Archives de catégorie : FRANCE

Françafrique

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Cliquer ici pour écouter l’intervention de Nathalie YAMB au forum de Sochi (Russie)

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Sputniknews: « Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’intervention de Nathalie Yamb au sommet Russie-Afrique qui s’est tenu les 23 et 24 octobre à Sotchi aura fait sensation. Sputnik s’est entretenu avec la conseillère exécutive de Mamadou Koulibaly, candidat à la présidentielle ivoirienne de 2020, qui rêve d’une Afrique véritablement libre et prospère.

«Force est de constater qu’après l’esclavage, la colonisation, les pseudo-indépendances, on ne nous a reconnu que le droit d’être libres, mais seulement au sein de l’enclos français. L’Afrique francophone est encore, en octobre 2019, sous le contrôle de la France.»

C’est ce que n’a pas hésité à marteler, entre autres, Nathalie Yamb lors d’un discours prononcé lors du sommet Russie-Afrique où étaient réunis, les 23 et 24 octobre derniers, une quarantaine de chefs d’État africains.

Très vite, des centaines d’internautes de par le monde ont salué le «courage» d’une Africaine en qui ils voient désormais un porte-étendard d’un continent en quête d’affirmation de soi et de liberté.

Un triomphe auquel Nathalie Yamb, conseillère exécutive de Mamadou Koulibaly, candidat investi par le parti Liberté et démocratie pour la République (LIDER) pour la présidentielle ivoirienne de 2020, était loin de s’attendre.

En exclusivité pour Sputnik, la femme politique de 50 ans a accepté de revenir sur des points clés de sa prise de parole à Sotchi – comme le franc CFA et les accords de défense entre la France et certains pays africains, mais aussi sur la vie politique en Côte d’Ivoire.

Sputnik: Comment se fait-il que vous ayez été conviée à prendre la parole au sommet Russie-Afrique?

Nathalie Yamb: «L’année dernière, l’Association pour la recherche libre et la coopération internationale (AFRIC) avait invité le professeur Mamadou Koulibaly à une conférence à Madagascar. L’association m’a par la suite conviée à participer à un séminaire de prospective sur l’Afrique à Berlin. Ce que je leur ai présenté à Berlin leur a plu, ils m’ont alors proposé de prendre part au sommet. Je trouve les autorités russes totalement décomplexées: elles n’ont pas hésité à inviter des opposants, en l’occurrence le professeur et moi, et elles m’ont même offert une tribune.

Il y aura le sommet France-Afrique en juin 2020. Je ne sais pas si le Président Emmanuel Macron, qui s’est pourtant dit ouvert à une réforme du franc CFA, pourrait m’inviter ou le professeur Mamadou Koulibaly pour discuter du sujet.

Au passage, nous avons constaté que la page Facebook d’AFRIC a été désactivée le 29 octobre dernier par le réseau social, sans aucune explication.» »

https://fr.sputniknews.com/afrique/201910311042355177-nathalie-yamb-nouvelle-heroine-de-la-liberation-de-lafrique-depuis-le-sommet-de-sotchi/

___________ Réactions ______________

Elle démonte la Françafrique, Nathalie Yamb, conseillère de Mamadou Koulibaly bannie de Wikipédia, Facebook et interdite de séjour en France

Nathalie Yamb s’est visiblement attirée des ennemis après avoir dénoncé, à Sotchi, les travers de la coopération franco-africaine. La Conseillère exécutive de Mamadou Koulibaly vient de se voir retirée de Wikipédia.

Invité par Vladimir Poutine lors du Forum Russie – Afrique de Sotchi, Mamadou Koulibaly s’est rendu en Russie en compagnie de sa collaboratrice Nathalie Yamb. Appelée à intervenir sur les urgences de développement de l’Afrique francophone, la souveraineté sur les valeurs africaines et le rôle que la Russie peut jouer, la Conseillère du Président de Lider (opposition) a fustigé la Françafrique qui, selon elle, est la cause de tous les malheurs des Etats africains francophones.

La réaction à cette sortie de Nathalie Yamb ne s’est pas fait attendre, et l’éveilleuse de conscience de Liberté et de démocratie pour la République l’a appris à ses dépens. La page Wikipédia créée en son nom vient d’être aussitôt supprimée par des mains occultes. Idem pour celle créée sur Facebook pour ouvrir une lucarne sur cette étoile montante de l’émancipation totale de l’Afrique.

«Je ne croyais pas si bien dire. La page FB d’AFRIC a été désactivée par Facebook hier, ainsi que celle de son animateur. Sans explication. Une page Wikipédia à mon nom a été supprimée » a réagi Madame Yamb sur Twitter, avant d’accuser : « Le Quai d’Orsay qui essaie piteusement de réagir à mon speech. On va sortir. Pian! »

En soutien à sa conseillère, Mamadou Koulibaly, ancien Président de l’Assemblée nationale ivoirienne, a tweeté : « Quelqu’un écrit une page Wikipédia sur Nathalie Yamb. Quelqu’un vient tout de suite effacer la page Wikipédia sur Nathalie Yamb. » Poursuivant, le candidat déclaré à l’élection présidentielle de 2020 en Côte d’Ivoire prévient, à travers cette citation de Me Yoda : « La peur est le chemin vers le côté obscur : la peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine … mène à la souffrance. ».

Notons que Wikipédia est une encyclopédie universelle, multilingue, créée par Jimmy Wales et Larry Sanger. C’est le cinquième site le plus fréquenté au monde, et qui donne des informations générales sur divers sujets et divers personnalités à travers le monde.

LA FRANCE EST UN PAYS DÉLINQUANT

La Lettre du continent révèle que la panafricaniste Nathalie Yamb est interdite de voyage en France et fichée S pour ses liens avec La Russie.

La note Fiché S est attribuée par les services de renseignement français pour désigner un individu qui est suspecté de porter atteinte à la sécurité ou l’ordre publique en France. On y trouve à la fois des terroristes, des activistes écologistes ou de simples manifestants Gilets jaunes comme Eric Drouet.

En outre, après son discours vigoureux et véridique prononcé au Sommet Russie Afrique de Sotchi, l’encyclopédie numérique Wikipedia a désactivé sa biographie en ligne.

Voici les odieux agissements de la France qui se prétend terre des droits de l’homme mais intimide ceux qui refusent de faire ses éloges ou révèlent ses pratiques criminelles en Afrique quelle veut occulter . Où est la différence entre ses méthodes et celles des dictatures quelle prétend combattre ?

In : https://firstmagazine.net/apres-son-recent-discours-a-sotchi-russie-nathalie-yamb-interdite-de-sejour-en-france/

Ghaleb BENCHEIKH 29 octobre 2019

Ghaleb BENCHEIKH surr C.NEWS_ Mardi 29 octobre 2019- À propos de l’attentat de Bayonne, du voile, de l’irresponsabilité…

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CLIQUER ICI pour voir la vidéo de C. NEWS avec GHALEB BENCHEIKH

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LES COMMENTAIRES CI-DESSOUS ONT ÉTÉ AJOUTÉS CE JEUDI 14 NOVEMBRE À 11H15

En postant la vidéo sur Ghaleb Bencheikh, j’étais loin d’imaginer qu’elle deviendrait virale. Depuis neuf jours, plus de cent mille vues, 2100 partages, mille commentaires. Hélas souvent dénués d’analyse, de réflexion, de point de vue argumenté. Définitifs et catégoriques, les commentaires sont rarement interrogatifs, peu constructifs. Parfois (plus que parfois) injurieux. On peut posséder une part de vérité, mais on pérore disposer de LA vérité. Hélas.

