Archives mensuelles : janvier 2020

Il y a un an, l’avènement du Hirak ou la Révolution du 22 février 2019…

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BENJAMIN STORA SUR FRANCE INTER_ 1° FÉVRIER 2020_ CLIQUER ICI POUR VOIR/ÉCOUTER

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Il y a un an, l’avènement du Hirak ou la Révolution du 22 février 2019…

Nous entrons dans le mois béni de février à pas de velours et sans fracas, le pas léger et l’espoir toujours chevillé au corps. L’histoire de la nouvelle Algérie, quoi qu’on dise, vit ses premiers balbutiements. À la fin du mois – au lendemain du 53° vendredi de manifestations – nous entamerons dans la sérénité l’an II de la Révolution citoyenne en cours. Cette révolution se poursuivra, de différentes manières, mais toujours silmiya, pacifique, car nos rêves et vœux de dignité, de respect, de démocratie sont loin d’avoir été exaucés, tant s’en faut. Tous ces mois passés depuis le prodigieux 22 février 2019, ont montré à la face du monde la détermination pacifique des Algériens pour « changer de Système » et entrer de plain-pied dans une nouvelle Algérie, dans une autre indépendance, dans une Algérie respectueuse du Droit, des libertés individuelles et collectives, une Algérie fraternelle au sein de laquelle aucun citoyen ne sera plus marginalisé, exclu de la communauté nationale.

Il y a un an l’histoire qui prend un malin plaisir à bégayer s’est mise brusquement à s’accélérer. Toutes les luttes, de nos aînés, de nos frères et sœurs, tous les combats menés pour la démocratie en Algérie ont alors et de différentes manières submergé nos mémoires. L’Histoire s’est mise en branle, de nouveau, avec la naissance du Hirak, cet extraordinaire Mouvement citoyen pacifique, Silmiya. Qui ne se souvient des balbutiements, de la naissance du plus grand mouvement populaire que l’Algérie ait connu depuis son indépendance ? Un mouvement national, brassant toutes les catégories d’âge, hommes et femmes, étudiants, employés, ouvriers, universitaires, chômeurs, saisonniers, commerçants, mères au foyer… La nation en mouvement.

Dès le mois de mars 2019, je commençais à relater le Hirak. J’ai dû interrompre le récit en juin. Je l’ai suspendu parce que j’allais entamer un long périple de plusieurs mois à travers routes et pistes qui me mènera jusqu’en Russie, jusqu’en Asie centrale (un voyage programmé des mois auparavant, que je ne pouvais ni reporter ni annuler). Aujourd’hui je vous propose dans le détail le rappel des événements qui ont marqué l’Algérie et les Algériens, en amont du vendredi 22 février et la semaine qui suivit, jusqu’au jeudi 28 février 2019.

Depuis longtemps, la contestation contre le Pouvoir algérien ou ses représentants s’exprimait de plusieurs façons et régulièrement dans les rues, dans les organisations diverses, dans les entreprises, mais surtout, frontalement, dans les gradins des stades de football. Les couplets des chansons de Ouled el Bahdja (entre autres) étaient repris par des milliers de supporters, jusqu’au « débordement » dans les rues et places, jusqu’au geyser du 22 février 2019. Un an après, les eaux ont coulé sous les ponts des espoirs. Comme dit l’adage, ‘‘el glaïli ma yensa hez ktafou’’, le danseur-joueur de percussion, par déformation, n’oublie pas l’agitation de ses épaules. Comme lui, le Pouvoir « assassin, corrompu », n’oublie pas ses pratiques. Il est toujours là, verni jusqu’au bout des ongles pour dissimuler, tromper. Certains ont succombé à ses jeux d’ombres, à ses simulacres, ses promesses (ce n’est pas nouveau), mais la majorité des Algériens n’est pas dupe. Les flots des légitimes revendications ne cesseront de couler jusqu’à leurs satisfactions.

 Retour aux sources.

Le jeudi 29 novembre 2018, « Plusieurs dizaines de jeunes du quartier Ferhat Boussaad (ex_Meissonier) à Alger, ont dénoncé, jeudi au cours d’une marche de protestation, la mort en mer de quatre jeunes du quartier, qui avaient tenté de rejoindre les côtes européennes. La manifestation a été organisée par des jeunes qui ont défilé dans les principales artères du centre d’Alger, entre les rues Didouche Mourad et Khelifa Boukhalfa, pour déboucher sur l’avenue Maurice Audin. Entonnant des chants de supporters de clubs de football algérois, les jeunes manifestants ont également, entonné, la chanson culte d’Octobre 1988, Meissonnier chouhadas’, en dévalant la rue Didouche Mourad vers l’Avenue commerçante Maurice Audin, offrant un spectacle insolite aux nombreuses personnes attablées sur les terrasses des cafés. Selon les manifestants, les jeunes du quartier morts en mer, en tentant la traversée, n’ont pas été retrouvés. Il s’agit de quatre jeunes habitant le quartier Ferhat Boussaad, entre le plateau de Mustapha, la rue Didouche Mourad, la rue Khelifa Boukhalfa et l’avenue Hassiba Benbouali, en contrebas vers la place du 1er Mai. Leurs noms avaient été portés sur des banderoles déployées au cours de cette marche, alors que les manifestants avaient également cité les noms des harraga disparus et dont les proches et voisins sont sans nouvelles depuis plusieurs jours. Les jeunes manifestants, qui avaient emprunté la rue Khelifa Boukhalfa, parallèle à la rue Didouche Mourad, avaient surpris les forces de police, peu nombreuses à cette période de journée finissante, le gros ayant été déployé au stade Omar Hamadi, à Bab El Oued, pour le match de retard de Ligue 1, entre l’USM Alger et l’ES Sétif. (Le Quotidien d’Oran)

1° décembre

« Des dizaines de jeunes manifestants avaient dévalé la rue Didouche Mourad (Ex-rue Michelet) et Khelifa Boukhalfa, l’ex-rue Pasteur, scandant les noms des quatre jeunes morts en mer en tentant une périlleuse traversée de la Méditerranée. Les manifestants ont également dénoncé la passivité du gouvernement, qui ne «fait rien pour les jeunes et les laisse partir mourir en mer» (Le Quotidien d’Oran) « La manifestation s’est déroulée dans le calme, et la police n’était apparemment pas au courant de cette action de protestation. Aucun dispositif de sécurité n’était mis en place avant la marche… Les mystérieux appels à manifester ce samedi (01.12) dans le quartier populaire de Bab El Oued, n’ont pas eu auprès de la population d’Alger l’écho qu’escomptaient leurs auteurs » (TSA)

En réaction à des appels anonymes à manifester diffusés sur les réseaux sociaux depuis quelques jours, « un imposant déploiement de policiers » a été mis en place samedi 1° décembre au cœur d’Alger. Depuis quelques temps, un nommé Amir-DZ qui rassemble sur sa page Facebook des milliers de « suiveurs » (followers) s’en prend violemment au pouvoir en Algérie.

« Les grandes artères de la capitale étaient sévèrement verrouillées hier samedi (01. 12) par un imposant déploiement de policiers. Le déploiement des policiers intervenait, selon des observateurs, après le lancement via les réseaux sociaux de mystérieux appels, relayés depuis vendredi, à manifester, hier samedi, au centre du quartier populaire de Bab El Oued, sur le front de mer, à la place El Kettani (ex-piscine Padovani). Les messages qui se partageaient sur les réseaux sociaux ont appelé hier samedi après la prière du Dohr à un rassemblement à la place El Kettani, un complexe de loisirs construit près de la piscine éponyme, devenu depuis quelques années un lieu de rassemblement et de détente des riverains de ce quartier, à cheval entre le centre de Bab El Oued et la Casbah en haut de la rampe Louni Arezki, le boulevard Mira qui longe le front de mer, le quartier Lazerge, l’ex- place Guillemin, et plus loin vers le marché Nelson et l’avenue Mohamed Boubella, qui s’ouvre vers la Place des Martyrs. L’autre mot d’ordre de ces mystérieux messages, également relayés sur les réseaux sociaux, appelait à une «marche pacifique» en début d’après-midi. (Le Quotidien d’Oran)

« Rien ne semble dissuader les harraga. De nouvelles tentatives d’émigration clandestine ont été mises en échec au lendemain du drame au large d’Oran où 20 personnes sont portées disparues suite à un incendie qui s’est déclaré dans leur embarcation (20.12). Ainsi les unités des gardes-côtes du groupement territorial de Béni Saf ont avorté de deux tentatives d’émigration clandestine et intercepté 19 personnes, a appris hier l’APS. » « Le Quotidien d’Oran)

Mardi 25 décembre 2018

« Le patron de la Centrale syndicale UGTA, Abdelmadjid Sidi Saïd a promis, hier, aux travailleurs algériens «une grande surprise, dès le début de l’année 2019» lors d’une allocution prononcée à l’occasion du 2ème Congrès de la Fédération nationale des Travailleurs des ports algériens (FNTPA), tenu hier, à la gare maritime du port d’Oran. Un congrès présidé par M. Mohamed Mebarki, président sortant de la FNTPA, reconduit à son poste pour un nouveau mandat de 5 ans, et en présence du ministre des Travaux publics et des Transports, M. Abdelghani Zaâlane, du ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, M. Mourad Zemali et du xali d’Oran, M. Mouloud Cherifi. Le Secrétaire général de l’UGTA a, par ailleurs, réaffirmé devant des centaines de syndicalistes du secteur des ports «la confiance absolue et fraternelle» de la Centrale syndicale avec tous ses organes en la personne du président de la République. «Nous, secrétaires généraux des unions de wilaya, des unions nationales et l’ensemble des travailleurs, exhortons son Excellence le président de la République à poursuivre sa mission nationale», a-t-il affirmé. » (Le Quotidien d’Oran)

Lundi 31 décembre 2018

«  L’Armée avertit ses cadres retraités – Il est de notoriété publique que l’Armée nationale populaire (ANP) ne communique pas beaucoup mais déteste qu’on parle en son nom, comme elle l’a répété maintes fois, ces dernières années. Après les civils (Makri et Boukrouh), un communiqué virulent de la «grande muette» vient rappeler à «certains militaires à la retraite» l’obligation de réserve «à laquelle ils sont astreints, en vertu de la loi n°16-05 du 03 août 2016». La présidentielle d’avril 2019 irrite au plus haut point les militaires qui accusent des individus de sournoiserie, «aigris et sans envergure», «mus par des ambitions démesurées» qui essayent de préjuger de ses positions et «s’arrogent même le droit de parler en son nom» à l’approche de la prochaine échéance électorale… » (Le Quotidien d’Oran)

Jeudi 3 janvier 2019

Le jeudi 3 janvier, Le Quotidien d’Oran titre : « le 5e mandat de Bouteflika pourrait pousser les Algériens à la révolte ! » à la suite de l’appel de plusieurs personnalités au président en place, à briguer un nouveau mandant.

Lundi 7 janvier 2019

Le lundi 7 janvier, Youcef Goucem (producteur TV à Dzaïr TV appartenant au milliardaire Ali Haddad) s’est immolé par le feu dans les locaux de la chaîne privée, pour protester contre le non-paiement de ses salaires. Il décédera le 24 janvier.

Samedi 19 janvier

L’annonce est tombée, hier, vendredi, en début de matinée: l’élection présidentielle d’avril 2019 se tiendra, comme prévu par l’agenda politique du pays et conformément aux dispositions de la loi organique portant régime électoral. .. La présidence de la République a annoncé, hier vendredi (18.01), dans les délais impartis par la loi électorale, que le Président Abdelaziz Bouteflika a signé le décret présidentiel convoquant le corps électoral pour l’élection présidentielle, qui va se tenir le18 avril prochain. (Le Quotidien d’Oran)

Mardi 22 janvier 2019

Un phénomène inquiétant selon le conseil de l’ordre: L’exode des médecins algériens vers l’étranger s’accélère (Le Quotidien d’Oran)

Vendredi 1° février 2019

Vendredi 1° février. Lors de son Conseil national, le Mouvement populaire algérien (A. Benyounès) a annoncé son soutien à la candidature du Président Abdelaziz Bouteflika pour un cinquième mandat. Le lendemain, le Soir d’Algérie écrit : « Au-dessus de la mêlée dans laquelle se donnent à cœur joie un tas de pauvres bouffons… il est heureusement des candidatures qui permettent d’entretenir un brin d’espoir sur le «sérieux» d’une élection présidentielle… » Le même jour, le FFS appelle au boycottage actif de l’élection présidentielle et propose d’aller vers l’élection d’une Assemblée constituante.

Lundi 4 février

Le lundi 4 février, le journaliste El Kadi Ihsène lance « un coup de gueule » dans sa Radio M : « Ce personnage-là, (Ouyahia), il est capable de mentir en regardant les Algériens dans le blanc des yeux… Si demain la rue bouge, si demain il y a le dixième d’octobre 88 Ahmed Ouyahia va faire face ? à quoi il va faire face A.O, à quoi il va faire face ? C’est vraiment l’homme le plus vomi de la scène politique algérienne… » Pendant ce temps, « les prix des fruits et légumes chauffent malgré le froid » écrit Le Soir d’Algérie.

Mardi 5 février 2019

Le mardi 5 février, l’une des trois imprimeries des quotidiens El Khabar et El Watan située à Ali-Mendjeli (sud de Constantine) a été détruite par un incendie qui s’est déclaré tôt le matin. Le même jour, Le Soir s’interroge, « avec le ralliement de Zoubida Assoul à Ali Ghediri, peut-on parler de l’implosion de Mouwatana ? Tout porte à le croire si l’on considère les dernières déclarations de Djilali Soufiane qui a appelé à tenir une réunion dans les prochains jours pour procéder au remplacement de Mme Assoul comme coordinatrice et porte-parole du mouvement. » Lors de sa présentation devant l’APN du projet de loi relatif à la lutte contre la corruption, Tayeb Louh s’en est pris aux ONG qui «travestissent la réalité en Algérie en se focalisant sur la corruption tout en taisant les bonnes choses dans les lois algériennes ».

Jeudi 7 février 2019

« Une vive polémique enflamme les réseaux sociaux algériens depuis que la ministre de l’Éducation, Nouria Benghabrit a défendu l’interdiction de la prière dans les écoles le lundi dernier. (TSA) « L’Algérien tourne le dos à cette échéance, il est dégoûté parce qu’il sait pertinemment qu’au lendemain du 18 avril, il n’y aura point de changement. Bien au contraire, c’est la continuité et par conséquent la persistance de la crise qui ronge le pays», a estimé Nacer Djabi invité au 13e édition du Forum du Raj à Alger. (El Watan)

Samedi 09 février 2019

Le FLN tient meeting à la Coupole du complexe olympique du 5 juillet… Ils font le plein grâce à des jeunes zawaliya payés 500 dinars (2,50 €) et auxquels on distribue des sandwichs de saucisson cacher. C’était le marché proposé par les représentants du FLN à ces jeunes « vous venez remplir la Coupole et on vous offre de l’argent ».

« Programmé par les partis de l’Alliance présidentielle, le meeting populaire de soutien à la candidature du Président Abdelaziz Bouteflika pour un cinquième mandat, a connu, samedi aux premières heures de la matinée, un déferlement impressionnant à la Coupole du complexe olympique du 5 juillet. Sur la rocade-sud, la circulation était tout autant dense qu’inhabituelle pour un jour de repos hebdomadaire. De ce meeting, qu’animera le SG par intérim du FLN, Moad Bouchareb, il est attendu qu’après la démonstration d’envergure des soutiens de Bouteflika, que soit lue une lettre de déclaration officielle du président de la République pour briguer un cinquième mandat. » (Algérie1.com)

Dimanche 10 février 2019

Le Président Abdelaziz Bouteflika annonce sa candidature à la présidentielle d’avril 2019 dans un message adressé à la nation et diffusé par l’APS ce dimanche. Voici le message dans son intégralité: « MES CHERS COMPATRIOTES, II y a cinq années, vous m’avez porté à la Magistrature suprême pour poursuivre le processus de construction nationale. Ce choix exprimé par une large majorité, reflétait sans doute votre attachement à une oeuvre nationale marquante, autour de laquelle j’ai eu le privilège de rassembler vos convictions et de mobiliser vos énergies. En effet, dès ma première investiture à la tête de notre pays, je me suis consacré à éteindre le brasier de la Fitna, à rassembler de nouveau une nation meurtrie par la tragédie nationale et à engager la reconstruction d’un pays ébranlé par une crise multiforme… (APS_ El Watan)

« ‘‘On ne change pas une équipe qui gagne.’’ Abdelaziz Bouteflika a décidé de faire sien cet adage populaire en reconduisant pour la troisième fois consécutive Abdelmalek Sellal à la tête de l’équipe devant conduire sa campagne pour un cinquième mandat. » (Le soir)

Lundi 11 février 2019

« Le 11 février 1996, les terroristes frappaient Le Soir d’Algérie. Il y a 23 ans, la bombe… Les souvenirs ne s’embrouillent pas. Et l’on a l’impression que c’était hier. Ces corps ensanglantés, déchiquetés gisant sur le sol, ces voitures carbonisées, les gravats d’un mur éventré jonchant les trottoirs, les personnes affolées hurlant et courant dans tous les sens. On rembobine le film. C’est le funeste 11 février 1996. Une bombe explose devant le siège du quotidien le Soir d’Algérie à quelques jours de l’Aïd el-Fitr. » (Le Soir)
« Le vice-ministre de la Défense nationale procédera à l’inspection de certaines unités et tiendra des réunions d’orientation avec les cadres et les personnels de la 5e Région militaire selon le communiqué du MDN ». (Le Soir, le 12.02.) Le général tiendra 58 réunions de ce type de février à décembre.


Depuis une semaine, je voyage à travers le Désert, autour de Tamanrasset, et bientôt au cœur de l’Atakor.

Mercredi 13 février 2019

Le site « DZVID.com » publie sous ce titre, « des jeunes dans la rue contre Bouteflika ! » ce commentaire : « La société algérienne est en ébullition. Dans les quatre coins du pays, des jeunes sortent dans la rue pour exprimer leur rejet du régime et surtout de la candidature d’Abdelaziz Bouteflika pour un cinquième mandat consécutif. » Une nouvelle audition de Kamel El-Bouchi est programmée ce matin au tribunal d’Alger. « Youcef Yousfi : ‘‘La règle 51-49 n’est pas du Coran’’»  rapporte Le Soir.

« À partir de Constantine Gaïd Salah fait la promotion du bilan de Bouteflika. En visite de travail et d’inspection dans la 5e Région militaire à Constantine, mardi et mercredi derniers, le patron de l’état-major de l’ANP a prononcé des discours politiques à chacune de ses haltes pour, d’abord, faire la promotion, comme tous les autres membres du gouvernement, du bilan de Abdelaziz Bouteflika à la tête du pays. ‘‘L’Algérie a certainement besoin d’hommes de valeur, qui ont eu foi en la glorieuse Révolution, qui continuent à la considérer en tant que rempart des valeurs nobles, et qui estiment que ceux qui y ont cru et se sont imprégnés de ses principes sauront, sans nul doute, consacrer tous leurs efforts, voire leurs vies, au service de l’Algérie’’, dira le vice-ministre de la Défense devant les cadres de la 5e Région. Une allusion assez claire à Abdelaziz Bouteflika qui, dimanche dernier, dans son message à la Nation où il annonçait officiellement sa candidature, disait, pour rappel, que «bien sûr, je n’ai plus les mêmes forces physiques qu’avant (…) mais la volonté inébranlable de servir la patrie ne m’a jamais quitté (…) ». (Le Soir)

Le 13 février 2019 et les jours suivants, en réaction à l’annonce de sa candidature, des jeunes ont manifesté à Bordj-Bou-Arreridj « Ya Bouteflika makèch el âhda el khamsa ».

Jeudi 14 février 2019

Depuis jeudi 14 février, la ville de Bordj Bou Arreridj est le théâtre de manifestations contre le 5éme mandat, écrit le huffpostmaghreb. Des centaines de jeunes se regroupent dès la tombée de la nuit à la cité du 8 mai 45 pour manifester contre le 5ème mandat en scandant “Bouteflika makach 5ème mandat”.

Vendredi 15 février 2019

Le vendredi 15 février, à l’issue d’une marche à Bordj Bou Arreridj « les choses ont failli dégénérer après l’arrestation par les forces de l’ordre de Brahim Laalami » (Salim Mesbah, huffpostmaghreb, 17.02.2019). Le jeune homme a été détenu pendant 48 heures. Le même jour, une centaine de supporters du CRB manifeste dans le métro contre Bouteflika « Yal marouki ma kench el âhda el khamsa ». Fortement propagée par le Pouvoir algérien, l’hostilité à l’égard de nos frères marocains n’est pas peu partagée en Algérie.

