-répression tient sa réunion et installe ses structures composées à parité étudiants-enseignants-travailleurs. Il est structuré en quatre commissions présidées chacune par un enseignant universitaire : la commission coordination-information, la commission relations extérieures officielles, la commission relations extérieures non officielles, la commission animation et vigilance. Une assemblée générale se tient durant la journée et proclame la grève illimitée de l’université avec occupation de locaux jusqu’à la libération des emprisonnés. Une délégation du comité anti-répression est reçue en milieu d’après-midi par le wali qui a tenu des propos rassurants quant à la libération des emprisonnés.

C’est au paroxysme du climat de tension que Ramdane Achab va assurer le premier cours libre de langue tamazight au campus de Hasnaoua sous occupation. Un amphi bondé d’étudiants, qui découvraient pour la première fois la transcription latine de la langue amazighe. C’est le défilé devant le manuel de transcription édité par Imedyazen pour le regarder telle une relique de l’histoire. Les jours d’après, Mustapha Benkhemou assurera à son tour à la Faculté centrale d’Alger un autre cours libre.

Le lendemain 9 avril, le comité anti-répression rend publique une déclaration qui dénonce la campagne calomnieuse de la presse et les arrestations. Entre-temps, les stagiaires de la formation professionnelle manifestent massivement et rejoignent l’université à la fin de leur marche. Des représentants de la presse étrangère sont reçus à l’université. Avec une mine désappointée, le commissaire divisionnaire Naït Abdelaziz se présente devant le portail de Hasnaoua et demande à des étudiants, sur un air menaçant, que soient vidés les journalistes de la presse étrangère présents dans l’enceinte de l’université. En vain.

Le lendemain jeudi 10 avril 1980, le wali (Sidi Saïd Hamid) organise un meeting de soutien à la direction politique du pays. Il a rameuté par bus des paysans de la région de Dellys-Cap Djinet qui emplissent l’artère principale de la ville décorée de drapeaux pour la circonstance sous les caméras de la télévision. Une tension vive était perceptible chez les étudiants dont certains voulaient même saborder la manifestation, quitte à recourir à l’affrontement pendant que le comité anti-répression jouait l’apaisement. Toutes les allées menant vers l’esplanade du meeting étaient bloquées par les forces de l’ordre. En fin d’après-midi, le comité anti-répression tient une conférence de presse en présence de journalistes de la presse étrangère. Il avait expliqué les évolutions et les enjeux qui se développaient autour du mouvement et la dynamique de l’auto-mobilisation sans cesse croissante. Il a réaffirmé le caractère fondamentalement pacifique du mouvement et confirmé les arrestations et le maintien en prison de trois détenus : About Arezki, Chemim Mokrane et Naït Abdellah Mohamed.

Durant toute la semaine, des pages entières du journal El Moudjahid sont réservées aux messages de soutien des kasmates du FLN à la direction politique du pays. Des manchettes sont consacrées à la dénonciation des agents de l’impérialisme. La solidarité et les marques de sympathie au mouvement ne cessaient d’être affirmées chaque jour davantage par des citoyens le plus souvent anonymes. Ainsi, les étudiants qui assuraient la vigilance de nuit recevaient régulièrement des offrandes de nourriture, de gâteaux, de café et même de tabac.

Des visites incessantes de solidarité et de soutien durant les soirées de personnages publics. Je ne manquerai pas d’évoquer la première visite de la chanteuse Malika Domrane ; à l’époque infirmière à l’hôpital psychiatrique de Oued-Aïssi, qui, dès son entrée, attirera notre attention sur un intrus présent dans les locaux de la commission information, comme une taupe des services. En effet, H. M., fils du muphti de la mosquée, accompagnera le 20 avril au matin, avec un certain M. Khellaf des renseignements généraux, les brigades opérationnelles de la sécurité militaire pour reconnaître les têtes à sceller. Le premier nommé sera promu à de hautes fonctions dans l’administration de l’Etat. Il exerce aujourd’hui des responsabilités administratives dans les alentours d’Alger. Le personnel de l’hôpital tient une assemblée générale pour décréter sa solidarité avec le mouvement et affiche des banderoles sur son mur d’enceinte. La Sonelec, la Sonitex, la SNLB, les étudiants de l’ITE font de même et affirment leur solidarité au mouvement avec des arrêts d’activités observés successivement.

L’étau resserré et l’assaut de l’université

Le lendemain 11 avril 1980 au matin, tous les accès à l’université sont bouclés par les forces de l’ordre. L’accès sera désormais exclusivement réservé aux étudiants sur présentation de cartes, les autres sont systématiquement refoulés.

Le 12 avril 1980, le groupe de travail composé d’enseignants et d’étudiants chargé de mettre au point un programme de revendications a finalisé son travail pour être présenté aux autorités. L’information pour une grève générale le 16 avril 1980, qui n’était jusque-là qu’au stade de la rumeur, commençait à trouver écho favorable chez la population.

Dans la soirée du 13 avril, un tract signé comité de soutien aux étudiants et travailleurs en grève appelle les Algériens à se mettre en grève générale. Des centaines d’ouvriers des chantiers universitaires de l’Ecotec rentrant le soir chez eux, dans toutes les directions, avec chacun une liasse de tracts de l’appel à la grève et la consigne de les placarder dans tous les cafés des villages.

Le 14 avril, le ministre de l’Enseignement supérieur, Abdelhak Brerhi, se rend à l’université. Il arrive en compagnie de Djamal Labidi (conseiller du ministre), Hachemi Cherif (dirigeant syndical FTEC), les autorités civiles locales dont Sidi Saïd Hamid et le chef du secteur militaire de Tizi-Ouzou pour assister à l’assemblée générale.

En fin démagogue, M. Brerhi se lance dans une diatribe de menaces à peine voilées mêlées à une logomachie prolixe de « patriardise » pour dénoncer les harkis et les réactionnaires. Un étudiant bizarre va se livrer au jeu de la dénonciation des opposants qui manipulent de l’étranger que Brerhi félicitera d’ailleurs et applaudira chaudement du haut de son piédestal. Cependant, un incident sera enregistré en fin de journée. Mouloud Khellill et Idir Reddad seront arrêtés lors d’un contrôle de barrage de gendarmerie à la sortie ouest de Tizi-Ouzou. Ils étaient en possession de tracts appelant à la grève qu’ils acheminaient sur Draâ-Ben-Khedda.

Le 16 avril 1980 au matin, Tizi-Ouzou était ville morte. Vers 10 heures, des informations nous parvenaient de toutes les villes environnantes confirmant le suivi massif de la grève. Des processions de gens sans discontinuité se dirigeaient vers le campus de Hasnaoua, où il y avait déjà foule. Surpris par cette situation inattendue que nous contemplions de l’intérieur de l’université ; nous redoutions des actes de provocation qui pourraient facilement dégénérer. Mais l’intervention de Ramdane Achab à travers le haut-parleur de la commission information appelant la foule à la responsabilité dans un kabyle châtié, digne des amusnaw de jadis décrits par Mouloud Mammeri, a vite rasséréné les esprits et ramené le calme. C’était suffisant pour comprendre que la jeunesse venait de trouver pour la première fois en l’université un centre d’orientation qu’elle cherchait. Le soir, une réunion regroupant les représentants des différents sites : hôpital, Sonelec, université, etc. Sur proposition des délégués des médecins de l’hôpital, l’idée de création d’une structure de coordination du mouvement sera alors entérinée. Le comité de coordination populaire venait de naître avec son siège fixé à l’hôpital.

Le 17 avril 1980, une assemblée générale s’est tenue à Hasnaoua. A l’ordre du jour, la réponse au télex reçu la veille du ministre de l’Enseignement supérieur, nous invitant à reprendre les cours avant le samedi 19 avril, délai de rigueur. Le soir, la télévision diffuse un discours de Chadli qui s’en prenait vertement à la population de Tizi-Ouzou. Le montage n’était pas sans incidence sur le moral des étudiants. Les enseignants décident de rédiger un texte d’appel aux intellectuels. Avec l’assaut donné à l’université durant la nuit du 19 au 20 avril, la diffusion de ce texte reproduit n’a jamais pu être assurée.

Le 19 avril 1980, curieuse visite à la veille de l’assaut de l’université ! Abdelkrim Djâad du journal Algérie Actualité, en compagnie de Sid Ahmed Agoumi, directeur de la Maison de la culture de Tizi-Ouzou, rend visite à l’université.

Le jeudi suivant, l’hebdomadaire Algérie Actualité consacrera un long article aux thèses de la main étrangère dans le mouvement. Durant l’après-midi, les tensions dans le mouvement déjà persistantes depuis plusieurs jours se compliquent. Des clivages, avec des dessous idéologiques, entre enseignants, étudiants et travailleurs, déjà latents depuis longtemps, commençaient à s’affirmer subitement dans les réunions de travail. Des échanges de propos à la limite de la correction seront entendus. Toutes les tentatives initiées par certains enseignants pour désamorcer ces tensions ont été vaines. Vers 20 h déjà, les gens étaient usés par la cadence des réunions et le manque de sommeil. Tard dans la nuit, on se sépare avec la perspective de reprendre le travail le lendemain matin.

A l’aube du 20 avril 1980, vers 4 h du matin, tous les campus profondément plongés dans le sommeil avaient été investis manu militari par des commandos et des chiens d’attaque. Des centaines d’arrestations et de blessés évacués à l’hôpital, qui a également été investi tôt le matin pour procéder aux arrestations de médecins et infirmiers recherchés, seront enregistrés. Vers 10 h, quand la brume qui enveloppait la ville disparaîtra sous l’ensoleillement, la population découvre avec stupéfaction le spectacle des étudiants massacrés à l’intérieur de l’enceinte de l’université. Réaction immédiate, on érige des barricades et on déclenche des émeutes. Plusieurs jours durant, les jeunes et la population en général se sont mobilisés qui par cars, qui par camions qui à pied de tous les villages et villes environnants pour converger vers Tizi-Ouzou. Toute la Kabylie se mobilise dans un immense élan de protestation contre la violence de l’Etat faite à des étudiants à mains nues. La ville de Tizi- Ouzou va rester bouclée plusieurs jours durant.

A partir du jeudi 24 avril, les affrontements entre forces de l’ordre et la population vont baisser d’intensité. Les rares rescapés encore en liberté vont rétablir petit à petit les contacts entre eux et reconstituer des groupes pour se retrouver à Alger autour de la Fac centrale qui était en ébullition. Des dizaines d’étudiants de la Fac centrale étaient toujours en état d’arrestation. Un comité de solidarité a été mis sur pied pour collecter les informations. C’est ainsi que l’information faisant état de trente-deux morts qui circulait avait été démentie. Pour donner la preuve d’une situation maîtrisée et de calme revenu à Tizi-Ouzou, la télévision diffuse au JT de 20 heures du vendredi 25 avril des images de Tizi-Ouziens jouant aux dominos.

Le jeudi 15 mai 1980, le journal de 20 heures annonce subitement la réouverture du centre universitaire de Tizi-Ouzou pour le samedi 17 mai. Un communiqué du ministère de l’Enseignement supérieur lu à la télévision appelle les étudiants à reprendre les cours. Beaucoup de personnes arrêtées depuis le 20 avril seront relâchées et réapparaîtront durant cette journée du 15 mai 1980.

Le samedi 17 mai 1980, en dernière page du journal El Moudjahid, on publie la liste de 24 personnes à déférer devant la cour de Sûreté de l’Etat pour leur responsabilité dans ce qui était appelé les événements de Tizi-Ouzou.

Le dimanche 18 mai 1980, une grève générale est déclenchée spontanément en réaction à la décision de traduction des 24 personnes devant la cour de Sûreté de l’État. Très peu d’étudiants se présenteront en cette matinée du 18 mai au centre universitaire de Tizi-Ouzou.

Le lundi 19 mai 1980, les traumatismes, les séquelles de blessures et de fractures étaient encore visibles chez beaucoup du peu d’étudiants présents à l’université. Il était difficile d’imaginer une reprise normale des cours dans une telle situation. Un comité de solidarité, mixte enseignants, étudiants et travailleurs, avec les détenus et leurs familles sera quand même mis sur pied. Il initiera une quête d’argent pour venir en aide aux familles des détenus, des recueils de signatures d’une pétition pour la libération des emprisonnés, la constitution de collectif d’avocats pour la défense et organisation de cortèges de visites pour les prisonniers à la prison de Berrouaghia. Le climat de suspicion était tel qu’il était impossible pour nous d’œuvrer à une reprise pédagogique normale pendant que beaucoup de nos amis étaient encore en prison. Deux camarades étudiants toujours sous le choc psychologique seront hospitalisés à l’hôpital psychiatrique de Oued-Aïssi pendant plusieurs semaines.

Le dénouement

Une assemblée générale se tient dans des conditions extrêmement difficiles et décide de reprendre les cours pour assurer l’ouverture de l’université. L’université rouverte constituait tout de même un point de rencontre important pour œuvrer à la libération de nos camarades. Elle nous a permis de rester en contact avec les journalistes, les familles et proches des détenus, d’organiser la solidarité, etc. Les contacts seront rétablis avec des étudiants de l’Université d’Alger, les autorités locales, les avocats, le ministère de l’Enseignement supérieur.

Pour faire en sorte que les étudiants restent sur place dans les campus universitaires, la troupe théâtrale de Sidi-Bel-Abbès de Kateb Yacine et le chanteur Ferhat Mehenni, lui aussi parmi les libérés du 15 mai, vont assurer quelques soirées d’animation à Hasnaoua.

Cette situation, qui durera ainsi jusqu’à la mi-juin, nous a permis de panser les blessures psychologiques, maintenir la mobilisation et rétablir la confiance et l’assurance des familles et proches des détenus qui œuvraient en solidarité avec nous à leur libération.

Le 31 mai 1980, Abdelhaq Brerhi est reçu à l’université en compagnie du responsable du Snesup, des autorités locales et du recteur. Rien de spécial n’avait été apporté dans cette assemblée, sinon de justifier l’objet de sa présence par son désir d’écouter pour transmettre les préoccupations des universitaires à la direction politique du pays. A mesure que les choses évoluaient, la confiance s’installait de plus en plus en nous quant à la libération de nos camarades détenus. Nous serons d’autant plus soulagés à chaque visite qu’on leur rendait en prison.

Le 16 juin 1980, je les voyais dans un moral au top, se permettant même de raconter des blagues à travers le parloir. Le signe de dénouement, tant attendu, nous ne le percevrons que le 24 juin 1980 au soir au campus de Hasnaoua, quand une consigne transmise de la réunion du congrès du FLN par le biais du cabinet du wali nous demandait de surseoir à la quête d’argent. La mise en liberté de nos camarades détenus est confirmée le lendemain dans la soirée.

Le jeudi 26 juin 1980, un cortège sera organisé sur Berouaghia pour les accueillir à leur sortie. Trente ans après, que peut-on retenir du mouvement d’Avril 1980 ? Une grande débauche d’énergie. La langue tamazight reste plus que jamais dans sa situation de menace de disparition.

Par Arab Aknine, 17 avril 2011

in: kabyles.net

Bibliographie
Tafsut Imazighen, revue de presse. Ed Imedyazen Paris 1980.
– Chronologie des événements de Kabylie
– mars 1980. Rachid Chaker. Ed. ronéotée Tafsut.
– Archives personnelles.

