« Hayy ben Yaqdhân » d’Ibn Thufaïl

« Hayy ben Yaqdhân » d’Ibn Thufaïl- samedi 9.12.2023- 13/18

« Toute la première partie des deux Tahafot (Incohérence), celui d’El Ghazali (Tahafot al falasifa) et d’Ibn Rochd (Tahafot at tahafot), est consacrée à la discussion, très étendue et très approfondie, du problème de l’éternité du monde, » écrit le traducteur, Léon Gauthier. « Toute la première partie des deux Tahafot, celui d’El Ghazali et d’Ibn Rochd, est consacrée à la discussion, très étendue et très approfondie, du problème de l’éternité du monde, » écrit le traducteur, Léon Gauthier. Les ouvrages en question sont, pour El Ghazali « Tahafot al falasifa » (Baghdad 1095) et pour Ibn Rochd « Tahafot at tahafot » (Andalousie 1179), écrit en guise de réponse et de « réfutation systématique ». 

Une autre question mobilisera Hayy des années durant sur le producteur (le mouhdith) de ce monde et sur le moment et les raisons (les causes) de cette production (el hadit). Il examina toutes les possibilités, sur la non-corporéité du producteur, sur l’absence de toutes les propriétés corporelles, sur sa connaissance du monde et son pouvoir sur lui. Et Ibn Thofail de rappeler le verset 14 de la sourat 67 el-Moulk. Quelle que fut la voie méditative que Hayy empruntait, elle aboutissait au même résultat, l’existence d’un Auteur incorporel, cause de toutes les choses et elles ses effets. Il observait désormais les choses existantes d’un autre point de vue « pour y trouver des exemples de la puissance de leur Auteur. »

Hayy mena toutes ses réflexions jusqu’à l’âge de 35 ans. « L’intérêt qu’il éprouvait maintenant pour cet Auteur s’était enraciné en son cœur si profondément qu’il ne lui laissait plus le loisir de penser à autre chose que Lui… Son cœur se dégageait entièrement du monde sensible, pour s’attacher au monde intelligible. » 

Il était évident qu’il percevait cet Être (Auteur) par sa propre essence qu’aucune des qualités corporelles ne satisfaisait. Son essence n’était donc ni corporelle ni corruptible. C’est alors qu’il eut « un dédain absolu pour son corps. » Il se posait la question du devenir de son essence, « quelle serait sa condition quand elle aurait abandonné le corps » ?

Il se pencha sur les facultés perceptives (ouïe, odorat, etc.) et vit qu’elles étaient « tantôt percevantes en puissance, tantôt en acte ». En puissance, lorsqu’elles ne sont pas sollicitées, en acte lorsqu’elles sont en fonctionnement. Ibn Thufaïl écrit concernant l’œil : « pendant qu’il est fermé ou qu’il se détourne de l’objet visuel, il est percevant en puissance ». Selon que la perfection ou la beauté d’un objet sont élevées ou non, le désir qu’il inspire peut être grand ou non, et vive ou non peut être la douleur de sa perte. Hayy était certain que « l’Être nécessaire possède tous les attributs de la perfection, aucun de la défectivité », et que la chose par laquelle il arrivait à le connaître ne ressemble pas aux corps et ne périt pas comme eux. Il conclut de tout cela :  que celui qui a cette faculté à même de concevoir cet Être suprême, à sa mort :

« Ou bien il n’a acquis aucune notion de cet Être nécessaire dont il n’a jamais entendu parler. Dans ce cas il ne souffre pas d’en être séparé (cas des animaux, des plantes) et ne souffre pas d’en être séparé. Ou bien il a connu la perfection et la beauté de cet Être, et qu’il s’en est détourné pour suivre ses passions, atbaâ hawah, ( ‘‘pour suivre ses ‘inclinaisons’ vicieuses’’ écrit Quatremère). Dans ce cas il demeure dans des souffrances infinies. Ou bien il s’est tourné tout entier vers l’Être nécessaire. Dans ce dernier cas, il se perpétue dans une volupté infinie, dans une félicité, une allégresse éternelles. » Hayy se demanda comment parvenir à parfaire sa vision en acte, de sorte à ne plus s’en détourner. Les bêtes qu’il a observées, occupées à satisfaire leurs instincts, ne lui furent d’aucune utilité.

Lorsqu’il reprit son étude des astres et les sphères il constata « qu’ils évoluent selon certaines lois, que leurs mouvements sont réglés… et qu’outre leurs corps ils disposent, très probablement, d’essences (qui ne sont ni des corps, ni imprimées en eux) connaissant cet Être nécessaire. » « Hayy se demanda pourquoi il avait, seul parmi les espèces animales, le privilège de cette essence. » Cette essence qui le rendait semblable aux corps célestes.

(à suivre)

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