La presse algérienne en Île de France: lectures et identité.

Cliquer sur ce lien pour lire l’intégralité du Mémoire de DEA Sociologie. 1996_ Université Paris VIII

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Extrait du mémoire « La presse algérienne en Île de France: lectures et identité. Les travaux portant sur les émigrations ou les immigrations  sont nombreux notamment sur l’immigration algérienne en France. Ces recherches étudient ces populations dans une problématique historique ou économique en termes de causes des départs des pays d’origine mais aussi  en termes de vécu dans les pays d’accueil (difficultés de vie, marginalisation…)

Les études portant sur les liens qu’entretient ou que n’entretient pas (ou plus) une population immigrée avec son pays d’origine sont tout aussi nombreuses.

Généralement ces travaux ne traduisent pas les rapports que peut tisser une population immigrée avec la presse de son pays d’origine comme des rapports révélateurs ou non de liens entre cette communauté et son pays d’origine. Comme des rapports révélateurs ou non de liens identitaires. Ces recherches ne les abordent pas. Ne  traitent pas de ces rapports. Il est communément admis que la lecture n’est pas une pratique sociale de l’immigration.

Tel sera quant à nous l’objet que nous proposons.

Quelle place occupent les médias algériens au sein de la population algérienne vivant en France ?

Le paysage médiatique algérien, particulièrement celui de la presse écrite a changé. A la presse d’Etat d’hier, vient s’ajouter une presse privée nombreuse et différente.

La presse algérienne est présente chez les buralistes en France depuis plus de vingt années. Comment s’inscrit- elle – dans le champ médiatique utilisé  par les algériens ?

Nous abordons  notre étude par la notion de communication puis par  la présentation de l’immigration  algérienne en France.

Nous présentons ensuite l’évolution de la presse algérienne : de la presse « unique » à la presse « plurielle ».

Pourquoi des Algériens vivant en France lisent la presse algérienne ?

Au delà du simple parcours informatif du journal quelles raisons poussent ces algériens à lire cette presse ?

Telle est notre démarche.

2_ PROBLEMATIQUE

INTRODUCTION

Nous abordons cette partie par la notion centrale de communication. Comment devons nous entendre cette notion  pour la compréhension de notre objet ?

Nous y  traitons également de la population visée par notre étude. Nous achevons le chapitre par le concept d’identité et la place qu’il tient dans notre démarche.

2.1 LA COMMUNICATION

Dès lors que nous utilisons la notion de communication nous sommes dans la nécessité de la clarifier.

Ce terme est en effet polysémique. Il porte en lui plusieurs définitions selon que l’on s’interroge sur le processus de communication ou sur un ou plusieurs éléments de ce processus à savoir : sur les partenaires, sur le message ou bien sur les supports de celui-ci. Ou bien encore si nous l’entendons comme « un système à multiples canaux auquel l’acteur social participe à tout instant qu’il le veuille ou non »1 En fait chaque individu est membre actif  d’un « orchestre ».

Dans la première perspective c’est à dire lorsque nous l’entendons comme processus, par définition nous faisons appel à l’ensemble des caractéristiques de la communication, c’est à dire non seulement l’émetteur mais aussi le récepteur qui, par son « feed-back » inverse les rôles de l’un et l’autre mais aussi le message. Le tout pris dans un ensemble cohérent. On utilise d’ailleurs fréquemment pour désigner ce processus l’expression « boucle de communication ». Le processus est

entier, achevé, lorsque la boucle est bouclée c’est à dire lorsque l’émetteur reçoit (en réponse à son propre message) à son tour le « retour d’écoute » ou « feed-back » (ou réaction). On parle de rupture de la communication lorsque le processus est inachevé, interrompu.

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1-G.BATESON et alii. La nouvelle  communication (Y. WINKIN en avant propos à).

 Paris : Seuil, 1981.

« La communication est un terme irritant ajoute-t-il c’est un invraisemblable fourre-tout, où l’on trouve des trains et des autobus, des télégraphes et des chaînes de télévision, des petits groupes de rencontre, des vases et des écluses ».

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La seconde perspective s’intéresse à l’un (ou à plusieurs) des éléments du processus de communication. Lorsque nous entendons la communication comme le message transporté nous faisons référence à un système de signes émis et à leur signification, mais aussi aux émetteurs (source), aux récepteurs (destinataires) et à leurs stratégies mutuelles.