Notes

(1) A cette période, M. C. Kherroubi était wali de la wilaya et Sidi Saïd Hamid, commissaire national du FLN.

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CHRONOLOGIE DU PRINTEMPS BERBÈRE 1980

Par Rachid Chaker

Dimanche 9 mars 1980.

En deux années et demie d’existence, le Centre universitaire de Tizi-Ouzou a déjà connu trois grandes grèves dont la dernière en date, très dure, s’est déroulée du 17 octobre au 13 novembre 79; elle posait le problème de la représentation authentique des étudiants dans l’instance universitaire. Le FLN avait accusé les meneurs d’être des berbéristes, voire des bébéro-marxistes (ou plus prosaïquement des Bougiots).

On avait alors supprimé la venue des étudiants bougiots sur Tizi-Ouzou, ceux-ci étant désormais orientés sur Sétif. De même les enseignants algériens ayant accompli leurs études en France, furent particulièrement surveillés, parfois intimidés. De nombreuses atteintes à la liberté des manifestations culturelles berbères se sont déjà produites à Tizi-Ouzou. Interdiction d’Aït Menguellet et d’Idir ; ou de la pièce de théâtre la Guerre de 2000 ans adaptée en kabyle. En rétorsion, une salle de prière aurait été alors mise à sac par les étudiants.

La venue le 10 mars 1980 de Mouloud Mammeri avait été annoncée par voie d’affiches depuis plusieurs jours déjà. Le recteur, bien qu’hostile à cette présence a toléré l’organisation de la conférence par le comité de cité d’Oued Aïssi (comité reconnu par l’administration). Toutefois, plusieurs affiches avaient été arrachées. Dans la nuit du dimanche au lundi à minuit, un mystérieux appel téléphonique de quelqu’un se faisant passer pour le recteur de Tizi-Ouzou prévient Mammeri de l’annulation de sa conférence.

Lundi 10 mars 1980.

Renseignement pris le matin, M. Mammeri s’est entendu démentir au téléphone, par M. Arab, lui-même, toute interdiction ou report de la conférence. Vers 12 heures Mammeri, en compagnie de S. Chaker et d’un chauffeur du CRAPE se dirige en direction de Tizi-Ouzou. Parvenu à 14 heures à Draâ Ben Khedda, ils sont interceptés par un barrage de police. (Un second barrage était d’ailleurs prévu à Boukhalfa.)

Conduit chez le Wali après vérification d’identité, M. Mammeri se voit signifier oralement, l’interdiction de sa conférence sur « la poésie kabyle ancienne » , sous prétexte de « risques de troubles de l’ordre public ». Il est également convié à quitter la wilaya immédiatement. Auparavant, il prend soin de se rendre chez le recteur pour s’enquérir de cette interdiction. Le Wali a en effet » lâché le morceau » en trahissant son exécuteur des basses œuvres, puisqu’il avait charge, le directeur du COUS, M. Mérabtène, de téléphoner « l’annulation » à Mammeri, la veille à minuit.

Le recteur et le secrétaire général de l’Université sont effondrés et déclarent être soumis à des pressions intolérables. Aux environs de 16 h 30, à Hasnaoua lorsque la nouvelle de l’interdiction parvient à la nombreuse foule attendant impatiemment (plus de 1000 personnes !) c’est l’effervescence qui succède à l’indignation. Une A.G. des étudiants est convoquée pour le lendemain mardi 11 mars à 9 heures.

Mardi 11 mars 1980.

Par Rachid Chaker, revue Tasfut n° 80

Publié le 17 Avril 2016 par Ameɣnas

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Les donneurs de leçons

Par Kamal Belkacem

« Des étudiants du Centre Universitaire de Tizi-Ouzou ont exprimé leur mécontentement il y a quelques jours à la suite d’une conférence annulée d’un homme qui, pour prétendre être le chantre d’une culture berbère, n’a rien fait de tel comme contribution a son pays que rédiger un travail de “création intellectuelle sur la culture aztèque...” (1) avant d’accorder une interview à un quotidien Parisien où il confond inquisition chrétienne, monarchie marocaine et l’islam et la Révolution algérienne.

On peut facilement comprendre pourquoi notre jeune génération a tout à gagner en se défiant de tels intellectuels. (2) Les vérités d’un Kateb Yacine ou a un Malek Haddad, même si elles ne font pas l’unanimité, sont les actes de foi patriotiques, un désir profond de communier.

L’incident que certains milieux ont tenté de récupérer n’a, il faut dire, aucune commune mesure avec la tournure qu’il a prise.

Les valeurs arabo-islamiques fondamentales de notre société et, principalement l’Islam qui a trouvé le meilleur accueil en Kabylie, n’ont jamais été édifiées sur l’intolérance et le repli sur soi-même. La Nation algérienne a trouvé son unité dans sa diversité et si, à un moment donné, nous avions jugé avec une grande sévérité les passions non retenues de jeunes, enthousiastes certes, au nom de l’arabisation, il convient par ailleurs, en pareil cas de dire à ceux qui se réfugient derrière d’autres slogans, d’observer la plus grande vigilance à l’égard de ces slogans.

Au moment où la Direction politique, à l’écoute des masses prend en charge tous les problèmes des citoyens, afin de les résoudre de manière globale et juste, notre peuple n’a que faire des donneurs de leçons et particulièrement de gens qui n’ont rien donné ni à leur peuple ni à la révolution, à des moments ou la contribution de chaque algérien à la cause nationale était symbole de sacrifice et d’amour de la patrie. La langue arabe – revendication de notre peuple – est notre langue nationale et il est temps qu’elle reprenne la place qui lui revient dans tous les secteurs d’activités du pays.

Nous ne pouvons en effet continuer à lier le destin des générations futures et notre indépendance à une langue étrangère qui fût la langue de nos oppresseurs, de notre dépersonnalisation.

L’arabisation, contrairement à ce qu’en pensent certains passéistes bornés et “Mac Cartystes” de la culture se traduira dans notre vie de tous les jours de façon réfléchie et révolutionnaire et avec l’adhésion de l’ensemble des Algériens. L’expérience nous a appris que toute tentative d’imposer quelque chose à notre peuple est vaine et relève d l’irresponsabilité.

La culture algérienne sortie, de ses ghettos, de ses inhibitions et de ses interdits – dus le plus souvent à quelques bureaucrates trop zélés qu’à autre chose – doit renaître grâce à l’apport des Algériens qui n’ont pas été engendrés quoiqu’en disent certains dans le berceau de la Rome antique ni dans celui du royaume du Macherek. Elle est l’expression d’une civilisation arabo-islamique qui s’est fondue harmonieusement dans les traditions et spécificités des peuples d’Afrique du Nord. Les plus grands acquis de notre peuple ne se sont pas réalisés à coups de slogans, ni contre la volonté des masses populaires. »

K. B. El Moudjahid 20 mars 1980

Notes

(1) Les “Aztèques” ce glorieux peuple anéanti par les Conquistadores, a fait aussi l’objet d’études célèbres de la part d’un certain Jacques Soustelle de triste mémoire. Curieux choix de ce thème.

(2) S’agissant de la participation à la guerre de libération est-il nécessaire de rappeler son refus de souscrire à un manifeste en faveur du FLN en 1956 et son dédain pour les moudjahidine de 1954, qualifiés par lui dans les colonnes de “l’Echo d’Alger” de chacals des Aurès.

in: kabyles.net

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Réponse de Mouloud Mammeri à l’article de Kamel Belkacem : « Des donneurs de leçons »

Dans la page culturelle du N° 4579 de votre journal (El Moudjahid), en date du 20 mars 1980, vous avez fait un article me mettant directement en cause, sous le titre les donneurs de leçons. Le texte contenant un certain nombre de contre-vérités, je vous prierai de faire paraître ce rectificatif dans la même page de votre prochain numéro.

Sur les allégations me concernant personnellement je fais l’hypothèse charitable que votre bonne foi a été surprise et que ce qui d’ailleurs s’appellerait mensonge et diffamation (et serait à ce titre passible des tribunaux) n’a été chez vous qu’erreur d’information. Il va de soi que je n’ai jamais écrit dans « l’Echo d’Alger » l’article mentionné dans votre texte. Il va sans dire que je n’ai jamais eu à refuser de signer le mystérieux manifeste de 1956 que vous évoquez en termes sibyllins.
Je serais heureux néanmoins que cet incident soit pour vous l’occasion de prendre une dernière leçon sur la façon même dont vous concevez votre métier. Le journalisme est un métier noble mais difficile. La première fonction et à vrai dire le premier devoir d’un journal d’information comme le vôtre est naturellement d’informer. Objectivement s’il se peut, en tout cas en toute conscience. Votre premier devoir était donc, quand vous avez appris ces événements (et non pas dix jours plus tard) d’envoyer un de vos collaborateurs se renseigner sur place sur ce qui s’est passé exactement afin de le relater ensuite dans vos colonnes.

Vous avez ainsi oublié de rapporter à vos lecteurs l’objet de mécontentement des étudiants. Cela les aurait pourtant beaucoup intéressés. Cela leur aurait permis en même temps de se faire une opinion personnelle. Ils n’ont eu hélas droit qu’à la vôtre. Vous auriez pu pourtant leur apprendre qu’il est des Algériens pour penser qu’on ne peut pas parler de la poésie kabyle ancienne à des universitaires algériens.

Nous sommes cependant quelques-uns à penser que la poésie kabyle est tout simplement une poésie algérienne, dont les kabyles n’ont pas la propriété exclusive, qu’elle appartient au contraire à tous les algériens, tout comme la poésie d’autres poètes algériens anciens comme Ben Mseyyab, Ben Triki, Ben Sahla, Lakhdar Ben Khelouf, fait partie de notre commun patrimoine.
En second lieu un journaliste digne (et il en est beaucoup, je vous assure) considère que l’honnêteté intellectuelle, cela existe, et que c’est un des beaux attributs. Attributs de la fonction – même et surtout quand on écrit dans un organe national : là moins qu’ailleurs on ne peut se permettre de batifoler avec la vérité.

Je parle de la vérité des faits, car pour celle des idées il faut une dose solide d’outrecuidance pour prétendre qu’on la détient. Mais visiblement pareil scrupule ne vous étouffe pas. Avec une superbe assurance et dans une confusion extrême vous légiférez, mieux : vous donnez des leçons. Vous dites la volonté, que vous-même appelez unanime, du peuple algérien, comme si ce peuple vous avait par délégation expresse communiqué ses pensées profondes et chargé de les exprimer. Entreprise risquée ou prétention candide ? Quelques affirmations aussi péremptoires dans la forme qu’approximatives dans le font peuvent être l’expression de vos idées (si l’on peut dire) personnelles. Pourquoi en accabler le peuple ?

Il n’est naturellement pas possible de traiter en quelques lignes la masse des problèmes auxquels vous avez, vous, la chance d’avoir déjà trouvé les solutions. Je vais donc tenter de ramener quelque cohérence la confusion des points que vous évoquez.

Vous me faites le chantre de la culture berbère et c’est vrai. Cette culture est la mienne, elle est aussi la vôtre. Elle est une des composantes de la culture algérienne, elle contribue à l’enrichir, à la diversifier, et à ce titre je tiens (comme vous devriez le faire avec moi) non seulement à la maintenir mais à la développer.

Mais, si du moins j’ai bien compris votre propos, vous concéderez comme incompatible le fait de vouloir le développement de cette culture avec ce qu’en vrac et au hasard de votre plume vous appelez : les valeurs arabo-islamiques, l’indépendance culturelle etc.

Vous êtes naturellement libre d’avoir une pareille opinion. Ce n’est pas la mienne. Je considère personnellement qu’au fond la culture berbère, qui nous est commune à tous, l’Islam et les valeurs islamiques sont venus apporter un élément essentiel à la définition de notre identité. Je considère que l’Islam des premiers siècles a été un instrument de libération et d’émancipation de l’homme maghrébin. Je pense que par la suite le ciment idéologique de la résistance nationale aux menées espagnoles et portugaises sur nos côtes (1). Naturellement entre les différents visages qu’il peut prendre dans la réalité j’opte quant à moi pour le plus humain, celui qui est le plus progressiste, le plus libérateur et non pour le visage différent qu’il a pu présenter aux heures sombres de notre histoire.

La contradiction visiblement ne vous gêne pas. « La nation algérienne, écrivez-vous, a trouvé son unité dans sa diversité ». Voilà un sain principe, mais comment le conciliez-vous avec l’article que vous venez de commettre ? Cette diversité que vous êtes fier d’affirmer dans les mots, cela ne vous gêne-t-il pas de la refuser aussitôt dans les faits ? Si je comprends bien, vous voulez-vous donner en même temps le beau rôle d’un libéralisme de principe avec les avantages de la tyrannie idéologique, en un mot être en même temps progressiste dans les termes et totalitaire dans les faits. Ne vous y trompez pas : ce genre d’agissement n’a pas la vie longue. On peut tromper tout le monde quelque temps, on peut tromper tout le temps quelques hommes, on ne peut pas tromper tout le monde tout le temps. C’est un autre que moi qui l’a dit au XIXe siècle et l’adage depuis a toujours été vérifié.

Le véritable problème est donc premièrement dans la conception étrange que vous avez de votre métier. Que vous soyez totalitaire c’est votre droit, mais vous concevrez aisément que d’autres Algériens préfèrent à la pratique des slogans contradictoires celle de l’analyse honnête. Le véritable problème est deuxièmement dans la vision que vous voulez imposer de la culture algérienne, évoluant entre l’oukase et la déclaration de bonne intention toujours démentie dans les faits. L’unité algérienne est une donnée de fait. Elle se définit, comme incidemment vous l’avez écrit, dans la diversité, et non point dans l’unicité.

À cette unité dans la diversité correspond une culture vivante. La culture algérienne est, dites-vous, « sortie de ses ghettos, de ses inhibitions et de ses interdits ». Votre article est la preuve éclatante qu’hélas elle y est enfoncée jusqu’au cou. Mais soyez tranquille : elle en a vu d’autres, la culture algérienne, une fois de plus elle s’en sortira. Elle s’en sortira car « toute tentative d’imposer quelque chose à notre peuple est vaine et relève de l’irresponsabilité ». C’est votre propre prose. Dommage que vous n’y croyiez pas !

Mouloud Mammeri

(1) : cette phrase semble incomplète

source : Revue Awal, 1990, édition spéciale, Hommage à Mouloud Mammeri, pp. 142-146.

N.B : El Moudjahid n’ayant pas accordé le droit de réponse de Mouloud Mammeri, cet article n’a jamais été publié dans ses colonnes.

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Chapitre 5 « Le printemps berbère » de 1980″ du livre de Amar Ouerdane intitulé « La question berbère »

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Et j’ai crié, crié, Aline !

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.CLIQUER ICI POUR ENTENDRE « ALINE » DE CHRISTOPHE

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Christophe a été emporté par le Covid 19, cette nuit. Il avait 74 ans. La majorité des jeunes ne le connaissent pas. Mais tous eux qui furent jeunes dans les années Yéyé (et la décennie suivante) le connaissent, ils ont aimé ses chansons. Christophe, c’est Aline (1965), Les marionnettes (1965), Les mots bleus (1974) et tant d’autres belles mélodies.