« Les services sécurité ont interpellé dix supporters qui ont pris part à la marche des supporters contre le 5e mandat du président-candidat Abdelaziz Bouteflika qui a eu lieu vendredi dernier (15.02) après la fin du match ayant opposé la JSD et le H. B. Chelghoum Laïd au stade Rouibah-Hocine, a affirmé le chef de la Sûreté dimanche passé. Il convient de souligner que cette marche qui a démarré pacifiquement, a pris une nouvelle tournure car les manifestants, essentiellement des jeunes, ont lancé des projectiles en direction du siège de la wilaya. Les services de sécurité sont intervenus en interpellant ces dix manifestants qui ont été présentés hier devant les instances judiciaires. (Le Soir)

Samedi 16 février 2019

Le 16, à Kherrata, des centaines de personnes manifestaient contre le 5° mandat et contre le FLN « dégage ! ». Des jeunes de Bordj-Bou-Arreridj appelaient à des marches en insistant sur la date « le 22 février », comme ces deux jeunes islamistes dans un appel sur Youtube. L’un d’eux porte une sorte de bonnet d’âne ou de toque de cuisinier. Eux aussi appellent à sortir en masse le 22 février, « n’ayez pas peur ! » Le samedi 16, « Des centaines de personnes, en majorité des jeunes, ont répondu à un appel, dont on ne connaît pas encore l’origine, pour une marche contre le cinquième mandat au centre-ville de Kherrata, » (Algériepatriotique/ Nezzar)


« Quelque deux cents personnes ont rejoint, ce dernier jeudi (14.02) en milieu de matinée, le parvis du théâtre régional Azzedine-Medjoubi de Annaba pour manifester leur réprobation d’un cinquième mandat pour le président sortant dont l’annonce a été faite récemment, munis de banderoles sur lesquelles étaient inscrits des slogans tels que : ‘‘non à un cinquième mandat’’, ‘‘le mandat de la honte’’ ou ‘‘le mandat de trop’’. Parmi les protestataires, figurent des militants politiques, des avocats, des médecins, des militants des droits de l’homme, des étudiants et de simples citoyens. En répondant à l’appel des organisateurs, les personnes présentes voulaient marquer leur désaccord quant au cinquième mandat, ont-ils affirmé. «Parce qu’il s’agit du mandat de trop que nous sommes là aujourd’hui», ont tenu à dire quelques-uns des présents. Une importante mais discrète présence policière surveillait les lieux sans pour autant intervenir. Vers 11h30, les protestataires se sont dispersés dans le calme, promettant de revenir autant de fois qu’il faut «pour empêcher» l’avènement du cinquième mandat. » Le Soir)

Les six syndicats, le Snapest, le Cnapeste, l’Unpef, le CLA, le Satef et le SNTE, qui se sont réunis jeudi, à Alger, ont annoncé une grève nationale de deux jours les 26 et 27 février prochains. (Le Soir)

« Le général de corps d’Armée, Ahmed Gaïd-Salah… poursuit, en sa qualité de représentant de son Excellence, le Président de la République, chef suprême des Forces armées, ministre de la Défense nationale, la deuxième journée de sa visite officielle aux Emirats arabes unis, à l’occasion de la 14e édition du Salon international de défense «IDEX-2019 à Abou Dhabi, où il a pris part, aujourd’hui 17 février 2019, à la cérémonie d’ouverture, présidée par Son Altesse Cheikh Mohamed Ben Rached Al-Maktoum, vice-président de l’Etat, président du Conseil des ministres, gouverneur de Dubaï et ministre de la Défense des Emirats arabes unis», précise le communiqué. » Cette visite s’inscrit dans le cadre du «renforcement de la coopération entre l’Armée nationale populaire et les forces armées émiraties, et de l’exploration des voies et des moyens de sa promotion», ajoute la même source. (APS)

« Après des mois d’un insoutenable statu quo, l’annonce de la candidature du Président en exercice, si elle n’a pas beaucoup surpris, elle a été porteuse de projections dans un avenir proche. Le Président-candidat propose une conférence nationale post-élections. L’opposition accueille cette annonce avec grand scepticisme et autant d’interrogations. Les partis dont la proximité avec le régime n’est plus à démontrer applaudissent, se suffisant de l’effet d’annonce sans attendre d’en savoir davantage. L’opposition semble pour une fois d’accord. » (Le Soir) « Des centaine de supporters du match ayant opposé la JSD au H. B. Chelghoum Laïd vendredi au stade Rouibeh-Hocine ont ‘‘improvisé’’ à leur sortie une marche à travers certaines artères de la ville de Jijel, a-t-on appris auprès de témoins oculaires. Les marcheurs, essentiellement des jeunes supporters qui ont sillonné certains quartiers de la ville, entre autres Bourmel, Soummam et des quartiers du centre-ville, ont scandé des slogans anti-5e mandat du Président-candidat Bouteflika. Notre source a ajouté que cette marche, qui a démarré pacifiquement et qui se dirigeait vers les hauteurs a pris une nouvelle tournure. Les marcheurs ont lancé des projectiles à l’encontre du siège de la Wilaya, ce qui a nécessité l’intervention des agents de l’ordre pour faire disperser les manifestants dont l’action a fait sortir la ville de ‘‘son sommeil politique’’ dû à la faillite des acteurs politiques opposants au 5e mandat et la démission du mouvement citoyen. » (Le Soir) « A leur manière, les citoyens ont… très tôt commencé à livrer leur avis sur la présidentielle. Les commentaires postés à ce sujet foisonnent, divergent et se déversent à volonté étalant des vérités crues auxquelles font en particulier face candidats et personnalités politiques. Ceux-ci l’ont compris depuis bien longtemps déjà, Facebook offre un espace d’échange et une proximité incontournable avec les Algériens. » (Le Soir)

Dans une vidéo postée sur Youtube le 18 février par HellO Dz, deux jeunes de Bordj Bou Arreridj tiennent un discours contre le pouvoir : « Le 22 nous ramènerons l’indépendance », « chaque wilaya doit descendre » Le jeune homme dit reconnaître que Ouled el Bahdja (supporters de foot d’Alger) sont les premiers (à manifester contre le régime).

CLIQUER ICI pour voir un extrait de l’appel à manifester le 22 de Bordj- bou-Arreridj.

Pour ce qui est des imam béni-oui-oui, Bejaia F. écrit sur FB : « Les gens refusent de faire la prière et quittent la mosquée El Kawtar après que l’imam a commencé la khotba sur le sujet El Khourouj an el hakim. Sab. Z., quant à elle écrit : « c’est bien ce qu’on appelle l’arroseur arrosé ! Vous voulez mettre en garde vos ouailles contre el khourouj an el hakim ? Eh bien vous avez eu droit à un khourouj an essalat. Bravo à nos citoyens conscients de Bejaia. » Le même jour, le 18 février, Sab. Z., écrit un peu trop vite : « Jamais je ne vais marcher côte à côte avec des islamistes… ». Plus tard, Sl.A.S qui doutait de ces appels « aux origines douteuses tout en ayant un caractère religieux » fera son mea culpa « après le 22 février et le 1° mars j’ai vu autre chose dans ces manifestations… » Le même jour j’écrivais sur FB « vigilance oui, mais pas rejet. »

Les syndicats du Cnapeste et du Satef accusent le ministère de l’Éducation de vouloir pousser le secteur au pourrissement.(Le Soir) Le matin du mardi 19 février, à Khenchela, près d’un millier de personnes se rassemblent devant la mairie sur la façade de laquelle sont posés sur toute sa hauteur, un drapeau et le portrait du président. Des personnes grimpent pour enlever le portrait géant. Les manifestants crient « enlève le gang (le bandit), pas le drapeau ! » (« nahi el issaba, machi el aâlem ») (Le Matin)

Mercredi 20 février 2019

Le 20 février, un avion de combat de type (SU24) s’est écrasé près de la commune de Rechaïga dans la wilaya de Tiaret causant la mort du pilote et du copilote. Ce même jour, le 20 février, je poste les vers de cette belle chanson/vidéo de Ouled El Bahdja, qui s’intitule Ultima verba : « Ooooh…/ Lyam etrouh we twelli wel batel yebka/ Hadou khellaw ezzawali ya’chak fel mout/ Ki wellet hakda la série bqatelha halqa/ Ga’ ma tebkich ya bladi chedda we tfout/ On est là we slala makech doute/ Tesqot eddawla welli khedmo l’autoroute/ La liberté la liberté la liberté/ El virage raho iqol/ Li yerdha ghir el medloul/ Louham li rsamtouha fi âkoul ennas/ Tel lewwen bel faâl el ghayeb que des paroles/ Wa ana hakda yesrali, ki ifidh el kess/ Qalbi mel oujaâ sahran ou yekteb fel Qoul/ Lyam etrouh we twelli wel batel yebka… » Prémonition ?


« La France aux commandes a pris acte sans réserve de la candidature de Bouteflika. Une option à laquelle elle était déjà préparée alors que des critiques particulièrement virulentes sont émises dans les milieux médiatiques et les faiseurs d’opinions. » (Le Soir) « Le soutien qu’apporte le célèbre avocat Mokrane Aït Larbi à la candidature de l’ancien général-major Ali Ghediri a généré des critiques, mais aussi une certaine somme d’interrogations auxquelles il a décidé de répondre dans une lettre transmise hier à la presse. Dans son ensemble, cette lettre se résume à une série d’explications à travers lesquelles l’avocat justifie son engagement aux côtés d’un candidat pas comme les autres. » (Le Soir)


« Les premiers invités commencent à arriver (le 20.02) au siège d’El-Adala où Djaballah les attend depuis un moment. Les partis politiques ayant annoncé leur participation quelques jours auparavant sont tous là : Fadjr Djadid, de Tahar Benbaïbèche, l’Union des forces démocratiques (UFD) de Nouredine Bahbouh, ou l’Union démocratique et sociale (UDS) de Karim Tabbou, Abdelkader Bengrina (El Binaa). Des figures bien connues de la scène politique arrivent presque en même temps. Ali Benflis, Nourredine Bahbouh et Abdelaziz Rahabi ont également répondu présents. Joint dans la matinée, le responsable du parti Talaioue El-Hourriet avait confirmé sa participation. ‘‘Oui, je serai présent, nous disait-il, alors, j’ai été invité, je me rends à toutes les rencontres, je m’informe, je débats.’’ L’arrivée de Abderrezak Makri ne passe pas inaperçue… le chef du MSP (Mouvement de la société pour la paix) avait paru quelque peu gêné ces derniers jours. ‘‘Je n’ai jamais voulu torpiller l’initiative de Djaballah’’, a-t-il déclaré à des journalistes qui l’interpellaient sur le sujet. » (Le Soir)

Jeudi 21 février 2019

Le 21 février, deux journaux (L’Expression et Le Quotidien d’Oran) publient une apologie du président Bouteflika par Amine M., un ancien journaliste : «Abdelaziz Bouteflika : Un homme, une vision et une démarche au service de la paix – L’homme est resté fidèle aux orientations et aux motivations qui furent les siennes depuis la flamme de novembre 1954, en faisant évoluer les mentalités et nos regards vers un avenir de paix, de concorde, de réconciliation et de vivre ensemble. »


Le jeudi soir 21.02., les prévisions météo diffusées sur El Jazaïriya One indiquent qu’il fera beau temps sur tout le territoire avec pour le matin 0° à El Bayed, 3 sur la côte ouest et en Kabylie, 5 à Alger, 9 à Tamanrasset… L’après-midi : 16 à Alger et ses environs, 14 à Constantine, 20 à Oran, Ghardaïa, 26 à Aïn Salah, 23 à Béni-Abbes, Tabelbala et Illizi…

Vendredi 22 février 2019

« Hai Akid Lotfi: Chute mortelle d’un maçon chinois  – Un maçon, de nationalité chinoise, a été victime d’une chute mortelle. Le drame s’est produit, vendredi (22.02), en fin de journée, à Hai El Akid Lotfi. La victime a chuté du 5ème étage d’un parking à étages en construction. La dépouille de la victime âgée de 31 ans, a été déposée à la morgue de l’Etablissement hospitalier 1er Novembre 1954. Une enquête a été ouverte. » (Le Q. d’Oran)

Le 22 février : AFP note : « Plusieurs cortèges, dans lequel des drapeaux algériens étaient visibles, se sont formés à la mi-journée à Alger à l’issue de la grande prière hebdomadaire musulmane. » Vous avez bien lu le degré de précision « des drapeaux algériens » et la « prière musulmane » des fois que… non, mais…va savoir !

Le journaliste Hacen Ouali poste une vidéo montrant des manifestants à Alger. « Des dizaines de milliers à Alger ». Peu avant, Mohamed N. B. poste ces mots au bas d’une photo : « « Jazaïr houra dimocratia » ( Algérie libre et démocratique). Le slogan faste des démocrates Algériens des années 80 et 90, repris en chœur en 2019 par la jeunesse du nouveau millénaire… »

En France, dans une vidéo, le « gilet jaune » Maxime N. estime que le sionisme est une idéologie « raciste » (francetvinfo.fr)

« La dernière manifestation à Alger a eu lieu en février 2018 lorsqu’un millier de médecins en formation avaient réussi à braver l’interdit en se rassemblant devant la Grande Poste. Ils avaient été rapidement encerclés et bloqués par la police » (AFP) 

Toujours le 22.02. Dans Le Point/Afrique, A. Meddi écrit : « « Le peuple ne veut ni de Bouteflika ni de Saïd (le frère du président) », criaient les manifestants sortis à Alger dès l’après-midi, par milliers, bravant l’interdiction de manifester dans la capitale effective depuis 2011. Une source policière parle de 7 000 manifestants rien qu’à Alger, alors que d’autres sources parmi l’opposition parlent de 100 000, des chiffres impossibles à vérifier. » Et plus loin « aujourd’hui, à Annaba, Constantine (est), Touggourt, Adrar (sud), Oran, Tiaret, Relizane (ouest), Tizi Ouzou, Bouira et Béjaïa (Kabylie), des milliers d’Algériens ont manifestés » et encore : « Les manifestants algériens démolissent un grand panneau publicitaire avec la photo de leur président actuel, Abdelaziz Bouteflika, lors d’une manifestation contre sa candidature pour un cinquième mandat. Les manifestants (sont) sortis à Alger dès l’après-midi, par milliers, bravant l’interdiction de manifester dans la capitale effective depuis 2011… Tôt dans la matinée, des dizaines de camions de la police antiémeute se sont déployés dans Alger-centre. »

« Par groupes de centaines, des Algériens sont donc sortis dans les rues (le vendredi 22.02) en réponse à des appels à réagir contre le nouveau mandat que brigue Abdelaziz Bouteflika.
Les initiateurs ou auteurs de ce «projet de rue» restent toutefois inconnus à ce jour. Beaucoup y avaient vu la main des islamistes en raison du jour et du moment choisi, un vendredi après la prière hebdomadaire, ce qui avait soulevé certaines réticences auprès de nombreux citoyens craignant la manipulation… Hier, et dans plusieurs wilayas du pays, les citoyens n’ont pas attendu l’heure programmée (la fin de la prière du vendredi) pour descendre dans les rues.
A Tiaret, à Guelma et Jijel, les manifestants semblaient bien moins nombreux qu’ailleurs. A Béjaïa, Mostaganem, Tizi-Ouzou, Annaba, la foule était beaucoup plus nombreuse pouvant atteindre quelquefois les deux mille personnes, selon les correspondants de presse présents sur place. Tous les regards étaient cependant braqués sur Alger. Une réelle tension était perceptible dès les premières heures de la matinée. Un important dispositif des forces de l’ordre s’est déployé sur les grands axes d’Alger-Centre mais aussi dans les quartiers jugés sensibles. Des camions de police étaient déjà sur place bien avant 10 h à Bab-el-Oued où la population semblait bien plus occupée à vaquer à ses occupations. Ici, les achats de dernière minute se font normalement même si certains avouent avoir fait le plus gros des provisions la veille ou quelques jours auparavant en raison de la crainte suscitée par les appels anonymes lancés sur Facebook. «Nous resterons ouverts jusqu’à la prière du vendredi, et qu’ils ne comptent pas sur nous pour envoyer nos enfants se faire massacrer, on a payé un prix lourd en 1988», explique un épicier. «Ce que l’on craint c’est que cette jeune génération qui ignore tout de ce que nous avons traversé fonce tête baissée.» Place des Martyrs, Audin, Didouche-Mourad: les lieux sont quadrillés. Des camions de la police se sont, là aussi, positionnés dès les premières heures de la matinée. Des agents en civil et munis de talkies walkies sillonnent les rues où règne une ambiance particulière. Tout est vide, les citoyens sont très peu nombreux. On dit à ce moment qu’il est encore trop tôt. Vendredi est un jour de repos et la tendance est à la grasse matinée. Plusieurs magasins qui avaient pour habitude d’ouvrir la mi-journée ont cependant gardé leurs rideaux fermés au centre-ville. A la place des Martyrs, l’activité est moins dense qu’à l’habitude. On commente à voix basse les vidéos qui circulent sur Facebook et les photos montrant les marches qui se déroulent au même moment dans d’autres régions du pays. Pas d’avis sur la question, dans les discussions, on insiste surtout sur le caractère pacifique des protestations en cours. Avenue de l’ALN : des forces anti-émeutes sont stationnées tout le long de la route. Sans doute des renforts prêts à l’intervention en cas de débordement. Le plus gros du dispositif était cependant visible au 1er-Mai où l’on a vu les CRS, bouclier et matraque en main, resserrer nerveusement les rangs peu de temps après la fin de la prière du vendredi.

L’appel n’est pas resté sans réponse. Bab-el-Oued a finalement bel et bien manifesté dans le calme le plus absolu. Il en était de même à la place du 1er-Mai. Ici, les manifestants se sont rassemblés par petits groupes qui n’ont cessé de grossir aux alentours de 15h30. Des jeunes en motos sortis d’on ne sait où débarquent. Le même scénario se déroule au centre-ville où des centaines de personnes défilent. Les slogans sont hostiles au cinquième mandat. Des renforts de CRS arrivent mais observent les évènements sans réagir. (Le Soir)

Maghreb Emergent le 23.02 : « Des centaines de milliers Algériens voire plus ont brisé hier vendredi 22 février le mur de la peur et des interdits en descendant dans les rues des villes pour dire non au projet du 5è mandat et exigeant le départ du pouvoir actuel. C’est un véritable tsunami populaire qui a inondé aussi bien les grandes villes que les petites localités du pays… Les rues des villes comme Alger, Constantine, Oum El Bouaghi, Batna, Bejaia, Annaba, Guelma, Blida, Skikda, Khenchela, Bourdj Bou Arriridj et Bouira n’ont pas pu contenir les foules hostiles au 5è mandat. El Watan titre ce samedi matin « L’Algérie dit NON ! », « L’Algérie se soulève contre les Bouteflika » Le Quotidien d’Oran, réservé : « Marches à travers le pays contre le 5° mandat ».

Samedi 23 février 2019

Dès le lendemain des marches, Le Quotidien d’Oran s’interroge : « Otages de fausses promesses – L’élection présidentielle du 18 avril prochain a pris une tournure tout à fait étrange. Sinon comment interpréter ces appels à des marches contre le 5ème mandat maintenant ? Le timing de ces appels est-il opportun ? Pourquoi n’avoir pas appelé à des marches de protestation contre le 5ème mandat bien avant, au moment où les partis de la majorité présidentielle avaient annoncé leur candidat ? Mieux, est-on là face à des tentatives d’instrumentaliser la rue pour faire barrage, d’une autre manière, à un 5ème mandat que les partis de la majorité veulent faire passer comme une alternative inéluctable ? Des questions et peu de réponses, car la conjoncture politique actuelle est en train de prendre de la vitesse et une tournure qui sont, en réalité, autant de facteurs de rupture avec le discours politique ambiant… Bien sûr, bien des appétits politiques se cachent derrière ces marches de protestation contre le 5ème mandat. Par contre, la rue aura exprimé, à sa manière et jusqu’à présent par une expression démocratique jamais enregistrée jusque-là, ce qu’elle pense de cette élection… »

Le 23 février je poste ces mots sur FB : « Vivement vendredi prochain… et les suivants… Marcher pacifiquement pour une Algérie libre et (authentiquement) démocratique. » « Vous vous êtes enfin réveillé de votre sommeil » m’invective un facebooker. « Peut-être bien, vous connaissez probablement mieux que moi mon propre passé… »

Le même jour j’ai posté : « C’était hier vendredi 22 février. Des milliers d’Algériens ont manifesté pacifiquement « contre le 5° mandat de Bouteflika », dans plusieurs villes comme Alger, Tlemcen, Batna, Bejaïa, Bouira, Tebessa, Khenchela, ouargla, Boumerdès, Oum el Bouaghi, Tiaret, Sétif, Tizi Ouzou, Annaba, Sidi Bel Abbes, Oran… El Watan titre ce matin « L’Algérie dit NON ! », « L’Algérie se soulève contre les Bouteflika » Le Quotidien d’Oran, réservé : « Marches à travers le pays contre le 5° mandat » Rendez-vous est pris pour vendredi prochain, 1° mars. »

Puis ce texte, plus long : « Les Algériennes et les Algériens aspirent à une Algérie authentiquement démocratique, libre et heureuse. Ils l’ont maintes fois prouvé. Cette Algérie libre et heureuse, authentiquement démocratique, ne peut se concevoir sans la liberté de parole. La libre parole, ce droit premier de l’Homme, doit être accessible dans la rue et dans tous les médias, publics et privés, sans entraves. Une libre parole respectueuse de toutes les autres paroles, exprimée dans la langue de son choix, sans complexe aucun, sans stigmatisation. Il y a en Algérie des dizaines de chaînes de télévision, de radios, de journaux, publics et privés, mais la parole n’y est pas réellement libre. La censure et l’autocensure sont permanentes. Les Algériens et les Algériennes, qui ont payé le prix fort, ont soif d’une « Révolution de velours », sans donc aucune violence ni casse, sans qu’aucune goutte de sang soit versée. Une Révolution pacifique, celle qu’appréhendent par-dessus tout les tenants du « Système » actuel, prêts à toutes les intrigues et violences. N’oublions jamais Octobre 1988, ni janvier 1992 et les années qui suivirent, n’oublions jamais non plus les manipulations de la religion à des fins politiques de certains partis et organisations islamistes dont les paroles ont semé la mort par milliers. Cette Révolution douce algérienne a peut-être commencé hier, vendredi 22 février 2019. À travers de nombreuses villes du pays de Tlemcen à Annaba, de Bejaïa à Ouargla en passant par Alger, Oran, Sidi-Bel-Abbès… des milliers d’Algériens et d’Algériennes, jeunes et moins jeunes, ont manifesté contre le Système (« Non au 5° mandat » brigué par un des hommes du Système) dans le calme et sans heurts, offrant parfois des fleurs aux policiers bienveillants. D’autres vendredis arrivent. Faisons (chacun selon ses possibilités) qu’ils soient noirs de monde et prometteurs de tous les espoirs jusqu’à la victoire, pour une Algérie authentiquement démocratique, libre et heureuse. »

À la question de savoir si l’élection lui paraît jouée d’avance, Antoine Basbous, « l’observateur averti » déclare à Libération.fr « A mon sens oui. Le clan au pouvoir a déjà préparé les chiffres qu’il publiera le 18 avril au soir : le taux de participation, le pourcentage du président sortant. On parle d’un chiffre autour de 80 %… » et ceci en chapô de l’article : « Pour le politologue Antoine Basbous, ni l’opposition algérienne ni la situation économique ne peuvent empêcher le clan du pouvoir, mené par le frère du Président, de faire réélire un homme gravement malade. » Observateur averti.

