« Hayy ben Yaqdhân » d’Ibn Thufaïl

« Hayy ben Yaqdhân » d’Ibn Thufaïl- jeudi 7.12.2023- 11/18

Comme il l’a expliqué pour les propriétés de pesanteur et de légèreté, Ibn Tufayl écrit que l’esprit animal qui se trouve dans le cœur doit avoir un attribut, une qualité qui est à la source de toute sensation, d’opération représentative, de mouvement. Un attribut « qui est sa forme la plus spécifique, il est l’âme animale », enefs el-hayawāniya, et non plus « l’esprit animal », errouh el-hayawāni.

Concernant les plantes, Ibn Tufayl nomme « l’âme végétative » enefs ennabātiya cette chose qui leur est propre et désigne « nature » ce qui relève des corps inanimés. Toute chose est donc composée de deux attributs que Hayy a minutieusement étudiés (attribut de corporéité commun à tous les corps de la catégorie concernée et un autre surajouté lequel est singulier). C’est à l’un d’eux qu’il va désormais s’intéresser. Celui auquel on donne le nom d’ « âme », précisément l’âme animale », enefs el-hayawāniya. Dans une note explicative, Léon Gauthier, le traducteur, écrit : « l’âme considérée (ici) dans sa forme, par opposition à sa matière, matière qui chez l’animal est ‘‘l’esprit animal’’. Hayy, poussa son étude « en la serrant de près ». Il prit comme exemple un groupe (les corps terreux : terre, pierres, métaux, animaux et plantes…) Il constata que tous les corps du groupe possèdent en commun une forme (f) d’où émane des actes, comme ici « le mouvement vers le bas ». La division « plantes et animaux » de ce groupe possède donc cette forme (f) et une autre d’où émanent la nutrition et la croissance, c’est l’âme végétative (f1), une autre subdivision, « animaux », possède f, f1 et une autre forme (f3), spécifique, d’où émanent la sensation et la locomotion.

L’essence de certains de ces corps (animaux, plantes) est composée de caractères nombreux surajoutés à l’attribut corporéité. Celle d’autres (feu, eau, terre, air) de caractères ou attributs moins nombreux. Hayy étudia ces derniers corps en priorité et constata que leur corporéité est dépourvue d’attributs distinctifs.

Il en conclut que s’il peut se trouver un corps dépourvu de toute forme surajoutée à la corporéité, il ne possède aucune de ces qualités liées à l’humidité, à la température, et ne saurait avoir aucune qualité qui ne soit commune à tous les corps revêtus de n’importe quelles formes.

En tous les corps, vivants ou inanimés. Il chercha en vain une qualité commune. Sauf la notion d’étendue (largeur, longueur, profondeur). Il se demanda si cette étendue, prise seule, constitue la notion de corps.

Il prit de l’argile et lui donna une figure puis d’autres (sphère, cube, ovoïde). Il constata que les grandeurs de ces figures changent. Quant à l’argile, elle ne change pas bien qu’elle ne peut être privée des mesures.

Les dimensions sont une notion à la fois différente de l’objet (ici l’argile) et partie de son essence. La conclusion de Hayy est la suivante sur ce point : le corps est composé de deux propriétés. 

L’une joue le rôle des dimensions (et de leur forme) de l’argile, l’autre celui de la matière. Léon Gauthier attire l’attention sur le sens de ce terme, madda, de imtidad qui signifie extension, et sur sa proximité avec le terme grec aristotélicien hylè qui signifie matière et qu’Ibn Tufaïl transcrit ‘‘el-hayoula’’. Hayy était depuis quelque temps submergé par l’inquiétude. Il s’était éloigné du monde sensible pour se rapprocher de celui de l’abstraction, de l’intelligible. Il décida de revenir au monde premier auquel il était habitué, particulièrement aux plus simples, aux quatre éléments que sont le feu, l’eau, la terre et l’air qu’il connaissait bien.

Il observa l’eau et s’aperçut que selon son état (froid, chaud) elle se mouvait vers le bas, vers le haut. Que ces mouvements pouvaient disparaître et sa forme avec eux. « Le philosophe sans maître » savait que tout ce qui est produit a nécessairement un producteur. « En son âme, avec des linéaments, se dessinait la notion d’un Auteur de la forme. » (fāîl essoura). Auteur ou agent.

(à suivre)

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