Comme une fulgurance, à la seconde même où, sur France Inter j’entendais la nouvelle, tôt ce matin, un puis deux lieux, deux moments, deux images ont traversé mon esprit. D’autres sont venus l’embouteiller. Je vous parlerai des deux premiers.

Dans le premier lieu, je me vois nettoyer avec un torchon élimé blanc à rayures vaguement rouges les verres sous le double regard, le premier, attentif de Mireille, la patronne que j’appelais « M’dame », je disais toujours « oui M’dame » et le second plus indulgent peut-être même indifférent et plutôt flottant, celui d’un vieux client à la corpulence d’ancien Sumotori, assis sur un tabouret devant un double Ricard et répétant en jouant de ses mains et de son corps « Et j’ai crié, crié, Aline pour qu’elle revienne, et j’ai pleuré, pleuré, Oh! J’avais trop de peine… » Le lendemain (ou le surlendemain, j’y venais trois ou quatre fois par semaine) il était assis au même endroit et lorsque de nouveau il entendait la même chanson, il fredonnait encore les mêmes paroles « Et j’ai pleuré, pleuré, Oh! J’avais trop de peine… ». Je pense aujourd’hui qu’il en avait plein le cœur ou la tête. Deux ou trois autres clients, plutôt silencieux, se partageaient le reste du pub. Je travaillais dans ce club, depuis la mort de mon père, trois années auparavant, quelques heures par semaine, entre deux et douze (les heures) par semaine. Il s’appelait  « l’Aéroclub d’Oranie » et était situé au 14 de l’avenue Loubet entre deux autres célèbres brasseries, Le Majestic à l’angle sud-ouest (plus ou moins) et Les Falaises à l’angle Nord-ouest (plus ou moins).

J’étais barman, pas 18 ans, ni fiche de paie, mais des bananes en guise de salaire. Sur son vieux tourne-disque, la patronne passait en boucle les chansons de Sylvie Vartan, Johnny, Marie Laforêt, Les chaussettes noires, Christophe  – Aline n’avait pas cinq ans… « J’avais dessiné Sur le sable Son doux visage Qui me souriait Puis il a plu Sur cette plage Dans cet orage Elle a disparu Et j’ai crié, crié… » Oui je criai aussi souvent à cette époque horrible (pourquoi donc ? laisse béton va) 

Dans le second lieu, je me vois avec mon ami B., à la même époque, sur le sable très chaud de Paradis-Plage, pas loin où l’Arabe Snp fut descendu par Meursault, bien avant le coup d’État et l’indépendance. Nous étions une bonne vingtaine d’adolescents agglutinés autour du stand de la RTA, autour de la bellissima Leïla Boutaleb. Elle faisait le tour des plages d’Algérie et offrait des disques, des jouets, des jeux… à celui ou celle (les filles étaient aussi nombreuses que les garçons) qui découvrait le titre de la chanson qu’elle nous donnait à entendre… à l’envers. C’eût été trop facile autrement ! Ce jour-là mon ami B. et moi ne savions pas que l’émission, « Radio-crochet » était son nom, se déroulerait sur les plages oranaises, mais nous la connaissions. « Écoutez » fit l’animatrice à la première note. Elle n’eut pas le temps de reprendre sa respiration.  À la deuxième ou troisième, peut-être la quatrième note, j’ai levé tous mes bras, et crié, mais crié comme un putois heureux, en trépignant : Aline ! Aline ! Aline ! » La bellissima (oui) Leïla Boutaleb avait des yeux gros comme ça de surprise. « Applaudissez-le, allez, applaudissez-le » se réjouissait-elle. Autour d’elle ses collaborateurs, techniciens, chauffeurs… applaudissaient, m’applaudissaient. Ils étaient tout autant cois qu’elle. Je l’aimais beaucoup Leïla Boutaleb, savez-vous. Elle nous faisait rêver avec ses émissions matinales. Elle en animait ou animerait plusieurs : le réveil musical, à cœur ouvert, le chant du coq (j’appréciais moins, il me semble aujourd’hui que c’était de la propagande). Je peux écrire aujourd’hui qu’elle (et d’autres) m’a aidé à tenir (quoi donc ? laisse béton va). Un jour, bien plus tard, non loin du Majestic, j’ai rencontré Djamel Amrani qui flânait sous les arcades. Je souhaitais parler de « Psaumes dans la rafale », mais il m’a assommé pendant quinze minutes en ne parlant que d’elle, « ma chérie, ma chérie » répétait-il, Leïla Boutaleb, sa fusion. Il me semble que je m’égare là. Revenons à l’émission « Radio crochet ». Ce jour-là, je suis reparti de Paradis-Plage avec une belle table pliante en fer (60X40) toute bleue que je n’ai pu partager avec mon ami B. Comme des vagues à l’âme. « J’avais dessiné/ Sur le sable/ Son doux visage/ Qui me souriait/ Puis il a plu/ Sur cette plage/ Dans cet orage/ Elle a disparu/Et j’ai crié, crié/Aline/Pour qu’elle revienne/Et j’ai pleuré, pleuré /Oh! J’avais trop de peine/Je me suis assis /Auprès de son âme/Mais la belle dame/S’était enfuie/Je l’ai cherchée /Sans plus y croire/Et sans un espoir/Pour me guider/Et j’ai crié, crié/Aline/Pour qu’elle revienne/Et j’ai pleuré, pleuré /Oh! J’avais trop de peine/Je n’ai gardé /Que ce doux visage/Comme une épave /Sur le sable mouillé /Et j’ai crié, crié/Aline/Pour qu’elle revienne/Et j’ai pleuré, pleuré /Oh! J’avais trop de peine… (de quoi de qui donc ? laisse béton va).

« Le Covid-19 à la rescousse des généraux » J.G

Algérie : le Covid-19 à la rescousse des généraux

Par José garçon

La crise sanitaire liée au coronavirus ne constituerait-elle pas une « aubaine » pour le régime algérien ? José Garçon, membre de l’Observatoire de l’Afrique du Nord et du Moyen de la Fondation, en soulignant l’inefficacité dramatique des autorités, montre que l’épidémie du Covid-19 permet en effet au pouvoir de poursuivre la politique de répression et de ne pas apporter de réponses au Hirak, mouvement qui a décidé de suspendre sa mobilisation.

Conspué par la rue, le régime algérien a pu nourrir une première fois, le 12 décembre 2019, le sentiment d’avoir « réussi son coup » en faisant passer en force « son » élection présidentielle. Depuis, il se heurtait à la même impossibilité : mettre fin au Hirak, cette insurrection populaire exemplaire par son pacifisme, son ampleur et sa maturité. Un fléau moyenâgeux aura obtenu – momentanément au moins – ce que les « décideurs » militaires n’osaient plus espérer : mettre fin aux marches hebdomadaires du Hirak qui, depuis plus d’un an, exigeaient un « changement de système ». Donnant là une énième preuve de sagesse et de conscience politique, le Hirak a lui-même pris les devants en décidant de suspendre ses rassemblements.

Les « décideurs » auraient toutefois tort de se réjouir de l’aubaine. Avec le Covid-19, le régime doit aujourd’hui gérer un séisme sanitaire majeur dont le coût humain risque d’être dramatique compte tenu du délabrement du système de santé : vétusté et dégradation des hôpitaux, manque criant de moyens (400 lits de réanimation – ne répondant pas aux standards internationaux – pour une population de près de 43 millions d’habitants, pénurie de moyens de protection pour les soignants, etc.), hygiène défaillante, personnel soignant insuffisant et sous-équipement des laboratoires hospitaliers, dont rares sont ceux qui peuvent assurer les tests de dépistage faute de répondre aux normes de sécurité indispensables…

Mise à nu par le Covid-19, cette incurie est dénoncée depuis vingt ans, à coup de grèves à répétition, par des médecins et des internes des hôpitaux. Au point que leur mobilisation fut l’un des moteurs du Hirak. On comprend dans ces conditions le malaise créé par la visite du Premier ministre algérien à l’hôpital de Blida : les combinaisons médicales lourdes et les masques dans lesquels Abdelaziz Djerad et son entourage étaient emmitouflés tranchaient singulièrement avec la simple blouse protégeant médecins et personnel hospitaliers ! Pour ne rien arranger, une intervention chirurgicale en Suisse du secrétaire général du ministère de la Défense, le général Abdelhamid Ghriss, est venue montrer que les hauts gradés continuaient à se faire soigner à l’étranger – signe de leur manque de confiance quant à la qualité des soins dispensés en Algérie… Pourtant, seuls les hôpitaux militaires, dont celui d’Aïn Naadja à Alger, échappent au délabrement généralisé. Ces structures auraient même récupéré l’aide matérielle, l’équipe médicale de 21 personnes et les médicaments chinois (1)arrivés le 27 mars dernier en Algérie.

I – LE CONFINEMENT, MISSION IMPOSSIBLE POUR BEAUCOUP

La parole officielle s’est d’abord voulue rassurante. « La situation est sous contrôle », assurait le chef de l’État le 17 mars dernier, cinq jours après le premier mort du Covid-19. Trois semaines plus tard, les chiffres officiels font état (au 14 avril 2020) de 2070 cas de coronavirus et de 326 morts (2), tandis que les médecins s’inquiètent « de formes graves surtout chez les jeunes », et que les hôpitaux de Blida et Alger sont débordés. Déjà difficile à établir faute de diagnostic, le nombre des personnes atteintes est de fait inconnu. D’autant que le chef de l’État a ordonné le 22 mars dernier « d’interdire la diffusion de toutes statistiques en dehors de celles du ministère de la Santé ». Cet ordre a été suivi par la menace de poursuites judiciaires contre les médias qui y contreviendraient, tandis que la page officielle du ministère du Commerce reprenait un faux communiqué de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) affirmait que l’Algérie était « hors de la zone de danger » et allait « bientôt vaincre le Covid-19 »…

Pour faire oublier cette situation, le chef de l’État a promis, le 13 avril 2020, un changement radical dans le secteur de la santé : suppression du service civil pour les médecins spécialistes (3), mesures pour les inciter à travailler dans les wilayas (préfectures) du sud et réévaluation de la grille des salaires des soignants. Les autorités, conscientes que les infrastructures sanitaires ne peuvent tenir le choc, ont par ailleurs passé outre la controverse sur le traitement du Covid-19 par la chloroquine. Elles annonçaient, le 31 mars dernier, que ce médicament – produit localement – serait utilisé pour traiter « tous les malades atteints du coronavirus, ainsi que tous ceux qui auront des signes de contamination » et pas seulement les cas aigus comme déclaré dans un premier temps. Volonté de prouver qu’elles se donnaient les moyens de « guérir » pour faire oublier l’état catastrophique des infrastructures sanitaires ? On ne compte plus en tout cas les communiqués « prévoyant des guérisons ».

Entretemps, la région de Blida – la plus touchée – était placée sous confinement total tandis qu’un couvre-feu allant de 19h à 7h était progressivement étendu à toutes les wilayasjusqu’au 19 avril 2020, avant d’être élargi de 15h à 7h dans neuf d’entre elles (dont Alger, Oran, Sétif, Tizi Ouzou, Tlemcen, Médéa, etc.). Alors que tous les transports publics sont à l’arrêt, les autorités n’excluent plus un confinement total. Non sans une certaine confusion : après une valse-hésitation, pharmacies et buralistes sont finalement restés ouverts, les marchands ambulants aussi, mais « en rotation par quartiers ».

En l’absence de réelles mesures d’accompagnement, les Algériens s’accommodent des mesures prescrites comme ils le peuvent – c’est-à-dire difficilement dans un pays où tant de gens ne survivent que de l’informel (4). Comment en serait-il autrement quand rester chez soi relève d’une mission impossible pour des secteurs très importants de la population qui vivent dans des logements insalubres ? Dans une ambiance générale assez anxiogène – qui, paradoxalement, n’empêche guère une fréquentation notable de certains étals de fruits et légumes –, les stations d’essence ont été prises d’assaut. La semoule, base de l’alimentation, est, quant à elle, introuvable depuis début avril 2020 en raison d’achats massifs à la suite d’une rumeur faisant état d’une rupture des stocks. La distribution des produits de première nécessité – qui relève désormais de la direction du commerce ou des municipalités – provoque bousculades, bagarres et files d’attente interminables, avec parfois des gens collés les uns aux autres… D’où la crainte d’un grand nombre de contaminations.

II – PROFITER DU CORONAVIRUS POUR METTRE AU PAS LE MOUVEMENT POPULAIRE

Fidèle à lui-même, le régime entend de toute évidence profiter de l’épidémie et de la trêve sanitaire décrétée par le Hirak pour… réprimer et censurer la presse. Partout dans le pays, il cherche à faire taire les récalcitrants – activistes politiques (5) ou journalistes comme Khaled Drareni –, décourager les autres et faire peur à tous. Signe qui ne trompe pas : la grâce de quelques 5037 prisonniers décrétée par le chef de l’État Abdelmadjid Tebboune ne concerne … aucun des 50 détenus d’opinion liés au Hirak, en dépit des dangers de contamination en prison. Et surtout pas le plus connu d’entre eux, Karim Tabbou, qui fait l’objet d’un surprenant acharnement judiciaire (6). Parallèlement, le verdict de plusieurs procès d’ex-détenus et de manifestants du Hirak a été renvoyé « à une date ultérieure », tandis que les audiences maintenues se sont déroulées à huis clos pour cause d’épidémie. Police et gendarmerie convoquent en outre nombre de militants, tandis que le procureur adjoint du tribunal de Tiaret, connu pour ses activités syndicales et son combat pour les droits des magistrats, a été placé sous mandat de dépôt. Plusieurs personnes ont aussi été placées sous mandat de dépôt pour « diffamation » sur… Facebook ! « Scandaleuse promptitude » du pouvoir « à profiter que le monde soit occupé par le coronavirus pour accélérer la répression du Hirak », résume notamment Human Rights Watch à l’unisson des autres ONG.

Rien ne dit cependant que le régime viendra à bout de la contestation populaire. Alors que sa rupture avec une grande partie de la société est consommée, la défiance des Algériens risque de tourner à la colère face au peu de moyens dont dispose le pays et en dépit de l’annonce de la participation de l’armée (7) à la lutte contre le Covid-19. Les décideurs militaires ne l’ignorent pas. Dans son numéro d’avril 2020, El Djeich, la revue de l’armée, martèle avec l’emphase qui lui est propre que la « détermination de l’État algérien (dans la lutte contre le virus) a permis au pays d’éviter une véritable tragédie » et souligne que l’armée « demeure prête en permanence à faire face à toute situation d’urgence ». El Djeichcroit bon de souligner au passage, ce dont personne ne doute par ailleurs, la « cohérence totale entre le président Tebboune et l’ANP (l’Armée nationale populaire) ».