« L’ampleur de la contestation de la candidature de Abdelaziz Bouteflika, exprimée vendredi dernier (22.02) à travers quasiment tous les chefs-lieux des grandes villes du pays, Alger compris, constitue, assurément, le plus grand défi auquel se trouve confronté, désormais, l’homme qui accédait au palais d’El Mouradia comme «candidat du consensus» en 1999. Coup dur pour l’ego de celui qui s’est systématiquement prévalu du soutien massif et indéfectible, du peuple algérien. » (Le Soir)

« Du nord au sud, d’est en ouest, les grandes villes ont répondu à un appel, anonyme de surcroît, lancé quelques semaines auparavant sur le réseau social privilégié des Algériens : Facebook… Il y a une année encore, le passage de la contestation virtuelle à celle de la réalité était, pourtant, encore chose impossible. En 2017, et face à la dégradation du pouvoir d’achat induit par une crise économique sévère, un appel similaire avait été lancé sur le même réseau social mais sans résultat.
L’anonymat des initiateurs de ce projet a dissuadé. Les citoyens n’étaient-ils pas prêts à ce moment ? La situation politico-économique n’avait-elle pas atteint l’impasse dans laquelle elle se trouve aujourd’hui ? Les images des conséquences des révolutions arabes et celle des réfugiés apatrides (largement utilisées comme moyens de dissuasion) ont-elles réellement tétanisé ? A ces éléments d’interrogations, s’ajoutent des faits bien réels. La répression systématique de toutes les tentatives d’investir la rue (médecins tabassés, syndicats de l’éducation…) a été érigée en règle et appliquée de manière à frapper les esprits. Depuis la confirmation de l’option du cinquième mandat et l’annonce officielle de la candidature de Abdelaziz Bouteflika, les forces de l’ordre semblent avoir été instruites d’éviter de réagir face à la contestation populaire. A Khenchela, des centaines de personnes sont sorties manifester pacifiquement contre le cinquième mandat et aucune répression ne s’en est suivie.

La Kabylie qui a depuis longtemps brisé le carcan de la peur et de l’intimidation, s’est exprimée à travers des marches grandioses sans incidents notables. Encouragées, d’autres villes ont suivi. Le phénomène s’est amplifié atteignant son point culminant ce vendredi (22.02). Les plus sceptiques doutaient de la réaction des Algérois qui se sont manifestés très peu de temps après la prière hebdomadaire. Les grandes artères de la capitale ont été investies par une foule disciplinée, non encadrée et qui n’a, à aucun moment, versé dans des actes de provocation de saccage. Le chaos n’a pas eu lieu. Craignant le pire, certaines représentations étrangères ont instruit leur personnel de ne pas sortir, d’autres ont demandé la protection de leurs biens. C’est ainsi que le dispositif retiré devant l’ambassade de France s’est redéployé la veille de l’événement. Mais, les craintes se sont avérées inutiles. Les Algériens ont prouvé que leur but était d’exprimer leur opinion. » (Le Soir)

Dimanche 24 février 2019

Le dimanche 24 février, le chef de l’État s’envole pour Genève pour recevoir des « soins de santé périodiques », alors que la place Audin (Alger) est noire de monde. Des femmes offrent des fleurs à des policiers. Le jour même, la journaliste Meriem Abdou démissionne de son poste de rédactrice en chef de la Chaîne 3 de la Radio nationale à cause de la censure relative aux manifestations du vendredi 22 février. La veille, elle a écrit ceci sur sa page FB “J’ai décidé, moi Meriem Abdou, de déposer, dès demain ma démission de mon poste de rédactrice en chef, membre de l’encadrement de la Chaîne 3. Je refuse catégoriquement de cautionner un comportement qui foule aux pieds les règles les plus élémentaires de notre noble métier”. « Devant le silence de la radio nationale qui n’a pas couvert les manifestations de la veille contre le 5e mandat de Bouteflika, sa rédactrice en chef de l’antenne francophone, Meriem Abdou, a préféré rendre son tablier. » (Le Point/ Afrique)

« Un tabou est brisé – Un tabou est tombé vendredi 22 février. Le mur de la peur a été brisé et des Algériens, toutes catégories sociales confondues, ont été unanimes à rejeter autant le 5ème mandat que les tentatives politiciennes d’imposer une continuité politique qualifiée de suicidaire. Par cette action l’on a voulu exprimer son refus d’un état de fait imposé par la force d’un système politique qui a trop longtemps surfé sur la fibre patriotique, mais en restreignant chaque jour un peu plus les territoires des libertés fondamentales, l’expression citoyenne. » (Le Quotidien d’Oran)

En France on commence à paniquer. « Le cauchemar du président de la République, c’est l’Algérie. C’était aussi celui de ses prédécesseurs. Les plus hautes autorités de l’Etat sont terrifiées par la perspective d’une grave déstabilisation de notre ancienne colonie après la mort de Bouteflika [président depuis 1999]. » Déclare « un personnage central de la macronie » selon La nouvelObs.com.

Dimanche 24.02 : FB me demande si je veux partager une vidéo que j’avais posté en février 2014 ! Je clique sur OK. Sur cette vidéo – il s’agit de « I am Happy » de Pharrell Williams. J’avais ajouté en sur impression sur les images de la vidéo ce texte que j’ai intitulé I am happy, on coule ! C’était l’époque du 4° mandat : « It might seem crazy what I’m about to say / Sunshine she’s here, you can take break / Il peut sembler fou ce que je m’apprête à dire/ Brille, Soleil voici la bonne nouvelle/ Ils ont osé !/ L’ancêtre brigue un 4° mandatUn revenant jure laver plus blanc que blanc/ Un 3° hésite/… /La télé est heureuse/Les journaux sont heureux/Here come bad news talking this and that… /On est au bord du gouffre/Et le drabki derbek/Nous sommes heureux/Hamdoullah… » (le texte entier et la vidéo se trouvent ici : 

http://leblogdeahmedhanifi.blogspot.com/2014/02/429-happy-on-coule.html)

Au-delà de toutes les lectures que l’on puisse faire, l’Algérie a connu un tournant majeur, vendredi (22.02.), dans ce qu’on pourrait appeler l’expression du droit à la manifestation, un droit remis en cause on ne sait plus combien de fois, avec une violence souvent inouïe, particulièrement dans la capitale. Quarante et une interpellations pour troubles à l’ordre public, actes de vandalisme, dégradation de biens, violence et voie de fait. Voilà en tout et pour tout l’étendue du bilan des manifestations de vendredi dernier, rendu public par la Direction de la Sûreté nationale quelques heures après les marches pacifiques ayant été organisées à travers plus d’une trentaine de wilayas. Un nombre d’interpellations finalement qui ne sort pas de la normale et surtout qui résonne comme une réponse on ne peut plus cinglante à ces alarmistes – qu’on peut comprendre – qui ne pouvaient s’empêcher d’émettre la hantise d’un face-à-face entre manifestants et policiers qui fatalement aboutirait à l’irréparable. ( Le Soir d’Algérie) Des rassemblements contre le cinquième mandat sont prévus aujourd’hui (dimanche 24.11) sur tout le territoire national, à l’appel du mouvement Mouwatana. Les lieux de rendez-vous sont fixés à la place Audin pour la capitale, et devant les sièges de wilaya à travers tout le territoire national, à partir de 12h. Soufiane Djilali, coordonnateur national du mouvement estime que c’est le moment de maintenir la pression. (Le Soir) Le président de l’instance dirigeante du FLN, Mouad Bouchareb, a affirmé hier à partir d’Oran, qu’il y a des gens qui voudraient allumer le feu de la discorde mais, dit-il : «Cette étincelle qu’ils veulent allumer est arrosée par le sang des chouhada et le sang des chouhada jamais ne s’enflamme.»… Dieu a envoyé des hommes religieux, des savants, des combattants, des moudjahidine, pour agir pour le bien des nations et «il a aussi envoyé Bouteflika en 1999 pour redresser l’Algérie et lui redonner ses lettres de noblesse et lui rendre sa dignité». (Le Soir) Le candidat à la candidature à l’élection présidentielle du 18 avril prochain, Ali Ghediri, invite les tenants du pouvoir à «se hisser au même niveau dont a fait preuve, le peuple algérien, avant-hier vendredi lors des manifestations populaires contre le 5e mandat présidentiel organisé dans pratiquement l’ensemble des wilayas du pays». (Le Soir) Prévues initialement samedi (23.02), les rencontres MC Alger-MC Oran, comptant pour la 22e journée de Ligue1, et JSM Béjaïa -Paradou AC pour le compte des quarts de finale de la Coupe d’Algérie, aller, ont été reportées à une date ultérieure. Si la ligue de football professionnel (LFP) ne précise pas le motif du report du match MCA-MCO, celui évoqué pour justifier le report JSMB-PAC est «d’ordre public», selon la fédération algérienne de football (FAF). Ce ne sont d’ailleurs pas les seules rencontres reportées puisque le derby algérois entre l’USM El-Harrach et le RC Kouba, comptant pour la 23e journée de Ligue 2 Mobilis, prévu vendredi (22.02), a été reporté à mardi (26.02). (Le Soir)

J’ai noté plusieurs points : Louisa Hanoune demande le report de l’élection présidentielle. Le soir, il y a un beau débat sur la chaîne Aljazaïria One. L’émission s’intitule « Philo-Talk ». Discussion sur les idéologies, l’évolution depuis 1962, « quelle Algérie voulons-nous, ay jazaïr nourid. » 

« Samedi dans la matinée, détritus, restes de repas, boites de pâtisseries et de boissons, jonchaient encore le sol dans les principales artères de la capitale, là où des milliers de manifestants contre le 5e mandat sont passés la veille. Au lendemain d’une impressionnante marche, jamais enregistrée depuis la grande marche des Arouchs en 2001, les Algérois revenaient fatalement sur la suite de cet événement, et la réaction du pouvoir par rapport à une marche en principe interdite. D’autant que le collectif Mouwatana de Sofiane Djilali a également appelé à une marche de protestation contre le 5e mandat ce dimanche à Alger, qui suscite là également les pires inquiétudes. Des appréhensions légitimes taraudent les Algérois, qui pensent cependant que le plus dur a été fait vendredi, avec la sortie dans la rue de dizaines de milliers de manifestants. Sur place, le service d’ordre est discret, avec quelques rotations d’hélicoptères, après le déploiement de forces policières de la veille. Le gros des forces de police est stationné aux alentours des entrées principales d’Alger. L’appel à manifester ce dimanche contre le 5e mandat lancé par Mouwatana est par ailleurs diversement interprété à Alger. Certains avancent que là également il y aura beaucoup de manifestants… » (Le Quotidien d’Oran)

Lundi 25 février 2019

« Les Algériens ont été certes moins nombreux que vendredi passé à descendre dans la rue hier en réponse à l’appel à manifester en ce jour symbolique du 24 février lancé par Mouatana. Ce qui n’induit nullement que la colère populaire contre le surréaliste cinquième mandat est retombée et que les citoyens après avoir exprimé leur rejet de ce projet insensé vont se contenter de regarder faire le pouvoir et sa clientèle. Mouatana n’est pas parvenue à mobiliser parce que à tort ou à raison elle est perçue comme étant dans une stratégie de récupération du mouvement de protestation contre le cinquième mandat. Or ce qui a distingué les marches et rassemblements imposants du vendredi 22 février a été que leurs participants ont eu manifestement à cœur la volonté de s’émanciper de toute tutelle qu’elle soit partisane ou doctrinale… »  (Le Quotidien d’Oran)

« Le Général de Corps d’Armée Ahmed Gaïd Salah, Vice-Ministre de la Défense Nationale, Chef d’Etat-Major de l’Armée Nationale Populaire a reçu en audience, aujourd’hui 25 février 2019, au siège du Ministère de la Défense Nationale, Madame Elisabetta Trenta, Ministre de la Défense Italienne » lit-on sur le site du ministère de la défense, alors que plusieurs associations dont RAJ, SOS Disparus, LADDH, Djazaïrouna… signent un texte à la suite des manifestations : « Les Algériennes et les Algériens ont renoués avec la contestation et les manifestations populaires pacifiques en brisant le mur de la peur et bravant la menace en sortant par centaines de milliers dans toutes les villes du pays pour dénoncer le 5ème mandat et revendiquer le changement du système… »

Prise de court par la force des manifestations de vendredi contre la candidature d’Abdelaziz Bouteflika à un 5e mandat, la mouvance islamiste, toutes tendances confondues, est apparue divisée. Parmi les opposants aux manifestations de vendredi, se trouve le très conservateur Comité national de coordination des imams, qui a relayé l’instruction du ministère des Affaires religieuses. En vain, des imams ont tenté dans leurs prêches, lors de la grande prière de vendredi, de dissuader les fidèles de répondre aux appels à manifester, parce que « nul ne sait s’ils émanent d’un Algérien ou d’un ennemi, d’un musulman ou d’un athée »! (Hacène Zerouky- L’humanité du 25.02). Toujours ce lundi 25, un post sur Facebook montre l’image d’une femme offrant une rose blanche à un gendarme, bras tendu, prêt à la recevoir.

Seddik Chihab, le porte-parole du RND, partie de la défaite, de l’échec et de la corruption (avec le FLN) déclare à TSA (25.02) sans manquer d’air : « Il est rare que les changements par la rue réussissent. Il n’y a qu’à revenir aux révolutions colorées (dans l’Europe de l’Est) ou aux révolutions parfumées, les jasmins (Tunisie) ou les œillets (Portugal). Il n’y a qu’à voir la situation actuelle de la Tunisie. Regardez comment ce pays a reculé. Regardez la démocratie égyptienne… La rue peut être un moteur ou un élément de prise de conscience. La rue ne peut pas être une alternative sérieuse »

Abdelaziz Bouteflika répond, à sa manière, aux manifestations et marches de ces derniers jours contestant sa candidature pour un cinquième mandat : en les ignorant superbement et, mieux encore, en insistant sur «les vertus de la continuité», en l’occurrence sa propre continuité à la tête du pays au-delà du 18 avril prochain. «Une continuité garantissant la persévérance dans la bonne voie et permettant de remédier aux erreurs marginales», assure-t-il dans son dernier message en date, hier dimanche. (Le Soir)

Le cours pris par la pré-campagne électorale pour la présidentielle n’influe en rien sur l’administration si l’on doit se fier aux propos tenus, hier, sur la Chaîne 3, par le directeur des libertés au ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales (MICL), Abderrahmane Sidini. Pour tout dire, le cadre du ministère de l’Intérieur affirme que, apparemment, tout se passe comme dans le meilleur des mondes… (le Soir)

À L’appel de Mouwatana Sit-in devant la Wilaya d’Oran. Hier, elles étaient en majorité une vingtaine de femmes rejointes par près de 5 hommes plus tard, à répondre à l’appel à des rassemblements au niveau national lancé par le mouvement Mouwatana.  Le rendez-vous était donné entre midi et 14 heures devant le siège de la Wilaya. Arrivée sur place aux environs de 13 h, seule la dizaine de voitures de police et quelques policiers en faction devant la Wilaya étaient présents. Cinq minutes après notre arrivée, des femmes ont commencé à se regrouper affichettes en main où l’on pouvait lire «Non au 5e mandat ; action pacifique… ».  Aussitôt, les quelques policiers ont été rejoints par leurs collègues, qui ont vite entouré le groupe de manifestants leur intimant l’ordre de s’éloigner des escaliers principaux de l’entrée de la Wilaya. Et un autre de se montrer plus intransigeant en demandant à l’une des manifestantes de baisser son affiche, ce qu’elle refusera fermement de faire. Aussitôt, l’agent de police perd son sang-froid et l’agrippe avec force et parvient à lui arracher son affiche. La jeune femme rougie par la violence du geste, n’a pas cédé et a vite réécrit un slogan sur une autre affiche et a rejoint ses amies. (le Soir)

Les Algériennes et les Algériens se sont sentis insultés par cette indigne mascarade d’un cinquième mandat qui consiste à imposer un vieillard à l’agonie en tant que candidat de l’espoir et du renouvellement. Cet élément a joué comme un détonateur de mécontentement, la goutte d’eau qui a fait déborder un vase d’indignation et d’amertume. Ce que les populations contestent et rejettent ne se limite pas à la reconduction d’un président-zombie. Le peuple algérien est exaspéré et ne veut plus de cette dictature brutale et incompétente, corrompue au-delà de toute expression et qui conduit, au vu et au su de tous, le pays vers de sombres lendemains. (Omar Benderra- Algeria Watch- 25.02)

Je poste ces mots sur a page FB : « Où que nous soyons, en Algérie (tous les vendredis) ou à l’étranger (tous les samedis), manifestons pacifiquement contre le « Système ». Manifestons contre le candidat, et contre tout candidat de substitution. Manifestons notre opposition à tous ls représentants du régime autoritaire algérien. Disons ‘‘ Non au système ». Ne répondons à aucune provocation, ni à aucune violence. » Puis ces autres mots : « Vivement prochain… et les suivants… Marcher pacifiquement pour une Algérie libre et (authentiquement) démocratique. » (25.02)

Plusieurs articles avec ces titres : Rassemblement empêché à Constantine, Faible participation à Béjaïa, Bain de foule et accueil enthousiaste pour Rachid Nekkaz à Tizi Ouzou, Un millier de lycéens dans la rue contre le 5e mandat à Jijel… (Le Soir d’Algérie)

Kouchet El Djir, le plus ancien bidonville d’El Bahia, adossé au versant de la montagne Murdjadjo, se propage tel un feu de brousse grignotant de grandes parcelles de terrains forestiers et seuls les murs des casernes continuent à lui résister.  Ici on construit de jour comme de nuit des baraques n’importe où et n’importe comment sans se soucier des risques. Des baraques érigées avec des parpaings au bord d’un précipice, d’autres construites dans des grottes ou sous des masses de rochers… (Le Quotidien d’Oran)

Mardi 26 février 2019

Le général Gaïd Salah déclare : « En cette honorable occasion, je tiens à rendre hommage à la teneur du message de Son Excellence, Monsieur le Président de la République, Chef Suprême des Forces Armées, Ministre de la Défense Nationale, adressé à la Nation à l’occasion de la célébration du double anniversaire de la création de l’Union Générale des Travailleurs Algériens et de la Nationalisation des hydrocarbures, pour ses propos honorables à l’adresse de l’Armée Nationale Populaire. (discours à la 6° RM)

Le 26 février sur France Inter. À 7h55 Benjamin Stora répond à Léa Salamé:   « L’Algérie est à un tournant très important… la différence avec octobre 88 c’est que l’armée utilise aujourd’hui les jets d’eau pour disperser les foules, elle ne tire pas sur les manifestants… l’armée est occupée aux frontières… l’Algérie a changé… ». À 9h05 aux informations:  « Les étudiants algériens sont appelés à manifester » aujourd’hui.