Les supports de communication s’entendent comme les moyens par lesquels les messages sont transmis. L’étude de ces moyens montre qu’ils ont considérablement évolué et gagné de façon exponentielle des sphères entières de populations dans le monde.

A l’image de l’économie, la communication est inégalement répartie et maîtrisée. (Quels groupes pilotent INTERNET et qui sont ces dizaines de millions de consommateurs qui y surfent ?)1

De même, son statut est diversement apprécié selon les systèmes socio-politiques.

C’est ce dont traite CHEVALDONNE dans son ouvrage2 avec moult détails. Non seulement il y a dit-il déséquilibre international dans l’information, par ailleurs largement admis mais aussi des inégalités à l’intérieur même de pays en « voie de développement ». Inégalités dans la réception dans la distribution, vite expédiées par « les mass-médiologues » et utilisées par eux comme un élément (une preuve) supplémentaire de l’écart existant entre leur pays et les pays développés. Celles ci ne peuvent donc leur être imputées. Eléments ou preuves ces disparités se suffisent par elles mêmes.

Une des principales fonctions des « mass-médiologies » écrit il est « d’empêcher que puissent être constituées en objet d’étude les déterminations concrètes de l’accès à la diffusion (quel problème peut-il rester quand même les bergers ont le transistor.) ».

En préface à l’étude de F.CHEVALDONNE, J.C PASSERON appuie cette perception. Il écrit:

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1-On comptait en janvier 1996, neuf millions et demi d’ordinateurs reliés à INTERNET. Soit un total d’environ 55 millions d’utilisateurs surfeurs -on considère qu’il y a en moyenne six utilisateurs pour un ordinateur- (Sources: NETWORK WIZARDS citées par Arnaud DUFOUR « Que sais-je ? » N° 3073. » INTERNET« . Paris : PUF, 1996.)

2-F.CHEVALDONNE: La communication inégale: l’accès aux média dans les campagnes algériennes. Paris CNRS, 1981. Cet ouvrage est issu de sa thèse de 3° cycle « la communication inégale, facteurs de différenciation quantitative dans la

réception des moyens modernes de diffusion. Université Paris VIII, mai 1979.

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« Dans la conversation des classes moyennes algériennes, le lieu commun « même le berger a son transistor » dont l’évidence triviale se renforce des échos idéologiques qu’elle éveille, à l’infini, suffit le plus souvent à se rendre quitte de questions embarrassantes sur les inégalités scolaires, les monopoles d’information ou les hétérogénéités culturelles ».

Dans notre recherche nous nous intéresserons sur le rapport qui lie une population particulière à une presse particulière et traiterons de la communication ainsi que l’écrit Erik NEVEU1 « comme une grille de lecture des pratiques sociales ».

Nous entendons traiter donc de la population algérienne vivant en France et du type de relation qu’elle établit avec la presse écrite algérienne disponible en France.

Quelle est la force de ce lien ? Comment les lecteurs algériens l’expriment ils ? . Comment et pourquoi cette population algérienne « s’inscrit » dans un processus de communication dont la source est essentiellement en Algérie.

« Il y a mille manières de lire, de voir, d’écouter. (…) On peut sans doute mesurer au nombre et à la taille des caractères, ou à la disposition des titres, l’importance accordée à tel ou tel événement, mais a-t-on le droit d’en inférer que le lecteur ait accordé à cette information une importance proportionnelle aux millimètres carrés qu’elle occupait dans le journal? »2.

L’algérien en France achète-t-il (lit-il) la presse algérienne pour la lire c’est-à-dire pour s’informer ? Ou bien juste pour la « regarder », la feuille, la posséder comme on possède un objet, un bien  auquel on tient pour ce qu’il représente ?

Ou bien tout à la fois ? Lire, s’informer et montrer (exhiber) qu’il lit un journal qui n’est pas d’ici, mais d’un ailleurs qui lui est propre ? Qui lui appartient ?.

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1-E.NEVEU. Une société de communication?.Paris : Monchrestien, 1994.p12.