Cette montée au créneau de l’armée survient au moment où l’on assiste à un chamboulement très conflictuel au sein de la haute hiérarchie des services de renseignement (8). Ce mouvement s’est accéléré au cours des derniers jours avec le limogeage puis l’arrestation le 14 avril dernier « pour haute trahison » du puissant général Bouazza, l’un des chefs de la police politique, ainsi que la disgrâce du patron de Antar, l’une des principales casernes des services de sécurité. L’accélération de cette crise – qui durerait depuis quatre mois – reste encore difficile à analyser. Sauf à noter deux faits significatifs : le général Bouazza s’était opposé à la candidature d’Abdelmadjid Tebboune à la présidence de la République ainsi qu’une surprenante déclaration du chef d’état-major, le général Chengriha. Ce dernier a jugé bon, le 13 avril 2020, d’ordonner aux officiers de la DGSI de « se mettre sous les ordres » de leur nouveau chef, le général Rachedi, et « d’agir dans le respect de la loi et de l’intérêt du pays ». Avertissement à d’éventuels partisans du général Bouazza ? Une chose semble sûre : ce grand chambardement vise à placer l’ensemble des services de renseignements sous la férule de l’état-major.

III – LE HIRAK, DU RASSEMBLEMENT PACIFIQUE À LA MOBILISATION SANITAIRE

Véritable école civique et démocratique qui, quoi qu’il arrive, demeurera une pépinière de nouveaux cadres politiques et reconfigurera le politique à long terme, le Hirak devrait, quant à lui, se réinventer et s’exprimer sous d’autres formes et par d’autres actions pour entretenir une mobilisation de la société. D’ores et déjà, son fameux mot d’ordre silmiya – pacifique – laisse place à sihya – sanitaire –, allusion aux opérations de sensibilisation et de solidarité prophylactiques menées par ses militants. Dans certains quartiers, alors que les autorités s’interrogeaient encore sur la nécessité de fermer les mosquées, des jeunes nettoyaient déjà les rues et désinfectaient les halls d’immeubles ou les rideaux des magasins fermés. Prenant acte de l’impossibilité de compter sur l’État, les Algériens ont, là encore, pris les devants. Une solidarité impliquant associations de la société civile, opérateurs économiques et hommes d’affaires s’organise un peu partout pour sensibiliser sur les risques du Covid-19, faire respecter les mesures barrières, collecter des aides et les redistribuer aux plus démunis. Soumise à un confinement total, la ville de Blida bénéficie d’un incroyable élan de solidarité, y compris à travers des dons en matériels médicaux pour ses hôpitaux.

L’absence d’illusion quant à l’efficacité de l’État est telle que nombre de villes et villages, notamment en Kabylie où la dynamique d’autogestion impliquant les structures traditionnelles est impressionnante, auto-organisent leur confinement, désinfectent les véhicules, répètent les mesures de prévention et préparent écoles, mosquées ou hangars pour servir d’hôpitaux. Partout, des entreprises, mais aussi des couturières, se sont mis à la fabrication de milliers de masques destinés principalement aux hôpitaux. Un élan dont l’ampleur rend dérisoire le don… d’« un salaire » par le chef de l’État, les ministres ou les officiers supérieurs de l’armée ! 

IV – L’ALGÉRIE ENTRE DANS UNE ZONE DE TEMPÊTE ÉCONOMIQUE

Le péril sanitaire agit en réalité comme révélateur d’une crise qui est aussi politique, économique et sociale. « L’Algérie est capable de résister à l’impact de cette crise », a commencé par assurer le gouvernement, avant que le chef de l’État n’évoque « la vulnérabilité » de l’économie « en raison de notre négligence à la libérer de la rente pétrolière » et dénonce, non sans cynisme, les « mauvaises pratiques comme le gaspillage et l’esprit de fainéantise et de surconsommation » ! Sans souffler mot de ce qui, avec le clientélisme, le népotisme et la corruption au sommet de l’État, rend l’Algérie ingouvernable depuis l’indépendance : l’existence d’un double pouvoir, celui décisionnaire de l’armée et celui – illusoire – d’un président chargé de l’intendance et ne pouvant agir sur les dossiers sensibles que dans le cadre défini par les « décideurs » militaires et les services de renseignement.

Aujourd’hui, même si les autorités peuvent arguer que la situation économique et financière n’est pas meilleure dans les autres pays, l’Algérie s’achemine vers une zone de tempête économique. Et ce même si elle a décidé en pleine crise du Covid-19 de réduire les dépenses publiques de 30 % (sans toucher aux salaires des fonctionnaires), de ramener les importations à 31 milliards de dollars (contre 41 milliards prévus pour 2020), d’économiser 7 milliards de dollars en n’ayant plus recours aux cabinets d’expertise étrangers, tandis que le géant public des hydrocarbures, la Sonatrach, affirme réduire son budget 2020 de 50 %. Les réserves de change ont en effet fondu, passant de 250 milliards de dollars en 2014 à… 60 aujourd’hui, soit un peu plus d’une année d’importations. Elles risquent de se contracter davantage encore avec la chute des prix du pétrole – 98 % des exportations du pays – d’autant que la loi de finances 2020 a été établie sur la base d’un pétrole à 50 dollars le baril (actuellement à 32 dollars).

À elle seule, cette situation économique exigerait de sortir de l’impasse politique actuelle pour aller vers une démarche de réconciliation et créer du consensus national. On en est loin au vu du durcissement sécuritaire observé à l’ombre du Covid-19. Depuis le 9 avril dernier, le terme « Censurés » en rouge barre les deux sites d’information électronique Maghreb Emergent et Radio M. Pour justifier le blocage de ces médias qui ne sont plus accessibles en Algérie, les autorités ressortent, sans surprise, le répertoire inoxydable des régimes autoritaires : « financement de l’étranger »(9) Peu avant, le porte-parole de la présidence avait déjà dû rétropédaler pour tenter, dans un communiqué aux furieux airs des années 1970, de se sortir du mauvais pas dans lequel il s’était mis à la télévision publique : avoir accusé le Hirak de faire « prendre au pays le risque d’une contamination ».

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Notes :

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C

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Covid-19, L’An 01 et la PM

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Le monde entier se souviendra du passage du Covid-19, et en sera marqué pour très longtemps, comme on est tatoué à vie. Des dizaines de milliers de morts en quelques mois. Le monde est bouleversé. Beaucoup de larmes de crocodile chez les dominants. On parle d’un monde nouveau à construire. « Rien ne sera plus comme avant » entend-on ici et là, parfois par ceux-là mêmes qui ont contribué, chacun dans leurs territoires, à leur niveau de responsabilité,  avec plus ou moins de fougue, plus ou moins d’ardeur, d’acharnement, à la situation dans laquelle se trouve notre monde aujourd’hui. Un monde déchiré, obnubilé par l’individualisme (méthodologique dirait Boudon à partir de l’ubac), par le gain facile, par l’outrance. « Il faut tout balayer », « il faut repenser la société » « jeter par dessus-bord la mondialisation »… « Une vieille rengaine » s’exclame un hebdomadaire de droite, qui n’est pas en reste. Tout ce cinéma, ces propos presque indécents venant de ces mêmes responsables ou quidam qui, jusque-là louaient la société des individus et du nombrilisme, jusque-là vouaient aux gémonies tout modèle sociétal qui s’écarterait de l’hégémonie des Bourses, des puissants, de leurs lois, de leurs outrances. Tout cela pour vous dire que ces mots m’ont renvoyé au cinéma. Un film revient au devant de la scène ces jours-ci. Un film que j’ai vu il y a très longtemps. Un film de Jacques Doillon tourné dans l’après Mai 68, « L’An 01 », c’est un film qui me replonge dans l’Oran des années 70 – peu avant mon grand départ – précisément dans la cinémathèque lorsqu’avec le théâtre d’Oran elle tournait à plein régime (mais c’est vrai aussi, dans une seule et unique direction).

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La cinémathèque, en contrebas du quartier Mirauchaux, passait des films du « cinéma nouveau » algérien et d’autres films engagés. Nombreux acteurs et réalisateurs nationaux et étrangers y sont intervenus. Je me souviens de Maryna Vlady, de Mohamed Rondo, de Marcel Hanoun, Mohamed Bouamari et combien d’autres. Mes souvenirs, vaporeux, me renvoient à ces jours où on projetait « L’An 01 ». Le film fait leur peau à l’économie capitaliste, au Stakhanovisme de l’Ouest. « On arrête tout et on recommence autrement ». Cette utopie nous faisait rêver. Certains d’entre nous voulaient tout bazarder pour aller voir ailleurs, mais nous étions surveillés. Il y avait des « débats » à la cinémathèque. Je mets débats entre guillemets. À vrai dire, c’étaient des moments de défoulement où rien n’était possible sous notre Big Brother national et ses bras nombreux. Respirer le bon air équivalait à respirer l’idéologie du Grand Est que propageaient des étudiants Stal eux-mêmes aveuglés. « L’An 01 » a été toléré car il interrogeait la seule société de conso. Puis sortis du cinéma on tombait dans notre noire réalité, notre nuit. Enfermement généralisé. Le virus (ou Le pharaon) régnait au sommet de l’État tentaculaire. La parole « critique » (corollaire du « soutien critique » des plus engagés) n’était tolérée que dans les espaces confinés (tiens, tiens). Les « Hbat » allaient et venaient le long des rues du centre-ville. Ils avançaient en tenue de combat, par groupe de cinq, en file indienne, la trique noire prête à l’usage. Et ils cognaient, embarquaient, quiconque dont la tête ne leur revenait pas, qui portait les cheveux trop longs ou les cheveux trop courts, qui avait un regard ou une tenue inadaptés, qui n’avait pas éteint, écrasé sa cigarette à leur passage en signe de soumission. Les « Hbat » c’est la Police Militaire ou « PM » en noir charbon sur leurs casques blancs. Entre nous, nous les chuchotions « Hbats », pour nous en moquer. Mais nous en avions peur. Qui n’avait pas peur en Algérie ? « Hbat » signifie « descend », un terme qu’ils utilisaient pour interpeller les jeunes. Dans notre parler oranais on ne dit pas « Hbat ». Ces militaires étaient souvent de l’Est du pays, alors que les militaires d’Oran faisaient leur loi dans l’est ou le sud algérien etc. 

Je me suis éloigné de L’An 01. Tant pis. Les années ont coulé sous les ponts et beaucoup, marqués par les contrariétés, voire les impasses de l’époque présente, ont hélas oublié l’inoubliable. N’oublions jamais pour venir à bout du présent, du corona et construire de meilleurs lendemains.

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Promenade déconfinée

En application de l’article 3 du décret du 23 mars etcetera, je soussigné ah certifie que mon déplacement est lié au motif suivant : Déplacements brefs, dans la limite d’une heure quotidienne et dans un rayon maximal d’un kilomètre autour du domicile, liés soit à l’activité physique individuelle des personnes, à l’exclusion de toute pratique sportive collective et de toute proximité avec d’autres personnes, soit…

Fait à M. ma ville, le… quotidiennement.

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Coronavirus et l’Afrique: la banalité du racisme

Une vidéo et deux articles: 1- Haythem Guesmi et 2- Dominique Sopo

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LA VIDÉO – à propos d’un discours tenu sur LCI, ici: CLIQUER ICI POUR VOIR LA VIDÉO de LCI ( notamment à partir de : 4’32 »)

OU.CLIQUER ICI

Camille Locht (g.) et Jean-Paul Mira (d.), invités par la chaîne française LCI le 1er avril 2020.

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Les articles:

1_ Le Blog de Haythem Guesmi _ in Mediapart.fr 8 avril 2020

La banalité du racisme abject dans les médias français vient confirmer une certitude sans faille chez beaucoup des Africains : si on veut imaginer ensemble la possibilité d’un autre monde après cette crise, il faut surtout sauver l’Afrique de la prédation de l’élite française.

La séquence largement partagée sur les réseaux sociaux est connue, le discours raciste et abject est familier, mais cette nouvelle « provocation » nous présente avec une scène inédite : après la figure de journaliste-polémiste, c’est autour d’un médecin reconnu, le chef de service réanimation à l’hôpital Cochin, de décider en l’espace d’une minute de se métamorphoser en un scientifique-troll pour stigmatiser tout un continent et son peuple.

De la pure ingénierie mentale. Parce qu’il savait que ses propos vont suivre une trajectoire connue : le buzz, l’indignation, les excuses, le révisionnisme néocolonial, et enfin l’avancement de carrière. Et le cycle ne s’arrêtera jamais. La mise en scène est même travaillée : avant de commencer son discours avec une timide « si je peux être provocateur », le scientifique-troll savait déjà la suite des choses. Le jeu de regard, la dédramatisation en premier temps de l’ampleur de sa provocation, qui légitime dans un deuxième temps un racisme d’une violence inouïe. Bien sûr, certains osent parler de l’idiotie, l’absence de jugement et l’involontaire pour justifier l’injustifiable.

Le médecin devenu troll ainsi que son interlocuteur le directeur de recherche Inserm à l’Institut Pasteur de Lille, ce que l’institution française a produit de mieux, ont volontairement et en toute connaissance de cause décidé d’insulter les africains en réitérant la thèse hégélienne raciste et ignorante que l’Afrique est un continent sous-développé et marqué par la barbarie et la brutalité. Un espace de diable.

La banalité de racisme abject chez ces deux médecins vient confirmer une certitude sans faille chez beaucoup des Africains : si on veut imaginer ensemble la possibilité d’un autre monde après cette crise, il faut surtout sauver l’Afrique de la prédation de l’élite française.

À la recherche d’une jouissance perdue   

L’imaginaire raciste sur l’Afrique que véhiculaient les propos racistes de deux médecins se retrouve dans beaucoup des récits politiques et médiatiques sur l’incapacité de ce continent à faire face à la crise sanitaire. Après le Christianisme, c’est la science qui devient le seul et unique fondement du progrès de l’humanité, et l’Afrique est réduite à être un laboratoire à ciel ouvert.  

La note de recherche du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) ainsi que plusieurs analyses journalistiques et reportages médiatiques banalisent tout progrès scientifique et toute expertise en gestion de la pandémie. Chez des experts français, que l’état africain aille « faire massivement la preuve de son incapacité à protéger ses populations » lors de la pandémie de COVID-19 parait inéluctable.

Pourtant, dans les faits, rien ne justifie ces projections alarmistes sur l’Afrique. Non seulement le nombre des cas de contamination et de morts plusieurs pays africains restent à date très restreint, mais aussi les mesures de confinement et de distanciation sociale ont été mises en place en suivant les consignes de l’OMS, même lorsque ces mesures sont fortement ruineuses pour les économies locales. De plus, l’onde de choc à venir après cette crise n’est pas exclusive au continent africain et ses dictateurs. Même dans des démocraties solidement établies comme la France et les États-Unis, la gestion chaotique de la pandémie témoigne de leur vulnérabilité, voir l’irrationalité comme avec la tenue des élections municipales. Même avec leurs mensonges d’état à répétition, les dictateurs africains, eux, ne l’ont pas osée.

Dans un quotidien de pandémie où le spectacle morbide de la mort et d’effondrement se tient en Europe plutôt qu’en Afrique, l’inversion inattendue des rôles ne peut que suspendre la possibilité de jouissance. Dans ce sens, l’intérêt pour les éventuels scénarios de catastrophe en Afrique doit être appréhendé dans leur capacité à combler un vide dans l’imaginaire toxique qui lie la France et l’Afrique. Chez les racistes et les néocoloniaux, se fantasmer à faire violence à ces africains, réduits à des cobayes et des prostituées, aide à calmer leur crise d’angoisse. La répétition de l’ordre colonial intensément intériorisé chez l’élite française favorise un retour de jouissance dans l’espace public français.  