Une photo montre une centaine d’étudiants dans l’enceinte de l’université d’Alger. Sont-ils confinés ? J’ai écrit : Cette image est extraite d’une vidéo de Kh. B, postée en direct, ce matin de mardi 26 à 10h30… Il semble que ce soit des étudiants de l’Université d’Alger. On y entend fréquemment « Pouvoir assassin ». À Oran les étudiants de l’université de l’USTO crient : « Non au 5ème mandat »

Sur FB j’écris : : « L’espoir qu’éclose enfin une Algérie démocratique, libre et heureuse, est non seulement permis, mais tous les jours cet espoir se fait un peu plus réel, il est palpable. À la suite de la désormais historique mobilisation du 22 février (il y a à peine quatre jours), aujourd’hui mardi 26 les étudiants de la plupart des universités algériennes se mobilisent pour dire NON : « non au système, » « non au 5° mandat »…, crier « Pouvoir assassin » Réclamer « Djazaïr Horra, democratia»… De très nombreuses vidéos circulent ce matin (en direct) sur FB montrant des étudiants manifestant à Alger (fac centrale), à Oran (USTO), Constantine (ENSC), Sétif (Univ. Lamine Debaghine), Biskra (Université Med Kheider), El Oued, Bejaïa, Bouira, Médéa, Laghouat, Guelma, Tamanrasset (Centre universitaire Aménokal Hadj Moussa), Annaba (Univ. El Bouni), Boumerdes (Univ. Mohamed Bouguerra), Djelfa, Bordj bou Areridj, Batna, Oum el Bouagui…  Et ça continue… »

J’ajoute : « Scander uniquement  « NON AU 5° MANDAT » = est un véritable piège ! »

El Watan publie « L’ultime appel à la raison ». Un texte magnifique. « Djamel Zenati, figure du combat démocratique et Addi Lhouari, sociologue engagé signent une tribune dans laquelle ils estiment que «le départ de Bouteflika est une exigence populaire légitime et indiscutable». Ils appellent à la mise en place « d’une transition démocratique orientée vers la construction d’un Etat de droit. C’est la seule issue salutaire pour le pays ». Ils interpellent fortement l’institution militaire qui, selon eux, « se trouve devant un choix historique» et que «l’intérêt stratégique du pays lui commande de se mettre du côté de la population et au service de la solution. Elle doit jouer le rôle de facilitateur et de garant de la transition démocratique» écrit en préambule le rédacteur du quotidien. De son côté Liberté écrit : « Dans un appel rendu public, hier, et signé conjointement par Djamel Zenati et Lahouari Addi, le duo a traité de la situation actuelle du pays et a appelé le régime à céder la place, sans recourir à la répression, donc à l’embrasement. »


Ces mots sous une photo montrant des journalistes qui protestent : « Sit-in des journalistes de la Radio nationale, aujourd’hui mardi 26 février 2019_ Bravo à Meriem Abdou, qui s’est opposée à la censure, dès samedi 23 février (et qui, en conséquence, a subi les foudres de ses chefs) »

Suite à la vision d’une vidéo sur le mur de Nacera M. j’écris : « CNEWS n’a trouvé mieux que ce titre et c’est regrettable : ‘‘Algérie : des manifestants contre un 5° mandat’’ et Yasmina Khadra fait pire en disant ‘‘les Algériens ne sont pas contre Bouteflika, ils sont contre un 5° mandat’’ (min 2’45). Les Algériens sont contre ‘‘le pouvoir’’, contre ‘‘le système’’, contre ‘‘le 5° mandat’’, contre ‘‘el mamlaka’’… Le piège est que justement on ne s’oppose qu’au 5° mandat.

Une cinquantaine d’avocats se sont rassemblés hier devant le tribunal de Abane-Ramdane. Ils ont dit non à un cinquième mandat, à la répression des libertés et réclamé le respect de la Constitution. En dépit d’une grande présence policière, aucun incident n’a été enregistré. (Le Soir d’Algérie)

L’école renoue avec la grève à partir d’aujourd’hui et pendant deux jours. Le collectif des syndicats autonomes, initiateur de cette action, appelle à la mobilisation des enseignants autour de ce mouvement, qui sera accompagné, demain, par des rassemblements devant les Directions de l’éducation des wilayas de Blida, Laghouat, Batna et Relizane. (Le Soir)

Le sérail semble tourner le dos à la principale revendication exprimée on ne peut plus clairement par les milliers de manifestants sortis, vendredi dernier, à travers presque l’ensemble du territoire national, qui ont signifié leur refus catégorique d’un cinquième mandat pour le président de la République. C’est, encore une fois, à Ahmed Ouyahia auquel a été dévolue la mission de divulguer la lecture faite en haut-lieu des manifestations populaires inédites du week-end dernier, récusant ouvertement un cinquième mandat pour le président de la République, candidat à sa propre succession à l’occasion du scrutin prévu le 18 avril prochain. Et c’est en tant que Premier ministre qu’il l’a fait, hier lundi, devant les députés lors de sa présentation de la déclaration de la politique générale de l’exécutif qu’il coordonne. «Que ceux qui s’opposent au 5e mandat l’expriment de façon démocratique le jour des élections», a, en effet, tonné Ouyahia comme pour écarter toute option de retrait de Abdelaziz Bouteflika de la course présidentielle du printemps prochain. (Le Soir)

Maître Mustapha Bouchachi, parlant des manifestations prévues pour ce vendredi 1° mars : «J’espère qu’elles seront pacifiques. Je souhaite que les Algériens et les Algériennes participeront à ces manifestations pacifiques. Ce vendredi 1° mars est très important pour les Algériens et les Algériennes, pour sortir ce Système qui a pourri le pays. »

La commission de l’organisation de la Coupe d’Algérie de la Fédération algérienne de football (FAF), qui après avoir reporté la rencontre JSM Béjaïa-Paradou AC, comptant pour les quarts de finale aller de la Coupe d’Algérie, pour «des raisons d’ordre public», prévue initialement samedi 23 février, l’a finalement programmée pour samedi 9 mars au stade de l’Unité maghrébine. Le match retour est, par ailleurs, prévu pour vendredi 29 mars au stade Omar-Hamadi de Bologhine. (Le Soir)

« Avec son sang-froid ordinaire, le chef du gouvernement Ahmed Ouyahia, a commenté avec «un discours modéré» et avec «des termes bien soignés»,  les manifestations hostiles au cinquième mandat, du 22 février dernier, à travers plusieurs wilayas du pays. – Lors de la présentation, hier, de la déclaration de politique générale devant les députés de l’Assemblée populaire nationale (APN), Ahmed Ouyahia, a précisé que « le peuple algérien a le droit d’exprimer son avis et la constitution lui garantit le droit à la manifestation et aux rassemblements pacifiques, dans le cadre de la loi ». Et d’enchaîner «Dieu merci, ces marches qui ont drainé un nombre important de contestataires à travers certaines villes du pays étaient pacifiques». Mais, précise-t-il «nous appelons tous nos citoyens à plus de vigilance par le fait que ces appels à la manifestation sont anonymes et on en ignore la source». Et de préciser qu’aujourd’hui, ces appels sont pour des manifestations pacifiques mais demain, il se pourrait qu’il y ait des appels d’un autre genre, craint-il. (Le Quotidien d’Oran, 26.02)

Mercredi 27 février 2019

Le 27 février : « Hier Canal Algérie, durant une minute, nous a montré des manifestants portant drapeaux et chantant Kassamen. Aucun slogan contre le système (très nombreux) n’est visible. À part l’exécrable « wontoutri » (exécrable car mots creux, béats, vidés de tout contenu éclairé, intelligent), aucune parole audible, juste un immense brouhaha. Le commentaire du « journaliste » est malhonnête (peut-il faire autrement ?) nous explique que tous ces étudiants réclament « des réformes » (« islahiyates » dans la vidéo), alors que les étudiants demandent à ce que les responsables politiques DEGAGENT. »

27.02 : Voici les titres du Quotidien d’Oran et de El Watan de ce matin –

Titre de El Watan : « Mobilisation des étudiants contre le 5° mandat : Impressionnant ! »

Titre de Le Quotidien d’Oran : « Contre un 5° mandat et pour le changement, des milliers d’étudiants dans les rues. »

Pourquoi le titre du Quotidien d’Oran est juste et celui d’El Watan faux ou tendancieux, disons incomplet. Le premier ne soutient pas Ghediri (ni les autres postulants). Plus tard dans la journée, El Watan rectifie (à la suite de nombreuses critiques sur FB contre le journal) en ajoutant un article : Les étudiants en marche contre le 5° mandat et le système : la protestation vers de nouvelles conquêtes.

27.02, j’écris : « Voici un texte, émouvant et puissant, de notre chère Ghania Mouffok, un des plus beaux textes que j’ai eu à lire sur la situation faite aux Algériens par une bande d’imposteurs. Au-delà de Bouteflika c’est l’infamie imposée par “la Djemaa” depuis 1962. Mais “Les Invisibles” se sont réveillés ce 22 février 2019 pour dire à cette : Djemaa: « 57 ans baraket »

Prenant admirablement le relais de la contestation citoyenne anti-5° mandat, les étudiants sont sortis, hier mardi, dans toutes les wilayas du pays, ou presque, pour signifier, à leur tour, leur rejet du 5e mandat.( Le Soir)

Il affirme que Bouteflika se rendra au Conseil constitutionnel dimanche prochain. Sellal confirme l’option du 5e mandat (Manchette de Le Soir)

Annaba. Avocats et étudiants contre le 5e mandat. Intervenant le lendemain de la réprobation du cinquième mandat par les avocats d’Alger, un sit-in similaire a été tenu devant la cour de justice de Annaba par leurs homologues du barreau de cette ville. (Le Soir) À l’instar des autres universités du pays, des milliers d’étudiants de l’Université Akli-Mohand-Oulhadj de Bouira ont répondu présents à l’appel de la communauté estudiantine à travers le pays pour des marches contre le 5e mandat de Bouteflika. (Le Soir) Comme prévu, les étudiants du centre universitaire de Mila étaient au rendez-vous, ce mardi 26 février, pour exprimer leur solidarité avec les manifestants du vendredi 22 février, contre le 5e mandat. (Le Soir) Des milliers d’étudiants à travers les trois universités de Constantine se sont rassemblés, hier à partir de 10h dans l’enceinte de leurs campus respectifs, pour exprimer leur rejet d’un nouveau mandat du Président Bouteflika.  (Le Soir) Manifestations contre le 5e mandat Les étudiants de l’Université d’El-Tarf marchent. Ils étaient plus de 1 500 étudiants de l’Université Chadli-Ben-djedid d’El-Tarf à marcher en empruntant le boulevard principal appelé, et ironie de l’histoire, «rue de l’Indépendance», et ce, pour exprimer leur refus d’un 5e mandat pour le Président-candidat. (Le Soir) Tizi Ouzou Une foule immense d’étudiants de l’UMMTO contre le 5e mandat. Près de quatre mille étudiants de l’Université de Tizi Ouzou (UMMTO) ont investi la rue, dans la matinée d’hier. Une marche grandiose qui a sillonné les principales artères de la ville et qui est venue à la suite de l’appel adressé à la communauté estudiantine dans les quatre coins du pays. (Le Soir) Jijel. Des milliers d’étudiants dans la rue contre le 5e mandat. Comme il fallait s’y attendre , les étudiants de l’université Mohamed-Seddik-Benyahia de Jijel ont répondu massivement hier mardi au mot d’ordre de protestation lancé à travers les réseaux sociaux. En effet, des milliers d’étudiants de l’université Mohamed-Seddik Benyahia sont descendus dans la rue pour exprimer leur rejet contre le 5e mandat du candidat-Président Abdelaziz Bouteflika. (Le Soir) Les étudiants d’Oran ont manifesté. Déterminés pour que ça reste pacifique ier, ils étaient des centaines d’étudiants à observer, dans un premier temps (dès 9 heures), des rassemblements au sein même de leurs enceintes universitaires, tous en réponse à un appel lancé via les réseaux sociaux, afin de dire non au 5e mandat et également, nous confient certains d’entre eux, pour se démarquer des organisations estudiantines qui se sont déclarées en faveur de la continuité. (Le Soir) Vers 11h et ce, jusqu’à 12h30, des étudiants des neuf facultés de l’Université Djilali-Liabès de Sidi-Bel-Abbès ont mené une marche pacifique contre le 5e mandat du Président sortant Abdelaziz Bouteflika. (Le Soir).

Ailleurs, dans d’autres villes, les étudiants se sont mobilisés. Le Soir du 27.02 leur réserve plusieurs articles dont voici les titres : Béjaïa : Des milliers d’étudiants dans la rue. Sétif : Les étudiants disent non au 5e mandat, Chlef : Près d’un millier d’étudiants ont marché, Blida : Les étudiants des Universités de Blida et d’El-Affroun ont marché pacifiquement

Dans un message audio (enregistrement anonyme) on entend une discussion téléphonique entre Abdelmalek Sellal (ex 1° ministre) et Ali Hadad (patron du CFE) : « Sellal parle de mobiliser les troupes et veut faire un forcing pour empêcher les autres candidatures. »

Un appel pour un sit-in des journalistes de Constantine pour le lendemain. J’écris : Vendredi 22 février des dizaines de milliers de citoyens, hier les étudiants, aujourd’hui des journalistes, demain les avocats. Après-demain Vendredi 1° mars tout le peuple ? »

Le ministre de l’Intérieur et le Wali de Djelfa se souviendront longtemps de cette virée…. Les habitants scandent « Dégage! dégage! dégage!… »

Appel à manifester ce 1 mars de là Fédération Nationale du Secteur de l’Enseignement Supérieur

« À 19 heures j’ai repris une vidéo « pas très catholique ». C’est en fait une conversation téléphonique entre deux personnalités importantes du « milieu » (responsables). Mais qui a enregistré cette communication? Manipulation? Je l’ai supprimée. » Jeune Afrique 11.10. 2018)  écrit : « Suite à l’arrestation de l’un de ses journalistes, le groupe médiatique Ennahar a porté plainte mardi 9 octobre contre les services de renseignement, et diffusé à l’antenne un enregistrement compromettant un de leurs responsables. Du jamais vu en Algérie. »

Le général Gaïd Salah tient deux discours différents, diffusés tous deux à la télé : dans le premier (diffusé à 13h), il adopte un ton menaçant à l’égard des manifestants contre le 5e mandat du président Bouteflika. Il s’élève contre « ceux qui veulent pousser les Algériens vers l’inconnu à travers des appels anonyme ». Dans le deuxième (diffusé à 20 h), il est compréhensif. Il a déclaré que « l’Algérie a payé un lourd tribut afin de recouvrer sa sécurité et sa stabilité » il a ajouté qu’il réaffirmait « son engagement personnel à réunir toutes les conditions favorables au bon déroulement de la prochaine élection présidentielle dans un climat de quiétude, de sérénité, de sécurité ». (Madjid Makedhi- El Watan 28.02). On trouve le même constat à Liberté de la veille : « Après avoir brandi la menace, à peine voilée, à l’égard des manifestants, le général de corps d’armée, Ahmed Gaïd Salah, semble s’être rétracté, puisque le passage évoquant les manifestations et diffusé par la télévision publique, dans son discours tenu hier (26.02) à Tamanrasset, a été supprimé dans le texte publié sur le site du MDN et de l’APS. (Liberté)

Benjamin Griveaux, porte parole du gouvernement français déclare : « On a pris note de la décision du président Bouteflika de se porter candidat à l’élection présidentielle… On souhaite que cette élection se déroule dans les bonnes conditions en assurant la transparence de la campagne». Au centre ville de Annaba, des avocats ont tenu un rassemblement devant le nouveau tribunal, pour protester contre le cinquième mandat.

 Les Algériens ont été de nouveau appelés manifester demain à travers l’ensemble du territoire national. Jugé «crucial» par plusieurs acteurs politiques, le rendez-vous alimente depuis plusieurs jours les discussions des citoyens. Inévitablement, les «invitations» à sortir nombreux dans les rues du pays se multiplient sur les réseaux sociaux à la veille de l’évènement. L’appel, pourtant anonyme cette fois encore, a trouvé grand écho chez les internautes. Sur Facebook, la mobilisation est de mise depuis un moment, mais elle semble déjà dépasser l’espace virtuel. (Le Soir)

Des milliers d’étudiants manifestent pacifiquement à Alger dans les campus et à l’extérieur contre le 5e mandat du président Abdelaziz Bouteflika. La CGATA (Conf. Générale autonome des travailleurs en Algérie) appelle à manifester le 1° mars et le PST appelle à une grève générale pour contraindre le pouvoir à abandonner son projet de 5e mandat.

Des partis et des forces politiques de l’opposition rejoignent le mouvement populaire  et soutiennent les manifestations notamment la marche prévue pour ce vendredi 01 mars 2019. Le Front des forces socialistes (FFS) a appelé « ses militants, ses élus, ses sympathisants et l’ensemble du peuple algérien à participer massivement et à œuvrer à la préservation du caractère pacifique des manifestations politiques et populaires ».

Des partis politiques (FFS, UCP de Zoubida Assoul) rejoignent le mouvement populaire  et appellent à manifester notamment le vendredi 01 mars 2019. Une dizaine de journalistes sont brièvement détenus après avoir participé à un rassemblement dénonçant les restrictions de couverture «imposées par (leur) hiérarchie». Plusieurs personnalités nationales ont signé une «Déclaration au peuple algérien» dans laquelle elles appellent à participer aux manifestations de demain. Les signataires, parmi lesquels le Commandant de la Wilaya IV, Lakhdar Bouregaâ, l’ancien chef de gouvernement Ahmed Benbitour et l’ancien ministre Abdelaziz Rahabi, saluent le soulèvement populaire pacifique qu’ont connu les villes du pays vendredi 22 février, et appellent les autorités à cesser «de sous-estimer» et «d’insulter» le peuple algérien en soutenant la candidature de Abdelaziz Bouteflika à un 5e mandat.

« Après plusieurs manifestations contre un cinquième mandat du président de la République, c’était au tour des étudiants de se mobiliser, hier mardi 26 février. Ils étaient en effet des milliers d’étudiants à se rassembler devant l’ensemble des universités d’Alger, ainsi que dans d’autres wilayas, pour protester contre le cinquième mandat du président de la République.

A Alger, des rassemblements ont eu lieu à la Fac centrale, l’université de Saïd Hamdine, l’université de droit de Ben Aknoun, ainsi que l’USTHB de Bab Ezzouar. Outre la contestation contre le cinquième mandat, les manifestants ont appelé au changement. Au centre-ville d’Alger où se trouve la faculté centrale, un important dispositif sécuritaire, mis en place depuis vendredi 22 février, a été renforcé… A Oran, les étudiants de plusieurs facultés et écoles nationales de la wilaya ont investi, hier, la rue pour exprimer leur refus du 5e mandat. Les étudiants de l’Ecole nationale polytechnique d’Oran (ENPO), «Maurice Audin», étaient en effet les premiers à battre le pavé aux environs de 10h du matin avant d’être rejoints par leurs camarades du campus Taleb Mourad (ex-IGMO) de l’université Oran 1, puis par leurs collègues de l’USTO… A Constantine, tous les campus ont vibré hier aux cris scandés par des milliers de voix, «Non au 5e mandat»… En fait, depuis quelques jours, un appel à se réunir à 10 heures dans l’ensemble des universités a été lancé sur les réseaux sociaux, en vue de manifester. Enfin, Selon une déclaration signée par 29 universitaires et qui a circulé lundi 25 février, il est clairement souligné que: «Nous devons nous engager à fournir les moyens politiques qui empêcheront que s’installe le vide qui permettra la reproduction d’un système politique usé. Notre responsabilité est de paver le chemin de la société qui trace sa voie vers la liberté et la justice, qui mettront fin, définitivement, à un système qui a produit violence et corruption». Les contestations déclenchées depuis le 22 février dernier réussiront-elles à ébranler un pouvoir ? (Le Quotidien d’Oran)

Jeudi 28 février 2019

Dans le Figaro du 28 février, Boualem Sansal écrit : « C’était réjouissant de voir les gens sortir de leur longue et insupportable léthargie et venir, très civilement, rappeler au pouvoir qu’ils existent et qu’ils veulent vivre. Surpris par leur soudaine hardiesse et par le silence confus du pouvoir, les manifestants en profitent, ils parlent, crient, font la fête, ils voient l’avenir s’illuminer devant eux »

La roue de l’exigence de liberté était lancée « Jazaïr horra, démocratiya ».