2-P.BOURDIEU,J.C PASSERON. Sociologues des mythologies et mythologies de sociologues in LES TEMPS MODERNES 12/1963,p998 à 1021.

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2.2 LES TRAVAUX SUR L’IMMIGRATION ET LA PRESSE.

L’immigration a fait l’objet de nombreuses études ainsi que nous l’indiquions en introduction.

Notre recherche ne peut se mener sans au préalable porter un regard sur des travaux ayant porté sur le rapport qu’entretient une communauté vivant hors de son pays (de sa région) avec la presse de son pays (de sa région) et/ou plus généralement sur des travaux traitant du rapport qu’entretient le lecteur de la presse écrite avec celle-ci. Du rôle et de la place de la circulation de l’information écrite sur une communauté constituée ailleurs qu’en son pays (ou région) d’origine.

L’essentiel des écrits consultés porte sur les fonctions   de la presse. La presse est traitée d’un point de vue historique. Ainsi dès les premières pages de son ouvrage M. VARIN-D’AINVILLE1 précise l’objet de sa recherche en ces termes :  » Il ne faut donc pas chercher dans notre travail un historique de la presse, mais uniquement une analyse des fonctions psychosociales qu’elle a successivement  remplies (…) « .

De même  C.A TUFFAL écrit2 dans le même sens « on devrait voir se préciser les fonctions de la presse (…) cette étude des fonctions menée avec précaution selon des normes fonctionnalistes est nécessaire « 

D’autres travaux traitent du rapport qu’entretient la presse avec ses lecteurs en termes de régularités dans la lecture.3

Il nous paraît intéressant de noter trois ouvrages qui ont développé de manière tout à fait différente cet objet. Ces travaux traitent de la place que tient la presse au sein de l’immigration. Il s’agit pour le premier de N. ANDERSEN4 qui réserve plusieurs pages au hobo, cet ouvrier migrant non sédentaire et à sa place dans la presse,  » dans la presse réfractaire « :

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1-M.VARIN-D’AINVELLE. La  presse en France : génèse et évolution de ses fonctions psycho-sociales. Paris : PUF,1965,p7

2-TUFFAL (C.A). Etude de la presse quotidienne parisienne : le rapport entre informateurs et informés. Th. Sciences Politiques : Toulouse : 1966,p159.

3-AKKA (A).Etude de la lecture de la presse quotidienne dans une ville moyenne  d’Algérie.Th.Sciences de l’Information : Paris 2 .

4-N.ANDERSEN. Le Hobo : Sociologie des sans-abri. Paris : Nathan, 1993, chapitre XIII, « la vie intellectuelle du hobo »,p197.

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 « Sans eux des feuilles radicales telles que les publications I.W.W et le Hobo-News n’attireraient pas les sans-abri (…). Le ‘Industrial-Solidarity’ est un journal typique de l’organisation I.W.W. Mieux que toutes ses autres publications, il parvient à refléter les opinions et l’esprit du hobo moyen (…). »

Le second livre est de A SAYAD qui traite de la circulation de l’information au sein de la communauté algérienne en France5. Il écrit :

 » Tout groupe dispose à chaque moment, pour pouvoir communiquer avec ses membres absents (ou ses émigrés), d’un ensemble d’instruments qui forment système : messages oraux (et parfois écrits) « .

A.SAYAD développe son argumentaire autour des lettres adressées (ou reçues) par les immigrés mais aussi du message oral.  » La forme la plus simple, la plus directe, la plus spontanée parce que la plus facilement accessible « .

Il n’intègre pas la presse dans ses observations. Celle-ci ne véhiculant que très partiellement des messages directs. (annonces diverses nominatives). Il écrit par contre dans un autre ouvrage2:

 » La communauté algérienne n’a pas de presse propre à diffusion nationale en dehors de  la semaine de l’immigration diffusée par l’Amicale des Algériens en Europe (A.A.E). Mais elle est largement présente par diverses  » agences de presses  » et publications, dont le mensuel  Sans Frontières ,  Nous autres  (plus Jeunes français-musulmans ),  Cosmopolis . Ces publications ont aujourd’hui disparu.