Elle est là la faille ! Quand l’élite française nous demande d’oublier le passé colonial et invite à passer à autre chose parce que le temps de la colonisation est révolu, nous les africains savons que le temps n’est jamais linéaire, surtout quand la notion de la continuité, dans son expression la plus ignoble, celle de néocolonialisme, se manifeste au quotidien dans le rapport que l’élite française a avec nous.

Le besoin urgent d’accuser l’élite française!  

Cette continuité néocoloniale qui caractérise la relation entre la France et l’Afrique prend toute son ampleur dans sa virulente capacité infinie à empoisonner l’horizon africain. Comme plusieurs analystes et observateurs africains l’ont souligné à maintes reprises, l’effet dévastateur des propos racistes de deux médecins français ne se résume pas seulement à « la montée du sentiment anti-français au sein de la jeunesse africaine », mais encore à une éventualité plus grave : le refus des jeunes africaines de se faire vacciner contre le coronavirus par peur de se faire passer pour des cobayes.

Face à cette réalité affligeante, il me parait évident que le besoin urgent de décoloniser l’élite française de son imaginaire toxique et prédatrice ne peut être la responsabilité des Africains. Nous on sait qu’un racisme anti-africain très ancré en France ébranle toute forme de solidarité et de coopération équitable dans le monde futur qui se prépare. Et on n’a pas cessé de le souligner dans notre activisme et littérature, mais en vain.  

Au lieu d’envisager le « patient politique zéro » qui vient déstabiliser les régimes africains, il est plus que vital d’imaginer une « grande figure politique zéro » en France qui aura le courage de sacrifier sa carrière, engager son honneur et s’exposer personnellement pour dénoncer ses collègues qui font du racisme un métier et un quotidien.

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Entre les commentaires, celui-ci de Cécile Winter

Les propos du médecin français ne sont pas étonnants, mais reflètent ce qu’a été jusqu’aujourd’hui la réalité du rapport des médecins français et en général de « l’occident » à l’Afrique en matière de santé. Il serait temps d’écrire et faire connaître l’histoire monstrueuse qui a été celle du rapport à l’Afrique concernant l’épidémie du VIH. Je ne cite ici que quelques points:

1. Dès le départ. Il y a une conférence du Pr. Gentilini faite à Abidjan en 1989 ( avant qu’il n’y ait aucun traitement). Je viens de voir qu’on peut la retrouver sur le net. Je me rappelle très bien la phrase  » si on devait écrire le bêtisier du Sida ce serait long… », or ce n’était que le début. Il mettait alors en cause l’OMS qui avait fait savoir aux gouvernements africains qu’il s’agissait d’une maladie « de blancs » qui ne les concernait pas , qu’ils devaient se focaliser sur leurs problèmes de santé endémiques, ce qui, expliquait-il, a faire prendre un retard énorme dans les campagnes d’information et de prévention. Or bien sûr la maladie venait d’Afrique (le virus a commencé à se répandre dans les années 20 avec la colonisation belge, les regroupements de gens dans les pires conditions d’hygiène dans ce qui allait devenir Kinshasa). Elle n’a pas été repérée pendant longtemps  étant donné les structures sanitaires, et est-ce qu’on allait trouver anormal que quelqu’un meure après avoir eu des diarrhées et avoir maigri ( forme clinique la plus fréquente que prenait le Sida en Afrique). Donc on l’a découverte quand des américains qui voyageaient ont présenté une infection opportuniste bizarre et peu fréquente. Par contre, et dans l’autre sens, vous savez qu’à l’époque on l’appelait la maladie des trois H, un des H étant pour « haïtien » de telle sorte que les USA avaient fermé leur frontière aux haïtiens, alors qu’en fait ce sont des « touristes » américains, qui ont introduit le virus VIH en Haïti. A ce sujet il y a des explications détaillées dans le livre de Paul Farmer intitulé « inégualities and infectious diseases » 

2. Chapitre « vaccins ». Pendant longtemps il y a eu un buzz considérable sur le thème: la solution pour l’Afrique ce sera le vaccin. Or la question d’un vaccin » pour le VIH, virus qui infecte les cellules du système immunitaire et s’intègre dans leur ADN, n’a rien à voir avec les vaccins contre des virus  donnant lieu à des infections aiguës, tels que Ebola grippe coronavirus etc… Les vaccins contre ces virus posent des questions de fabrication technique, mais la conception est simple et correspond à ce qu’ a toujours été un vaccin, à savoir: accélérer la réponse immunitaire normale de l’organisme, en injectant des antigènes de l’agent pathogène contre lequel on veut vacciner, qui vas susciter une réponse anticorps qui sera alors prête à agir immédiatement quand l’organisme rencontrera l’agent pathogène en question ( il y aura une « mémoire immunitaire » prête à l’avance pour « détruire l’agent infectieux). C’est le même principe pour tous les vaccins existants. Le VIH n’a rien à voir car l’organisme ne crée pas spontanément une réponse immunitaire qui protège (des anticorps, tous ceux qui ont le VIH en ont, c’est même comme ça qu’on faite le diagnostic: ils sont « séropositifs »), dont il faudrait en « inventer » une extra-naturelle, or malgré tous les labos qui sont sur le sujet, on n’en a même pas l’idée aujourd’hui en 2020 ( disons en 2017 parce que je ne suis plus la biologie fondamentale et les conférences VIH depuis ma retraite), on n’en a pas l’idée malgré les centaines d’études sur les 5% de gens qui ont le VIH mais contrôlent spontanément le virus (ils ont une charge virale négative spontanément et on les appelle « elite controlers »).

Bref, je vous dis tout cela parce que en 1992! à la conférence mondiale sur le Sida à Amsterdam, un type est monté à la tribune (je me rappelle le nom de sa firme, « Genetech ») et il a sorti des diapos montrant « combien de morts auraient été évitées en l’an 2000 »!!! grâce au vaccin. J’étais à côté d’une amie virologue bossant à Pasteur, on s’est regardées ahuries, pour apprendre effectivement au cours du congrès que 4 essais vaccinaux allaient commencer!!! dans 4 pays, Ouganda, Brésil, Thaïlande, j’ai oublié le 4è qui était aussi je crois un pays d’Afrique noire(en tout cas aucun pays en Europe ou Amérique du nord) Coïncidence bizarre, les seuls médecins « non blancs » qui ont parlé au cours de ce Congrès venaient de ces pays (je me rappelle la présentation du collègue ougandais parce qu’elle était bouleversante et pathétique). Lors d’une pause, mon amie et moi nous sommes assises à côté du premier « noir » que nous avons vu,  c’était un collègue de Zambie qui nous a expliqué qu’on avait fait pression sur eux tous pour leur faire accepter cet essai dans leur pays, lui et beaucoup d’autres avaient refusé parce que ils devaient accepter sans savoir qui serait vacciné et avec quel produit, mais ils avaient en même temps l’angoisse au ventre, au cas où ils auraient peut-être refusé quelque chose, ou des crédits futurs pour quelque chose qui aurait pu aider leurs malades. Il nous avait dit aussi qu’ils avaient chargé le médecin ougandais, seul invité à faire une présentation à la tribune, de parler pour eux tous.

je raconte cela parce que cette comédie du vaccin VIH avec l’antienne « pour l’Afrique ce sera le vaccin » a duré des années, avec je ne sais combien « d’essais ». Dans les congrès vous aviez les séances « essais vaccinaux » pendant que dans les sessions d’immunologie fondamentale on expliquait x hypothèses mais pas la moindre idée de ce qui pourrait protéger du VIH. Pourquoi je pense que cela mérite d’être raconté, entre autres parce que je pense que ce bluff énorme a pu générer une méfiance logique dans les pays d’Afrique vis-à-vis du « vaccin » en général

3 Pendant qu’on parlait pour l’Afrique de vaccins dont le concept même n’existait pas, les traitement antirétroviraux ont eux bel et bien commencé à arriver, et en 1996, on disposait d’une trithérapie permettant de contrôler la charge virale de tous nos malades, autrement dit on ne mourrait plus du Sida, on devenait porteur chronique d’un virus qu’on savait contrôler. Mais il n’ y avait aucun de ces traitements en Afrique noire. J’ai le souvenir d’un éditorial du » Monde » disant textuellement « étant donné le prix des médicaments, il faut que les africains comprennent qu’ils devront se contenter du préservatif », je ne l’ai plus sous la main pour retrouver sa date, mais je pense que c’est vers 1999 (c’est là que j’ai envoyé un dossier de presse à tous mes collègues et à tous les journaux, en obtenant seulement du Monde Diplomatique la proposition d’écrire un commentaire sur le livre de Paul Farmer, ce que j’ai fait). Comme vous le savez peut-être, ce qui nous a sauvés, ou commencé à nous sauver, c’est la décision du gouvernement brésilien de fabriquer des génériques (ainsi qu’un labo thailandais qui fabriquait à l’époque un générique d’une molécule). C’est ce qui a fait baisser le prix des antiviraux d’une facteur 20 ( ou plus, 150 euros le traitement mensuel contre environ 5000 euros en France à l’époque) et c’est seulement alors qu’a été fondé le fameux « fonds mondial contre VIH tuberculose et palu. Mais vient alors la question de l’usage de ces médicaments;

J’ai pris l’exemple de l’initiative mondiale pour éviter la transmission mère-enfant, annoncée au congrès international de Durban en 2000 – qui a été l’occasion pour la première fois d’une importante mobilisation, mais il n’y avait toujours pas d’antiretroviraux disponibles en Afrique. Cette initiative annoncée à grand bruit consistait à proposer aux femmes enceintes arrivant au moment d’accoucher et chez qui on diagnostiquait alors le VIH, un comprimé de Nevirapine (Viramune) en début de travail. Le « rationale » de l’affaire, c’est que la Nevirapine fait baisser très rapidement la charge virale, si bien qu’au moment de l’expulsion de l’enfant on pouvait éviter sa contamination per partum. Malheureusement, la charge virale remonte aussitôt à son niveau antérieur, avec cette fois un virus résistant à Nevirapine, car c’est très rapide, il suffit d’une mutation pour que ce médicament ne marche plus ( c’est même en se servant de Nevirapine que le fameux Dr. Ho avait pu calculer la quantité de virus produite quotidiennement dans l’organisme, grâce à la pente très rapide d’apparition de ce virus résistant): donc je veux dire que clairement tout le monde le savait.Moralité, les femmes qui ont reçu ce traitement avaient des chances heureuses d’avoir un enfant non infecté, mais la trithérapie à venir était foutue pour elles, car on savait que la trithérapie qui allait arriver comportait Viramune plus deux autres médicaments, 3TC et D4T ou AZT. Si elles ( ou leur enfant malheureusement infecté malgré Viramune) recevaient ensuite cette « trithérapie », c’était en fait une bithérapie puisque Viramune était inefficace: ce qui veut dire que le virus continuait à se multiplier, hors la résistance à 3TC survient en environ un mois ou moins ( il suffit aussi d’une seule mutation) donc la trithérapie était en fait monothérapie et on finissait par avoir aussi la résistance à D4T /AZT. Combien de patientes arrivant dans ce cas j’ai pu voir, venant d’Afrique noire et d’Haïti, et combien de publications à ce sujet!! Cela survenait – et survient encore – quand les médicaments viennent à manquer et qu’il y a des interruptions. Mais dans l’initiative internationale dont je vous parle, on le savait et on pouvait parfaitement l’éviter: il suffisait de donner à la femme, même si on voulait arrêter ensuite le traitement, un traitement de quinze jours après l’accouchement – avec AZT au moins ou AZT/3TC – le temps que la Nevirapine disparaisse du sang ( car ce médicament a une demi-vie longue): cela permettait d’éviter l’apparition de la mutation de résistance à Viramune et donc préserver l’efficacité de la trithérapie à venir pour la femme. C’est par exemple ce que les thaïlandais ont fait chez eux, ils prolongeaient par 15 jours d’AZT, c’était parfaitement faisable. Pourquoi cela ne s’est pas fait dans ce programme magnifique! pour l’Afrique noire, je suppose que c’est parce que le labo Boehringer qui fabriquait à l’époque Viramune le fournissait « gracieusement » et que les autres ne l’ont pas fait. Je n’étais pas dans leur tractation. j’ai levé timidement la main au cours de cette séance, timidement à cause de mon mauvais anglais, pour poser la question, me demandant comment il se pouvait que je sois la seule à intervenir! et je me suis fait rembarrer par l’orateur d’un revers de main, « ah, question de résistances… »

3) Pourquoi le type de Cochin parle de prostituées, ça a dû lui venir tout seul parce que sans doute comme moi il a entendu des années durant dans les congrès des communications faites à partir de « la cohorte des prostituées de Nairobi », chez lesquelles on faisait x prélèvements pour étudier la susceptibilité génétique au virus et x truc de ce genre sans inclure ces femmes dans aucun programme de soin. Tapez sur google « cohorte des prostituées de Nairobi ». Il y a eu plein d’études de ce genre à l’époque. Il serait temps que le « grand public » y mette son nez

4) Le florilège des interventions et commentaires relevant du racisme le plus bestial, je pourrais le faire, y compris dans les communications des congrès internationaux. Mais si je dis que toute cette histoire mérite d’être  racontée en détails, c’est d’abord en soi, et ensuite, parce que cela entretient une suspicion légitime, mais en même temps nuisible, parce qu’elle conduit parfois à refuser des choses qui sont fondées scientifiquement et utiles. Ceci dit, il suffit de s’expliquer. Il m’est arrivé bien souvent de dire à mes patients africains que je savais comme eux que les crimes des blancs étaient innombrables, mais que la « science des blancs » est à prendre comme telle dans la mesure où c’est la science tout court, d’ailleurs l’algèbre a été inventée en tel lieu, la physique moderne en tel autre, ce qui compte c’est que si on est dans la science elle vaut pour tout le monde . Ils comprenaient parfaitement, « vous voulez dire que c’est universel » et je répondais oui c’est ça.Je suis beaucoup moins optimiste quant au décrassage des esprits de nos compatriotes. Quand Paul Farmer  et son équipe ont réalisé le premier programme de trithérapie anti VIH « en région pauvre » – c’était sur le plateau central d’haïti -, tous les experts à l’époque émettaient des doutes, n’est-ce-pas, sur la capacité des pauvres et illettrés à prendre le traitement! il a eu des taux de succès de plus de 99%, bien mieux que chez nous, parce que l’observance était parfaite, parce que une ou deux dames déjà traitées faisaient le tour du village chaque jour, entraient chez ceux qui devaient prendre le médicament pour vérifier s’ils l’avaient pris, s’ils avaient de quoi manger avec etc..

In blogs.mediapart.fr – 8 avril 2020

Haythem Guesmi est doctorant à l’Université de Montréal en études anglaises et écrivain tunisien. (cette info, « doctorant… » lue in Le Monde daté 17 mai 2019 à la suite d’un article intitulé« L’Europe veut imposer aux Tunisiens un projet de dépendance économique totale »)

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2_ Dominique Sopo

[Tribune] Traitements contre le coronavirus testés en Afrique : LCI et les « provocateurs »

Par Dominique Sopo  – Président de SOS Racisme (France)

08 avril 2020

Deux médecins français ont évoqué, sur la chaîne d’information LCI, l’idée de tester des traitements contre le coronavirus en Afrique, déclenchant une vive polémique. Si les scientifiques se sont excusés depuis, Dominique Sopo, président de SOS Racisme, juge l’incident tristement révélateur.