« La France souhaite que le scrutin du 18 avril se déroule dans de «bonnes conditions en assurant la transparence de la campagne». Le porte-parole du gouvernement français Benjamin Griveaux a expliqué, à l’issue d’un conseil de gouvernement, que la France «souhaite que la présidentielle du 18 avril en Algérie permette de répondre aux aspirations profondes» de la population algérienne, ajoute Benjamin Griveaux. «C’est au peuple algérien et à lui seul qu’il revient de choisir ses dirigeants, de décider de son avenir et cela, dans la paix et la sécurité», a t-il dit, en réaction aux manifestations populaires qui sont organisées depuis vendredi dernier… (Le Quotidien d’Oran, jeudi)

« Le mouvement populaire spontané du 22 février 2019 est salvateur à plus d’un titre. Il démontre de façon précise que tout ne peut pas s’acheter pour arracher le silence de la majorité de la population. Le pouvoir s’est de nouveau trompé dans son aveuglement populiste. Il croyait à tort que la réaction du peuple dans sa majorité, serait identique à celle de « sa » clientèle domestiquée et sous tutelle… (M. Mebtoul – Le Quotidien d’Oran)

Le jeudi 28.02 , je poste un encart sur fond bleu vif et en caractères majuscules : « Un rendez-vous unique avec l’Histoire : Demain vendredi 1° mars 2019 (ou : ACTE 2), des millions d’Algériens manifesteront pacifiquement dans toute l’Algérie : les travailleurs de l’éducation, les employés de la santé, les journalistes, les avocats… tout le monde, les chômeurs, les commerçants, les étudiants, les femmes au foyer… les associations, les organisations, les syndicalistes, les joueurs, les supporters. Tous seront présents pour dire à la « Djemaâ » du Système : « Dégagez ! » »

Auprès du Relais-presse, je retire un dictionnaire de Russe commandé chez Rakuten… où je me rendrai bientôt. Mais avant, j’aurai le temps de manifester à Marseille, à Alger. Les Algériens sortiront, de plus en plus nombreux, de vendredi en mardi et de mardi en vendredi. Un bout de chemin a été parcouru. Beaucoup demeure encore devant nous. Patience et persévérance…

C’est décidé, après Marseille je descendrai à Alger manifester

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Pour plus d’informations sur le Hirak (que j’appelais Révolution de velours), lire sur mon blog :

(Articles nombreux + photos + vidéos…)

CLIQUER SUR LES TITRES POUR LIRE:

632_ Révolution de velours

633_637

638_ Révolution de velours en Algérie_ Images et chants

639_ Révolution de velours en Algérie_ Alger 27 mars 2019

640_ Révolution de velours en Algérie_ Alger 28 mars 2019

641_ Révolution de velours en Algérie_ Alger 29 mars 2019

642 _ 643

644_ La Révolution du 22 février 2019 racontée à ma petite fille – Acte I

645_ La Révolution du 22 février 2019 racontée à ma petite fille. Acte II

646_ La Révolution du 22 février 2019 racontée à ma petite fille. Acte III

647_ La Révolution du 22 février 2019 racontée à ma petite fille. Acte IV

648_ La Révolution du 22 février 2019 racontée à ma petite fille. Acte V

649_650

651_ La Révolution du 22 février 2019 racontée à ma petite fille. Acte VI

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Bourdieu, le journalisme, là-bas, ici.

À propos de la profession de journalisme, de Pierre Bourdieu.

À propos de Bourdieu, de Sayad des amis de l’époque parisienne…quelques souvenirs avec à la clef les interventions du sociologue.

Il y a 18 ans, le 23 janvier 2002 disparaissait à 71 ans Pierre Boudieu, un ami des Algériens. Cet éminent intellectuel (directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études, professeur titulaire de la chaire de sociologie au Collège de France,) était engagé contre le néolibéralisme et la politique socialiste en France. Il était « Pour une gauche de gauche ». Très jeune, il fut assistant à la faculté d’Alger. Ses écrits sont très nombreux, (« Les héritiers », « Le sens commun », « La reproduction », « Raisons pratiques », « La misère du monde »- sous sa dir.-…  )

J’ai eu l’honneur de le rencontrer le 13 mars 1999, grâce à notre cher ami Mouhoub Naït Maouche, grand militant du FFS. C’est Bourdieu qui est venu vers Da Mouhoub, et c’est comme ça que nous avons discuté. J’avais été moi-même « en recherche sociologique » quelques années auparavant avec  P. Lantz, A. Kadri et P. Champagne, très proche de P. Bourdieu. Ce jour-là, nous étions nombreux dans les locaux de Génériques au 34 rue de Citeaux (Paris 12°) pour un hommage à l’autre ami de P. Bourdieu, Abdelmalek Sayad dont il disait qu’il était  « un des plus grands sociologues de sa génération », décédé un an auparavant, le 13 mars 1998 : Mouhoub donc, Mahmoud B., Driss E-Y., Saïd B., des amis de Tamazgha (14°), il me semble qu’il y avait également Abbès H., Said Ch., Hsen T., Ahmed. D. qui venait d’éditer « L’Algérie à l’épreuve » … Il y avait à l’époque effervescence contre l’inique projet de loi d’arabisation, et nous étions à un mois de l’élection présidentielle algérienne qui s’est révélée tordue. Perso, j’achevais « Le temps d’un aller simple ».

Pour revenir à notre journée d’aujourd’hui, en souvenir de Pierre Bourdieu, j’offre son cours télévisé du Collège de France – extraits du livre et émission de télé (1) – à tous les commentateurs et animateurs (télé et presse écrite) plongés ou non dans une « logique d’autorenforcement permanent… à ceux qui voient le monde à partir de leurs seules catégories, de leur seule propre histoire, de leur propre carrière » et qui ne souhaitent pas (continuer à) « penser dans la vitesse ». « Ces deux cours télévisés du Collège de France, présentent, sous une forme claire et synthétique, les acquis de la recherche sur la télévision. Le premier démonte les mécanismes de la censure invisible qui s’exerce sur le petit écran et livre quelques-uns des secrets de fabrication de ces artefacts que sont les images et les discours de télévision. Le second explique comment la télévision, qui domine le monde du journalisme, a profondément altéré le fonctionnement d’univers aussi différents que ceux de l’art, de la littérature, de la philosophie ou de la politique, et même de la justice et de la science ; cela en y introduisant la logique de l’audimat, c’est-à-dire de la soumission démagogique aux exigences du plébiscite commercial.» (in homme-moderne.org).

Ces interventions ont été transcrites (et retravaillées) pour donner ce livre intitulé « Sur la télévision ». Pierre Bourdieu y décortique donc « le système télévision » pas très sain que l’on peut globalement calquer, sans difficulté, sur les médias en général. Il faut aussi lire « Les nouveaux chiens de garde » de Serge Halimi. Cela est valable en France, mais aussi en d’autres environnements, comme par exemple en Algérie où dans le même milieu (celui des médias, pas que la télé), en plus de ce qu’a révélé Pierre Bourdieu pour les médias en France, l’unique ou le quasi unique critère de visibilité est la proximité. Plus qu’un « réseau ». Ça tourne en rond, entre potes, « je t’introduis chez flen, tu m’invites chez felten », où le bousni wen boussek est si répandu que la vulgarité en rougit.

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 1 – Sur la télévision, ed Liber/ Raisons d’agir, 1996 et Sur la télévision, télévision Paris Première, mai 1996. Transcriptions d’interventions de Pierre Bourdieu au Collège de France.

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2 vidéos et 1 livre:

« Sur la télévision » :

« Arrêt sur image » :

Coup de sang et sang d’encre

Coup de sang et sang d’encre (1)

Mais qui a tué qui, qui a fait quoi ? à vous M.M.

Comme de l’eau claire, comme des ombres, les certitudes que vous avez faites vôtres dans les années 90, et que vous n’avez de cesse de répéter, vous collent au corps et à l’esprit, vous aveuglent toujours. Pourtant, ceux qui menaient d’une main de fer et de sang le pays (pas que « le clan Bouteflika », « le régime Bouteflika », il faut arrêter avec ces autres mensonges) et qui récusaient tout questionnement sur leurs méfaits et turpitudes, ceux auxquels vous et vos semblables avez prêté vos plumes et vos bras (merci WikiLeaks), ceux qui (au cœur même de vos rédactions) vous encourageaient dans vos écrits tout en vous mettant vivement en garde, sous peine de sanction financière ou autre, d’évoquer les disparitions forcées, d’évoquer l’implication indirecte ou directe d’éléments de « la Sécurité » dans les crimes contre les civils, ceux qui étaient prêts à « éradiquer trois millions d’Algériens » (et qui ont été dénoncés de l’intérieur même de l’Armée), ceux qui liquidèrent sous vos applaudissements les journaux qui posaient ces questions qui vous empêchaient/empêchent de dormir, ceux-là (les vivants) sont en fuite ou croupissent en prison pour des faits divers très graves, tous ces généraux, vous savez ? Vous vous souvenez, c’était l’époque où d’aucuns (soutenus ceux-là par une autre aile du vrai régime) proposaient de débarrasser l’Algérie de tous ses islamistes et de leur réserver un Bantoustan (à nos nouvelles frontières). Mais qu’est-ce que ces certitudes, ces vérités ?

Je ne vous donne qu’un exemple : parmi les vérités et certitudes qui sont les vôtres, il y la terreur qui a sévi durant les années 90 dont vous (et vos semblables) serinez qu’elle était du seul fait du « terrorisme islamiste », loin, très loin de « Rab Dzaïr ». Votre jugement est fait, peu vous chaut le Droit. Poser la question relevait et relève encore du blasphème (si vous me permettez). S’interroger sur qui tuait dans les années 90 signifiait (menaces à l’appui) et signifie encore, pour vous et vos semblables, être complice des assassins que sont les islamistes (ceux-là mêmes qui manifestent aujourd’hui à vos côtés dans le Hirak), poser des questions c’est par conséquent les dédouaner. Vous êtes expéditif, je traduis : « il n’y a pas question qui vaille ». C’est limpide et la chose entendue. Et vous êtes – bien évidemment – républicain démocrate, pour les libertés, pour une Algérie libre, et pour des institutions fondées sur le Droit.

Mais tout cela vous le savez, c’est pourquoi vous êtes intellectuellement malhonnête. Vous n’êtes pas crédible, pas sérieux. Vous n’êtes pas journaliste, mais un scribe, un secrétaire idéologique. Vous mentez lorsque vous écrivez entre autres que « les “qui tue qui” (ont) politiquement disculpé (le) terrorisme islamiste. » (Liberté, 20 janvier 2020) Quant à nous, nous les « qui-tue-quistes », « les Droitsdel’hommistes » comme vous et vos semblables nous désignez pour vulgairement nous diminuer, pensez donc ! nous continuerons de poser inlassablement aux côtés entre autres des mères de Mai encore en vie, ces mères-courage de la place du 1° Mai, ces mêmes questions qui fâchent les radicaux dont vous êtes. Des questions simples :  « Où sont passés nos enfants ? Qui a ordonné ou exécuté les disparitions forcées, avec quelles complicités ?  Qui a fait quoi durant la décennie de terreur ? Qui a tué ?… » Nous continuerons de poser ces questions simples jusqu’à ce que Justice se fasse, sous les yeux de tous les Algériens, dans le respect du Droit. Dans une Algérie horra réellement démocratique débarrassée pacifiquement, Silmiya, silmiya…, du Pouvoir des généraux.

Ahmed Hanifi.


1_ à la suite d’un article du quotidien Liberté d’hier 20 janvier, intitulé « Islamisme et révolution démocratique », signé Hammouche Mustapha.

Kamel Daoud a-t-il perdu son hirak ?

Kamel Daoud a-t-il perdu son hirak ?

L’article de Kamel Daoud « Algérie, la révolution perdue » (« Où en est le rêve algérien ? ») parut dans l’hebdomadaire Le Point, n° 2472 du jeudi 9 janvier 2020 commence à faire couler beaucoup d’encre. Kamel Daoud ne laisse jamais indifférent. C’est une force à mettre à son profit. J’ai lu sur les réseaux sociaux des commentaires réprobateurs, voire injurieux plus contre la personne de l’auteur qu’à l’endroit de son analyse. Cette volée de bois vert, actuelle et à venir, il l’a anticipé dans son article. Aucun utilisateur de ces réseaux de l’Internet (Facebook, Twitter) ne propose le texte de Kamel Daoud, ou un lien renvoyant à son texte complet, pour que le lecteur puisse se faire une idée de ce dont il est question. Je peux parier que les commentaires des uns alimentent ceux des autres sans que ni les uns ni les autres n’aient eu à lire entièrement l’article de Kamel Daoud. De quoi s’agit-il ? Le journaliste-écrivain propose une analyse à la lumière des événements qui marquèrent l’Algérie durant l’année 2019 jusqu’à nos jours. Cet article je vous le propose dans sa totalité, ci-dessous, à la suite de mon propre texte. Kamel Daoud le  développe autour, notamment, du postulat suivant développé au cœur du texte : « le contrôle de la ruralité est la clef du pouvoir », et l’élection ayant eu lieu, le hirak a perdu.

L’article du journaliste-écrivain est ainsi présenté en Une de l’hebdomadaire : « Algérie, la révolution perdue ». À l’intérieur, le texte de 19500 caractères (pages 99 à104), est titré « Où en est le rêve algérien ? »  Il s’articule autour d’une introduction et de cinq chapitres.

D’emblée (« à l’entame » écriraient des imitateurs) l’auteur met en avant l’exploitation par le pouvoir de la mort du général Gaïd Salah (« présenté comme le protecteur, le ‘‘père’’ perdu du soulèvement contre Bouteflika ») et de « l’émotion nationale sincère » à travers les canaux officiels et privés. Par l’image, notamment celle de l’enterrement « réussi » du général qu’envieraient même les généraux morts, le « nouveau régime » a vaincu la révolution « miraculeuse ». Mais comment en est-on arrivé à cela ?

Il a fallu d’abord mettre en place une réalité virtuelle d’une vraie guerre contre l’ennemi d’hier et d’aujourd’hui, l’ennemi de toujours visé par le pouvoir : la France. La télévision officielle abreuve d’images et de commentaires nationalistes à donner des frissons à tout pacifiste, internationaliste ou non. Kamel Daoud évoque des « banderoles antifrançaises qui fleurissent partout ». On nous propose de plonger dans un « délire bouffon » dans une « guerre chimérique » contre la France qui mettent en relief une triste réalité : « l’Algérie ne sait vivre une union sacrée, une émotion vive, que dans l’adversité, l’épopée de la guerre de libération. » Un « remake fou » est proposé avec le même adversaire qu’on accuse de tous les maux 60 ans après l’indépendance. Soixante ans après. Deux générations. Il a fallu la moitié de ce temps à d’autres pays (sociétés) plus arriérés que l’Algérie pour basculer d’un monde des ténèbres à un autre démocratique beaucoup plus ouvert sur le monde, bien qu’avec ses hauts et ses bas.

Dans un autre chapitre, Kamel Daoud explique que le régime a usé de « vieilles douleurs et vieilles batailles » que sont les divisions linguistiques, ethniques, régionalistes… « le piège fonctionna ». En poussant à la radicalité le hirak et en usant de la répression. Il a su « pousser à une équation algérienne », segment de phrase dont je n’ai saisi le sens qu’avec la suite de l’article. On avait d’un côté des manifestants « piégés dans les grands centres urbains » et de l’autre une « offre de solution avec la présidentielle ». Kamel Daoud semble signifier que les manifestations importantes n’ont pas ou peu eu lieu à la périphérie ou loin des « grands centres urbains ». Ce qui n’est pas exact. Dans l’Algérie profonde, l’Algérie rurale, les Algériens « feront un choix pragmatique » au profit de la sécurité, mais au détriment de la démocratie.

Le vocabulaire utilisé dans les médias et les réseaux sociaux, que ce soit les alliés du régime ou « même dans la bouche des démocrates et laïques, binationaux ou modernistes » est binaire. Pas de quartier. Sont convoquées les figures du traître, du moudjahid, du colon, de l’Occident, des martyrs… Il y a « incapacité à dépasser un traumatisme d’une guerre dont le souvenir est devenu une identité en soi. ».

Kamel Daoud revient plus loin sur cette problématique, ce lien au passé qui ne passe pas, ce nœud oedipien qu’il faudrait pour le couper faire appel, peut-être, à l’éminent neuropsychiatre Boris Cyrulnik et autre non moins virtuose du verbe, Boualem Sansal, pour proposer un remède, un antidote ? Qui sait…

À ces jeux-là, c’est le régime qui est sorti vainqueur, « provisoirement » précise l’auteur. Et par conséquent le hirak a perdu, « provisoirement ».

Cette victoire du régime fut possible grâce au « contrôle de la ruralité qui est la clef du pouvoir ». C’est ce qu’a commencé à entreprendre Rachid Nekkaz (un « faux héros », un « amuseur ») qui avait « cette idée révolutionnaire » d’aller vers l’Algérie profonde, mais qui n’a pas réussi car harcelé, arrêté, emprisonné par un régime qu’il a réussi à mettre « en rage ». Algérie rurale « que les élites urbaines algériennes opposantes ont négligée ». Nekkaz a saisi que « l’Algérie n’est ni la place Audin ni la Grande poste ».

Les Algérois sont incapables de sortir de la capitale et de reconnaître un autre leadership. Alger, écrit Kamel Daoud « souffre d’un nombrilisme qui déteint sur les contestataires » qui nous fait confondre Alger et la ruralité où – selon la presse étrangère – on s’est abstenu de vote comme dans la capitale. Sauf que les contestataires se trouvent aussi bien dans les grandes villes que dans la périphérie. Le nombrilisme se trouve ainsi dilué à travers les territoires autres que ceux des grandes villes. Il y a là comme un hiatus. Autre problème, la question de l’importance que semble accorder le journaliste écrivain à la ruralité au point que sa maîtrise soit « la clef du pouvoir » comme précisé plus haut. Or, selon une étude du ministère de l’Agriculture et du Développement rural, la population rurale chute de six points à chacune des dernières décades. Elle s’élèverait par conséquent à 30% aujourd’hui. C’est beaucoup, mais pas au point de révolutionner une réalité nationale dans laquelle elle est partie prise et partie prenante. D’autant plus que sa jeunesse (plus de 55% des ruraux ont moins de 30 ans) est aussi connectée sur les réseaux, et l’Internet plus généralement, que le reste des Algériens. Hors d’Alger écrit Kamel Daoud « des Algériens (notez l’article indéfini) ont voté dans le calme… ils n’étaient pas tous des militaires déguisés ». La ruralité fut perdue par le hirak, dès juin lorsque les ruraux « qui ne comprenaient pas ce que voulait la capitale », se demandaient pourquoi l’on continuait de manifester alors que « Bouteflika était démis et son gang mis en prison ». « Une révolution,  c’est deux ou trois mots… si elle devient des phrases, elle est déjà perdue » disait à Kamel Daoud un de ses amis. Comment pouvaient-ils, pôvres bougres, comprendre cette révolution et la faire leur ? Je vois là une forme de condescendance et d’arrogance indécentes. Je n’ai peut-être pas compris. Je l’espère.

Ce qui a manqué au hirak c’est un leadership qui aurait permis d’éviter les dérapages (exemple des « chibanis insultés et hués » devant les bureaux de vote en France. L’organisation du hirak aurait empêché la « folklorisation idiote du mouvement… folklorisation par le selfie ». Manifester dans la joie et la bonne humeur, sans être obligé de faire la gueule (pardon) avec des fleurs, des sourires et des calicots rigolos, voire succulents de jeux de mots, s’il s’agit de cela, ce n’est pas de mon point de vue de la folklorisation. C’est au contraire une force. Néanmoins la faiblesse du mouvement est, je le partage avec l’auteur, son absence d’organisation.

Les journaux algériens, qu’ils soient « prorégime » ou « démocrates » n’ont pas été à la hauteur, écrit Kamel Daoud. Les premiers « zélés dans le déni de la contestation », les seconds « militants » qui se laissaient aller à des envolées comme écrire qu’il y avait « ‘‘une marée humaine hier…’’ là où l’auteur ne vit que des centaines de manifestants. » Oui la presse « démocrate » fut aussi dans le militantisme y compris dans le choix des mots comme l’utilisation redondante de « insurrection » pour dire manifestations, ou révolution pacifiste ou mouvement, et en faisant abstraction des slogans islamistes, peu nombreux, mais bien réels, dans les manifestations. J’ai relevé par ailleurs une forme d’arrogance chez certains journalistes, imbus de leur personne, qui ne répondent que rarement aux questions des « connectés » par exemple, ou qui s’autocongratulent puérilement, qui refusent toute critique ou même de banals échanges. J’écris bien « certains » chez les anciens surtout, nationalistes obtus, ceux qui ont « fait » le parti unique les yeux et la bouche dans les poches et qui aujourd’hui donnent des leçons de démocratie. Mais c’est là une autre histoire.)

Le hirak avait « réussi » (réussi ?) à faire basculer sa victoire dans l’impasse …, écrit Kamel Daoud, et le régime avait su (pourquoi ce plus-que-parfait ?) transformer sa défaite en épopée ». Le régime avait donc été défait. S’agit-il du « régime de Bouteflika » ? probablement puisque Kamel Daoud évoque en introduction « un nouveau régime » à propos du pouvoir actuel depuis juin. Il est inexact de mon point de vue de parler ici de régimes différents.