À beaucoup d’entre nous il n’a pas été donné l’occasion (études…) d’apprendre à échanger, à donner son point de vue, à argumenter, à respecter le point de vue d’autrui. Nous avons été habitués, dans les pays à régime non démocratique, au Maghreb comme dans tous les pays musulmans, tous les pays arabes, à ne pas réfléchir, à lancer des slogans entendus (souvent dans les médias officiels ou soumis) à les répéter. Lorsqu’il s’agit de l’Islam, cela atteint l’aveuglement. L’intolérance est insensée. Chacun se fait à la fois exégète, imam, juge et procureur de conscience.

En France ou dans d’autres pays démocratiques les citoyens apprennent dès le secondaire à relativiser le propos, à agencer un argumentaire, à écouter les critiques, à ne pas exclure définitivement « l’autre ». Malheureusement et pour des raisons bassement matérielles, ce sont souvent les déclarations radicales, le plus souvent médiocres, mais qui sont à même de faire de l’audimat ou du buzz, qui sont privilégiées. Leurs émetteurs sont le plus souvent convaincus par leurs propres discours, même s’ils s’inscrivent dans une compétition politico-médiatique. On le constate jusque chez des hommes politiques (Sarkozy, Valls, Le Pen.s), médiatiques (Zemmour, Finkielkraut, Galzi…), intellectuels  (Houellebecq, Millet…)

À propos du traitement médiatique, on est loin en France d’un « Conseil de déontologie de la presse ».

Pour revenir à la vidéo montrant Ghaleb Bencheikh, celle-ci fut suivie de commentaires fréquemment inacceptables, déplorables.

CLIQUER ICI pour lire les commentaires postés sur FACEBOOK

https://www.facebook.com/ahmedhanifiahmed/posts/10221192280055745?notif_id=1605191949857665&notif_t=feedback_reaction_generic&ref=notif

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CLIQUER ICI pour accéder au site de LA FONDATION DE L’ISLAM DE FRANCE

Ci après la transcription de l’intervention de Ghaleb Bencheikh sur C. NEWS:

Ghaleb Bencheikh était l’invité de L’Heure des pros animée par Pascal Praud sur CNews, le mardi 29 octobre 2019.

Il répondait aux questions de Pascal Praud, Gilles Verdez, chroniqueur, auteur, Jérôme Béglé, directeur adjoint du magazine Le Point, Gilles-William Goldnadel, avocat, essayiste, et Arnaud Ardoin, journaliste.

Verbatim

Pascal Praud : Que pensez-vous du climat actuel en France et de l’attentat de la mosquée de Bayonne ?

Ghaleb Bencheikh : Les tensions que vit notre pays ne datent pas que d’hier soir. Il y a sans doute une convulsion paroxystique qui est arrivée il y a quelques semaines, et peut-être même il y a 30 ans avec l’affaire de Creil. Comme citoyen, républicain, je ne veux pas ajouter de la polémique à la polémique, de la surenchère verbale, de l’acrimonie. Il ne faut pas en arriver à la conflagration vers laquelle nous allons à petits pas selon certains, à bas bruit selon d’autres. Vous ne m’entendrez jamais tenir des propos irresponsables comme le font certains relayeurs d’opinion.

Une crise ne se dénoue que lorsqu’elle atteint son paroxysme : l’attentat de Bayonne en est un. Et ce n’est pas parce qu’il s’agit d’une mosquée. Un lieu de culte quel qu’il soit – synagogue, pagode, temple, église – sous la voûte commune de la laïcité, ne doit pas être attaqué.

Pascal Praud : Partagez-vous l’analyse de Jean-Luc Mélenchon ? Y a-t-il une hystérie autour de l’islam et des propos nauséabonds autour de cette religion ?

Mon attachement est d’abord à la Nation. Nous avons pâti d’un islamisme radical, politique, d’un extrémisme violent. Nous avons connu une annus horribilis, 2015, et les idées wahhabo-salafistes nous ont minés. Hélas, et cela ne minimise pas ce que je viens de dire, dans le tintamarre auquel nous avons assisté, des prises de parole irresponsables ont glissé de la condamnation de l’islamisme politique au fait d’être musulman in globo.

Pascal Praud : A qui pensez-vous ?

On avait le 28 septembre dernier lors d’une convention dite de toutes les droites un rhéteur de piètre qualité oratoire qui a affirmé qu’il y avait un choix à faire entre l’islam et la France…

Pascal Praud : Le débat sur le voile est-il un bon débat ? Un faux débat ?

Le débat doit être d’abord et surtout intra-islamique. Je déplore que les théologiens, les intellectuels, les philosophes musulmans n’aient pas pris cette affaire à bras le corps. Les passages sur le voile ne sont pas aussi clairs que ça.

C’est un bon et vrai débat, mais il faut savoir le mener avec intelligence, raison, objectivité et sans passion.

Pascal Praud : Sans passion ? C’est difficile puisque c’est un point de cristallisation.

Raison de plus pour ne pas perdre la raison !

Pascal Praud : Quel est votre avis sur le voile ?

D’abord, la République a manqué d’autorité il y a 30 ans de cela. Le ministre de l’Education d’alors s’est défaussé sur le Conseil d’Etat et le Conseil d’Etat a fait du droit au lieu de faire de la politique. Ensuite, revenons-en aux faits, indéniables : dans les sociétés musulmanes, à partir des années 1920 et jusqu’à la Révolution de Khomeiny et la collusion avec le wahhabo-salafisme, ces affaires de voile étaient réglées. Dans les années 1960-70, je mets au défi quiconque trouvera une jeune fille allant à l’école ou à l’université voilée. Et je parle des sociétés musulmanes !

Pascal Praud : Que s’est-il passé pour qu’on en soit là 40 ans plus tard ?

Il y a eu de la démission, de la lâcheté, des calculs politiques partout ! Quand on voit ce qui a été investi dans la fameuse politique des Grands frères, la politique de la Ville, alors que la Fondation de l’Islam de France doit quémander parce qu’elle a des moyens epsilonesques pour laisser place à l’éducation, la culture, la connaissance, pour qu’on se réapproprie l’islam aristotélicien qu’on a effacé des mémoires ! C’est comme cela qu’on gagne la bataille des idées ! Il faut extirper des consciences apeurées et culpabilisées l’offensive islamiste salafiste.

Pas plus tard qu’aujourd’hui, nous entendons encore que le voile est une prescription religieuse…

Pascal Praud : Qui a déclaré que le voile était une prescription religieuse ? Le CFCM ?

Ce sont les déclarations de ce que je pourrais appeler “un synode” qui s’est tenu au lendemain de la rencontre entre le Président de la République et des hiérarques musulmans du CFCM. Je ne veux pas aller dans les polémiques, mais il se trouve que cette instance qui n’a aucune compétence théologique s’est prononcée sur ce sujet – d’une manière que l’on a d’ailleurs du mal à comprendre : on nous dit à la fois que c’est une prescription religieuse et que pour celles qui ne le portent pas, ce n’est pas bien grave. Eh bien non ! A un moment donné, il faut déculpabiliser les consciences !

Arnaud Ardoin : C’est une parole qu’on entend très peu sur les plateaux de télévision.. Votre discours, très équilibré, est-il minoritaire ? La communauté musulmane et les gens qui appartiennent à ce mouvement wahhabo-salafiste vous jettent-ils des pierres ?