Mercredi 1er avril sur LCI, deux médecins ont devisé du rôle du vaccin BCG contre le coronavirus. Le professeur Locht, directeur de recherche à l’Inserm, expose les protocoles mis en œuvre afin de tester ce vaccin. Il déclare que ces essais se déroulent en Europe – et qu’il espère les voir se dérouler également en France – ainsi qu’en Australie.

Le professeur Mira, chef de service à l’hôpital Cochin, amène alors le professeur Locht sur le terrain de l’efficacité de l’étude, qu’il serait compliqué de mener à une échelle suffisante dans les pays cités puisque les protections contre le virus s’y multiplieraient. Il finit par déclarer : « Si je peux être provocateur, est-ce qu’on ne pourrait pas faire ces tests en Afrique, où il n’y a pas de masques, pas de traitements, pas de réanimation, un peu comme c’est fait d’ailleurs pour certaines études avec le Sida, où chez les prostituées on essaie des choses parce qu’on sait qu’elles sont hautement exposées et qu’elles ne se protègent pas ? »

Quelques instants plus tard, le professeur Locht lui répond : « Vous avez raison, et nous sommes en train de réfléchir à une étude en Afrique pour faire ce même type d’approche avec le BCG et un placebo ».

Certes, comme je l’ai exposé, ces propos s’inscrivent dans une séquence plus longue où le professeur Locht explique que des tests se pratiquent sur d’autres populations et où ces deux médecins apportent des arguments scientifiques à l’appui de leurs analyses.

Mépris des corps noirs

Alors, pourquoi cette émotion devant de tels propos ? Au-delà des mauvaises interprétations – non, l’Inserm ne mène pas une étude sur les Africains à l’exclusion des autres populations -, les mots du professeur Mira révèlent à l’endroit des corps noirs un mépris, fut-il inconscient, et présenté d’un ton badin sur le thème de la « provocation ».

Provocation fort déplacée en réalité, tant les arguments avancés pour faire des Africains des cobayes (absence de masque, absence de traitement…) pourraient également être utilisés pour l’Europe. Provocation fort déplacée en réalité, tant le professeur Mira aurait pu éviter d’adopter un ton primesautier pour évoquer des tests sur des populations présentées comme démunies – elles le sont en partie – sans jamais se poser la question de leur dénuement, pas plus que celle de la façon d’y remédier pour les protéger d’un virus mortel.

Que dire, en outre, de la comparaison, strictement réservée aux Africains, avec le Sida et les prostituées ? Quelle association d’idée se réalise à ce moment-là chez ce professeur pour qu’il extraie de son registre de références cette analogie précise, dont on sait qu’elle est socialement péjorative ?

Interroger le dispositif médiatique

La direction de LCI que j’ai jointe a insisté sur le contexte dans lequel ces propos ont été tenus (c’est-à-dire la totalité de la séquence), sur la parole sans affect des médecins et sur la faible maîtrise des médias par ces derniers. Ces trois arguments doivent être interrogés.

Ce n’est pas là une parole sans affect. C’est une parole sans respect.

Tout d’abord, je constate que les problématiques du racisme, du mépris et de l’infériorisation disparaissent de la légitimité médiatique française. Les principaux médias de notre pays jurent qu’ils sont contre le racisme mais, curieusement, trouvent que les noirs et les Arabes poussent le bouchon trop loin à chaque fois qu’ils évoquent un irrespect à leur égard.

Ensuite, je constate que le manque d’affect n’est pas précisément ce qui caractérise la parole du professeur Mira lorsqu’il se réfère aux prostituées et au Sida. Ce n’est pas là une parole sans affect. C’est une parole sans respect. Nuance de taille.

Enfin, s’il est vrai que les médecins ne sont pas habitués à parler devant une caméra, pourquoi les chaînes d’infos multiplient-elles les directs avec eux ? A minima, si l’argument devait être retenu, cette séquence doit interroger les dispositifs des chaînes d’infos où il faut sans cesse remplir l’espace, à tout prix.

Condamner les propos stigmatisants

Mais si l’on sortait de ce « a minima », il faudrait interroger la scène médiatique sur un autre aspect : pourquoi, lorsque des professeurs de médecine dérapent, trouve-t-on à leur égard l’excuse d’une défaillance de la maîtrise du discours (rappelons qu’il s’agit de personnes d’âge mûr, ultra-diplômées et habituées à parler à des publics, que ce soit dans leurs services ou dans des activités d’enseignement) ? Peut-être faudrait-il, à l’aune de ce registre d’argumentation, relire toutes les polémiques insensées et violentes qui s’abattent régulièrement sur tel ou tel jeune d’origine immigrée qui, lorsqu’il était ado, a fait un tweet raciste, antisémite ou homophobe…

Cette séquence, en réalité, nous amène à deux conclusions. La nécessité – pour le média où ils ont été tenus – de savoir condamner les propos stigmatisants et, lorsqu’on les a tenus, de savoir s’en excuser, ce qu’a d’ailleurs fait le professeur Mira dans les termes les plus clairs. C’est la condition sine qua non de la fin d’un déni de racisme et celle, alors, pour recréer un espace où ces sujets reviennent autrement qu’à travers la stigmatisation ouverte contre les noirs et les Arabes dans des émissions avec des personnages tels qu’Éric Zemmour, expérience qui se prolonge par mille scènes médiatiques plus feutrées.

La nécessité, également, de rappeler que l’on ne peut aborder la crise sanitaire avec des dispositifs télévisuels qui deviennent des spectacles dans lesquels des médecins – dont certains chercheront à devenir des « bons clients » – n’ont finalement pas grand-chose à faire. Un rappel que les autorités sanitaires et le CSA – que SOS Racisme a saisi en ce sens – devraient opérer d’urgence. Un rappel, pour les chaînes d’info, à entendre tout aussi urgemment.

in : www.jeuneafrique.com

Médias

1_ FRANCE 24

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2_ CANAL ALGÉRIE

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3_ TF1/TMC… ah…h…ah…@y…com – mdp: olGA@le sud2chif

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4_ ALMAGHARIBIA TV

.CLIQUER ICI POUR VOIR EN DIRECT ALMAGHARIBIA TV- EN LIVE STREAM

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5_ LE QUOTIDIEN D’ORAN

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6_ RADIOS ALGÉRIENNES _ ALGER CHAÎNE 3 etc…

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7_ MÉDIAPART

CLIQUER ICI POUR LIRE MÉDIAPART

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8_ LE MÉDIA

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9_ POLITIS

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10_ REGARDS

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La rue est mal élevée

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À l’image, Laurence Vielle lisant un poème de Milady Renoir.

La rue est mal élevée – Un poème de Milady Renoir

La rue dévie des droites, de ligne et de parti,

La rue traite les hypoténuses comme des abus de langage,

La rue est la langue des peuples,

La rue inonde les murs d’encre et de signes,

La rue est la naissance, sa mort, sa renaissance,

La rue est mal élevée,

La rue pisse debout, assise, à quatre pattes,

La rue désenfouit les origines communes,

La rue attrape des maladies, des papillons

La rue a mauvais genre

La rue converge les luttes, les putes, les mecs en rut,

La rue radote, des cris de gueux aux fanatiques de dieu,

La rue est orpheline mais pas infertile,

La rue ne chuchote pas avec les yeux,

La rue harangue au tambour,

La rue est mal élevée,

La rue, c’est pas un projet bioéthique à développement durable

La rue, c’est pas un laboratoire du vivre-ensemble repentant,

La rue, c’est pas un espace vert ou jaune ou bleu ou…

La rue, c’est pas une réserve naturelle pour tourisme de masse,

La rue c’est pas un safari pour flics malformés,

La rue c’est pas une ZAD à grenader,

La rue c’est le syndicat du pavé,

La rue, c’est le désir du désordre,

La rue est mal élevée,

La rue commence au ras du sol, avec des pas,

La rue, une mère qui élève mal mais qui laisse grandir tout autant,

La rue riposte à la frontière,

La rue, porte de la loi, fenêtre avec vue sur le manque de droits,

La rue où craquent les vernis,

Dans la rue, on ne naît pas vivant, on le devient,

La rue est mal élevée,

La rue laisse mourir entre ses bras froids,

La rue cible les sans papiers

La rue compile les cris, les rires, les crises et les méprises,

La rue, palimpseste des impuissances,

La rue décide du sort, joue du destin, Hécate au rond-point,

Mais

Mais

La rue, demain le jour va encore s’y lever,

Et faudra bien penser à bien l’occuper,

jusqu’à ce que les chants des opprimés

passent d’un vague écho à un cri d’unisson.

La rue est mal élevée et fière de l’être,

La rue, ça ne fait que commencer.

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.POUR ÉCOUTER LE POÈME, CLIQUER ICI

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Violence (s)

Il y a trois jours, ce dimanche 5 avril, j’ai posté un article sur Facebook (commençant ainsi : « J’ai lu ce texte, « dégueulasse »… ») en réaction à un post que j’ai trouvé indigne et inacceptable d’une personne qui fut dit-on influente dans un certain milieu algérois. Elle est médecin. Le terme « dégueulasse » c’est elle-même qui l’emploie à propos de son propre texte/comportement. Nos deux posts que j’ai repris sur mon site internet (1) – plus le sien que le mien – ont fait l’objet de beaucoup de réactions. La violence de nombre d’entre elles  m’a interpellé. J’ai répondu à certains posts, j’en ai supprimé d’autres, mais il y en avait tant que plusieurs m’ont échappé. Tous ces textes violents étaient destinés à ce médecin. Comment est-ce possible, me suis-je dit. N’avons-nous pas d’autres moyens pour exprimer notre désaccord ? N’avons-nous que l’injure, que la diffamation, que porter atteinte à la dignité de la personne, que de la salir ? Sommes-nous à ce point démunis pour ne retenir que la violence pour nous défendre ? Si mon post, en réaction à celui de cette personne, est rude, très rude, il ne traite que de ce qu’elle dit (elle-même est limite, limite), non de ce qu’elle est. Je me suis alors interrogé sur le pourquoi de cette violence. Cette violence « démocratisée », sur Facebook ou dans notre quotidien dans la vie formelle vraie, n’est pas tombée du ciel.

Nous sommes aujourd’hui mercredi 8 avril, c’est à dire au lendemain de la commémoration d’une grande violence. Meurtrière celle-là. Il s’agit de l’assassinat de maître Ali Mecili. Beaucoup d’utilisateurs des réseaux sociaux ne connaissent pas Ali Mecili. Combien connaissent les héros, les martyrs ? Les héros de la guerre de libération, ceux qui ont milité pour le respect des Droits du citoyen à commencer par le droit de dire et d’écrire. Ali Mecili en était un.

La commémoration du 33° anniversaire de son assassinat par un voyou missionné par la Sécurité militaire algérienne (SM) de sinistre mémoire, est quasiment passée sous silence. À ce propos, on ne peut aujourd’hui parler de censure ou d’autocensure. Il y a là une volonté éditoriale libre et indépendante. Hormis Le Quotidien d’Algérie et Libre Algérie dont Ali Mecili a été le fondateur, peu de médias (peut-être même aucun) ont évoqué la mémoire de cet infatigable combattant pacifique pour les libertés. Et peu de pages Facebook évoquent Ali Mecili. Pas même celles d’actuels ou d’anciens responsables ou cadres ou professionnels de gazettes, pas un petit mot. Culpabilité ou fil à la patte ? Étourderie peut-être. Pas même ceux qui habituellement pérorent sur tout et rien. Ali Mecili, enfoui de nouveau.

Depuis toujours, le pouvoir en Algérie a favorisé la violence politique illégitime au nom de l’histoire passée et en devenir. Même si aujourd’hui on peut introduire quelques nuances du fait du long combat politique des Algériens. Le pouvoir algérien a favorisé cette violence en la pratiquant par le biais des structures de l’État ou en la suscitant parmi des segments de la société, des radicaux de toutes sortes, assoiffés de pouvoir et autres opportunistes. Pour n’aborder que l’histoire récente de notre pays, on peut interroger nombre d’islamistes repentis ou d’anciens membres de milices armées par l’État dans les années de terreur, les années noires 1990-2000 telles que celles de Hadjout, Bougara, Jdiouia … par exemple.

À la suite de manifestations, de jeunes adolescents, des enfants, ont été les victimes majoritaires de ces violences (octobre 1988, printemps noir 2001…) Des jeunes exclus de l’enseignement, même en étant physiquement présents sur les bancs de l’école en faillite. Le rôle de l’éducation nationale n’est pas en reste. La violence physique et symbolique au sein des établissements scolaires (en particulier) a toujours été présente depuis l’indépendance. Cette violence n’a jamais véritablement été dénoncée, parfois même érigée en règle (ségrégation, humiliation et autres violences contre les filles notamment parfois en usant du registre religieux). Lorsque la religion est instrumentalisée, ce ne sont qu’exemples de violences brutes (extrapolation) et anachroniques qui sont servis aux auditoires en constitution. Les traumatismes « nationaux » sont évacués, je dirais étouffés, faute de moyens humains, matériels et de volonté politique. L’enseignement de la communication, du raisonnement, de l’amour de la connaissance, est bancal, frise l’incompétence… les prières deviennent le lot des lycéens, en classe ou dans la cour de récréation. Et la dualité s’installe, et l’altérité et la contradiction sont brutalisées, voire rejetées, niées. Grâce à l’Internet, aux réseaux sociaux (il y a du bon) beaucoup parmi ces jeunes s’ouvrent au monde, à la connaissance heureuse et ouverte. Et c’est heureux. Mais beaucoup sont peu encouragés, voire abandonnés sur le bord de la route.

La violence au sein des télévisions publiques et privées est régulière jusqu’à y compris des émissions « légères » comme ces « caméras cachées » – l’exemple criard – complètement irresponsables. Lors des « débats » (lorsque ce n’est pas l’animateur qui monopolise la parole de longues minutes avant de la céder à ses invités) on en arriverait fréquemment aux mains (c’est l’impression que nous avons). La gesticulation est si haute parfois qu’on en vient à retenir son souffle. La communication n’a plus de sens. Les échanges sont insipides, on n’y développe pas l’esprit d’écoute, de compréhension, de critique et c’est peu dire. Et même ce semblant d’échange a disparu depuis janvier dernier. L’unique démultipliée est de retour. Avez-vous regardé El Hayet TV ? (entre autres) Je ne vous y inciterais pas.

Enfin, l’espace public d’expression citoyenne est entièrement cloisonné ou réduit à sa plus simple expression. Durant le Hirak que j’appellerai I, Hirak I – le suivant attend patiemment la mort du Covid 19 pour jaillir et prendre la relève – les citoyens ont créé toutes sortes d’espaces et de formes d’expressions libres. La pandémie (et la violence du pouvoir) a brutalement interrompu ces expériences.

