C’était avant le téléphone portable

Vous vous souvenez ? c’était avant le téléphone portable.

« L’Union internationale des télécommunications (UIT) indique que 4 milliards de personnes sont abonnées à un service téléphonique (1,27 milliard d’abonnements à des lignes fixes, et 2,68 milliards de lignes d’abonné mobiles ». La lecture de cette information m’a plongé spontanément dans l’époque où le téléphone mobile grand public n’existait pas, l’époque de mon adolescence, celle de mes vingt ans (au début des années 70) et jusqu’aux premières années de la décennie 90 ! Je me souviens comme nombre d’entre vous de cette période où le « portable » (on dira aussi ne sachant pas encore trop : « mobile »), cette période disais-je où le « portable » était encore à inventer (à commercialiser à grande échelle, car il existait bel et bien dans des centres de recherche par exemple où dans certaines organisations). Je me souviens de la forme de l’ensemble, arrondie ou anguleuse, du combiné en bakélite (le plus souvent noir, mais gris aussi, blanc, orange ou rouge…) Je me souviens du cadran du téléphone (chiffres et lettres : 2 abc- 3 def- 6 mn- 7 prs etc.) et du bruit caractéristique qu’il causait au moment de composer un numéro, lorsqu’on glissait notre doigt dans la fente ronde correspondant au chiffre du numéro et qu’on la tirait complètement à droite. Je me souviens des attentes infinies à la poste. Je me souviens de l’opératrice au bout du fil (qui parfois écoutait les conversations, surtout les plus intimes) qui ne comprenait pas que j’insiste pour avoir mon numéro de téléphone à l’étranger. Je me souviens des grésillements insupportables et des fritures qui allaient avec. Je me souviens de la facture incontrôlable des PTT d’Oran. C’était hier et pourtant déjà bien longtemps. Je me souviens de l’obligation de rester à la maison car tel jour – jamais certain –, nous attendions un coup de fil d’une importance première ou majeure. Je me souviens des appels en PCV. Je me souviens des suspensions de ligne (rarement clôture) pour cause d’impayé et du temps et des démarches compliquées à entreprendre pour la rétablir. Je me souviens de l’obligation – pour appeler tel ami ou tel cousin qui ne disposait pas de l’ingénieux sésame –, l’obligation de téléphoner chez des voisins de cet ami ou de ce cousin, les déranger eux ces voisins et le faire se déplacer lui l’ami ou le cousin (nous osions). Je me souviens de certains voisins qui venaient chez nous téléphoner fréquemment et qui laissaient toujours une ou deux pièces, mais parfois rien. C’étaient nos voisins. Je me souviens de ces communications qui ne nous étaient pas destinées et la rage de la personne au bout du fil lorsqu’elle s’entendait répondre « vous faites erreur ! » et s’apercevait donc que le système ou le mystère de la technique avait raté sa cible (les lignes, très alambiquées, devaient se croiser). Je me souviens des fils qui s’entortillaient, formant des enlacements infernaux presque vivants qui faisaient le bonheur du chaton ou de rongeurs invisibles. Je me souviens de la sonnerie unique et infernale elle aussi qu’on nous imposait (+ pour augmenter le son et – pour le diminuer). Celle-là même qui chatouillait ou perturbait l’oreille de l’inspecteur Antoine du Quai des Orfèvres de Clouzot. N’était-ce pas celle de Maigret dans l’affaire Saint Fiacre ? A moins que… ? Je me souviens de l’empressement que nous avions parfois à vouloir téléphoner au moment même où quelqu’un d’autre, un frère, une sœur, s’y engageait. Je me souviens du cadenas frustrateur qui nous interdisait nous les adolescents d’avoir accès au téléphone (répondre oui, composer non). Les parents seuls détenaient la clé. Je me souviens. Vous vous souvenez ? C’était le temps avant le téléphone portable. C’était au temps des lectures de Blek le Roc et de Perec, sous la couette (el- frèch).

Mai 2010 (retouché en mai 2016)

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