Analyse de contenu des 58 derniers discours du chef d’État-Major- Algérie

Analyse de contenu des 58 derniers discours du chef d’État-Major de l’ANP, Ahmed Gaïd Salah

« Si tous les autres acceptaient le mensonge imposé par le parti, le mensonge passait dans l’histoire et devenait Vérité… Le mensonge choisi passerait ensuite aux archives et deviendrait Vérité permanente. »

Nous sommes lundi 9 décembre 2019. Le vendredi 6 décembre 2019 a mobilisé des dizaines de milliers de manifestants en Algérie. C’était le 42° vendredi depuis le déclenchement du formidable soulèvement populaire pacifique, « Lhirak », le 22 février dernier. Et c’était le dernier vendredi avant « les élections » du jeudi prochain, 12 décembre. Sur El Magharibiya ce jour-là, des dizaines de milliers de manifestants criaient leur opposition au Pouvoir en place, le pouvoir du Commandement de l’armée. « En direct », nous entendions des slogans  très clairs comme : « Dawla madaniya, mechi âskariya » (un État civil, non militaire), « Makech Lintikhabet maâ el issabète » (il n’y aura pas d’élection avec « la Bande ») « Gaïd Salah dégage ! » « Baôuha el-khawana baôuha » (ils l’ont vendu -le pays- les voleurs, ils l’ont vendu), « Les généraux à la poubelle ou l’Algérie teddi listiqlel » « Djeich Chaâb, khawa khawa, wel Gaïd Salah maâ el khawana (peuple et armée sont frères, Gaïd Salah est avec les voleurs)… La préparation et la campagne de l’élection de jeudi 12 est menée au pas de charge contre l’avis de la majorité des Algériens mobilisés depuis plus de 9 mois et demi. Près d’une centaine de manifestants, d’activistes parmi les plus en vue, journalistes ou militants des droits de l’homme ont été arrêtés et emprisonnés depuis plusieurs mois pour certains dont Lakhdar Bouragâa, un Moudjahid de 86 ans, Karim Tabou, Fodil Boumala, Samira Messouci, Hakim Addad, Saïd Boudour, Samir Belarbi, …

Le 3 mars, le président Bouteflika, président en exercice, fait déposer sa candidature pour un 5° mandat. Il est grabataire et les Algériens sont révoltés par cette effronterie. Le 11 mars (après le 3° vendredi de manifestations) Bouteflika se retire de la course. Le mardi 26 mars, Le Chef d’État Major de l’Armée, Gaïd Salah, « propose » l’application de l’article 102 de la Constitution qui dispose que le président peut être « empêché » en cas de maladie…). Mais quatre jours plus tard, le 30 mars 2019, un communiqué du Ministère de la Défense nationale, menace : « Certaines parties malintentionnées s’affairent à préparer un plan visant à porter atteinte à la crédibilité de l’ANP et à contourner les revendications légitimes du peuple… En effet, et en date du 30 mars 2019, une réunion a été tenue par des individus connus, dont l’identité sera dévoilée en temps opportun, en vue de mener une campagne médiatique virulente à travers les différents médias et sur les réseaux sociaux contre l’ANP ». Cette rencontre, dénoncée par le chef d’État-Major le soir même, est le point de départ de son offensive. Jusque là il a tenu 9 discours. Il en tiendra 49 autres jusqu’à ce début de décembre. Je ne peux avancer que les discours ont été écrits en arabe puis traduits en français ou l’inverse. Mon analyse repose sur les textes proposés sur le site du ministère de la Défense comme précisé en infra.

Analyser le contenu des discours du chef de l’État major de l’armée est l’objet de ce travail. Discours dont le contenu est constitué souvent  de phrases à la structure lourde ( nombre sont celles qui contiennent plus de cinquante mots) composées avec des juxtaposées, des phrases longues, très longues, amphigouriques. Exemple cette phrase : « Le peuple algérien a pu réaliser, grâce à sa prise de conscience, son accoutumée ingéniosité et son sens patriotique illustre, à travers les marches populaires fidèles à leur patrie et appuyant son armée et son commandement nationaliste moudjahid, les intentions de ces parties haineuses que la cohésion du peuple avec son armée dérange tant. » Ou celle-ci : « De cette tribune, je dis que tout ce qui a été réalisé sur le terrain à bien des niveaux et dans plusieurs domaines pour accélérer la résolution de cette crise et la mise en place des conditions idoines pour satisfaire les revendications populaires pressantes, à leur tête l’ouverture du champ au peuple algérien pour accomplir son devoir national envers son pays, en faisant aboutir la démocratie escomptée à travers le choix libre et transparent de l’homme patriotique qu’il faut, fidèle à sa patrie et à son glorieux patrimoine novembriste. »

La syntaxe (traduction) y est hésitante et les fautes, y compris de premier degré, sont fréquentes. Voici quelques exemples : « les dures expériences qu’il a vécu », « la main d’Allah et au-dessus de leurs mains», « Nous seront au rendez-vous », « les potentiels disponibles qui nous permettront à faire aboutir », « de manière à faire de cet importante échéance électorale », « nous nous lacerons jamais d’affirmer », « Aussi, nous mettant en garde cette bande », « certaines parties qui s’échine à cibler ». Parfois l’euphémisme frise l’incompréhension, voire l’indécence : « les pratiques abusives du colonialisme ».