Premier point : je ne reconnais qu’une seule communauté nationale d’un destin commun au sein de laquelle il y a des composantes. Mais je peux aussi bien évoquer la communauté musulmane, comme la communauté des joueurs de boule…

Sur le second point, pardonnez les propos prétentieux qui peuvent sous-tendre ce que je vais dire mais un Erasme, un Campanella, un Bacon, un Rousseau étaient peut-être seuls quand ils ont commencé à parler ! Même si je reçois des pierres, je dis ce que je crois être juste. Mais nous ne sommes pas seuls.

Jérôme Béglé : Mais alors sur quels fondements ou écrits religieux arrivent-ils à affirmer que le voile est une prescription religieuse ?

Nous n’avons pas le temps pour un colloque ad hoc ! Je dirais qu’il y a d’abord, hélas, l’obsession de la norme religieuse qui commence à nous gagner maintenant. Il y a aussi le fait d’épuiser les questions d’identité, laquelle est multiple et sédimentée, pour les réduire à un unique aspect religieux. Il y a également les relations hommes-femmes, qui étaient pourtant harmonieuses et épanouies dans la civilisation islamique. N’oublions pas qu’il y a eu trois grands Empires : ottoman, safavide et moghol. Si l’on savait ce qui se passait dans les jardins sous Tamerlan à Samarkand, à Tachkent ou à Cordoue, à Séville !

Pascal Praud : Vous semblez dire que l’inculture qui règne dans certains milieux fait que la religion est détournée de ses origines.

Je ne semble pas le dire, je l’affirme. L’antidote est la culture, l’éducation, les belles lettres, les beaux arts, l’acquisition du savoir, l’intelligence hybride du coeur et de l’esprit.

Pascal Praud : Quelle réaction face à ces femmes qui ont visité le Sénat aujourd’hui, certaines portant le voile, alors même que le Sénat examine une proposition de loi visant à renforcer la neutralité religieuse dans le cadre scolaire ?

Ma réaction est simple : je n’entrerai jamais par effraction dans la conscience des femmes. Je suis très attaché à la liberté et je respecte le choix de ces femmes. Mais de grâce, qu’on ne justifie pas le port du voile par des considérations exclusivement religieuses ! On peut trouver d’autres considérations, mais l’élévation spirituelle n’est pas nécessairement médiatisée par un tissu.

Gilles-William Goldnadel : Vous dites que le voile est d’abord un débat intra-islamique. Mais que pensez-vous du regard des Français non musulmans ? Qu’il s’agisse du regard des féministes, d’un regard culturel ou même identitaire ? Quelle est votre appréhension ?

La sagesse recommande de tenir compte de la psychosociologie ou de la psyché collective française. La société française, à tort ou à raison, a bénéficié – ou pâti pour certains – d’un mouvement de sécularisation. Petit à petit, la société est également allée vers l’égalité ontologique et juridique entre les hommes et les femmes, laquelle reste d’ailleurs à parachever sinon nous n’aurions pas aujourd’hui un Secrétariat d’Etat qui lui est consacré.

Je comprends donc cette crainte à l’égard du voile, même si elle pousse parfois à l’hystérie : on peut défendre une cause juste mais on s’y prend mal et on dessert ainsi, par l’outrance langagière, ladite cause juste.

Jérôme Béglé : Comment se fait-il qu’il n’y ait pas, aujourd’hui en France, une voix ou une instance représentative qui puisse imposer une lecture du texte, du Coran, qui s’imposerait à tous ?

Dans l’obédience sunnite de la tradition islamique, il n’y a pas d’autorité cléricale, il n’y a pas de structure pontificale. Chez les chiites il y a un clergé mais il n’est que d’ordre académique et pas d’ordre sacerdotal, ce qui peut régler certaines choses mais pas celle-là pour l’instant. Cette absence d’autorité centrale est concomitamment une source de bonheur, car la relation au divin est directe, il n’y a pas besoin d’un directeur de conscience, c’est une question d’intimité de la conscience précisément : je n’ai pas besoin d’un quelconque intercesseur. Et en même temps, c’est une source de problèmes inextricables pour peu que l’on ait des Savonarole des temps modernes, c’est-à-dire ceux qui crient plus fort que les autres. Or, on a toujours plus radical que soi, plus ultra, et ainsi le glissement vers les radicaux s’opère et malheureusement se matérialise même parfois par des attentats inacceptables.

Alors que faut-il faire ? A travers l’histoire, il y a eu ceux, selon la formule, qui ont su “lier et délier”, sous entendu l’écheveau des questions théologiques et religieuses. De nos jours, on n’a pas ça.. Eh bien il faut que des hommes et des femmes – et je suis ravi que Kahina Bahloul soit la première femme imam – avec leur autorité, leurs compétences, leurs prises de parole sérieuses, nous fassent sortir de l’incurie organique à laquelle nous assistons maintenant.

Pascal Praud : Avez-vous le sentiment que beaucoup de musulmans adhèrent à ce que vous dites ? Qu’ils pourraient se retrouver dans ce que vous venez de dire ? Allez-vous voir les jeunes qui peuvent être en difficulté et ont besoin d’entendre ce que vous dites ?

A la Fondation de l’Islam de France, nous avons institué l’université populaire itinérante. Nous nous rendons de ville en ville, de cité en cité, pour parler avec eux. La prochaine est à Epinay-sur-Seine le 5 novembre à 18h30 à l’espace Lumière. Il faut apprivoiser les peurs, exorciser les hantises, domestiquer les angoisses, bref, crever l’abcès !

Pascal Praud : C’est cette parole dont la France a besoin aujourd’hui ! Ce que vous dites est trop rarement dit.

La France pourrait être à feu et à sang et les plateaux télé invitent des imams ignares qui, titillés sur la burqa, ne savent même pas répondre ! Je ne dis pas que tous les imams de France sont ignares, loin de là, mais malheureusement certains imams autoproclamés viennent nous dire qu’écouter de la musique nous transformera en singes ! La parole publique engage, il faut être responsable et sérieux.

Arnaud Ardoin : Ce que vous dites est un message de réconciliation, de paix et d’unité. Laurent Hénart explique que le danger aujourd’hui ne passe plus par les mosquées mais par l’islam des caves, un discours plus informel. Le confirmez-vous ?

Le danger vient aussi de ce que j’appelle “Cheikh Google” qui décrète des fatwas. Dans cette déshérence culturelle, cette indigence intellectuelle, on se tourne vers internet où il y a à boire et à manger. Il y a un défi, et je lance ici un appel à tous mes concitoyens : aidez-nous à gagner la bataille de la connaissance et de l’instruction !

Pascal Praud : Avec qui avez-vous envie de débattre d’islam ?

Avec quiconque ! Le débat doit être ouvert avec quiconque a envie d’en sortir par le haut. On n’est pas seul détenteur de la vérité absolue.