Kamel Daoud, qui n’est pas à sa première « sortie » anticipe les critiques violentes à « ce papier » de l’hebdomadaire français comme je l’ai rappelé en début de texte : «  les bilans d’étape sont perçus comme les signes de la contre-révolution et la réflexion sur un échec provisoire sont les ‘‘preuves’’ d’un ralliement au régime. » Telles ne sont pas mes observations. Ce serait ridicule, injuste et trop aisé.  Osons écrire que la lutte pour une Algérie libre et démocratique, respectueuse des libertés individuelles et collectives, des Droits fondamentaux de l’Homme, cette lutte continue et que d’autres bilans, d’autres réflexions viendront de part et d’autre jusqu’à révéler que l’horizon s’éclaircit enfin. Et puis « nul ne jette de pierres sur un arbre dépourvu de fleurs. »

Ahmed Hanifi, 15 janvier 2020

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Le Point, n° 2472 du jeudi 9 janvier 2020.

Où en est le rêve algérien ?

Par Kamel Daoud

Comment le soulèvement populaire du 22 février 2019 a-t-il pu échouer ?

L’écrivain tente de comprendre en revisitant l’année écoulée.

Vingt-trois décembre 2019. Près du Palais du peuple à Alger, les télévisions du pays insistent sur le défilé de milliers d’Algériens dans les rues. Pour une fois, la foule ne « marche » pas contre un régime, mais pour jeter un « dernier regard » sur la dépouille du général Gaïd Salah, mort il y a quelques jours. Effet de loupe sur les sanglots et les hommages au « Sauveur », oraisons, salut militaire maladroitement imité par des civils en pleurs, poésie patriotique et serments de fidélité. La mort inattendue du général est montrée comme l’émotion nationale, sincère souvent, que le régime a su faire fructifier face a une opposition de rue, tenace, mais dont la légitimité s’érode faute de lucidité politique. Cette armée algérienne reste un mythe fondateur en Algérie avec une mystique de protection, de propriété, d’arbitre ultime. Née avant le pays avec la guerre d’indépendance, elle convoque souvent ce droit d’aînesse malgré les contestations. En octobre 1988, elle n’avait pas hésité à tirer sur la foule, faisant des centaines de morts. En 1992, elle annule des élections et s’engage dans une guerre civile avec des centaines de milliers de morts. En 2019, elle s’en est sortie avec le prestige dopé d’une gardienne de la République, saluée par une partie de la population. « L’armée a accompagné le soulèvement sans faire couler une seule goutte de sang » a été l’argument répété des jours durant, avec fierté, par ceux qui comparent légitimement les printemps arabes et leurs crashs. Un constat difficilement contestable, mais à usage biaisé. Du coup, l’enterrement du général offre, en climax de dix mois de tension, l’émotion manquante pour souder un nouveau consensus politique qui, après la présidentielle du 12 décembre, veut contourner la contestation.

Mais comment est-on arrivé à cette victoire par les images sur une révolution miraculeuse ? Pour faire basculer l’opinion en sa faveur, réussir un enterrement digne d’un chef d’État pour son général suprême – que les généraux (emprisonnés, exilés ou décédés) des années 1990 doivent jalouser –, le nouveau régime a dû travailler au corps l’opinion et la contestation, s’offrant même les artifices d’une nouvelle épopée messianique. Quelques clefs pour mieux comprendre.

La décolonisation réinventée

Étrange atmosphère algérienne depuis des mois : la propagande du régime, mais autant la férocité des réseaux sociaux, et une partie de la population sensible à la théorie du complot et au souvenir puissamment entretenu de la colonisation, ont imposé la réalité virtuelle d’une vraie guerre imaginaire contre la France. Généraux filmés scrutant les frontières avec des jumelles, arrestations d’ « agents » supposés, intox sur un complot international  et la « main étrangère », films, trolls, procès et diffamations, tout est bon pour faire revivre l’épopée sclérosée de la guerre d’indépendance contre l’ex puissance coloniale. Surprenant spectacle pour celui qui ne connaît pas la primauté de la mémoire sur le réel en Algérie, les banderoles anti-françaises fleurissent partout. Autant que les tags qui dénoncent la mainmise de la colonisation sur les richesses locales qui pourtant ont largement profité à des pays tiers comme la Chine, cliente des Bouteflika. Dans la fougue de cette guerre de libération fantasmée, on efface même les enseignes en français sur les devantures, on impose l’arabe et l’anglais, les logos des chaînes de télévision ne s’affichent plus en français et le « grand remplacement linguistique » du français par l’anglais est annoncé par l’un des candidats,  Bengrina (islamiste), comme priorité de sa première semaine après la victoire. Ce n’est pas seulement un argument de campagne repris par tous après la décision du ministre de l’Enseignement supérieur de lancer une croisade contre le français comme langue d’impuissance selon lui, mais un véritable délire collectif. Le nouveau président, Abdelmadjid Tebboune, n’a pas échappé aux critiques virulentes lorsqu’on le surprit à parler en français lors de sa première sortie publique. Dans le jeu de se remake fou, la France est accusée de tous les maux : complicité avec l’ancien régime des Bouteflika, prédation du gaz « gratuit », barbouzeries, entreprises d’effacement de l’identité nationale, contrôle des écoles pour détruire l’âme algérienne… L’ambassade de France a dépensé beaucoup de son temps à démentir les infox, mais elles sont intarissables. Les journaux islamistes comme Echourouk, publient quotidiennement un article sur la « dé-francisation de l’école » qui, elle, n’enseigne qu’en arabe depuis vingt ans ! À huis clos, loin des comptes rendus « clubbing » des médias étrangers, le pays vit un remake fantasmé de la guerre de libération et mène bataille contre une France zombie. Le pays d’en face, fantôme mémoriel, parti depuis si longtemps, laisse un vide de casting et qu’on investit de toutes les fables paranoïaques. Ce délire, même bouffon, laisse deviner cependant l’essentiel : l’Algérie ne sait vivre une union sacrée, une émotion vive, que dans l’adversité, l’épopée de la guerre de libération. La guerre a été son moment historique de ferveur et le seul moyen de redevenir uni, c’est de refaire la guerre et donc de la refaire à la France. L’Hexagone est le pays qui incarne, pour son malheur, l’Autre pour les Algériens et leur lien difficile et tourmenté à l’altérité. Guérir ce lien équivaut à soigner le rapport avec le reste du monde, mais on ne le veut pas. Car que faire si on ne refait pas la guerre ?

Le 28 novembre 2019, cette guerre chimérique a pris des accents de fièvre nationale avec le vote symbolique d’une résolution du Parlement de l’Union européenne condamnant les atteintes aux libertés en Algérie. Ce fut même une aubaine pour le régime et les conservateurs qui déclenchèrent, immédiatement, une véritable campagne contre le « complot occidental ». On vit défiler dans le pays profond des milliers de personnes contre la… France et son « protectorat », dénonçant Emmanuel Macron et la France, la néocolonisation, l’invasion imminente… les échanges sur les réseaux, faute de sérénité pour débattre, se font désormais sur le mode binaire : vous êtes un « rejeton de la France » ou l’ « enfant d’Ibn Badis »,  un théologien au patriotisme pourtant tiède de l’époque coloniale et qui aujourd’hui, longtemps après sa mort, se retrouve investi de la paternité rétrospective de la guerre de libération du 1er novembre 1954.  « Novembriste Badissiste » (en référence à novembre et au théologien) est devenu le sigle informel d’une partie des élites arabophones, conservatrices, islamistes. Le révisionnisme islamiste du récit de la décolonisation avait été entamé il y a des années, mais il trouvera là son triomphe : désormais, la décolonisation est présentée comme un djihad, une guerre sainte, pas une guerre laïque. Sa déclinaison contemporaine serait une autre guerre contre les laïques, les modernistes, les zouaves (recrues de l’armée coloniale, supplétifs locaux), Kabyles, antirégime. Cette bipolarisation, travaillée,  de la société algérienne est désormais plus marquante que celle que la presse étrangère, paresseuse, voit  entre régime et protestataires de la rue, les « hirakistes ».

Le souvenir est l’avenir

Captant les résistances conservatrices de l’Algérie rurale, rejouant la scène hypermnésique de la guerre de libération, s’appuyant sur des médias islamistes sinon clients de la rente, le régime a su pousser, peu à peu, en radicalisant la révolte et avec l’usage de la répression, à une équation algérienne qui lui sera favorable après dix mois de contestation. D’un côté, des protestataires passionnés, admirables, mais piégés dans les grands centres urbains et, de l’autre, une offre de « solution » avec une élection présidentielle qui pare le vide, l’instabilité et donc le cauchemar  à la libyenne. Épuisés et sans visibilité sur l’avenir, beaucoup, dans l’Algérie profonde, feront le choix pragmatique entre la démocratie et la sécurité. Le 12 décembre 2019, un nouveau président est finalement élu malgré les appels au boycott : Tebboune, un cadre du système depuis toujours, mais qui gagne malgré la participation réservée. On expliquera son succès par son caractère d’outsider face à des candidats qui ont tous le malheur d’avoir été associés à un… parti politique. Le régime gagne avec la formule d’une présidentielle contrôlée, ouverte sur un choix de candidats déjà restreint à une pluralité politiquement correcte. Il y a deux ans, l’élu avait été disgracié et lynché par les télévisions du régime parce qu’il s’était opposé au clan au pouvoir. Aujourd’hui, il revient en sauveur, acclamé. Lors de sa première conférence de presse, réagissant à une question sur Macron qui « avait pris note du résultat », il lancera un « je ne lui répondrai pas ! » sous les ovations des présents. Tebboune avait compris l’avenir que se réserve encore le passé en Algérie.

L’obsession française et la guerre virtuelle au Maroc semblent avoir encore de beaux jours à vivre.

Comment expliquer la puissance de ce délire, surtout auprès des jeunes ? Peut-être par le mythe de l’union, encore une fois. Mise à part cette fausse guerre à la France qui donne un sens surréaliste de vieux vétérans aux plus jeunes justement, l’Algérie ne semble pas pouvoir imaginer un nouveau consensus fondé sur la pluralité, la multiculturalité et les différences. Le jour des élections, un étranger aurait été surpris par le ton et les mots employés pour lever les enthousiasmes dans les médias du régime et dans les échanges sur les réseaux : les formules verbales d’un engagement armé. D’ailleurs, on convoque encore en Algérie, pour débattre, les figures du « traître », harkis,  invasion, menaces, juste pour parler… d’élections. L’ennemi, dans une métaphore favorite, vient toujours « d’outre-mer », alias la France et l’Occident. Même dans la bouche des démocrates et laïques, binationaux ou modernistes, cette habitude du procès en mode justice martiale est prégnante. Au plus obscur, on retrouve auprès du régime comme auprès de ses opposants cette envie de rejouer, absurdement, le martyr, le colon, le moudjahid, le maquis et l’oppresseur. Ténébreuse incapacité à dépasser  un traumatisme ancien, reconduit en figurations creuses contemporaines. On s’étonnera de voir des vidéos sur la guerre le jour d’une élection présidentielle, autant que de lire sur les murs d’un village oranais, un poème se concluant par « Nous ne serons jamais Français » écrit en 2019 comme s’il s’agissait d’un référendum d’autodétermination en 1962 !

Le régime  a-t-il gagné ?

Oui, provisoirement. C’est aussi conclure que la contestation a perdu, provisoirement. Comment alors un mouvement d’une telle ampleur, soudé par un souci aussi transcendant de pacifisme, a-t-il pu échouer ? Pour envisager une réponse, il faut remonter à la veille du 22 février. Depuis plusieurs semaines, un personnage franco-algérien, agitateur en one men show, né des réseaux sociaux et des facilités que permet Internet, parcourt les villages et les petites villes algériennes. Rachid Nekkaz, auto parachuté opposant en Algérie après des déboires en France, s’invente un destin à la Gandhi à la rencontre des jeunes Algériens désemparés, oubliés, et sans possibilité de convertir le sport de l’émeute (des milliers par an, selon les statistiques) en contestation politique. L’étrangeté du rite est que Nekkaz n’a aucun discours, pas de programme et aucun passé militant. Juste une veste, un smartphone et… l’idée, révolutionnaire en soi, d’aller vers l’Algérie rurale, rencontrer les jeunes de la décennie Internet, écrasés par les vétérans de la guerre de libération, gérontocratiques et infanticides. C’est, au contraire, la foule qui « parle » lors de ses meetings sauvages. Le personnage met en rage le régime. On tente partout de l’arrêter, on s’y harasse, en vain. Le régime se rappelait brusquement cet enjeu que les élites urbaines algériennes opposantes ont négligé : le contrôle de la ruralité est la clef du pouvoir en Algérie. Nekkaz fait ce porte-à-porte qui coupe l’herbe sous le pied du vieux FLN, appareil du régime, et recrute ces Algériens du pays profond qui votent « bien » et que les intellectuels délaissent. Nekkaz sera harcelé, accusé d’ « atteinte à l’unité nationale » et d’« incitation à attroupement armé », puis arrêté la veille de l’élection du 12 décembre. Le verdict possible est une quinzaine d’années de prison. La menace de cet amuseur n’était pas une plaisanterie pour un régime maître en l’art du cloisonnement linguistique, urbain/rural,  ethnique ou autres.

Alger souffre en effet d’un nombrilisme qui déteint souvent sur les contestataires. On y croit ce que les journalistes étrangers perpétuent eux aussi, qu’Alger c’est l’Algérie. On le verra le 12 décembre. Il suffisait d’ habiter d’autres villes pour suivre,  avec surprise, des comptes rendus de presse internationale mettant en avant l’abstention absolue, le refus de vote massif, juste par confusion entre la capitale et le pays. Hors d’Alger, des Algériens ont voté dans le calme et sans scène de violence. L’abstention était palpable, mais les votants n’étaient pas tous des « militaires déguisés » ou des illusions de propagande. Avoir voté est un choix, un conditionnement, une liberté, mais surtout une réalité. La ruralité a été perdue par la contestation dès juin, et c’est un constat que les Algérois refusent, souvent avec agressivité. Incapables de sortir de la capitale, d’imaginer un leadership décentralisé une contestation qui reconnaît au monde rural la paternité de la révolution. Cette myopie trompera lourdement les médias étrangers et les analystes sous influence de militants locaux, ou eux-mêmes correspondants militants non déclarés. Une ceinture de militants-témoins habituels, l’effet de foule sur place, et un accès difficile au pays consacreront cette illusion.

 La réalité est que Nekkaz,  faux héros de ce soulèvement, a saisi que l’Algérie n’est pas la place Maurice Audin, ni les escaliers de la grande poste, et que l’urbain était  un ghetto politique.  Secoué, le régime  a repris la main dans le pays profond et a offert une formule plus lisible pour la ruralité : je propose une élection, la stabilité et la protection contre le complot étranger. L’opposition s’est enfoncée dans les luttes intestines, le « dégagisme » et l’illisibilité. Les villages, pour oser la formule, ne comprenaient plus ce que voulait la capitale. « Une révolution,  c’est deux ou trois mots », me disait un ami, immense chroniqueur des années 90, si elle devient des phrases, elle est déjà perdue » la sentence reste vraie. Dans les villages, dès juin, la fenêtre se refermait sur un constat refusé par les plus radicaux à Alger ou Paris : l’Algérie profonde ne comprenait pas ce que la contestation exigeait puisque Bouteflika était demis, son gang en prison. La solidarité envers les prisonniers politiques en partie relâchés récemment, très nombreux dans les  geôles, n’était même plus un devoir national pour certains qui justifiaient la répression par la nécessité de l’ordre. Pis, l’ultracentralisme du régime a provoqué un ultranarcissisme inconscient chez certains militants de la rue algéroise, déclassant la passion sincère et le sacrifice de beaucoup. C’est peut-être même par un constat simple qu’on peut analyser l’échec actuel : la transformation de la révolution en politique a été rejetée et l’idée d’une transition négociée a été confondue avec le souvenir douloureux de la trahison. On aboutit, comme le concluent certains Algériens, à la figure du « révolté assisté »,  c’est à dire qui a besoin, sans se l’avouer, que le régime reste, comme pour mieux vivre indéfiniment l’épopée de la lutte. Une conclusion majoritairement injuste, mais que le refus de toute issue politique pour le mouvement conforte aux yeux d’une partie de l’opinion.

La révolution n’a pas gagné notamment à cause de ce « dégagisme » incapable de penser la négociation avec un régime qui tient encore l’essentiel  des leviers : la rente pétrolière, l’armée, les armes, les moyens de répression et l’assentiment international d’États voisins ou partenaires, refroidis par les révolutions des foules. Entre le régime et les contestataires se jouait, en sourdine, une lutte de survie qui allait se solder, de manière stérile, par  l’infanticide ou le parricide.

D’autres pistes

Juin 2019 : un journal américain publie une analyse fine sur le cas algérien. L’auteur note que l’armée n’a pas tiré sur la foule pour deux raisons : la contestation n’était ni islamiste ni kabyle. Difficile de la criminaliser comme d’habitude. Le régime le comprit vite et sut surmonter cette union adverse en divisant à tout-va. Juin, déjà… on décréta illégal le port de l’emblème amazigh,  qui ne gênait personne depuis des mois, affirmation d’une région martyrisée et porteuse d’une fronde et d’un capital identitaire réprimé dans le sang. Le piège fonctionna parfaitement puisque la contestation répondit par une exhibition d’emblèmes plus massive. Suivra la séquence calculée : arrestation, condamnation à des peines de prison lourdes et déplacements de la revendication et sa régionalisation. Les uns se retrouvèrent à marcher pour libérer des prisonniers, les autres  se firent convaincre, par la télévision, par Internet et par les réseaux sociaux, de complot de division dans un pays qui vit l’union et l’unanimisme comme une sécurité presque ultime. Le régime opéra, après la reprise en main de la ruralité, à la division dite « identitaire ». Quelques mois plus tard, on se retrouva même avec des flashs sur des arrestations de « comploteurs scissionnistes kabyles », à parler d’infiltration. Le régime recourra, en escarmouches d’appui, aux vieilles douleurs et vieilles batailles : francophones traîtres, arabophones authentiques, musulmans/laïcs, Kabyles/Arabes… au fil des semaines, la contestation perdait du terrain en perdant l’image d’un mouvement transcendant, national, uni. L’union changeait de camp, en quelque sorte. Elle se créait, par abus,  par propagande et par convictions sincères, entre armée/peuple, plutôt qu’entre peuple/contestation. Le révolutionnaire avait son portrait défavorable : Kabyle, mais pas seulement, traître, francophile, manipulé et anti musulman, venu « d’ailleurs » et détestant « l’armée algérienne qui nous protège ». Par contraste, l’opposant au « Hirak » se dressait le portrait contraire : protecteur, nationaliste, soucieux de l’intérêt de tous, musulman, antifrançais et respectant l’affiliation et le lien avec les martyrs.

« Le Désert des Tartares » et la Némésis

La première semaine de décembre 2019, cette guerre d’images connut un virage : on vit, en France, des chibanis, personnes âgées, insultés et hués à l’entrée des bureaux de vote. Une aubaine pour présenter les révoltés comme des « gens incapables de respecter la liberté des autres ». Le manque de leadership pour le « Hirak » se fit ressentir là aussi comme un désastre. Il aurait pu empêcher ces tristes dérives et surtout la folklorisation idiote du mouvement par certains. Dans la presse, on avait déjà ce choix  malsain entre des journaux prorégime, zélés dans le déni de la contestation, et une presse démocrate cédant au militantisme qui lui fit écrire « une marée humaine hier à… » là où l’auteur ne vit que des centaines de manifestants. Les voix politiques raisonnables étaient ignorées.

Coupé de possibilité d’extension vers la ruralité, régionalisé, sans relais médiatiques puissants, acculé à la radicalité et trompé par le virtuel de Facebook, le mouvement perdait du terrain alors que sa revendication d’une Algérie libre démocratique et ouverte à tous, était le rêve de tous. Le régime avait su transformer sa défaite en épopée, et la contestation avait réussi à faire basculer sa victoire dans l’impasse.

Le constat est dur, provisoire certes, fait rager les radicaux sur les réseaux sociaux. D’ailleurs, un effet collatéral de la radicalité fait que toute analyse non militante est violemment refusée. Les bilans d’étape sont perçus comme les signes de la contre-révolution et la réflexion sur un échec provisoire sont les « preuves » d’un ralliement au régime. Sans généraliser, on peut expliquer ce déni comme la source de l’aveuglement, concomitant, sur la montée vigoureuse du néo-islamisme qui propose déjà à l’armée d’être son bras politique, alléché par la perspective de prise de contrôle économique et politique du pays. Pour l’élection du 12 décembre, on vit sans étonnement les salafistes et les anciens de l’armée islamique appeler à voter, massivement. Pour eux, un régime conservateur est moins nocif qu’une démocratie moderniste.

Impasse provisoire cependant. Une négociation muette est à l’œuvre, entre un président faible qui doit construire son pouvoir face au vide radical de la « rue », mais aussi face aux tuteurs militaires, aux vétérans et aux conservateurs rentiers derrière son dos. C’est-à-dire entre un régime qui sait qu’il est mortel malgré ses dénégations et une contestation qui a déjà signé l’irréversibilité de la dictature, malgré son échec de maturité, malgré les dizaines de prisonniers injustement incarcérés, malgré la folklorisation par le « selfie » qui la guette.