La troisième publication est celle de M. TRIBALAT3 dont un chapitre est  consacré aux « pratiques linguistiques et (à la) consommation médiatique ». Comment dans leur manière de vivre en France les immigrés trouvent des substituts à leurs rapports directs avec le pays d’origine. L’auteur écrit: « Les journaux du pays d’origine occupent une fonction importante pour les immigrés en maintenant le lien avec la société qu’on a quittée ».

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1-A.SAYAD. L’immigration ou les paradoxes de l’altérité. Chapitre 6  » du message oral au message sur cassette. La communication avec l’absent « . Bruxelles : De Boeck Université / EditionsUniversitaires, 1991, p147

2-A.GILLETTE, A.SAYAD. L’immigration algérienne en France. Paris : Entente, 1984,p22.

3-M. TRIBALAT (avec la participation de P. SIMON et B. RIANDEY). De l’immigration à l’assimilation : enquête sur les populations d’origines étrangères en France. Paris : La Découverte / INED, 1996, p188 – 213.

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Pourquoi les algériens en France lisent la presse algérienne ? Quelles raisons les y poussent ? Quels besoins éprouvent-ils à sa lecture ?

Questions centrales autours desquelles se greffent d’autres :

-Quelle place tient la presse écrite algérienne dans le maintien des liens entre les algériens en France et l’Algérie et/ou les algériens demeurés au pays ?

-Comment est exprimé, comment apparaît par l’acte même de lire et à travers la lecture de la presse le sentiment d’appartenance au pays d’origine ?

 Ou comment il n’apparaît pas ? C’est à dire comment un type particulier de lecture, une lecture artificielle tout à fait aléatoire, dévoile une « certaine distance » prise par rapport au pays d’origine.

La problématique élaborée initialement n’a pas été retenue (secteurs et lieux de pénétration…). Elle a été recentrée particulièrement lorsque nous avons pris connaissance des chiffres concernant la diffusion même de cette presse en France; en réalité bien en deça de ce que nous prévoyions.

La population visée par mon étude s’entend comme :

 -Les algériens installés en France qui y vivent et possèdent un titre de séjour. Y compris leurs enfants. Cette précision est nécessaire car la notion -non retenue- de « immigré » est liée à un  déplacement géographique :  » venir se fixer dans un pays étranger au sien » ou

« arriver dans un pays, d’étrangers venus s’y installer et travailler » même si écrit A.SAYAD :  » on ne sait plus s’il s’agit d’un état provisoire mais qu’on se plaît à prolonger indéfiniment ou au contraire, s’il s’agit d’un état plus durable mais qu’on se plaît à vivre avec un intense sentiment du provisoire. »1. Or les enfants d’immigrés n’ont pas forcément « fait ce voyage ». Ces enfants font partie de la population-cible de cette étude2.

  • De même, ceux qui possèdent la double nationalité: française et algérienne.

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1- A.SAYAD.Ibid.p51

2- Lire la note 2 en page 11

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– Une partie de cette population d’algériens vivant en France,  peu  nombreuse et qui réfute le qualificatif   » immigré ». Les algériens entrant dans cette catégorie ne se considèrent pas comme immigrés, notion qui sous-tend l’idée de « s’installer » comme précisé plus haut.  Ce sont des algériens qui, pour des raisons objectives (crise  politique et climat de guerre civile depuis  les premiers mois de l’année 1992) sont venus « pour quelques temps » se replier en France. Ils ne sont pas bi-nationaux (franco-algériens)  Ils n’entrent pas non plus dans la catégorie « touriste ». Tous  ne sont pas comptabilisés dans les chiffres de l’INSEE que nous avons donné plus haut.

La presse algérienne s’entend comme la presse écrite , traitant prioritairement d’informations relatives à l’Algérie et diffusée en Ile-de-France, qu’elle soit éditée en Algérie ou non; d’expression française ou non, quel que soit sont statut : presse du secteur public ou privé (partisane ou non).

Les uns et les autres utilisent la presse écrite comme un référent identitaire. Un référent traduisant leurs liens au pays. Ou, pour les « nouvelles générations » un référent traduisant leur volonté de ne pas rompre avec le pays de leurs parents. Nous entendons par référent identitaire un élément parmi d’autres par lequel l’individu s’identifie.