In : fondationdelislamdefrance.fr

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Octobre à Paris, en 1961

Nuit du 17 au 18 octobre 1961. Kada El-Bethioui se cache dans une canalisation, près de chez lui à Nanterre. Il a quitté la manifestation appelée par le FLN. Il a été pourchassé, matraqué par la police sur le pont de Neuilly. Extrait de mon 4° roman LE CHOC DES OMBRES, pages 32-49

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« Recroquevillé dans une canalisation défectueuse, Kada grelotte dans son costume déchiqueté. Il tremble de froid, d’épuisement et de peur. De temps en temps il passe le bras sur son front pour éponger la sueur. Ainsi ramassé il s’aperçoit combien il est desservi par ce corps maigre et abîmé. Il lui faudra tenir dans cette position jusqu’aux premières lueurs du matin. Il s’applique à remuer le moins possible pour n’émettre aucun signe de présence. Il a soif et faim. Il a l’impression que son crâne est fendu. Il n’en revient pas d’être toujours en vie et de pouvoir appréhender le fil des événements de la veille, et plus encore ceux des jours et des mois passés. Il se tâte la cuisse lourde, l’épaule endolorie, la tête. Du sang séché colle à son cuir chevelu et à ses vêtements déchirés. Tous ses membres souffrent. À quarante ans, l’agilité qui était la sienne à vingt semble l’avoir abandonné. « Pourquoi ? » ne cesse-t-il de se questionner, même s’il sait qu’au cœur de la nuit la réponse ne lui sera pas offerte. « Pourquoi cette haine ? » Il a subitement honte. Il a une pensée pour sa mère, pour son père, pour sa famille, restés au bled. Pour son épouse. Une autre, épaisse, traverse son esprit comme un éclair : et si Messaoud et Hadj El-Khamis lui étaient arrachés ? Un sentiment de répulsion noue son cœur. Il s’en veut. De son poing serré, il martèle sa poitrine, puis sa tête. Il résiste aux larmes. « Pourquoi tant de haine ? »

(…)

