Le lait était noir

Un récit biographique de Mohammed Benjeddi écrit par Amira Leziar. Traduit de l’arabe par Ouahib Mortada

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Ci-après mon compte-rendu de lecture de ce livre

« Le lait était noir » est un récit biographique de l’homme de théâtre marocain Mohammed Benjeddi écrit par Amira Leziar et traduit de l’arabe par Ouahib Mortada. Il est présenté par l’Agence de L’Oriental. Le livre est paru en arabe aux éditions Yotoubia (Maroc). L’ouvrage en français, édité à compte d’auteur, comporte 147 pages. Il s’ouvre par une dédicace et une introduction et s’achève par un mot de l’auteur sur sa rencontre avec Mohammed Benjeddi, ainsi que par des témoignages d’une douzaine d’hommes et de femmes de la sphère culturelle marocaine et française. Le livre est écrit de sorte à ce que le rendu reflète au plus près la parole de l’homme de théâtre qui se veut directe, sans fioriture. Le cœur du récit se distribue en 25 très courts chapitres, y compris « Les premières années du 21° siècle » placé en fin de livre. Parmi eux ces titres « À l’école », « Les premiers pas », « Le premier grand voyage », « Rester ou partir », « La fermeture des frontières »…

L’introduction présente la cité minière de Jerada (60 kms au sud d’Oujda) et la famille de Mohammed Benjeddi dont le père, Abdelkader, qui est mineur. Dès sa première enfance Mohammed fait face à des problèmes de santé qui l’ont éloigné de ses parents. Tout petit il souffre des jambes et des bras qu’il ne peut bouger. Il n’est pas le seul dans Jerada. Plusieurs enfants de la ville sont hospitalisés. Autre mal, Mohammed boite et souffre d’une protubérance dorsale. Ses camarades de classe se moquent de son handicap, mais ne peuvent faire mieux que lui dans l’apprentissage scolaire. Il est le meilleur de la classe. Le hasard a voulu que Mohammed connaisse les premières planches à l’école grâce à son maître d’école qui lui propose d’interpréter le rôle d’un personnage d’une pièce de Maxime Gorki où il est question d’un boiteux. Mohammed découvre un nouvel univers, encouragé par ses parents et ses enseignants. À la fin d’un spectacle de fin d’année qui se déroule au sein de la mine, Mohammed reçoit les encouragements du directeur. 

Il poursuit ses études dans un lycée d’Oujda, en interne. C’est par le journal local où son nom est écrit en toutes lettres qu’il apprend qu’il est admis au bac. Sa mère fête l’événement par une zerda où sont invités famille et voisins, et offre à son fils des vêtements neufs. La suite des études se déroulera à Oujda. Mohammed suit également les cours de la faculté de lettres de l’université de Fès, à distance. Il a un rêve, celui de voyager à l’étranger. Il se rend donc en Espagne où il se fait voler les documents de voyage, échappe à une tentative d’attentat à la bombe qui s’est révélée fausse. Il poursuit son voyage en France. Il se rend chez sa sœur, en attendant une convocation pour travailler, puis à Paris « la ville envoûtante ». Sa rencontre avec une voisine de sa sœur causera des problèmes familiaux. Il revient à Oujda où il commence à enseigner, précisément dans sa ville natale, Jerada. Mais pas pour longtemps. Il sera « disqualifié » pour cause de mauvaise santé, alors qu’un médecin le déclare apte. Il constitue un dossier prouvant qu’il est à même physiquement et mentalement d’assumer sa mission d’enseignant. Il apprendra que c’est à la suite d’une plaisanterie (la sienne) visant un médecin, que Mohammed s’est retrouvé « disqualifié de la fonction d’enseignant pour raison de santé ». Il passa des mois entre Oujda, Fès, Rabat, de ministère en ministère. Au ministère de la Fonction public on le décourage « cela prendra beaucoup de temps » lui dit-on. Et ce temps, Mohammed veut le mettre à profit.

Il se rend de nouveau en France (St Quentin) où il rencontre plusieurs artistes, participe à des projets culturels, mais le climat familial ne l’incite guère à rester en France. Ses va-et-vient reprennent entre les différents ministères. Au lycée Jerada où il enseigne, il réalise avec ses élèves une pièce de théâtre. Plus tard il participe à la mise en place du premier festival de théâtre scolaire. Il mettra en scène Al Maghout, réalise des émissions de radio, rencontre des artistes algériens, coordonne les activités de l’Alliance française à Oujda. Après la mort de son père en 2005, il quitte l’Éducation nationale après 37 années de service. Il se détache de l’Alliance française et s’installe dans un petit village, à Tafoughalt.

Mohammed Benjeddi poursuit néanmoins ses activités artistiques. Il participe avec sa troupe Comédrama au Festival d’été de Bruxelles alors que sa santé est très fragile. Le diagnostic des médecins est sans appel. Il rentre alors en urgence au Maroc puis repart en France sur insistance de son fils pour intégrer le CHU de Montpellier. La solidarité entre les artistes va formidablement jouer par l’intermédiaire d’une de ses amies, Danielle Pugnale, qui ouvre une cagnotte sur les réseaux sociaux pour aider Mohammed. Et c’est un grand succès. Les dons affluent de nombreuses régions, de nombreux pays. L’opération médicale est couronnée de succès. À son arrivée à l’aéroport d’Oujda l’artiste est accueilli par une foule importante. On organise une soirée spéciale à son honneur.

Mohammed Benjeddi, dans son entretien avec Amira Leziar l’auteure de son récit biographique, se souvient d’une belle rencontre alors qu’il était en France pour une nouvelle hospitalisation et un contrôle. Une rencontre en Normandie d’une vieille dame. C’était à la suite d’un « week-end théâtral » à Rouen. Une de ses amies qui l’accompagnait lui présenta sa tante qui avait vécu au Maroc. Et à Jerada où elle était infirmière à l’hôpital de la compagnie des mines jusqu’en 1960 et son départ pour la France. Elle a connu « Kader » le père de Mohammed et surtout la vérité sur la composition du lait qu’on distribuait aux familles. « Il y avait du lait mélangé avec des particules de goudron qui tombaient des grandes chaudières où se faisaient le remplissage des bouteilles de lait… » qui causera tant de ravages chez les enfants de Jerada. 

Sur deux pages, l’auteure, explique les conditions de cette rencontre avec Mohammed Benjeddi, notamment à Montpellier où il lui conta son histoire. Une douzaine d’acteurs de la scène artistique marocaine et française lui rendent un hommage appuyé. Le dernier chapitre du livre s’intitule « Parcours de l’artiste » qui en énumère les grands axes. Ses débuts avec « Aïcha Kandicha », son parcours professionnel à Oujda, la troupe qu’il a fondée, « Comédrama », ses représentations, ses participations à différents festivals, ses beaux échanges avec les artistes algériens. Mohammed Benjeddi a reçu la médaille d’or de la Fédération internationale du théâtre en France. Il continue aujourd’hui de suivre de très près le monde du théâtre qui ne l’a jamais abandonné.

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