Étrange réalité d’un pays fermé sur lui-même, isolé du reste du monde, difficile à comprendre et encore traversé par les houles de sa mémoire dévorante. La mort du général Gaïd Salah,  chef des armées, redistribue légèrement les rôles, mais consolide encore plus les castings symboliques de l’Algérie. Le général est aujourd’hui présenté comme le « père » perdu du soulèvement contre Bouteflika, le protecteur. Dans la conviction ou l’excès, on retrouve ce lien œdipien avec l’armée, figure de paternité sécurisante, l’entrave paralysante de la mémoire et le trauma d’une guerre dont le souvenir est devenu une identité en soi. En boucle, l’Algérie c’est le fils qui s’aveugle en tuant le père, le père qui tue le fils en l’égarant dans le labyrinthe des revendications. On peut se perdre à déchiffrer des mythes dans cette réalité algérienne à la fois politique largement symbolique. D’ailleurs, il faut vivre en Algérie, aller au-delà des articles de presse confondant réalité et convictions militantes de ses rédacteurs, pour comprendre les extensions de ce « Frexit » algérien permanent, ce jeu de rôles de la guerre d’indépendance, cette passion mortelle pour l’union, cette fabrication cyclique de l’ennemi. L’amateur de littérature que je suis y voit le cas d’un postcolonial qui a créé, par effet de huis clos, un fascinant mélange de genres entre le Désert des Tartares et la Némésis grecque. Les étrangers repartent souvent d’Algérie avec des sentiments mélangés : on ne comprend pas comment la splendeur et le ridicule, la beauté et la neurasthénie, la richesse et l’oisiveté, le ciel et les cimetières, la mémoire et les nouveau-nés, l’impasse et  l’horizon, le vieillissement raide et l’éternelle jeunesse, l’agressivité et la générosité s’y mélangent si dangereusement.

KD.

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Articles identiques (et autres) sur ce site, sous la rubrique: »Sociétés/ Algérie »

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Kamel Daoud a-t-il perdu son hirak ?

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L’article de Kamel Daoud « Algérie, la révolution perdue » (« Où en est le rêve algérien ? ») parut dans l’hebdomadaire Le Point, n° 2472 du jeudi 9 janvier 2020 commence à faire couler beaucoup d’encre. Kamel Daoud ne laisse jamais indifférent. C’est une force à mettre à son profit. J’ai lu sur les réseaux sociaux des commentaires réprobateurs, voire injurieux plus contre la personne de l’auteur qu’à l’endroit de son analyse. Cette volée de bois vert, actuelle et à venir, il l’a anticipée dans son article. Aucun utilisateur de ces réseaux de l’Internet (Facebook, Twitter) ne propose le texte de Kamel Daoud, ou un lien renvoyant à son texte complet, pour que le lecteur puisse se faire une idée de ce dont il est question. Je peux parier que les commentaires des uns alimentent ceux des autres sans que ni les uns ni les autres n’aient eu à lire entièrement l’article de Kamel Daoud. De quoi s’agit-il ? Le journaliste-écrivain propose une analyse à la lumière des événements qui marquèrent l’Algérie durant l’année 2019 jusqu’à nos jours. Cet article je vous le propose dans sa totalité, ci-dessous, à la suite de mon propre texte. Kamel Daoud le  développe autour, notamment, du postulat suivant développé au cœur du texte : « le contrôle de la ruralité est la clef du pouvoir », et l’élection ayant eu lieu, le hirak a perdu.

L’article du journaliste-écrivain est ainsi présenté en Une de l’hebdomadaire : « Algérie, la révolution perdue ». À l’intérieur, le texte de 19500 caractères (pages 99 à104), est titré « Où en est le rêve algérien ? »  Il s’articule autour d’une introduction et de cinq chapitres.

D’emblée (« à l’entame » écriraient des imitateurs) l’auteur met en avant l’exploitation par le pouvoir de la mort du général Gaïd Salah (« présenté comme le protecteur, le ‘‘père’’ perdu du soulèvement contre Bouteflika ») et de « l’émotion nationale sincère » à travers les canaux officiels et privés. Par l’image, notamment celle de l’enterrement « réussi » du général qu’envieraient même les généraux morts, le « nouveau régime » a vaincu la révolution « miraculeuse ». Mais comment en est-on arrivé à cela ?

Il a fallu d’abord mettre en place une réalité virtuelle d’une vraie guerre contre l’ennemi d’hier et d’aujourd’hui, l’ennemi de toujours visé par le pouvoir : la France. La télévision officielle abreuve d’images et de commentaires nationalistes à donner des frissons à tout pacifiste, internationaliste ou non. Kamel Daoud évoque des « banderoles antifrançaises qui fleurissent partout ». On nous propose de plonger dans un « délire bouffon » dans une « guerre chimérique » contre la France qui mettent en relief une triste réalité : « l’Algérie ne sait vivre une union sacrée, une émotion vive, que dans l’adversité, l’épopée de la guerre de libération. » Un « remake fou » est proposé avec le même adversaire qu’on accuse de tous les maux 60 ans après l’indépendance. Soixante ans après. Deux générations. Il a fallu la moitié de ce temps à d’autres pays (sociétés) plus arriérés que l’Algérie pour basculer d’un monde des ténèbres à un autre démocratique beaucoup plus ouvert sur le monde, bien qu’avec ses hauts et ses bas.

Dans un autre chapitre, Kamel Daoud explique que le régime a usé de « vieilles douleurs et vieilles batailles » que sont les divisions linguistiques, ethniques, régionalistes… « le piège fonctionna ». En poussant à la radicalité le hirak et en usant de la répression. Il a su « pousser à une équation algérienne », segment de phrase dont je n’ai saisi le sens qu’avec la suite de l’article. On avait d’un côté des manifestants « piégés dans les grands centres urbains » et de l’autre une « offre de solution avec la présidentielle ». Kamel Daoud semble signifier que les manifestations importantes n’ont pas ou peu eu lieu à la périphérie ou loin des « grands centres urbains ». Ce qui n’est pas exact. Dans l’Algérie profonde, l’Algérie rurale, les Algériens « feront un choix pragmatique » au profit de la sécurité, mais au détriment de la démocratie.

Le vocabulaire utilisé dans les médias et les réseaux sociaux, que ce soit les alliés du régime ou « même dans la bouche des démocrates et laïques, binationaux ou modernistes » est binaire. Pas de quartier. Sont convoquées les figures du traître, du moudjahid, du colon, de l’Occident, des martyrs… Il y a « incapacité à dépasser un traumatisme d’une guerre dont le souvenir est devenu une identité en soi. ».

Kamel Daoud revient plus loin sur cette problématique, ce lien au passé qui ne passe pas, ce nœud oedipien qu’il faudrait pour le couper faire appel, peut-être, à l’éminent neuropsychiatre Boris Cyrulnik et autre non moins virtuose du verbe, Boualem Sansal, pour proposer un remède, un antidote ? Qui sait…

À ces jeux-là, c’est le régime qui est sorti vainqueur, « provisoirement » précise l’auteur. Et par conséquent le hirak a perdu, « provisoirement ».

Cette victoire du régime fut possible grâce au « contrôle de la ruralité qui est la clef du pouvoir ». C’est ce qu’a commencé à entreprendre Rachid Nekkaz (un « faux héros », un « amuseur ») qui avait « cette idée révolutionnaire » d’aller vers l’Algérie profonde, mais qui n’a pas réussi car harcelé, arrêté, emprisonné par un régime qu’il a réussi à mettre « en rage ». Algérie rurale « que les élites urbaines algériennes opposantes ont négligée ». Nekkaz a saisi que « l’Algérie n’est ni la place Audin ni la Grande poste ».

Les Algérois sont incapables de sortir de la capitale et de reconnaître un autre leadership. Alger, écrit Kamel Daoud « souffre d’un nombrilisme qui déteint sur les contestataires » qui nous fait confondre Alger et la ruralité où – selon la presse étrangère – on s’est abstenu de vote comme dans la capitale. Sauf que les contestataires se trouvent aussi bien dans les grandes villes que dans la périphérie. Le nombrilisme se trouve ainsi dilué à travers les territoires autres que ceux des grandes villes. Il y a là comme un hiatus. Autre problème, la question de l’importance que semble accorder le journaliste écrivain à la ruralité au point que sa maîtrise soit « la clef du pouvoir » comme précisé plus haut. Or, selon une étude du ministère de l’Agriculture et du Développement rural, la population rurale chute de six points à chacune des dernières décades. Elle s’élèverait par conséquent à 30% aujourd’hui. C’est beaucoup, mais pas au point de révolutionner une réalité nationale dans laquelle elle est partie prise et partie prenante. D’autant plus que sa jeunesse (plus de 55% des ruraux ont moins de 30 ans) est aussi connectée sur les réseaux, et l’Internet plus généralement, que le reste des Algériens. Hors d’Alger écrit Kamel Daoud « des Algériens (notez l’article indéfini) ont voté dans le calme… ils n’étaient pas tous des militaires déguisés ». La ruralité fut perdue par le hirak, dès juin lorsque les ruraux « qui ne comprenaient pas ce que voulait la capitale », se demandaient pourquoi l’on continuait de manifester alors que « Bouteflika était démis et son gang mis en prison ». « Une révolution,  c’est deux ou trois mots… si elle devient des phrases, elle est déjà perdue » disait à Kamel Daoud un de ses amis. Comment pouvaient-ils, pôvres bougres, comprendre cette révolution et la faire leur ? Je vois là une forme de condescendance et d’arrogance indécentes. Je n’ai peut-être pas compris. Je l’espère.

Ce qui a manqué au hirak c’est un leadership qui aurait permis d’éviter les dérapages (exemple des « chibanis insultés et hués » devant les bureaux de vote en France. L’organisation du hirak aurait empêché la « folklorisation idiote du mouvement… folklorisation par le selfie ». Manifester dans la joie et la bonne humeur, sans être obligé de faire la gueule (pardon) avec des fleurs, des sourires et des calicots rigolos, voire succulents de jeux de mots, s’il s’agit de cela, ce n’est pas de mon point de vue de la folklorisation. C’est au contraire une force. Néanmoins la faiblesse du mouvement est, je le partage avec l’auteur, son absence d’organisation.

Les journaux algériens, qu’ils soient « prorégime » ou « démocrates » n’ont pas été à la hauteur, écrit Kamel Daoud. Les premiers « zélés dans le déni de la contestation », les seconds « militants » qui se laissaient aller à des envolées comme écrire qu’il y avait « ‘‘une marée humaine hier…’’ là où l’auteur ne vit que des centaines de manifestants. » Oui la presse « démocrate » fut aussi dans le militantisme y compris dans le choix des mots comme l’utilisation redondante de « insurrection » pour dire manifestations, ou révolution pacifiste ou mouvement, et en faisant abstraction des slogans islamistes, peu nombreux, mais bien réels, dans les manifestations. J’ai relevé par ailleurs une forme d’arrogance chez certains journalistes, imbus de leur personne, qui ne répondent que rarement aux questions des « connectés » par exemple, ou qui s’autocongratulent puérilement, qui refusent toute critique ou même de banals échanges. J’écris bien « certains » chez les anciens surtout, nationalistes obtus, ceux qui ont « fait » le parti unique les yeux et la bouche dans les poches et qui aujourd’hui donnent des leçons de démocratie. Mais c’est là une autre histoire.)

Le hirak avait « réussi » (réussi ?) à faire basculer sa victoire dans l’impasse …, écrit Kamel Daoud, et le régime avait su (pourquoi ce plus-que-parfait ?) transformer sa défaite en épopée ». Le régime avait donc été défait. S’agit-il du « régime de Bouteflika » ? probablement puisque Kamel Daoud évoque en introduction « un nouveau régime » à propos du pouvoir actuel depuis juin. Il est inexact de mon point de vue de parler ici de régimes différents.

Kamel Daoud, qui n’est pas à sa première « sortie » anticipe les critiques violentes à « ce papier » de l’hebdomadaire français comme je l’ai rappelé en début de texte : «  les bilans d’étape sont perçus comme les signes de la contre-révolution et la réflexion sur un échec provisoire sont les ‘‘preuves’’ d’un ralliement au régime. » Telles ne sont pas mes observations. Ce serait ridicule, injuste et trop aisé.  Osons écrire que la lutte pour une Algérie libre et démocratique, respectueuse des libertés individuelles et collectives, des Droits fondamentaux de l’Homme, cette lutte continue et que d’autres bilans, d’autres réflexions viendront de part et d’autre jusqu’à révéler que l’horizon s’éclaircit enfin. Et puis « nul ne jette de pierres sur un arbre dépourvu de fleurs. »

Ahmed Hanifi, 15 janvier 2020

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CLIQUER ici pour lire l’article de Kamel Daoud en PDF.

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RÉACTIONS de « LE CAFÉ PRESSE POLITIQUE » de RADIO M _

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CLIQUER ICI POUR VOIR L’ÉMISSION « CPP »

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À la suite de cet article, Kamel Daoud a reçu critiques, mais aussi insultes nombreuses sur sa personne plus que sur son texte, à défaut d’argumentaire. Il en a l’habitude.

Voici sa réponse paru ce jour mercredi 28 janvier in Maghreb émergent.info

COUPABLE DE PORTER ATTEINTE AU MORAL DU … « HIRAK » ?(KAMEL DAOUD)

28 Janvier, 2020 1:26 

Maghreb Émergent

Le 12 janvier 2020 j’ai publié dans l’hebdomadaire « Le Point » un article intitulé « Où en est le rêve algérien ? » où j’exprimais mon opinion sur les derniers développements du soulèvement algérien en cours depuis février 2019. Ce texte est aujourd’hui, à ma demande, en accès libre.

Le « Hirak » est, selon moi, en échec provisoire, du moins au regard de ses grandes ambitions du début. Voici quelques-unes des raisons que j’énonçais :

Un : l’algérocentrisme d’une grande partie des élites. Alger n’est pas l’Algérie : il faut l’admettre et aller dans le pays pour corriger les idéaux à la mesure des plus humbles.

Deux : la coupure avec la ruralité algérienne. L’argument selon lequel « les ruraux ne sont que 30% de l’Algérie » est d’un mépris détestable pour masquer les sédentarités intellectuelles. Mon but est d’alerter sur l’urgence d’aller dans les villages, frapper aux portes, partager des cafés et expliquer le possible avenir.

Trois : l’impasse de la folklorisation qui rejoue l’opposition au régime comme une fin en soi, et la radicalité comme preuve d’intégrité politique.

Quatre : le « dégagisme » radical quasi anarchiste et sans alternative (« Dégagez Tous » à l’irakienne ? À la libyenne ? Remplacer un État par le chaos ?)

Cinq : le refus de toute représentation et organisation politique (on a vu le sort réservé à Sofiane Djilali, Abdelaziz Rahabi, etc. et À toutes les bonnes volontés depuis juin).

Dans cet article, j’ai évoqué nos mythologies nouvelles, les traces de nos imaginaires qui nous piègent, et cette tendance que nous avons à rejouer l’épopée de la guerre de libération, que l’on soit islamistes, démocrates, laïcs, conservateurs ou militaires. Fable qui nous empêche de surmonter le trauma pour consentir à la guérison et à l’altérité.  

Je peux avoir raison, je peux me tromper. C’est mon droit. Mais alors que je voulais ouvrir un débat d’étape sain, au nom de cette démocratie qu’on espère depuis tant de décennies, j’ai eu droit à :

Un : une éditocratie d’Alger qui ne tolère pas la perte du monopole sur l’analyse du fait national.

Deux : de la condescendance de la part de journalistes apparatchiks habitués à l’autocongratulation mutuelle.

Trois : un flot de violence et d’insultes inouïs, allant de la diffamation à des procès en traîtrise, en passant par des attaques sur les réseaux sociaux conduites par une nouvelle fachosphère.

Quatre : de la malhonnêteté intellectuelle : le mot « provisoire » a été soigneusement gommé de mon propos. On m’a présenté comme un intellectuel pro-régime décrétant la fin du soulèvement, alors que j’appelle au sursaut et à la maturité face à ceux qui mènent cette chance unique vers l’impasse de leur ego.

Cinq : au zèle féroce de ceux qui n’ont rien dit pendant vingt ans de bouteflikisme, qui ont tété les mamelles de la rente et qui, aujourd’hui, redoublent d’effort pour faire oublier deux décennies de consentement.

Six : un procès en droit de parole au nom de l’autochtonie : puisque je n’habite pas en Algérie (ce qui est faux), je n’ai pas le droit de parler. Un universitaire a été jusqu’à me reprocher d’écrire « outre-méditerranée », c’est-à-dire là où lui demeure et travaille, et, pour illustrer mes supposées positions anti-soulèvement, jusqu’à m’attribuer des paroles (citées entre guillemets) que je n’ai jamais prononcées.

Cependant, cette étrange unanimité contre un avis libre n’en est pas une. Elle n’est unanimité que chez ceux qui refusent le droit de parole, détournent des propos et visent la restauration d’une nouvelle pensée unique. Le « Hirak », dans son ampleur, reste pluriel, vaste, irréductible à des marches, à l’héroïsme, ou à la martyrophilie. C’est l’unanimité artificielle de quelques « carrés », pas celle de la réalité ; l’unanimité de ceux qui se sont fabriqués un nouvel ennemi pour galvaniser leurs « militantismes ». Et je le comprends. La réalité est que beaucoup d’autres ont partagé mon avis, l’ont critiqué dans l’espoir d’une meilleure analyse, ou l’ont oublié, ou pas lu, ce qui est un droit aussi. 

Qu’en penser ? Je crois que plus que de l’héroïsme sous la matraque ou de derrière les barreaux des prisons, plus que le culte de l’opposition, plus que marcher le vendredi, il nous manque une vision d’avenir, une extension politique aux marches, une imagination du futur. La génération du 1er Novembre 1954 a imaginé un avenir, nous en sommes seulement à le reproduire en rites. Il nous faut, peut-être, plus d’intelligence généreuse que de colère. Marcher est noble, il nous redonne l’espace interdit de la rue, mais le « Hirak » peut aussi être du bénévolat, de l’écologie, de la liberté d’expression, un sourire, une association d’aide ou une réflexion. Ce soulèvement est une pluralité, une agora ambulante et hebdomadaire, du moins tel que je l’ai rêvé et attendu, des décennies, quand d’autres baissaient les yeux. Il faut donc aussi se soulever contre nos illusions faciles. 

Très étrangement, une simple chronique publiée dans « Le Point » devient le nouveau front de ralliement pour rejouer l’indignation, la colère et même le procès. Éparpillés sur le front du refus, certains croient retrouver l’union sacrée contre ma personne. Je suis le coupable idéal pour conjurer leurs doutes, obéissant à un réflexe bien connu : celui de désigner un bouc émissaire. De simple chroniqueur alertant sur un danger, je suis déclaré fossoyeur d’une révolution.

  Il est aujourd’hui difficile de réclamer la liberté d’écrire et de penser au milieu de ceux qui tentent de s’accaparer ce mouvement, ceux qui n’ont pas lu l’article « incriminé », ceux qui sont encore intolérants aux différences et ceux qui ont été trompés. En vérité, il est plus facile d’imiter un régime que d’y mettre fin.

L’Algérie reste plurielle, et ne peut être rêvée qu’ainsi. Ceux qui ont décrété que j’ai « décrété » la fin du « Hirak », ceux qui ont décidé que j’étais un colonisé fasciné, vivent un délire dangereux. Souvenons-nous qu’il y a à peine un an, nous étions presque tous dans le consentement. Tous coupables ? Non. Chacun a le droit de contester un avis et de jeter à la poubelle une chronique. On a gagné le droit à l’élan et à l’émotion. Je peux aussi comprendre ceux qui se sont dit déçus par mon opinion. L’affect est légitime et le combat est dur. À ceux-là, je réponds que je suis dans mon rôle et ma nature. J’ai écrit sur le bouteflikisme à l’époque de sa gloire pour tenter d’en dénoncer l’illusion ; dire qu’aujourd’hui, je suis pro-régime, est grotesque : aujourd’hui j’écris pour préserver un rêve.

Et pourtant je m’interroge : où étaient-ils, pendant les décennies Bouteflika, ceux qui aujourd’hui veulent créer une « unanimité » contre une simple opinion ?

À vrai dire, ce qui m’inquiète depuis des jours, ce n’est pas cette habitude de la violence verbale, ces injures, cette liberté d’expression dans un seul sens, cette zone intellectuelle autonome d’Alger, ou cet effet de meute. Je suis habitué à être libre et donc à être insulté dans ma bonne foi. Ce qui m’inquiète, c’est la naissance d’un nouveau parti unique : si aujourd’hui, même ceux qui affirment se battre pour la liberté et la démocratie agissent dans le déni ou la suffisance, la violence ou le refus du débat, où est le salut pour notre pays ? De quoi seront faits nos lendemains s’ils sont inaugurés par de telles habitudes ? Comment réussir à construire une nation si un écrivain n’a pas le droit de penser ce qu’il veut ? Quel sera notre avenir, si ceux qui, interrogés et persécutés hier, deviennent les inquisiteurs d’aujourd’hui ? À quoi la chute de Bouteflika a-t-elle servi, si certains, en mauvais imitateurs, pensent et agissent comme lui ?