En juin 1956, peu avant la naissance de Hadj El-Khamis, leur deuxième enfant, Kada et son épouse emménagèrent dans une baraque du bidonville de La Folie, toujours à Nanterre, acquise au prix de deux mille nouveaux francs. Une somme importante qu’ils mirent plusieurs années à amasser. Comparé au premier taudis, le nouveau toit semble à Kada moins inacceptable. Il n’a bien évidemment ni eau, ni électricité, ni fenêtre, ni sanitaire. Le toit est constitué de toile goudronnée. À l’intérieur, des cartons sont cloués aux planches. Sur certains, on colle des photos de magazines, et on colmate les espaces avec du papier journal pour empêcher le froid de pénétrer. Il y a un coin cuisine avec un évier au-dessus duquel Kada accrocha un miroir de barbier avec un contour rouge plastifié. Des w.c. turcs furent aménagés près d’une décharge d’ordures, suffisamment éloignés des taudis pour ne pas suffoquer. Comme dans le bidonville des Pâquerettes, il n’y a qu’un seul point d’eau, une fontaine pour dix mille personnes, installée dans la rue de la Garenne. L’eau est transportée souvent dans des poussettes Terrot ou des voitures à pédales. Les enfants remplissent une ou deux bouteilles, parfois un seau. L’insalubrité et générale, mais l’insécurité est aggravée pour les Algériens par les effets de la guerre engagée contre la colonisation française. Effets qu’ils subissent quotidiennement. Les provocations sont permanentes. Elles émanent le plus fréquemment de la police qui s’installe devant les bidonvilles des jours durant. Les protestations de monsieur Raymond Barbet, le maire, restent sans conséquence. Des cellules discrètes du Front de libération nationale furent montées au sein même du bidonville. Pour les forces de l’ordre qui encouragent les « harkis de Paris » à dénoncer tout mouvement ou individu suspects, les Français musulmans sont musulmans étrangers plutôt que citoyens français. Pour éviter tout problème, les habitants du bidonville qui ne sont pas Algériens le font clairement savoir en peinturant en toutes lettres sur leur porte et en lettres majuscules « JE SUIS TUNISIEN » ou « ICI MAROUKEN », en choisissant des couleurs criardes. Ils ne sont pas nombreux. Les Portugais se comptent sur les vingt doigts et orteils. Eux aussi placardent leur origine — et un crucifix en bois le plus souvent —  sur la porte d’entrée. Ils vivent à l’est de La Folie, après la zone des célibataires. Les Maghrébins se trouvent à l’Ouest vers la place El Qahira. On ne se mélange pas. Les contrôles policiers sont très nombreux, vexatoires et racistes. Les pleurs des mères et des enfants n’affectent guère les officiers très remontés. Ils extraient les hommes des taudis pour les entraîner brutalement, mains croisées sur la tête, jusqu’aux fourgons bleu sombre stationnés dans la rue. Parfois ils incitent leurs bergers allemands à sauter sur les moins dociles, ceux qui posent des questions, qui rouspètent. De temps à autre une baraque brûle et son occupant emmené menottes aux poignets vers une destination inconnue ou bien assassiné devant son gourbi sans que l’on sache si l’agression était une provocation des FPA, les Forces de police auxiliaire, des Calots bleus, ou bien un règlement de compte politique interne, car les Algériens sont partagés entre messalistes, ceux qui apportent leur soutien au Mouvement national algérien (MNA) de Messali Hadj, et frontistes, ceux qui l’offrent à El-djebha, le Front de libération nationale (FLN). Beaucoup d’Algériens paient de leur vie cette division. Lorsque El-djebha et l’Union des travailleurs algériens ordonnèrent la grève générale, Kada, qui est plutôt messaliste, ne sut pas trop comment il devait réagir. Et puis dans son travail, Mario le représentant de la CGT, auquel il fait grandement confiance, lui dit qu’il n’avait aucun conseil ni consigne à lui donner. Dans l’entourage de Kada on est plutôt FLN. Son cousin l’est, ses proches le sont. Kada se résolut alors à la discrétion. Mais lorsque ce parti lança il y a quelques jours l’appel à manifester le mardi 17 octobre pour dénoncer le couvre-feu discriminatoire instauré par Papon aux seuls « FMA », Français musulmans d’Algérie, et pour revendiquer l’autodétermination, il n’hésita pas longtemps. L’appel — « habillez-vous comme au jour de l’aïd » — fit le tour du bidonville et remplit les cœurs d’espoir. À la sortie du travail — il finit son service à 13 h — Kada se rendit directement aux Bains-douches, au 20 rue des Pâquerettes à deux cents mètres du camp. Il cadenassa son vélo à l’entrée. Il se lava dans la cabine N° 8 qu’il choisit chaque fois qu’il se rend dans ces douches. Si elle est occupée, il attend. Hier elle était libre. Il se rasa et rentra chez lui pour se changer. Exceptionnellement il s’habilla de son pantalon et veste de tergal noir et d’une chemise blanche, son unique costume qu’il réserve aux belles occasions. Puis il lissa ses cheveux avec de la brillantine, aspergea son visage et la chemise d’eau de Cologne. Lorsqu’il finit, il demanda à sa femme silencieuse dont il voyait bien les larmes couler sur ses joues de n’ouvrir à personne avant son retour. Puis il l’embrassa sur le front et lui dit « arrête, ça sert à rien ». Kada ne veut pas que Khadra manifeste. Une autre fois peut-être. Pourtant beaucoup d’hommes accompagnés de leurs enfants et épouse quittèrent le bidonville par petits groupes après avoir été fouillés par des responsables du Front. Aucun manifestant ne devait porter d’arme ou d’objet contondant. Ils sont tous convaincus que la cause qu’ils défendent est juste, qu’elle seule les extirpera de leur misérable condition. Lorsqu’il arriva à hauteur de l’entrée principale du bidonville, Kada se prépara à la fouille. Il leva les bras pour faciliter les palpations du frère de El-djebha. Seuls les hommes étaient palpés. Kada avait rendez-vous avec Lahouari au café-hôtel de la rue de la Garenne, mais il ne l’y trouva pas. C’est son adresse, celle du café de Ali, que beaucoup parmi les habitants de La Folie donnent pour toutes leurs correspondances, parfois même pour les rendez-vous. C’est chez Ali également que l’on dépose très discrètement les cotisations pour le FLN. Lors d’une ronda entre deux distributions de cartes ou d’une pioche pendant une partie de dominos, on adresse un signe à la personne chargée de la collecte et le tour est joué. À la fin de la partie, le militant attend le donateur derrière le comptoir, l’échange est voulu banal avec salamalecs et embrassades. Le client remet discrètement au militant une enveloppe (les billets sont toujours glissés dans une enveloppe qu’on cachette sans y porter d’inscription), on rajoute quelques mots et on se quitte jusqu’à la prochaine rencontre. Parfois c’est dans l’escalier interne qui mène à l’hôtel, ou dans une chambre que l’enveloppe passe d’une main à l’autre. Si la personne ne peut se présenter, c’est Ali qui a la charge de donner l’argent au collecteur en spécifiant le nom du bienfaiteur. C’est précisément à Ali que Kada remet plus ou moins régulièrement les 9500 anciens francs que ses parents récupèrent à Saint-Leu. Kada continue d’aider sa famille, même si c’est encore plus difficile qu’aux premières années. Lorsque Ali ou quelqu’un d’autre pose des questions, parfois délicates, concernant l’engagement politique de Kada, Lahouari remet aussitôt les choses dans l’ordre qu’il décida. Il protège en toutes circonstances son cousin. Ce mardi, Ali ferma plus tôt son café pour signifier aux habitués leur responsabilité. Mais lui-même ne se rendit pas à la manifestation, il resta pour avoir l’œil sur les va-et-vient dans son hôtel. « Wallah je ne l’ai pas vu » dit l’hôtelier à Kada qui alla alors se fondre parmi les milliers de manifestants partis à l’assaut des beaux quartiers de Paris. Kada trouve que même sous un temps maussade comme hier, sombre et pluvieux, ces quartiers sont magiques, comme sortis d’un rêve de vacances. Lorsqu’il s’y rend, à l’occasion de circonstances extraordinaires, il les traverse les yeux rivés au sol, car il ne veut déranger personne ni quoi que ce soit, « mais aujourd’hui c’est une autre histoire » pensa-t-il alors qu’il atteignait Neuilly. Il transita par le Rond-point de La Défense, un des lieux de rassemblement. Il continua sur l’interminable avenue de Neuilly avant de gagner la Seine et le pont qui porte le même nom. Ni la nuit qui s’installait, ni le froid qui se faisait plus vif, ni la pluie qui se remit à tomber, fine et perçante, ne découragèrent les manifestants qui arrivaient de toutes parts par flots ininterrompus : Puteaux, Courbevoie, Asnières, La Garenne… La masse des gens était devenue si dense que rares étaient les véhicules à moteur qui pouvaient circuler normalement. On n’entendait aucun slogan, juste le bruit des pas sur la chaussée mouillée, le clapotis de l’eau et les voitures au loin. C’est là, sur le pont de Neuilly, au-dessus de l’Île du Pont, que Kada reçut les premiers coups de bidules. Au loin on entendit des bruits secs, comme des coups assenés avec violence, suivis d’un mouvement de foule, des cris de femmes. Lorsque des fusillades retentirent, se sont ses enfants qui apparurent spontanément à Kada. Il prit peur et aussitôt se déprécia de se laisser gagner par cet état et les tremblements qui s’emparaient de ses jambes, mais c’était au-delà de ses forces. Il tenta de se ressaisir, fit demi-tour. La peur gagnait d’autres manifestants. Des enfants et des femmes couraient dans tous les sens et, de nouveau, Kada pensa à sa famille, à ses fils. Monique avait promis de passer à la maison, comme souvent les mardis, pour consacrer une heure de son temps — qu’il ne lui viendrait jamais à l’esprit de compter — au petit Messaoud pour qu’il apprenne à lire correctement et comprenne la leçon. Mais le matin il avait entendu dire que Monique avait la ferme intention de se joindre aux manifestants. Il la revoyait dans ses pensées. Il l’entendait : « Messaoud, retiens bien ceci, le mot qui dit ce que font les personnes, les animaux, ou les choses… » Kada ne savait plus, il ne retint pas la suite, « est un verbe, un verbe. » Il la voyait, penchée sur son enfant « lit Messaoud, lit : la fille rit. Le chat miaule. Le train roule. » Et Messaoud reprenait les phrases écrites sur son premier livre de grammaire française, à la lueur de la bougie, en faisant glisser son doigt le long des jambages et traverses des lettres, et il répétait encore à la demande de Monique : « la fille rit… » Kada sourit à cette pensée. Comment son fils, qui n’a que sept ans, pouvait saisir ce que lui-même ne comprend pas ? Des policiers, groupés, chargèrent de plus belle : « ratons ! », « fellouzes ! », « crouillats ! » La présence des Français musulmans d’Algérie dans les rues est perçue comme un défi, comme la violation du couvre-feu instauré pour eux seuls, dès 20 h 30. Des Forces de police auxiliaire sautèrent des cars Renault noirs qui venaient des rues adjacentes et se mirent à frapper au hasard avec leurs armes. L’un d’eux se rua sur Kada qui avançait le long des immeubles, tête basse. Plongé dans ses pensées il ne comprit pas de suite ce qui lui arrivait. Il projeta ses bras devant lui pour protéger son visage, son corps. L’agent de police redoubla de férocité. Il lui assena de violents coups avec la crosse de son arme qui causèrent de nombreux hématomes et fendirent son arcade sourcilière. Le policier hurlait, ahanait entre deux injures « pourri, fellaga ! » Dans sa tentative de se dégager de l’emprise de cette force tombée sur lui qu’il ne voyait pas, Kada ne réalisait pas qu’il avait affaire à un agent de l’ordre public. Il était submergé par une force physique, un rocher, un camion, un monstre. Il revit madame Hervo, son fils Messaoud, sa mère. Puis il bascula. Il tomba à terre, face contre le trottoir ruisselant d’eau boueuse. Il demeura ainsi, immobile, pendant un temps dont il ne sait s’il dura dix minutes ou soixante, avant de se relever, aidé par des manifestants. Les FPA avaient, lui dit-on, embarqué dans leur fourgon plusieurs marcheurs. Kada entendait comme des échos au loin, un brouhaha. Il devinait les slogans : « les racistes au poteau, l’Algérie algérienne ! » Celui-ci avait fait plusieurs fois le tour du bidonville. L’homme qui le soutenait par la main lui demanda de relever la tête « Rfâ rassek ya si Mohamed ». Au ton sec de sa voix, Kada supposa que l’homme appartenait au service d’ordre ou d’encadrement. Il le remercia du regard. Ses lèvres tremblaient comme ses paupières. Puis il reprit la marche, incertaine, sur une centaine de mètres. Les tiraillements de son cuir chevelu l’obligèrent à des grimaces qui déformaient son visage. Kada décida d’abandonner. Il s’éloigna des marcheurs malgré la garde des membres du FLN. L’homme qui aida Kada poursuivit son travail, loin de lui. Mais la surveillance devenait moins sévère, du fait de la nuit. Kada entama une marche à travers d’autres rues moins chargées, une marche à contresens des manifestants. Il atteignit La Folie en rasant les murs, trempé, flageolant sur ses jambes, la honte au cœur et la peur au ventre d’être découvert ou d’être tué. La semaine précédente, à Gennevilliers, un jeune Algérien qui sortait d’un cours du soir de rattrapage, fut froidement abattu. Un autre, âgé de 13 ans, fut tué par une rafale tirée par des policiers à Boulogne-Billancourt, rue Heinrich. Depuis le début du mois, il ne se passe pas un jour sans que l’on apprenne l’assassinat ou le meurtre d’un homme, parce qu’il est Algérien ou apparaissant comme tel. Un Portugais et un Sicilien basanés furent ainsi tués durant ce mois d’octobre. Un journal titra : « Événements d’Algérie : deux Européens victimes d’une bévue policière à Paris. »