AH- 8 avril 2020

(1)- http://ahmedhanifi.com/un-medecin-algerien-suggere-la-selection-des-malades-du-covid-19/

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ALI MECILI

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Ali Mecili à gauche avec Da El Mouhoub Naït Maouche (photo Libre Algérie- 07.04.2020)

Le 7 avril 1987, la SM faisait assassiner Ali Mecili, au coeur de Paris.

;https://www.youtube.com/watch?v=Lxoc8UxP4hQ

CI-DESSUS: « 8 avril 1987 Portrait de maître Ali MECILI, avocat d’origine algérienne, proche de l’opposition dans son pays, qui vient d’être assassiné à Paris. Images d’archives du « JA2 20H » du 26/10/86 de la manifestation de sympathisants des treize Algériens menacés d’expulsion, en présence d’Ali MECILI ; images d’archives d’Ahmed BEN BELLA en Algérie ; extrait de « Midi 2″ d’A2, aujourd’hui, dans lequel Ait AHMED, chef historique de la lutte pour l’indépendance, accuse les services spéciaux algériens d’avoir assassiné Ali MECILI ; interview de Me Michèle BEAUVILLARD (avocate) sur la personnalité de l’avocat Ali MECILI ; extrait d’une conférence de presse de AIT AHMED au coté d’Ahmed BEN BELLA (archives). politique; archive television; archive tv; ina; inna; Institut National de l’Audiovisuel; french tv Images d’archive INA Institut National de l’Audiovisuel » (INA.FR)

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ICI: émission spéciale CANAL + 30 juin 1999

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Lisez ce « spécial Mecili » de Libre Algérie de ce jour.

CLIQUER ICI POUR LIRE CE SPÉCIAL « LIBRE ALGÉRIE »

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« Nous commémorons aujourd’hui (Mardi 7 avril 2020), le 33ème anniversaire de la disparition dramatique d’un homme exceptionnel, d’un militant hors pair et un repère politique de grande valeur pour le combat démocratique en Algérie. Dans un contexte mondial sans précédent, où l’ordre imposé par les hégémonies traditionnelles est fortement bouleversé, de par la crise sanitaire qui interpelle, tout individu est sur des lendemains incertains. L’Algérie, n’échappe pas bien sûr, d’autant frappée doublement, en plus de la crise que traverse la planète, ses recettes pétrolières se voient en baisse au fur et à mesure la crise du COVID19 perdure et perturbe le marché mondial des hydrocarbures, à cela s’ajoute l’instabilité du climat politique, depuis des décennies et davantage ces deux dernières.

Une commémoration, qui par la résilience nous devrions repenser le monde, à travers la mondialisation des droits de la personne humaine, de l’esprit de solidarité et d’égalité des peuples, au-delà des frontières tracées par l’économie de marché et les coalitions financières basées essentiellement par la spoliation des richesses des peuples les plus vulnérables, ainsi l’exploitation de l’homme par l’homme et pour l’homme. Un combat, longtemps mené par Ali.

N’ayant pas eu la chance de le côtoyer personnellement, feu Ali MECILI, pour les raisons que tout le monde peut savoir. J’ai eu à le connaitre, à travers ses écrits, témoignages de ses proches et du plus fidèle ami. J’ai particulièrement, par ailleurs, un sentiment de fierté d’avoir appartenu des années durant, en qualité de jeune militant universitaire à la section pépinière, portant son nom, une école où nous avions appris le sens le plus noble du militantisme, du combat démocratique et la véritable signification de l’épanouissement personnel sur le plan formation politique. Il m’est difficile de dissocier l’homme de son parcours de maquisard, de militant ayant été de tout temps pour l’autodétermination du peuple algérien, lui qui était pendant longtemps parallèlement à ses activités politiques, l’avocat des réfugiés africains, kurdes et iraniens… en France.

Dans son ouvrage, intitulé « L’Affaire Mécili », feu Hocine AIT AHMED, dans un passage il s’était posé la question : « Farouche ennemi, puis victime, du despotisme politique, Ali va-t-il subir longtemps encore le despotisme d’une légende ? ». Question posée en avril 1989, soit deux ans après le crime d’Etat, commis sur le sol Français. L’omerta sévit toujours, le nœud gordien de l’affaire Mécili, demeure non élucidé pour raisons d’Etats. Comme l’a si bien interprété par son fils « Yalhane », dans une de ses œuvres artistiques « Thagarra N-Ugrawlliw » « la fin d’un Révolutionnaire ».

Tout est dit, c’est-à-dire, une fin tragique pour un homme ayant fait et payé de sa propre vie le prix, pour une lutte des plus nobles, menée non pour soi, mais pour que cesse la tyrannie des plus forts sur la dignité humaine. Le combat pour faire la lumière, et rendre justice sur cet ignoble assassinat est plus qu’un devoir de tout militant engagé, pour l’idéal démocratique pour lequel Ali, est tombé sous des balles assassines, comme le témoigne sa lettre laissée où il disait : « Je meurs sous des balles algériennes pour avoir aimé l’Algérie. ».

Trente-trois ans durant, le despotisme de la légende est subi encore par Ali, sa famille et amis, à ce jour le meurtrier présumé, court toujours en toute liberté. Plus que jamais le combat pacifique pour l’instauration d’une véritable démocratie en Algérie, doit continuer, rendre justice et faire honneur à la mémoire et le combat d’Ali.

Il fut l’artisan du séminaire de mars 1979, il était le pionnier du combat démocratique de l’Algérie postindépendance, au moment où certaines formations politiques ont préférée l’autodissolution, après l’échec cuisant d’une politique dite d’entrisme. Un séminaire ayant éclos le printemps Berbère.

Il était également l’artisan de la conférence et de la déclaration de Londres, en décembre 1985, une vaillance inédite dans l’Algérie indépendante, qui à l’époque a réussi à rassembler l’opposition autour d’un projet permettant au peuple de recouvrer sa souveraineté à travers l’élection au suffrage universel d’une assemblée nationale constituante. Il est à rappeler à travers son engagement au profit de la construction d’une véritable alternative démocratique, des générations de militants se sont succédé pour reprendre le flambeau de son noble combat, et de la structuration d’une opposition réelle au système politique né après la crise de l’été 1962.

L’œuvre de feu MECILI, à travers son long parcours ne peut-être résumée en des lignes, car elle est salutaire, exceptionnelle et une source référentielle pour ceux et celles qui sur le terrain des luttes, essaient de travailler, d’apporter leurs pierres pour la construction de l’Algérie démocratique, telle que conçue et portée par les valeurs de Novembre et l’esprit de la Soummam. Un militant peut se tromper, ne doit jamais tromper !

A travers les différentes étapes de l’histoire de l’engagement politique, depuis le mouvement national algérien, en passant par la nuit coloniale, jusqu’au dernier soulèvement populaire de février 2019, ayant à une naissance inévitable d’une révolution citoyenne joyeuse. Des hommes et des femmes ont chacun à leur manière, ont contribués tant bien que mal à l’édification d’un Etat de droit, ce chemin était loin d’être un long fleuve tranquille, traversant des crises multidimensionnelles et cycliques, dont beaucoup ont succombé à la dialectique de la violence/corruption. Une dialectique orchestrée et organisée, dans la seule optique d’accroitre le discrédit sur la chose politique, des militants évitant l’émergence d’une véritable classe politique crédible, en laissant place aux apparatchiks, charlatans et certains clowns malléables au besoin, seulement pour perdurer la longévité d’un système politique à travers de fausses représentativités, fausses élections et de fausses organisations.

Pour preuve, au lendemain des manifestations de Kharatta et de Khenchla, avant que le soulèvement révolutionnaire ne gagne la totalité du territoire national le 22 Février, des mois durant l’ensemble de ces appareils balayés par une vague de manifestations pacifiques, avant de voir la majorité de leurs responsables gagner des places dans les prisons qu’eux-mêmes avaient construits. En définitif, il ne peut y’avoir de véritable changement sans une alternative démocratique sérieuse, qui traduira en actions politiques les véritables aspirations des algériennes et algériens, à travers des institutions démocratiquement élues, consacrant l’alternance au pouvoir comme principe démocratique fondamental.

Aujourd’hui, plus que jamais, les risques d’une paupérisation galopante, le fossé des inégalités se creuse davantage, et les équilibres régionaux sont plus que menacés, tous ces ingrédients sont réunis non seulement pour remettre en cause l’ordre établi, mais nous envoient au même moment des signaux d’alarme pour que l’espèce humaine risque de s’éteindre, si elle n’arrive pas à se résoudre dans la résilience pouvant assurer l’accompagnement des populations et des catégories les plus fragiles dans le processus du changement post-crise.

Là, la militance est multiforme, où chaque citoyen est mis face à ses responsabilités doit prendre acte, par quelconque moyen pacifique en sa possession, que ce soit, pour mener ce noble combat, qui est celui du militant !

Pour mettre le « militant » face à ses responsabilités historiques, que de mieux que cet appel, de feu Ali MECILI, daté du 13 Mars 1966.

MILITANT! Te voilà de nouveau mis face à tes responsabilités de militant révolutionnaire. En fait, ton combat n’a jamais cessé et il ne cessera tant que l’Algérie vivra sous le règne de la terreur, de la torture et des prisons.

Tu as le devoir impérieux, où que tu sois, de reprendre le combat contre la dictature, de mener comme par le passé une lutte sans merci contre tous ceux qui ont méprisé ton Peuple, lui ont refusé le droit de choisir librement ses authentiques représentants, de choisir librement son avenir politique. Plus que jamais tu lutteras pour la libération de tous les détenus politiques, pour sauver l’Unité nationale et préparer l’unité des forces révolutionnaires, sauvegarder les conquêtes et les acquis de la Révolution, recréer l’impulsion de la base et l’enthousiasme des masses en redonnant la parole au Peuple et à tous les révolutionnaires. MILITANT! Ne cède pas aux provocations et à la propagande criminelle des ennemis de la Révolution et de la Démocratie. Le Peuple Algérien met tous ses espoirs en toi pour hâter la chute des dictateurs et restaurer la légitimité populaire.

L’Histoire nous a déjà donné raison. Forts de l’expérience des années de lutte, en corrigeant les erreurs commises, nul doute que l’Avenir verra le triomphe de nos principes.

L’opinion nationale et internationale peut désormais situer clairement les responsabilités. Le pouvoir issu du 19 juin n’ a ménagé aucun effort pour briser une Paix que tous les Algériens appelaient de tous leurs voeux. Devant l’Histoire et devant les Hommes, ceux qui ont oeuvré dans ce sens portent une très lourde responsabilité dont ils devront répondre un jour. Vive l’Algérie, vive la Démocratie !

Hachimi ARAB »

In : http://librealgerie.info/2020/04/07/mecili-ou-lesprit-du-militant/

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ALI MECILI AU CONGRÈS DU MDA, EN MARS 1987 À PARIS_ 16 JOURS AVANT SON ASSASSINAT PAR LA SM.

Ci-dessous capture d’écran de FB

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PAR TARIK MIRA

J’ai commencé à fréquenter plus assidûment Ali Mecili après l’accord de Londres entre Ait Ahmed et Ben Bella signé le 19 décembre 1985 pour instaurer la démocratie en Algérie. Il fallait donner une voix à cet évènement politique entre deux chefs historiques de la lutte de libération nationale. Le journal « El Badil » était d’obédience benbelliste stricto sensu et ne pouvait pas, en aucune manière, être le porte-parole de l’accord. Il fallait élargir le spectre médiatique d’autant qu’à cette époque, l’accord de Londres suscitait davantage d’hostilité que d’empathie. En tout cas dans les milieux qui sont supposés être proches de nous sur le plan politico-idéologique.

Ali Mecili, partisan résolu de cette alliance, ne craignait pas cette défiance et était persuadé que ce tandem est le seul qui arrivera à renverser le régime du parti unique. En lui rapportant un jour l’opinion hostile de nos proches amis sur le plan politico idéologique, il me répondit un peu énervé : « que veulent-ils ? ». « Ce texte est de Hocine, entièrement écrit par lui. Pas une virgule n’a été concédée », poursuit-il. Et, enfin, conclut-il, « c’est la seule déclaration de cette dimension où ni l’islam ni l’arabité ne sont cités. Tout est basé sur les valeurs et principes universels ». J’apprendrai plus tard que l’absence des deux notions avait en effet suscité des réticences au sein du Mda et, finalement, levées.

Pour lui, ce genre de critiques n’a d’autre but que d’éliminer politiquement son mentor Hocine Ait-Ahmed qui, rappelons-le, trois mois auparavant, soit le 22 septembre 1985, avait été écarté de participation au meeting, tenu à la salle de la Mutualité, à Paris, pour exiger la libération des détenus d’opinion, principalement les fondateurs de la LADDH, dont le Secrétaire général, était Hachemi Nait Djoudi, cadre du Ffs.
Après la signature de l’accord de Londres, s’entrouvrit la possibilité de lancer un journal d’informations tourné vers la démocratie. C’est à cette occasion que j’ai eu à fréquenter davantage Ali Mecili. Ce fut une période courte et dense. Je l’avais, un jour, accompagné, à Créteil, invité par les militants du Mda pour animer une conférence afin de promouvoir encore la démarche des deux chefs historiques, hier adversaires résolus ; aujourd’hui, réunis pour l’alternative démocratique. Au retour de cette conférence nocturne, il m’a conseillé de ne pas foncer tête baissée et de me ménager. Paroles prémonitoires !

Pour avoir plus de soutien à la démarche de Londres, Ali Mecili organisa un diner-débat le 19 mars 1987 au « Jugurtha », rue Saint André des Arts, à Paris. La toile d’un redéploiement politico-médiatique commençait à se préciser. Il me dira, le lendemain : « j’espère que Hocine saura transformer l’essai ». Parabole venue du rugby qui veut dire que tu marqueras des points supplémentaires par la pénalité accordée après le franchissement de la ligne d’essai.

A « Libre Algérie », Ali en tant que rédacteur en chef était chargé de l’éditorial principalement. Malheureusement, il n’avait dirigé que deux numéros avant qu’on l’assassine lâchement, dans le hall de son immeuble.

La veille et l’avant-veille de son assassinat, nous avions déjeuné ensemble pour parler du journal : qui sont les gens susceptibles de nous rejoindre et comment le financer ? Je l’avais même accompagné jusqu’au palais de justice. Il m’a raconté dans le menu détail la défense des benbellistes, en instance d’expulsion vers l’Algérie et qu’il a sauvés in extremis de cet arbitraire dicté par la logique policière. Il ne savait pas à cet instant qu’il sera le prochain sacrifié sur l’autel de la collaboration des services. Il ne s’empêchait pas d’évoquer avec humour l’interrogatoire d’un benbelliste lorsque le policier lui dit : « Alors, t’es terroriste ! » ; l’autre qui lui répond avec une naïveté déconcertante et en même temps véridique : « Non, je suis grutier ». Et,
Ali éclate de rire par l’évocation de ce surréaliste et absurde échange ! 