En somme, on m’accuse d’avoir porté atteinte au moral des hirakistes avec une… chronique. Quelle différence, alors, avec ceux qui accusent un marcheur du vendredi d’avoir porté atteinte au moral de l’armée et le mettent en prison pour ce délit fantaisiste ?

Pire encore : un ami m’a dit qu’il partageait mon opinion, mais qu’il n’oserait jamais l’écrire. Une terreur éditoriale est-elle déjà en place ?

Ce pays m’appartient et appartient à mes enfants. J’y ai arraché le droit d’écrire et de penser malgré les tristes dictatures. L’enjeu est trop important : il s’agit de mes enfants, pas seulement de mes idées. 

L’Algérie n’a pas besoin de juges et d’inculpés. Elle a besoin de liberté. Et ceux qui aujourd’hui se posent en juges de ma liberté, mènent ce magnifique soulèvement, payé par tant de vies, à l’impasse. Je suis accusé d’avoir proclamé la mort de ce mouvement par ceux qui, justement, veulent le tuer dans le berceau de notre terre ! 

La véritable fin du Hirak n’est pas dans ce que peut écrire un écrivain, ou pas. Elle est dans l’insulte qu’on lui oppose, elle est dans l’interdiction d’écrire qu’on lui impose.

https://www.lepoint.fr/editos-du-point/sebastien-le-fol/kamel-daoud-ou-en-est-le-reve-algerien-12-01-2020-2357340_1913.php

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Articles identiques sur ce site, sous la rubrique: »Mes écrits/ Articles divers »

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Ennaïr de mon enfance

Je me souviens du jlid qui nous paralysait à l’intérieur de notre unique pièce,
Je me souviens des gerçures qui parcouraient les mains de nenna,
Je me souviens du kanoun qu’elle sollicitait plus encore ce jour-là,
Je me souviens des cheveux de jais de ma mère qu’à l’occasion elle parfumait au zit zitoun,
Je me souviens du kholkhal autour de sa cheville,
Je me souviens de la couleur brune du meswek qui embellissait son sourire,
Je me souviens des sacoches noires de elbeciclita verte de mon père,
Je me souviens qu’elles étaient pleines de fruits secs,
Je me souviens que certains résistaient à nos assauts : amandes, noisettes, noix,
Je me souviens que d’autres s’y pliaient : dattes, raisins, figues, cacahuètes,
Je me souviens de la maïda qui, exceptionnellement, débordait de cherchem, de couscous, de lben,
Je me souviens aussi de l’inévitable la mouna qui se faufilait entre les mets,             
Je me souviens du mkhalet de halwa – bonbons, réglisse, coco, chewing-gum – étranglé par une cordelette, une ficelle, ce qu’on trouvait,
Je me souviens de la pièce de khamsa douros, parfois deux, que mon père nous tendait, retenues fermement entre ses pouce et index,
Je me souviens de lawalimoun dont on abusait, et des mini bougies blanches,
Je me souviens qu’on fixait les chmaâ dans des boites de conserve qu’on avait  préalablement trouées de sept ou neuf trous, du nombre je ne me souviens plus,
Je me souviens qu’on les faisait tourner près du corps comme la grande roue d’une fête foraine,
Je me souviens qu’on allait ainsi en courant jusqu’à Covalawa
Je me souviens – c’était bien plus tard – des souvenirs d’enfance de Pérec, de sa Disparition.
Je me souviens.

11 janvier 2018

* Si d’aventure vous ne comprenez pas la Derja, ce qui suit est pour vous :


Derja : c’est une des langues vernaculaires des Algériens.

Ennaïr : ou Yennayer. Premier jour de l’an du calendrier agraire, le 12 janvier.

Jlid : vent glacé.

Nenna : ma grand-mère.

Kanoun : réchaud en terre cuite.

Maïda : table basse.

Cherchem : plat épicé à base de pois-chiches, de fèves et de blé bouillis.

Zit-zitoun : huile d’olive.

Kholkhal : bracelet en argent.

Meswek : écorce de noyer séché que les femmes mâchouillent. Il embellit les lèvres comme un rouge à lèvres naturel, et valorise par contraste les dents (précisions in internet).

Elbeciclita : ou biciclita, bicyclette, ici vélo.

Lben : lait fermenté.

La mouna : brioche pied-noir, d’origine espagnole (dit-on), qu’on consommait à Pâques.

Mkhalet : petite bourse emplie de toutes sortes de halwa.

Halwa : friandises, sucreries.

Chmaâ : pluriel de chemâa, bougie.

Covalawa : ou Cueva d’el agua. C’est le nom d’une zone située près de la jetée, au bas du quartier Gambetta, à l’est d’Oran. Jusque dans les années 60, c’était un important bidonville.

Douro : le douro est une ancienne monnaie espagnole. A Oran, fortement peuplée d’Espagnols, on disait douro plutôt que francs. Un douro équivalait à une pièce de 5 francs, puis au printemps 1964 de 5 dinars.

Lawalimoun : ou agua limon. Eau sucrée au citron.

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Photo: La Wilaya d’Oran (préfecture)

Ennaïr de mon enfance

Ennaïr* de mon enfance

Je me souviens du jlid qui nous paralysait à l’intérieur de notre unique pièce,

Je me souviens des gerçures qui parcouraient les mains de nenna,

Je me souviens du kanoun qu’elle sollicitait plus encore ce jour-là,

Je me souviens des cheveux de jais de ma mère qu’à l’occasion elle parfumait au zit zitoun,

Je me souviens du kholkhal autour de sa cheville,

Je me souviens de la couleur brune du meswek qui embellissait son sourire,

Je me souviens des sacoches noires de elbeciclita verte de mon père,

Je me souviens qu’elles étaient pleines de fruits secs,

Je me souviens que certains résistaient à nos assauts : amandes, noisettes, noix,

Je me souviens que d’autres s’y pliaient : dattes, raisins, figues, cacahuètes,

Je me souviens de la maïda qui, exceptionnellement, débordait de cherchem, de couscous, de lben,

Je me souviens aussi de l’inévitable la mouna qui se faufilait entre les mets,             

Je me souviens du mkhalet de halwa – bonbons, réglisse, coco, chewing-gum – étranglé par une cordelette, une ficelle, ce qu’on trouvait,

Je me souviens de la pièce de khamsa douros, parfois deux, que mon père nous tendait, retenues fermement entre ses pouce et index,

Je me souviens de lawalimoun dont on abusait, et des mini bougies blanches,

Je me souviens qu’on fixait les chmaâ dans des boites de conserve qu’on avait  préalablement trouées de sept ou neuf trous, du nombre je ne me souviens plus,

Je me souviens qu’on les faisait tourner près du corps comme la grande roue d’une fête foraine,

Je me souviens qu’on allait ainsi en courant jusqu’à Covalawa

Je me souviens – c’était bien plus tard – des souvenirs d’enfance de Pérec, de sa Disparition.

Je me souviens.

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* Si d’aventure vous ne comprenez pas la Derja, ce qui suit est pour vous :


Derja : c’est une des langues vernaculaires des Algériens.

Ennaïr : ou Yennayer. Premier jour de l’an du calendrier agraire, le 12 janvier.

Jlid : vent glacé.

Nenna : ma grand-mère.

Kanoun : réchaud en terre cuite.

Maïda : table basse.

Cherchem : plat épicé à base de pois-chiches, de fèves et de blé bouillis.

Zit-zitoun : huile d’olive.

Kholkhal : bracelet en argent.

Meswek : écorce de noyer séché que les femmes mâchouillent. Il embellit les lèvres comme un rouge à lèvres naturel, et valorise par contraste les dents (précisions in internet).

Elbeciclita : ou biciclita, bicyclette, ici vélo.

Lben : lait fermenté.

La mouna : brioche pied-noir, d’origine espagnole (dit-on), qu’on consommait à Pâques.

Mkhalet : petite bourse emplie de toutes sortes de halwa.

Halwa : friandises, sucreries.

Chmaâ : pluriel de chemâa, bougie.

Covalawa : ou Cueva d’el agua. C’est le nom d’une zone située près de la jetée, au bas du quartier Gambetta, à l’est d’Oran. Jusque dans les années 60, c’était un important bidonville.

Douro : le douro est une ancienne monnaie espagnole. A Oran, fortement peuplée d’Espagnols, on disait douro plutôt que francs. Un douro équivalait à une pièce de 5 francs, puis au printemps 1964 de 5 dinars.

Lawalimoun : ou agua limon. Eau sucrée au citron.

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Dossier complet ici:

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La Wilaya (préfecture) d’ORAN

Albert CAMUS

Souvent, lorsque Oran était aussi jeune que nous l’étions, lorsque la tolérance entre les modes de vie faisait office de gouvernail – nonobstant la terreur de Boum, c’est une autre histoire –, attablés au rez-de-chaussée du célèbre et néanmoins abordable Cintra, nous faisions le tour du monde à moindre frais, imprégnés de la seule véritable philosophie de vie, joyeuse et scandaleuse, de Tambouctou à Honolulu, de Travemunde à Yellowknife, les lèvres plongées dans les enivrantes boissons de la BAO (80 centimes) et les yeux dans ceux de nos compères (« vive l’anarchie » ! chuchotions-nous et ironisions « tahia Khaïra ezziraïa », quel gâchis !), ou dans ces tableaux approximatifs accrochés au-dessus du comptoir. Camus nous contemplait à travers son cadre, aussi mélancolique que nous étions insouciants. Sur le large trottoir du boulevard de la Soummam, entre l’hôtel Continental et le Coq hardi (ou le Coq d’or, sacrée mémoire) de l’ASMO, le Cintra exposait ses majestueux tonneaux bondés le samedi soir. Albert Camus ne fréquentait ni le Cintra, ni Oran depuis longtemps.

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L’homme aime lancer des anathèmes et des affirmations qui nient les nuances. Un véritable drame. Il préfère souvent la caricature qui empêche de penser. Il refuse de plonger dans la pensée, profonde et complexe, d’Albert Camus, de peur de trop se questionner, de s’y noyer. Il préfère barboter à la surface calme de l’eau des oueds asséchés qui le confortent dans la béatitude du confort de sa paresse. Notre frère de classe, Albert Camus, enfant du peuple pauvre qu’il a été, comme pour la plupart d’entre nous l’avons été, fut mis au ban de la société intellectuelle bourgeoise de gauche aussi pour cette raison. Le courant idéologique stalinien, bulldozer mortifère dominant dans les années cinquante l’a ignoré car il avait dénoncé, haut et fort, – et parmi les premiers (L’homme révolté et Les Justes notamment) – les crimes de cette idéologie du bagne et de la mort. 

Comme tout homme, Albert Camus a parfois failli, n’a pas été au terme de ses propres convictions, à l’exemple de la question de l’indépendance algérienne (mais pas du colonialisme qu’il a clairement dénoncé). Ceux qui, hier comme aujourd’hui, ont troqué la vérité historique, celle des faits, de tous les faits, contre de grossiers mensonges aux soubassements idéologiques, ceux qui ont tronqué et continuent de mentir sur son intervention de Stockholm devront assumer le premier mur de la honte aujourd’hui morcelé, éclaté, agonisant. Comme ils devront voir et revoir ou lire et relire encore et encore, nuit et jour, Les Justes (1949). Pour se libérer de leurs propres démons. Camus est un penseur, et par conséquent un homme pétri de grandes idées complexes, trop complexes parfois. Comme il est un homme, il faut le répéter, qui peut faire preuve de contradictions. Nous gagnerons, nous Algériens, à le faire nôtre une fois pour toutes, pour enfin questionner son verbe et l’homme qui le véhicula « un homme fait de tous les hommes, qui les vaut tous et que vaut n’importe quel autre homme » , sereinement à charge et à décharge. Albert Camus aime les arcs-en-ciel dans leurs (et sa) radicalité. Albert Camus c’est la rumba…

AH- 04 janvier 2020

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« Albert Camus adorait danser. Aucune philosophie ne valait à ses yeux le geste où un corps n’exprime que lui-même, surtout s’il exhale une légère odeur de jasmin… Avant d’être le drame qui impose d’être libre et le non-sens où se cache la joie, la vie, pour Albert Camus, c’est la rumba ! (Raphaël Enthoven, Jacques-Perry Salkow- Anagrammes pour lire dans les pensées. Actes Sud, 2016)

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À propos d’Albert CAMUS lire ci-dessous l’article du journal Le Monde (A) , d’écouter/voir la vidéo documentaire (B), et l’émission qui a suivi (C). Enfin, lire plusieurs articles de mon blog : (D) … et le reste

A_ Voici un article du journal Le Monde.fr du 04 01 (concerne la vidéo B).

Un documentaire sur Albert Camus, toujours pertinent soixante ans après sa disparition

Les réalisateurs Fabrice Gardel et Mathieu Weschler retracent dans « Albert Camus, l’icône de la révolte », le parcours et la pensée de l’écrivain. Limpide.

Albert Camus est mort il y a tout juste soixante ans. Fauché par un accident de la route à l’âge de 46 ans. Trois ans plus tôt, il avait été désigné Prix Nobel de littérature. Aujourd’hui, l’auteur de L’Etranger et de La Peste est l’un des écrivains les plus lus au monde. « C’est quelqu’un qui vous donne le goût de la vie, sans jamais vous mentir ni vous rassurer », affirme le philosophe Raphaël Enthoven dans Albert Camus, l’icône de la révolte. Ce court documentaire relate l’existence et le parcours intellectuel du journaliste et écrivain qui a puissamment marqué la vie de ses contemporains et des générations qui ont suivi.

Tout commence de l’autre côté de la Méditerranée pour « ce petit Français d’Algérie » qui voit le jour dans une famille « qui ne sait ni lire ni écrire ». Huit mois après sa naissance, la première guerre mondiale éclate et son père est tué au front. La famille s’installe dans le quartier populaire de Belcourt à Alger. Il n’y a ni eau ni électricité, sa grand-mère gère le foyer « d’une main de fer »« Seuls moi et mes défauts sommes responsables et non le monde où je suis né », écrit Albert Camus, qui restera nostalgique de cette jeunesse où « les plus grands plaisirs ne coûtent rien » : les bains de mer, les parties de football avec les copains. « Le peu de morale que je sais, je l’ai appris sur les scènes de théâtre et dans les stades de foot, qui resteront mes vraies universités. »

Son combat pour une réconciliation

Il obtient tout de même un diplôme de philosophie grâce à une bourse qui lui permet d’aller au lycée. Mais la gravité de la tuberculose qu’il contracte, véritable condamnation à mort à l’époque, l’oblige à renoncer à l’agrégation. Son ami Pascal Pia l’embauche alors à l’Alger républicain. Il défend « un journalisme qui offre une voix à ceux qui n’en ont pas », en premier lieu les Kabyles d’Algérie, marquant l’histoire de la presse.

Résistant, Albert Camus s’impose comme le rédacteur en chef du quotidien clandestin Combat et dénonce la barbarie nazie, les goulags du communisme soviétique, l’usage des armes nucléaires. Les batailles qu’il mène contre les dérives totalitaires de son temps font de lui une figure de la révolte reconnue à l’étranger. Face aux atrocités de la guerre en Algérie, il se bat pour une réconciliation par le dialogue et des droits supplémentaires pour la population arabe. Mais « il n’accepte pas [l’idée d’une indépendance], c’est charnel pour lui », constate l’écrivain Salim Bachi.

Des paradoxes assumés

Ponctué de sonores d’Albert Camus, le documentaire ne fait l’impasse sur aucun des paradoxes que l’écrivain assumait – à l’image de Meursault, le héros qui « refuse de mentir » de L’Étranger –, et déploie efficacement les nuances de sa pensée, hermétique à la diabolisation ou à la déshumanisation. « Lorsqu’il traite de la difficulté qu’on a à dialoguer, parfois on a l’impression qu’il a connu les réseaux sociaux », observe Marylin Maeso, professeure de philosophie et auteure de L’Abécédaire d’Albert Camus (à paraître le 8 janvier aux éditions de L’Observatoire). « Quand il dit celui que j’insulte, je ne connais plus la couleur de son regard, on a l’impression qu’il parle de Twitter. »

Les témoignages de sa fille, Catherine Camus, pas dénuée d’humour, du rappeur Abd Al Malik, auteur de Camus, l’art de la révolte et d’une adaptation de la pièce Les Justes, ou de l’auteur de BD Jacques Ferrandez, apportent des éclairages signifiants. La diffusion du documentaire est suivie d’un débat animé par Jérôme Chapuis.

Par Mouna El Mokhtari – In Le Monde.fr- 04 janvier 2019

B_ Cliquer ici pour écouter/voir la 1° vidéo sur A. CAMUS

J’ai trouvé ce documentaire globalement intéressant. Certains passages (comme « l’arrivée de centaines de milliers de français… » alors qu’il s’agit d’une colonisation) sont discutables… , ou encore sur l’Algérie…. objections classiques)

C _ ICI POUR VOIR L’ÉMISSION QUI A SUIVI

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D _ je vous propose ces pages de mon blog :

NOVEMBRE 2008_ Cliquer ici pour lire l’article

JANVIER 2010 – Cliquer ici pour lire l’article

NOVEMBRE 2010 – Cliquer ici pour lire l’article

JANVIER 2013 – Cliquer ici pour lire l’article

JANVIER 2015 – Cliquer ici pour lire l’article

NOVEMBRE 2016 – Cliquer ici pour lire l’article

JANVIER 2018 – Cliquer ici pour lire l’article

Le CINTRA_ Oran (2 photos)

Albert CAMUS a résidé dans cet immeuble, rue Ben M’hidi (ex rue d’Arzew) ORAN (2 photos)

c

Cliquer ici pour écouter l’émission de France Inter « Comment Albert Camus peut-il changer notre vie? » – vendredi 3 janvier 2020

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Albert Camus : « Je ne connais qu’un devoir, c’est celui d’aimer »

25/06/2018 (Mis à jour le 06/01/2020)

Camus nous raconte la méchanceté du quotidien, l’ambivalence du soleil, la tendre indifférence du monde et la folie des hommes sacrifiant l’étal de leurs certitudes celui qui, parce qu’il ne sait pas mentir ni pleurer, ne leur ressemble pas. Relire Camus en ces temps troublés.

Aujourd’hui presque unanimement considéré comme un des grands hommes de la Nation, Albert Camus fut pourtant beaucoup décrié et critiqué par le passé. Camus n’a pas toujours été légitime en son temps. Libertaire refusant les extrémismes, défenseur de la classe laborieuse refusant le stalinisme. Réformiste contre le statu quo. Il faut aussi rappeler le contexte dans lequel s’inscrit la pensée de Camus : celui de la résistance, puis de l’épuration, du début de la consommation de masse, de la guerre d’Algérie, et de la fascination de beaucoup d’intellectuels français pour le système soviétique. 

CLIQUER ici pour la vidéo: Une table ronde enregistrée en février 2018.

Pour le site de l’émission, cliquer ici

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Jacques Ferrandez, auteur de bande dessinée, Il a adapté la nouvelle L’Hôte en 2009, et L’Étranger en 2013

Saad Khiari, cinéaste, auteur de Le Soleil n’était pas obligé

Christian Phéline, président de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

Agnès Spiquel, présidente de la Société des études camusiennes

Michel Thouillot, écrivain, auteur de L’Affaire Meursault

Yves Chemla, critique littéraire et enseignant à l’IUT de Paris.

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CLIQUER ICI pour écouter L’ÉMISSION FRANCE CULTURE: LE PREMIER HOMME_ ALBERT CAMUS- 02 SEPTEMBRE 2018

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CLIQUER ICI pour voir « Les vies d’Albert Camus »

F3: « Albert Camus meurt à 46 ans, le 4 janvier 1960, deux ans après son prix Nobel de littérature. Auteur de «L’Étranger», un des romans les plus lus au monde, philosophe de l’absurde et de la révolte, résistant, journaliste, homme de théâtre, Albert Camus a connu un destin hors du commun. Enfant des quartiers pauvres d’Alger, tuberculeux, orphelin de père, fils d’une mère illettrée et sourde, il s’est arraché à sa condition grâce à son instituteur. Français d’Algérie, il ne cessa de lutter pour l’égalité avec les Arabes et les Kabyles, tout en redoutant l’Indépendance du FLN. Fondé sur des archives restaurées et colorisées, et des témoignages de première main, ce documentaire tente de dresser le portrait de Camus tel qu’il fut. »

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CLIQUER ICI POUR VOIR LA PIÈCE « LES JUSTES »

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ou CLIQUER ici: « LES JUSTES »:

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CLIQUER ICI POUR LIRE « Misère de la Kabylie » (suivi du Discours de Stockholm)

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