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Dans le tuyau asséché, Kada se remet peu à peu. « Pourquoi cette haine ? » se demande-t-il. Il tente de se redresser, mais la canalisation dans laquelle il se terre est trop étroite, même pour lui. Ses bras, ses jambes, sont endoloris. Il ne s’en veut pas d’avoir fait le choix de la manifestation contre les autorités, mais il ne s’attendait pas à une telle fureur. Mourir pour avoir marché avec les frères ! Tôt le matin, il abandonne discrètement sa cache. Il est transi de froid. Il a faim et soif. Avant que l’animation plus ou moins habituelle ne gagne de nouveau le bidonville, Kada atteint sa baraque, de l’autre côté. Lorsqu’il ouvre la porte, il comprend à la vue de ses yeux rougis que Khadra ne dormit pas de la nuit et qu’elle pleura toutes les larmes de son corps. Elle ne se risque pas à flageller ses cuisses comme elle est tentée de faire et comme il est de coutume de procéder dans de telles situations, et la situation en l’occurrence se manifeste en cet homme devant elle, hagard, au front marqué par des plaies, le corps recouvert de lambeaux dégouttant d’eau sale, un homme qu’elle reconnaît à peine. Mais c’est la guerre et Kada la prie de se calmer, de reprendre ses esprits « ma ândi walou, ma ândi walou », je n’ai rien répète-t-il. Khadra, nerveuse, va chercher du bois pour lui faire chauffer de l’eau, en gémissant, la main sur la bouche. Les enfants dorment.

Ce mercredi, un autre silence plus grand et plus lourd, semblable à ceux de trois cimetières réunis, plane sur le bidonville. Dans un murmure partagé, des hommes de bonne volonté soulagent les blessés qui se comptent par centaines et qui ne veulent surtout pas se rendre à l’hôpital. Ils prendraient le risque d’être arrêtés et torturés. Il faut à Kada trouver des arguments suffisamment solides pour justifier son absence et son état physique auprès du chef d’équipe. Il soupire à la pensée qu’il aura le soutien de Mario, même si son chef n’est pas dupe.

Alors que Le Populaire de Paris compare la vie des Algériens à celle des prolétaires du siècle passé, l’Express fait un long compte-rendu de son correspondant « chez les melons, les crouillats, les bicots… » et titre en une sur le visage d’un fils de ceux-là : « Jean Cau chez les ratons ». Pour 1,25 NF. »

Cliquer ici pour lire le roman dans son intégralité.

Cliquer ici pour voir une vidéo sur octobre 1961

06.10_ La haine des musulmans

DEUX TEXTES:

1- Dieudonné, Zemmour et les médias français

2- Islamophobie et antisémitisme chez Zemmour et Drumont. Extrait du livre de G. Noiriel

3- J. Attali contre le souverainisme

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DIEUDONNÉ _ ZEMMOUR et les médias

Dieudonné et Zemmour tiennent depuis des années un même abject discours de haine. Le premier à l’encontre des juifs, le second contre les musulmans. Tous deux ont été condamnés par la justice.

Les médias français ont depuis longtemps banni Dieudonné, mais continuent d’accueillir Zemmour.

Lorsqu’on les accuse de pratiquer le deux poids deux mesures, ces médias s’offusquent ou se taisent. Ces comportements, ces prises de position délibérées des médias, mais aussi de la classe politique y compris aux commandes de l’État et des élites médiatiques et autres, qui pratiquent (depuis très longtemps) ce deux poids deux mesures, alimentent chez les musulmans un fort sentiment d’injustice et de la frustration. Ils ont pour conséquence de conforter chez eux (les musulmans) le rejet de ces élites, de cette classe politique. Ils les éloignent du champ de la citoyenneté. Ils participent d’une certaine façon (et je pèse mes mots) de la radicalité chez nombre de jeunes français «  »issus de l’immigration » » exclus de la Cité (comme avant eux leurs pères, leurs grands-pères ces invisibles) ou abandonnés à sa périphérie ou encore au rez-de-chaussée, devant un ascenseur social qui leur est bloqué.

Quant à l’élite musulmane (ou perçue comme telle), qui se compte sur les doigts de deux mains, elle se cantonne dans un silence outrageux, lorsqu’elle même n’est pas ostracisée par les dits-médias et élites non musulmanes. Ses membres sont soumis au chantage. D’autres sont opportunistes ou carriéristes, nous disons khobzistes. (à la seule recherche du pain nourricier).

Dans mon roman « LE CHOC DES OMBRES » (qui traite de la haine), Charly Pinto _ l’avatar de Zemmour, de Finkielkraut, de Richard Millet, de Céline et d’autres et qui propage le même discours de rejet, de haine que celui de ces personnages à l’encontre des musulmans _ est abattu devant la radio qui l’emploie.

Lire pp 286 et plus du roman.

Cliquer sur ce lien http://ahmedhanifi.com/le-choc-des-ombres/ puis sur l’autre lien en bas de la page qui s’affichera (page 286 et plus)

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– Islamophobie et antisémitisme chez Zemmour et Drumont. Extrait du livre de G. Noiriel

« Dans la dernière partie de ce chapitre, je voudrais montrer que tous les éléments de la matrice décrite dans les pages précédentes se retrouvent dans les propos qui s’en prennent aux juifs (dans le cas de Drumont) et aux musulmans (dans le cas de Zemmour). L’un des buts essentiels de leur histoire de France, c’est de prouver, en effet, que ces derniers ont toujours représenté un danger mortel pour l’identité chrétienne de la France. » (G. noiriel)

Cliquer ici pour lire l’article de G. Noiriel

3° – « Derrière le souverainisme, se cache trop souvent la haine des musulmans. » J. Attali

Quand on parle de « souverainisme », beaucoup de gens veulent croire qu’on ne parle, en Europe, que d’une maîtrise des importations et d’un refus des disciplines communautaires. En réalité, dans la plupart des cas, ceux qui en font l’apologie parlent en fait ainsi à mots couverts d’un refus des migrants, et plus largement, d’un refus des musulmans.

Rien ne serait pourtant plus terrible, dans la société française, que de laisser dénoncer impunément la présence musulmane, et de transformer une (légale) critique de l’islam en un (illégal) racisme anti-africain (et en particulier anti-arabe).

D’abord, les discours ainsi tenus sont faux. Il n’y aucun envahissement de la France par l’Islam ou par l’Afrique. Les migrants non européens ne représentent pas, en solde net annuel, 450.000 personnes, comme le prétendent les extrêmes, mais moins de 185.000 personnes, (et encore, en tenant compte des naturalisations, qui en représentent la moitié), soit moins d’un demi pour cent de la population française. 

99% d’entre eux s’intègrent parfaitement dans la nation ; ils font des études, fondent des familles, parlent en français à leurs enfants, créent des entreprises, deviennent professeurs ou médecins. Les mères musulmanes et africaines ne sont pas de moins bonnes mères que les autres françaises ou résidentes en France. Et les musulmans ne sont pas beaucoup plus pratiquants que le sont aujourd’hui les fidèles des autres monothéismes. 