Notre postulat est que les motifs qui incitent les algériens en France à lire la presse algérienne réfèrent pur certains essentiellement à une réaction. Réaction par rapport à un environnement qui de leur point de vue les perçoit négativement. Cet environnement s’entend comme l’administration locale, l’information, le voisinage, les lieux de vie. C’est une lecture-réaction, lecture-refuge.

Pour d’autres la lecture de la presse s’inscrit plus dans une perspective de maintient sinon d’affirmation de leur appartenance.

L’identification est une nécessité pour tout individu.

Dans la section suivante nous développons ce concept d’identité.

2.3 L’ IDENTITE

L’identité est un concept complexe qui est à manipuler avec précaution car historiquement il fut -il est- utilisé à des fins douteuses (la fascination de l’homogénéité) où les particularités de l’individu sont niées au nom de traits de caractères communs immuables à un ensemble d’individus d’une société donnée.

Or les individus ont des histoires personnelles. Des histoires propres telles qu’ils ne sont jamais (tout à fait) identiques les uns aux autres.

La situation dans laquelle se trouvent des individus est définie aussi bien par des  caractères objectifs que subjectifs. C’est à dire que toute situation objective dans laquelle se trouve un individu doit être intégrée et complétée par sa biographie. Le comportement d’un individu (situation objective) s’ explique par la prise en compte des caractères subjectifs (sa trajectoire propre).

La trajectoire qui est propre à l’individu intervient dans l’explication de telle situation de cet individu à tel moment en tel lieu.1 « Cet état profond » écrit DURKHEIM.

Ou autrement cet « habitus (…) produit de l’histoire, c’est un système de dispositions ouvert qui est sans cesse affronté à des expériences nouvelles et donc sans cesse affecté par elles ». 2

Dès sa naissance l’homme est confronté à la construction de son identité. Dès les premières années l’individu exprime ce besoin d’identification par l’adhésion à des valeurs, à des codes, à des groupes non pas comme de simples agrégats mais comme des unités sociales cohérentes produisant ces normes et valeurs et fonctionnant comme modèles.

Tout au long de son existence l’individu construit, consolide son identité. Il est en quête d’identité. L’identité écrit ERICKSON3 « n’est jamais installée, jamais achevée comme le serait une manière d’armature de la personnalité ou quoi que ce soit de statique et d’inaltérable ».

Nous tenterons dans notre étude de mettre en relief les liens que dévoile la pratique de la lecture de la presse algérienne entre cette pratique même et la formation / consolidation de l’identité.

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1-Dans « formes identitaires et socialisation professionnelle ». Revue Française de Sociologie N° 32 / 1992,p506, C. DUBAR écrit que l’identité  » peut toujours être analysée : à la fois comme le produit intériorisé de ses conditions sociales(de l’individu) antérieures les plus objectives et comme l’expression de ses espérances individuelles les plus objectives ». Il se refuse de distinguer l’identité individuelle de l’identité sociale.

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2- P. BOURDIEU (avec L.J.D. WACQUANT). Réponses. Paris : Seuil, 1992, p108.

3-E.H.Erikson. Adolescence et crise: la quête de l’identité. Paris : Flammarion, 1972.

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3_ METHODOLOGIE

INTRODUCTION

Nécessairement la construction de notre objet de recherche fait appel à une démarche théorique. Il ne nous appartient pas au stade qui est le notre d’intégrer le débat sur le bien-fondé ou non des « modes de pensée binaires pour la compréhension des phénomènes sociaux1.

Ce débat sur l’appréhension de la réalité sociale est ancien et « s’alimente à des oppositions d’ordre philosophique, politique et culturel »2.

Il demeure néanmoins possible de tenter (risquer) quelque démarche. L’activité sociale est le fruit d’actions humaines. Appréhender une réalité sociale c’est tenter des réponses causales mais aussi comprendre le sens donné à cette réalité fruit de ces actions humaines. Quelle intelligibilité donner à la conduite humaine ?

Comprendre ou expliquer ? Ou comprendre et expliquer ?

Ne s’agit-il pas plutôt de se situer au coeur de la tension entre explication et compréhension ?3 .Comprendre le point de vue des agents. Saisir le sens de leur conduite. 4

Nous brosserons dans ce chapitre un bref historique de l’immigration en France dans sa globalité puis nous nous intéresserons à l’immigration algérienne : son évolution et sa réalité actuelle particulièrement en Ile -de- France.