Cette analyse porte sur un corpus comprenant l’ensemble des discours du chef d’État-Major de l’ANP, Gaïd Salah, depuis le début du soulèvement populaire à ce jour, de février à décembre 2019. Ces discours, nous les avons puisés sur le site (en français) du Ministère de la défense nationale (www.mdn.dz). Celui-ci offre à lire un ensemble de rubriques ayant trait à la lutte antiterroriste, aux visites de travail du chef d’État-Major et à voir des reportages photos. Je n’ai retenu pour l’analyse que les discours dans lesquels il est question de la « crise » qui secoue le pays depuis précisément le mois de février. Il y en eut 58, dits « allocutions d’orientation ». Je n’ai pas retenu les paratextes accompagnant les discours du chef d’État-Major, puisque ne lui appartenant pas. Ces 58 interventions représentent cent pages (sous word) ou près d’une journée entière à discourir en continu. Le premier, tenu le 26 février à la 6° Région militaire (Tamanrasset), le dernier le dimanche 8 décembre, dernier jour de campagne, au Commandement des Forces terrestres.

Douze allocutions ont été prononcées à la 4° Région Militaire (Ouargla), 9 à la 2° RM (Oran), 7 à la 3° RM (Béchar), 6 à la 1° RM (Blida) 5 à la 6° RM (Tamanrasset), 4 à la 5° RM (Constantine).  D’autres allocutions ont été tenues au niveau des Académie et École militaire, Siège du Ministère de la Défense nationale et celui de l’État-Major ainsi qu’au Cercle militaire et différents sièges de Commandement militaire. Le mois de septembre a été celui où le chef d’État-Major est intervenu le plus avec 12 discours. 9 en mars, 8 en avril, 6 en mai, 5 en  juin et novembre, 3 en décembre…

J’ai ventilé le contenu des différents discours sur une dizaine de thèmes apparus que sont : L’État, le Pouvoir… l’armée, le nationalisme et populisme, la religion, la guerre de libération, l’élection présidentielle de décembre, l’État de droit, la justice, les ennemis etc. L’importance en terme de nombre de lignes, des chapitres, varie beaucoup. Ainsi, celui intitulé « l’ennemi intérieur et l’ennemi extérieur » comporte plus de 360 lignes, d’autres 150. La plupart se situent bien en deçà (60 lignes et moins). Aussi, nous avons été contraints, pour ces raisons pratiques, de réduire drastiquement certains chapitres trop volumineux.

Le chef d’État-Major souligne ce qu’est l’Algérie, « terre bénie, sacrée, irriguée de sang ». Il définit l’État par sa puissance comme l’Armée dont il vente l’expérience et sa proximité avec le peuple. Il use pour ce faire, avec excès, du registre religieux, de Allah (quelques fois Dieu) auprès duquel il s’est « personnellement engagé ». Les martyrs de l’indépendance ne sont pas en reste. Gaïd Salah qualifie l’élection du 12 décembre de « historique, une opportunité sans précédent ». Il rejette toute période de transition comme demandé unanimement par l’opposition partisane ou non. Il rejette par avance et menace « la bande et ses relais » de toute entrave du « processus électoral ». Quant à l’État de droit et ses institutions ainsi que les revendications populaires « irréalisables », « il faut faire preuve de patience et de lucidité pour jeter (les) bases. » Les mises en garde du chef d’État-Major sont nombreuses et s’adressent aussi bien à « la bande et ses relais », aux « porte-voix, qu’aux « ennemis du peuple algérien à l’intérieur comme à l’extérieur », ces « parties qui ne (nous) veulent pas du bien.

Les segments de discours sont rapportés tels que prononcés par le chef d’État (traduction officielle). Mes ajouts (pour clarification) sont mis entre parenthèses. Les contenus des chapitres se suffisent à eux-mêmes. Ils sont suffisamment « parlant ». Lorsque néanmoins il m’est apparu nécessaire, j’ai  ajouté quelques commentaires (en plus des clarifications)

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