L’islam n’est pas une menace pour la France ; il en est une composante depuis le 8ème siècle. C’est même par lui, et par les philosophes juifs, que la pensée grecque est arrivée en France au tournant du premier millénaire. Et jamais le monde ne s’est mieux porté que quand Judaïsme, Chrétienté et Islam travaillaient ensemble à faire triompher la raison sur l’obscurantisme. 

Bien sûr, on doit tout faire pour faciliter l’intégration des migrants, favoriser la réussite de leurs enfants ; et s’opposer à toutes les tentatives religieuses, d’où qu’elles viennent, pour imposer une conception du monde, ou un mode de vie, contraires aux règles de la laïcité, non respectueuses des droits des femmes, ou plus généralement, violant les lois de la République. Ce n’est pas le cas en France de la quasi-totalité des gens de foi, quelle que soit leur foi. Et en particulier ce n’est pas le cas des musulmans.

Ces discours hostiles aux musulmans de France sont mortifères.

En particulier quand ils viennent de juifs, qui devraient ne pas oublier que l’antisémitisme vise à la fois les uns et les autres. Il faut donc à tout prix dénoncer les discours délirants, d’Éric Zemmour, de William Goldnagel, ou même, dans de trop nombreuses de ses déclarations, d’Alain Finkielkraut ; et de tant d’autres. En particulier, il est triste de voir des descendants de juifs d’Algérie oublier le rôle magnifique que les musulmans algériens ont joué pour soutenir et protéger leurs parents, aux temps horribles de l’antisémitisme triomphant en métropole et plus encore en Algérie, sous Vichy, sous Giraud, et même sous de Gaulle. 

Il ne serait pas de l’intérêt de la communauté juive française que les musulmans de France en viennent à penser que leurs concitoyens juifs se joignent à ceux qui veulent les chasser du pays, alors que les deux communautés sont encore considérées par d’autres Français, comme des nouveaux venus indésirables. Ce serait aussi faire le jeu de ce qui aimerait importer en Europe le tragique conflit du Moyen Orient.

La France ne se résume pas à un passé, souvent insupportable, ni à une histoire, souvent critiquable. La France n’est pas à prendre en bloc, à vénérer en tant que telle. Elle doit savoir critiquer son propre rôle dans l’esclavage, dans le colonialisme, dans la xénophobie, dans l’antisémitisme, dans la collaboration, dans la destruction de la nature. Elle ne doit pas céder à ces fantasmes de « grand remplacement », se souvenir qu’elle porte le nom d’un peuple envahisseur, et qu’elle est, depuis son origine, le lieu privilégié d’installations d’innombrables peuples, dont chaque Français, d’où qu’il vienne, est l’héritier.

Elle ne doit pas oublier non plus que ce qui se cache aujourd’hui derrière le « souverainisme » désigne en fait la même xénophobie, la même fermeture, la même absence de confiance en soi que les idéologies anti-italienne, anti-polonaise, anti-arménienne, et antisémites des siècles passés.

La France est un devenir, dont le passé ne peut être pris en bloc, mais doit être soigneusement trié, selon des critères que, justement, la République française a contribué à construire. 

La France n’est grande que quand elle est ouverte, accueillante, sûre d’elle-même. Quand elle se construit, siècle après siècle en confiance, dans le brassage et l’intégration d’idées et de familles nouvelles, venues enrichir la communauté nationale.

j@attali.com http://www.attali.com/

4 octobre 2019

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27.09- Jacques CHIRAC est mort

Le bruit et les odeurs

www.huffingtonpost.fr: « CHIRAC – Il y a le Jacques Chirac que tout le monde apprécie. Au point que, après sa mort ce jeudi 26 septembre, tous les politiques de droite comme de gauche en passant par l’extrême droite, rendent hommage, à l’ancien président de la République. 

Mais il y a aussi le Jacques Chirac controversé. Celui du “bruit et l’odeur” et de ce surnom, “Facho Chirac,” dont il a hérité depuis ce fameux dîner-débat organisé en juin 1991 à Orléans.

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____________ Mais aussi_______________

Jacques Chirac en Israël- 1996

22 octobre 1996
Lors de son voyage en Israël, alors qu’il visite la vieille ville de Jérusalem, le président de la République Jacques CHIRAC s’est violemment heurté aux services de sécurité israéliens censés le protéger et dont il jugé l’attitude brutale et provocatrice. Très en colère, Jacques CHIRAC interpelle les agents des services de sécurité israéliens, d’abord en français puis en anglais (sous titrage à l’écran) : « Je commence à en avoir marre… Vous voulez que je reprenne mon avion et que je reparte en France ? Ce n’est pas une méthode. C’est une provocation. » politique; archive television; archive tv; ina; inna; Institut National de l’Audiovisuel; french tv Images d’archive INA
Institut National de l’Audiovisuel

Un manifeste contre les musulmans

Lorsque le 25 avril le journaliste de Radio Galère de Marseille (qui me recevait pour parler de mon dernier roman « Le Choc des Ombres » (1) sur la haine en France), me demanda mon opinion sur « ce manifeste de Philippe Val » (leparisien.fr – 21 avril) (2), je lui répondis que ce papier agitait les peurs pour exclure une partie de la communauté ». Mais ma réponse, trop courte, ne reflétait pas toute ma pensée. Je me suis dit qu’il me fallait prendre le temps et écrire ma réponse au plus près de ce que je ressens, je pense.

Un manifeste contre les musulmans

Le  » Manifeste ‘contre le nouvel antisémitisme’  » de Philippe Val et consorts est une proclamation contre les musulmans. Je suis outré, révolté contre les criminels, notamment ceux qui tuent au nom de l’Islam, ma religion. Dans la France du XXI° siècle, des femmes et des hommes sont tués parce que juifs. Cela est insupportable. Les actes criminels doivent être clairement dénoncés et leurs auteurs condamnés à hauteur de leur abomination. Quelles que soient les croyances et l’origine ethnique des criminels, quelles que soient celles des victimes. Les moins jeunes se souviennent qu’il n’y a pas si longtemps en France on tirait sur « des Arabes » (lire Algériens) comme sur des lapins de garenne. Des assassinats par centaines parce que « Arabes » (« Arabicides », Fausto Giudice). C’était en France, et c’était il n’y a pas si longtemps.

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Qu’il y ait des réactions fortes aujourd’hui à la suite des derniers drames est un signe positif. C’est ainsi qu’à la suite de plusieurs meurtres de citoyens juifs, un « manifeste, rédigé par Philippe Val et réunissant plus de 250 signataires est rédigé » et publié. (leparisien.fr) (2) Dans ce type de circonstances, toute réaction citoyenne forte est louable à la condition toutefois que tout ou partie d’une composante de la communauté nationale ne soit pas mise au ban de cette dernière par cette réaction, au prétexte que les criminels sont membres de la dite composante. La mise au ban, c’est justement ce à quoi s’emploie, insidieusement, ce « Manifeste contre le nouvel antisémitisme ». Un mot sur ce mot : le terme « antisémitisme » a été dévoyé. Le glissement sémantique qu’il a subi en France nous conduit aujourd’hui à ne considérer sous ce vocable que « l’hostilité à la race juive » (dixit le lexique du CNRTL), exit les autres sémites, alors même que le Littré définit ainsi ce terme : « nom de peuples asiatiques ou africains… Les sémites comprennent les peuples qui parlèrent ou qui parlent babylonien, chaldéen, phénicien, hébreu, samaritain, syriaque, arabe et éthiopien » (Littré 2003, tome 6, page 5827).