Nous traiterons dans la section suivante des lecteurs de la presse algérienne. Qui objectivement est lecteur en Ile -de- France ?

Nous entamerons enfin l’enquête elle-même. Du choix de l’entretien à celui des interviewés, du recueil et du type d’analyse des informations.

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1-PH.CORCUFF écrit dans les nouvelles sociologies. Paris : Nathan, Université,1995,p8: « Depuis leurs débuts, les sciences sociales se débattent avec toute une série de couples de concepts comme matériel / idéel, objectif / subjectif ou collectif / individuel (…). La répétition et la solidification de ces modes de pensée binaires apparaissent assez ruineuses pour la compréhension et l’explication de phénomènes sociaux complexes. »

2-J.M BERTHELOT. L’intelligence du social. Paris : PUF,1990,p9.

3-F.DOSSE. L’empire du sens. Paris : La découverte, 1995, p171.

4-« Mais comment saisir ce sens? Weber introduit ici une nouvelle distinction, ce qu’il appelle la compréhension actuelle ou immédiate et la compréhension explicative. Nous comprenons de la première manière le sens d’une multiplication que nous effectuons ou d’une page que nous lisons (…) la seconde forme est indirecte parce qu’elle fait intervenir les motifs des actes dans la saisie du sens. Je comprends de cette manière, le sens qu’une personne donne à une opération de calcul quand je la vois plongée dans un problème de comptabilité (…).Comprendre peut-on dire, c’est saisir l’évidence du sens d’une activité ».J.FREUND. Sociologie de Max WEBER. Paris : PUF,1983,p84.

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3.1 DE L’IMMIGRATION EN GENERAL A     L’IMMIGRATION ALGÉRIENNE

3.1.1   L’IMMIGRATION EN FRANCE

Les mouvements migratoires vers la France sont anciens. De 100.000 au début du siècle, le nombre des étrangers en France serait passé en 1851 à 380.0001 accompagnant ainsi le développement industriel, particulièrement durant la seconde moitié du siècle. Cette population étrangère est essentiellement européenne.  Elle  représente  en  1881,

 2,7 % de la population totale en France.

Confrontée à des problèmes de main d’oeuvre l’industrie française sollicite et encourage la venue de populations étrangères notamment après la seconde guerre mondiale. Bien qu’il y ait eu parfois des reflux, d’une manière générale le nombre des immigrés va croître, passant de 1.743.619 en 1946 à 2.621.088 en 1968 puis à 3.596.602 lors du dernier recensement. 2

Essentiellement européenne  au début du siècle l’origine géographique de ces étrangers va se modifier. En 1911, en effet 85 % venaient de pays européens voisins de la France3,  en  1990  ils  ne  sont  plus  que

 41 % des étrangers4 .

Les pays d’origine se diversifient plus. Ils sont africains, asiatiques. En 1990 les étrangers résidents représentent 6,34 % de la population totale (en 1931 ils étaient 6,58 %)5.

Les algériens en France sont au nombre de 614.2076 . Leur présence remonte au début du siècle.

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1-Estimation de P.DEPOID cité par G. TAPINOS: l’immigration étrangère en France, 1946-1973, Cahiers N° 71. INED- Paris : PUF, 1975.

2-Dont 2.840.000 nés hors de France et 750.000 nés en France.

Les « immigrés » s’entendent comme les étrangers nés hors de France (2.840.000) auxquels officiellement s’ajoutent les étrangers ayant acquis la nationalité française (1.290.000).

« Juridiquement un étranger est une personne qui, résidant en permanence en France n’a pas la nationalité française.(…) L’immigré (est) quelqu’un qui, né à l’étranger est entré en France et y vit en général définitivement. (…) Il y a des immigrés qui sont restés étrangers et des immigrés qui sont devenus français » (Gérard LE GALL rapporteur de la commission de la qualité de la vie du Comité Economique et Social d’Ile-de-France, in : C.E.S Janvier 1992 « Réflexion sur l’immigration en France« .

3-G.TAPINOS.Ibid.

4-INSEE : La société française : Données sociales. 1993

5-B.STORA. Ibid.

6-INSEE: Résultats/ démographie-société. Recensement de la population de 1990. Nationalités N° 21.

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