L’élection présidentielle…

L’élection présidentielle, une chance pour l’Algérie- mars 1999

                                 A l’attention de Monsieur Jacques AMALRIC _ Libération

                                                             

L’élection présidentielle, une chance pour l’Algérie

Dire que les généraux algériens n’admettent que des idées et hommes sous influence relève du sens commun mais la courte histoire de l’Algérie indépendante est jalonnée d’exemples suffisamment éloquents montrant que la cohésion de l’oligarchie militaire fut maintes fois mise à mal.

Nous affirmons que le séisme d’octobre 1988 a fini par rattraper le pouvoir algérien, couplé avec l’évolution d’un monde à la fois plus dure pour les sociétés fragiles mais aussi à l’endroit des régimes arrogants.

Depuis de nombreuses années nous vivons dans une réalité tragique faite de sang et de haine. Cette réalité est marquée depuis quelques mois par une atmosphère grosse à la fois d’espoir et d’appréhension. Espoir que notre pays sorte de cet enfer, appréhension qu’il ne s’y enfonce davantage.

Notre objet est de mettre en relief d’une part les événements actuels qui accréditent ces propos et d’autre part montrer comment –  de notre point de vue – nous pouvons soit basculer dans la concrétisation de l’un soit nous immerger dans l’autre.

En septembre dernier l’exacerbation des conflits au sein du pouvoir atteint  des sommets himalayens. Ces antagonismes se traduisent notamment par la publication – partielle – d’une série de scandales qui éclaboussent le président Zeroual. Forcé de démissionner avant échéance et par conséquent confier l’intérim à qui de droit, il annonce des élections présidentielles anticipées pour au plus tard le mois de février 1999 (puis avril). Cet artifice inconstitutionnel permet au président sortant de maîtriser le processus  aboutissant à sa relève. Ce départ consacre non seulement l’échec de Zeroual qui ne concrétise pas ses promesses électorales mais aussi celui de toute la stratégie cahoteuse suivie depuis plusieurs années.

Bien que donnée comme probable, la forme que prend cette retraite déconcerte nombre d’observateurs; mais surtout une fraction adverse au sein du pouvoir. Le temps ne suffit pas à celle-ci pour trouver un candidat idéal qu’agréerait la majorité du collège. Nous nous trouvons dans une situation inédite. C’est en effet la première fois que les « décideurs » n’aboutissent pas à un consensus dans une affaire de si haute importance.

Lorsque  A. Bouteflika ( pressenti puis écarté lors de la Conférence Nationale de janvier 1994) est « tiré du chapeau », l’empressement désarticulé de certains décideurs à vouloir faire avaliser cette entourloupette vite dénudée par une confidence  (ou bévue) n’a d’égal que le vaste et spontané mouvement de désapprobation apparu y compris et d’abord chez des hommes élevés au sérail comme le candidat potiche révélé. Cela est un autre élément fort à relever. Combiné avec la démission du ministre-conseiller auprès de la Présidence, ce mauvais tour a pour effet de fissurer le « parti de Betchine » dont plusieurs membres de la direction manoeuvraient en vue des élections déclarées.

Nous osons croire que le champ politique dans tout ce qu’il recèle comme potentialités et pratiques, bien que fortement secoué ne s’avoue pas vaincu devant cette confusion mais qu’il est bien au contraire fermement décidé à faire aboutir ses revendications. C’est le sens que nous donnons à la démarche commune de ces partis et personnalités politiques aux horizons et desseins divers qui saisissent que la conjoncture alimentée par des convulsions sans précédent au sommet de la hiérarchie militaire, est propice. L’opinion publique est quant à elle prise à témoin.

Lors de l’intervention du 12 février le président Liamine Zeroual réitère sa ferme volonté de mener à terme et dans la transparence la future élection présidentielle. D’un côté il vise à rassurer ces partis et personnalités; de l’autre il émet un signal fort en direction de la classe politique dans son ensemble mais aussi et prioritairement envers les responsables en charge des institutions de l’Etat. Nous retenons particulièrement cette mise en garde voilée: « Je voudrai réaffirmer, pour être encore une fois parfaitement clair, que je suis déterminé à assumer pleinement mes engagements concernant le déroulement sain et démocratique du prochain scrutin, notamment ceux relatifs à l’impartialité de l’Administration et de toutes les institutions de l’Etat. »

Les termes de la réaction immédiate du général à la retraite et ancien chef d’Etat-major conforte les appréhensions des uns et des autres. En ces moments difficiles et incertains ça et là des  allusions et autres appels du pied pour l’arrêt de ce processus en cours se font jour. Diversement relayés, ils sont d’une extrême gravité et porteurs de tous les  dangers car ils risquent d’ébranler la cohésion ténue du peuple algérien.

L’élection présidentielle anticipée du 15 avril prochain – si elle a lieu – est une chance historique inouïe qui s’offre à l’Algérie pour enfin asseoir les fondations d’une sortie graduée de la nasse et entrer dans une étape qualitative de construction d’une véritable transition démocratique dans la sérénité. Des préalables s’imposent néanmoins pour ce faire. Primo il y a une nécessaire et forte mobilisation pacifique des citoyens pour faire avorter toute velléité de remise en cause. Pour ce faire il y a urgence absolue à se démarquer des crypto-pyromanes et de leurs discours belliqueux . Deusio les autorités – toutes les autorités – doivent montrer que les leçons du passé sont retenues, par l’ordonnancement de mesures concrètes – connues et rappelées – palpables quotidiennement. Tertio enfin, la neutralité minimum de tous les services est une autre condition sine qua non. Nous disons minimum car nos convictions en ces domaines sont fragiles et récemment encore secouées par les  « indiscrétions » d’un hebdomadaire déchaîné. 

Nous nous autorisons à espérer que dès lors que ces conditions sont réunies, le déroulement de l’élection présidentielle du 15 avril 1999 sera à la hauteur des attentes des citoyens. Le choix du peuple algérien devra s’imposer à tous par tous les moyens légaux, sans quoi….Ubi solitudinem faciunt, pacem appellant (1).

Ahmed Hanifi

Militant des droits de l’homme.

Sociologue

(1) Tacite : Ubi solitudinem faciunt, pacem appellant = « Où ils font un désert, ils disent qu’ils ont fait la paix. » ( ce point (1) a été ajouté le 11.01.2021)

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