Il était heureux d’avoir sauvé des griffes du régime de modestes militants, engagés pacifiquement dans le combat politique. Son inquiétude, il me l’avait exprimée qu’une fois lorsqu’il est passé à la télévision en qualifiant le régime algérien d’assassin. Il m’a alors dit : « je crois que je suis allé trop loin ».
J’ai appris son assassinat vers 22h00, en cette journée funeste du 07 avril 1987. A l’époque, il n’y avait pas de téléphone portable. C’est Mohamed Benlhadj qui me l’a appris en me joignant à mon domicile. Il m’a dit : « Ali vient d’être assassiné ; Hocine a cherché à te joindre ». J’étais bouche bée, sonnée par l’énormité de la nouvelle et sidéré car, à cette époque, on ne croyait pas que le régime allait reprendre des méthodes expéditives de cette nature, pratiques normalement disparues. On se trompait, et l’avenir le confirmera.

Je garderai le souvenir d’un homme sensible, affable, aimant la chose publique, passionnément attaché à Hocine Ait Ahmed. Il y avait comme un amour filial entre les deux personnages. 

Quand on m’a demandé d’évoquer le souvenir d’Ali, je n’ai pas hésité mais que dois-je apporter de plus car, normalement, tout a été dit avec les livres de Hocine Ait Ahmed et de Michel Naudy consacrés au personnage et à l’affaire elle-même. J’ai donc voulu quelque chose de plus émouvant à mes yeux, comme par exemple son premier éditorial à Libre Algérie. Je cherchai dans mes archives et je suis tombé sur le manuscrit de l’oraison funèbre prononcée par Hocine Ait Ahmed. Il me l’avait envoyée pour la publier dans Libre Algérie. Et, sauf erreur, l’éloge funèbre a été édité sur ce support le mois de mai 1987….

TARIK MIRA

In: Libre Algérie 7 avril 2020

Un médecin algérien suggère la sélection des malades du Covid 19

(CE MEDECIN: AMIRA BOURAOUI sur son site Facebook)

OU LE FAUX DILEMME DU TRAMWAY

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Sur Facebook, dimanche 5 avril 2020, 10h30

J‘ai lu ce texte, « dégueulasse » de Amira Bouraoui.
Je n’ai pas pu lui répondre directement. Voici ce que j’aurais aimé qu’elle lise. Je viens de l’écrire à chaud ce matin de dimanche.
(publié sur ma page Facebook dim 5 avril 2020)
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Madame Amira Bouraoui, votre discours sur quatorze lignes Facebook, est provocateur, amoral, jeuniste et idiotement mimétique de la pire espèce qui a fait des ravages dans un monde où, il n’y a pas si loin on exaltait le culte de la sélection. Car il s’agit bien de cela : sélectionner des hommes parmi d’autres hommes. Parmi ces « exaltés » nombre de médecins hélas. Votre texte est une juxtaposition de mots sans envergure qui jettent par-dessus bord les nobles principes dont celui de l’égalité entre tous les citoyens. Un discours guerrier où la vie humaine est perçue comme un produit de consommation que vous marchandez aux enchères inversées. Votre discours aventurier et sans aucune précaution oratoire, bien au contraire, est un amas de phrases superficielles que vous qualifiez vous-même de « dégueulasse » dont le but est de faire le buzz et gagner le sommet ou le paradis de la renommée médiatique. Pôvres de nous, quelle médiocrité ! Un discours où « le faire société » est évacué (khawa khawa à la poubelle), un discours qui fait fi de toutes les victoires de la science pour l’Homme, un discours provocateur et mimétique de la pire manière car celui tenu par des spécialistes nord européen que vous semblez vouloir reproduire, vous le reprenez de manière outrancièrement caricaturale, sans délicatesse, sans précaution et sans aucune profondeur intellectuelle. Non madame, la vie humaine ne se marchande pas, quelle qu’elle soit. Vous êtes jeune peut-être, mais cela ne vous empêche pas de vous cultiver, de plonger dans l’Histoire dramatique de notre humanité, avec ses guerres, ses sélections au nom d’un alibi quelconque, sexe, race, apparence, culture… Je suis à deux doigts de vous demander de vous taire et d’aller en bibliothèque vous asperger d’humanisme. Il y a le déclin naturel physique, il y a le déclin moral et intellectuel, volontaire. Vous avez choisi. De grâce, ne détruisons ni l’esprit, ni le corps. Ils s’accomplissent tous les deux, le plus souvent tard dans la vie. « Voilà, détestez-moi ! » écrivez-vous. C’est fait, mais je ne vous déteste pas vous, je ne vous connais pas madame, mais votre fangeuse parole. « La jeunesse est le temps d’étudier la sagesse ; la vieillesse est le temps de la pratiquer » ya madame.

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AVANT LES RÉACTIONS, VOICI QUELQUES CAPTURES D’ÉCRAN DU COMPTE « AMIRA BOURAOUI »

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_________VOICI MAINTENANT LES RÉACTIONS FACEBOOK_____________

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Lundi:

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Atelier d’écriture. Une peinture (réponses) et N. DINET

Hier matin je vous proposais un atelier.

Écrivez une courte histoire. Une histoire à partir d’un tableau que voici, avec cette contrainte : 
Nous sommes au début du 20° siècle. L’histoire dans laquelle vous êtes partie prenante, (même si vous n’êtes pas nécessairement un des deux personnages visibles sur le tableau) est donc racontée « au présent ». (c’était ici : http://ahmedhanifi.com/atelier-decriture-une-peinture/)

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1_ Je vous propose ma réponse (mon texte)

2_ Les textes des lecteurs de ce sites (et de Facebook)

3_ À la suite des textes je vous propose une galerie de peintures de N. DINET

1_ Voici mon texte :

Une femme et son fils immobilisent le temps, reprennent des forces alors que le crépuscule pointe. La mère ne regarde pas son enfant, pas l’horizon ni Dinet. Son regard n’est nulle part ailleurs qu’en son for intérieur, au cœur de son cœur essoufflé, meurtri. Son fils dort, étendu sur son genou, en chien de fusil. Autant rompu que sa maman. Le deuxième soir va tomber et leurs ombres s’allongent. Ils sont harassés, mais la station n’est pas loin où ils passeront la nuit à l’arrière de ses murs, si personne ne les en chasse. Leurs pieds, nus, sont enflés et les crevasses comme les gerçures sont plus profondes qu’à leur départ de Naama, leur fuite obligée, la veille à l’aube. Khadra et Omar ont marché deux jours durant droit sous le soleil intraitable et dormi recroquevillés sous la froideur des étoiles, et ils n’ont presque plus de pain ni d’eau. La main droite posée en visière sur son turban, Khadra ne voit ni n’entend plus rien en dehors d’elle, en dehors de son être. De son fond, sa mémoire extirpe une image trouble au centre d’un flou voilé. Une image trouble d’elle petite fille tenaillée par la faim. Elle est assise sur une pierre devant leur maison, la tête contre sa maman qui pleure en silence. Khadra ne se souvient plus du reste. Le souvenir vaporeux la secoue. D’autres images sourdent. La famine avait décimé une partie de la population. On avait dit dans les nwayel que c’était à cause des sauterelles, et elle en avait attrapé, elle en avait mangé alors que des soldats français distribuaient des bonbons aux enfants. Elle avait haussé les épaules. Aujourd’hui elle tremble à ces souvenirs. Elle n’a plus la force de mouiller ses joues. Le bras gauche posé sur son fils lui transmet son amour. Il est l’essence de sa résilience, de son endurance. Khadta a longtemps enduré. Les plateaux en arrière-plan annoncent la ville de Aïn-Sefra. La main posée sur son front, Khadra souffre. On la dirait soldat au repos, le temps pour son esprit de se faire une raison. Elle est désormais seule au monde avec Omar posé sur elle, et sa veuve mère qui ne les attend pas à Sfissifa, mais qu’elle espère embrasser avant ou après la tombée du jour prochain, le troisième. Si Dieu le veut dans sa miséricorde. Ses pensées sont maintenant prisonnières de la lâcheté de « lui », howwa. Elle ne l’a jamais appelé qu’ainsi, howwa qui, par son comportement, sa cruauté récurrente, mille fois recommencée, l’a précipitée sur la route, leur dernier fils avec elle, répudiée, mtelga. Howwa l’avait prise à sa mère et emmenée, emportée, chez ses parents à lui, dans une ferme à Naâma, où ils l’ont réduite au silence et à la servitude, durant trois décennies. Elle n’avait pas seize ans. Hormis Omar, tous leurs enfants sont grands, mariés. Ils ne purent jamais rien. Omar qui souffrait autant que Khadra de cet odieux père et mari, est aujourd’hui heureux aux côtés de sa mère, mais là, Dinet les a voulus à bout, épuisés, seuls.

Le lendemain, à Sfissifa, au soir du troisième jour de marche, Khadra et son enfant embrasseront la porte de la maman avant de l’ouvrir. Khadra lui donnera tous les bijoux qu’elle porte et qu’elle lui avait offerts, il y a trente ans, bracelets, Jbin, Kholkhal, hzam…

AH. 3 avril 2020

NB : il y a un terme de la contrainte que je n’ai pas respecté. Je l’ai tout simplement zappé : « vous êtes partie prenante », tant pis.

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2_ CI-APRÈS LES PROPOSITIONS DES LECTEURS (de ce site et de Facebook):

A_ MEZIANI KAHINA.

« Au milieu ou au bord du désert c’est toujours un endroit perdu, un endroit qui s’est perdu pour qu’on le retrouve et surtout qu’on s’y retrouve. 

Elle était là sur cette dune de sable au sommet plein de petites pierres, assise appuyant son coude sur le genou.

Essoufflée et au bout de ses forces, elle expirait pour laisser sortir cette boule d’air qui l’étranglait, mais aussi pour empêcher ses larmes de tomber sur cet enfant qui s’allongeait sur ses pieds, elle ne voulait pas pleurer pour ne pas laisser ce sec espace saharien qu’elle adorait trop, être inondé par des larmes de tristesse. 

Elle était inquiète et rassurait son enfant, elle était grande devant lui et si petite devant tout ce qu’elle devait traverser toute seule, après que les grands vents du Sahara ou ceux de la vie n’aient emporté son mari, elle ne savait plus qu’elle était la vérité, mais surtout quelle serait désormais la solution. Sa main droite frottait sa tête comme pour creuser et chercher une réponse à toutes ses questions, elle avait besoin qu’on la rassure, qu’on l’oriente et qu’on la guide. 
Le soleil brillait, mais n’était pas pour autant doux, mais plutôt brûlant, mais les brûlures intérieures qu’elle avait, étaient bien plus douloureuses pour la faire agir ou bouger. Elle ne pensait plus à elle-même ni à ses besoins, ses peurs ou ses douleurs, mais à celles de son fils qu’elle ne cessait d’imaginer, elle lui serrait alors sa petite main comme pour essayer d’aspirer tout ce qui pouvait lui faire mal, elle lui caressait parfois le bras, mais ses lèvres risqueraient de la trahir tellement elles tremblaient, elle s’empêchait alors, difficilement, de l’embrasser ou d’avoir tout contact visuel avec lui. 

Lui était allongé sur le côté, les yeux fixés vers ce ciel bleu et ces tout petits nuages qui étaient comme signe d’espoir et d’assurance pour lui dire que le ciel est tellement beau et grand que ces petits nuages continueraient toujours d’avancer et d’exister, qu’ils seront parfois perdus de vue, mais qu’ils finiront toujours par réapparaître. 

Tandis qu’elle, elle avait les épaules courbées, ses yeux qu’elle n’avait plus le courage de lever étaient fixés vers le sol et ne voyaient alors que ces petites pierres qui lui avaient blessé ses pieds nus, elle suivait des yeux le sable que le vent mouvementait, ce qui la stressait et la désorientait encore plus, car elle n’avait plus de point d’équilibre même pour y poser ses beaux yeux noirs. 
Désespérée, elle décida de se rassasier avant de devoir reprendre ce ci long chemin qui l’attendrait en descendant cette haute dune qu’elle avait montée juste pour regarder de très haut son parcours qui l’attendait et lui faisait tellement peur, c’était sa façon à elle de lui dire qu’elle prendrait toujours le dessus et que ça serait toujours plus petit qu’elle et ses capacités, car elle regardera toujours ses misères de très haut. 

Pour se rassasier, elle releva donc ses épaules et se tint le buste bien droit, ferma ses yeux fatigués pour ouvrir ceux d’une petite fille forte et protégée. Son fils, secoué par le mouvement de sa mère, s’assit à côté d’elle et la regarda, intrigué.

Quand elle ouvrit la bouche, tous les vents s’arrêtèrent comme par peur de la déranger par les sables qu’ils emporteraient, une voix magique atteignit les cieux et immobilisa les nuages, l’espoir qu’elle chantait dessina un sourire sur le visage du petit enfant comme pour lui demander de grandir rapidement, ses yeux pétillaient comme un feu allumé dans une oasis habitée par des gens chaleureux pour donner des étincelles de réconfort à cette dame accablée par la vie. Les dunes quant à elles ne comprenaient aucunement les paroles, mais s’inclinèrent et devinrent toutes petites pour lui permettre de descende elle et son fils sans avoir à souffrir en parcourant un long chemin sous cette chaleur.

Le chant de cette femme et maman était d’un côté, un cri et une délivrance d’un poids insupportable pour elle et de l’autre un rêve d’enfant, une chanson et un symbole de joie et de festivité qui réconforta et redonna de l’espoir au petit homme qui deviendrait bientôt très grand pour protéger sa maman, ce mystérieux Sahara. » M.K. 7 avril 2020


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B_

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3_ Voici la galerie de peinture de Nasreddine DINET

La nuit du Mouloud

Jeunes filles de Bou Saada

Femmes de Bou Saada

Lumière des yeux, esclave d’amour

La voyante

Khadra, la danseuse

L’aveugle et l’insouciance de la jeunesse

El falaqa

Enfants de Bou Saada

La cueillettes des abricots

Les prisonniers

Femme abandonnée

(c’est celle qui ouvre l’atelier d’écriture)

Femmes et enfants dans l’oued de Bou Saada

Terrasses de Laghouat

Gardiens de chameaux

La procession

La prière

Les guetteurs

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Toutes ces images sont extraites d’un album intitulé « Un maître de la peinture algérienne NASREDDINE DINET » Éditions SNED_ALGER, 1975.

Atelier d’écriture. Une peinture

Pour sortir du Coronavirus,

Pour sortir de BFM TV

Ou Canal Algérie, ou Echorouk TV c’est idem.

Pour sortir de l’angoisse programmée.

Écartons les barreaux du confinement

Laissons voler notre imaginaire.

Écrivez une courte histoire.

Une histoire à partir d’un tableau que voici.

Proposition sur ma page Facebook: La peinture montre deux personnes. La première, jeune, est allongée, la seconde, âgée est assise. Autour d’elles, un grand espace, désertique. Nous sommes en Algérie au début du 20° siècle.

La consigne :

I

La consigne :

Imaginez une histoire que vous raconterez sur une seule page word (soit 50 lignes ou 500 mots)

Contrainte : Nous sommes au début du 20° siècle. L’histoire dans laquelle vous êtes partie prenante, (même si vous n’êtes pas nécessairement un des deux  personnages visibles sur le tableau) est donc racontée « au présent ».

Écrivez ce que bon vous semble à propos de ce cette peinture, ce qu’elle vous inspire. Je publierai votre histoire sur mon site : http://ahmedhanifi.com/atelier-decriture-une-peinture/