Je suis citoyen musulman. Et c’est comme tel, comme musulman que je suis, encore une fois, stigmatisé. Parce que musulmans, des millions de citoyens français sont mis à l’index par des groupes aux relents insupportables, voire répugnants. Cette fois-ci ce sont ces « Quinze intellectuels » très influents dans la sphère politico-médiatique qui chargent à travers un « manifeste contre le nouvel antisémitisme. » Exploitant cette affligeante réalité, le rédacteur, Philippe Val, et ses associés veulent, comme d’autres avant eux, nous marginaliser, faire de nous des allogènes définitifs. Ils usent d’un alibi éculé et rance, l’incompatibilité de l’Islam avec le socle judéo-chrétien de la France. « L’histoire française est profondément liée à la pensée juive » écrivent-il, et par déduction ils suggèrent que ce n’est pas le cas pour la pensée musulmane, que la France s’est faite hors de la « pensée musulmane », un discours véhiculé par  l’extrême droite ancienne et nouvelle. Ce déni insinué est intellectuellement malhonnête.

Ce procédé malsain me contraint d’une part à me demander si le dessein réel de ce Manifeste n’est pas d’exclure les musulmans de la communauté nationale et d’autre part à m’interroger sur les véritables commanditaires de cette charge.

Philippe Val compare des actes criminels isolés à « une épuration ethnique » dont la responsabilité, sournoisement suggérée incombe aux musulmans, à l’Islam. L’équation est abjecte, même si elle est machiavéliquement atténuée, « épuration ethnique à bas bruit » est-il précisé.

Les mots qui suivent, en réaction, reflètent avant tout l’expression de mon profond ressenti, j’allais ajouter « spontané » et ma profonde colère. Certains éléments que j’avance ont été par ailleurs énoncés, mais il m’a paru utile de rappeler leur évidence.

L’engagement qui unit le noyau dur des auteurs du « Manifeste contre le nouvel antisémitisme » (Philippe Val, Alain Finkielkraut, Bernard Henri Lévy, Pascal Bruckner, Brice Couturier, Georges Bensoussan, Richard Prasquier (ancien président du CRIF), Élisabeth de Fontenay, Manuel Valls… ) l’engagement de ce noyau dur, ces « petites forces », sinon la plupart d’entre les signataires, repose sur une « logique d’auto-renforcement », un triptyque composé des positionnements suivants : 

– Leur islamophobie. Le terme est impropre car il s’agit moins de peur (phobie- φόβος) que de rejet (apotheomai- ἀπωθέω) de l’Islam et des musulmans, ces nouveaux « ennemis de l’intérieur ». Interrogeons la stigmatisation continue du fichu « voile islamique » (pas celui des grands-mères chrétiennes, pas celui des mères juives), du burkini… nous comprendrons mieux cette diatribe contre une partie des citoyens français, la plus vulnérable, les musulmans.

– Leur génuflexion, poings et cœurs serrés au pied d’une laïcité dévoyée, belliqueuse, prosélyte, exclusive, radicale et antireligieuse (antimusulmane en l’occurrence). Ils remettraient en cause la loi de 1905.

– Leur attachement viscéral, leur amour éperdu, et même plus pour d’aucuns,  « éternel » à l’État d’Israël où coule « le lait et le miel » et dont ils ne pipent mot dans leur texte (si, un seul « antisionisme », j’y reviens)

Demander que « les autorités théologiques » musulmanes marquent d’obsolescence des versets du Coran, recourir à ce « blasphème » (Tareq Oubrou), demander à « l’islam (i minuscule) de France qu’il ouvre la voie », c’est ignorer ou feindre d’ignorer que celles-ci n’existent pas en Islam. Nous n’avons pas de Pape. Comme les juifs, les musulmans n’ont pas de clergé. Leur courage (ou lâcheté) leur dictera-t-il de prier « les autorités théologiques » juives d’expurger du Talmud les passages sur les discriminations et les grandes violences, très nombreux versets, contre les non-juifs, les Goyim ? (merci monsieur Jacob Cohen)

Ils auraient pu évoquer l’Ijtihad (effort d’interprétation des textes), faire appel à des lumières, celles et ceux que les médias ignorent ! Ce serait une excellente idée que de leur donner la parole, cela nous changerait (n’est-ce pas) du très controversé Chelghoumi (longtemps suspecté par les services de renseignement français), illustre ignorant, trimballé comme un bouffon médiatique, risée de la majorité des musulmans français, que le maelstrom politico-médiatique français a proclamé imam, « imam des lumières » ! (Annette Lévy-Willard), au lieu et place des musulmans de son quartier. S’il faut bien lui reconnaître une troupe de fidèles à cet individu, elle serait composée pour l’essentiel de nombreux journalistes « positionnés ». Écoutons son génie : « Quand on a vu sur sa première photo de classe que ma fille n’était entourée que de blacks et de Beurs, on s’est dit avec ma femme qu’elle ne devait pas rester dans cette école », école de la République. Sages et fraternelles paroles de l’imam des lumières médiatiques (in Le Figaro.fr).

Mais revenons aux lumières, les vraies, Val et compagnie auraient pu demander dans leur texte à ce que les autorités concernées leur fassent appel. Ils auraient pu. Mais les travaux des penseurs de l’Islam aboutiraient-ils ? La question de la prise de risque peut se poser. Ces « nouveaux penseurs de l’Islam » ne prendraient-ils pas un risque à dire haut et fort leurs Ijtihad ? On leur fait parfois appel, mais le peu de fois qu’ils apparaissent ils se contentent, obligés par le dispositif médiatique, de redondances futiles. Ils savent qu’ils prendraient un risque à s’épancher. Claude Askolovitch exprime magnifiquement et avec retenue ce risque : « J’ai aussi, dans ma vie, expérimenté ce qu’il en coûte de récuser la vulgate identitaire en France, et j’ai dilapidé quelques positions sociales, à fustiger l’islamophobie. » Réservé, mais très clair. Si vous y touchez il vous en coûtera ! (À lire absolument : Le « Manifeste contre le nouvel antisémitisme » une logique dévastatrice ». In Slate.fr, 23 avril 2018)

Pour les messieurs et les mesdames du Manifeste, l’appartenance à la sphère musulmane est naturellement sujette à stigmatisation dans la mesure où cette appartenance est source d’antisémitisme. Ils ne voient pas en moi le citoyen égal à tout autre citoyen, mais le musulman qui est, de fait, parce que musulman, par définition, agrégé à une croyance faite d’un bloc unique, et est par conséquent dénué de capacité de choisir et de critiquer, de nuancer. En suggérant que nous musulmans, pris individuellement, ne sommes que de simples maillons d’une chaîne, les auteurs du manifeste ignorent, par calcul ou réellement, l’histoire et les couleurs du spectre de l’Islam et des musulmans d’une part, et réduisent les capacités individuelles de chacun de nous à se situer sur ce spectre. Déterministes, ils nous dénient l’aptitude au libre-arbitre.

Leurs stigmatisations radicales participent aussi d’une certaine manière à la radicalisation. Ils alimentent la construction d’un dangereux mécanisme dont on n’ose penser l’aboutissement. Circonscrire la violence meurtrière à la seule source de la croyance en faisant fit de quantité de facteurs comme l’exclusion sociale, la discrimination économique, le racisme, la ghettoïsation dans des quartiers populaires (GE, ZAC, ZUP, REP…), la relégation, la trajectoire ou carrière individuelle… est pitoyable et dangereux. Si la sociologie ne règle pas tous les problèmes, elle donne aux Politiques et aux citoyens des clés pour les comprendre, les expliquer.

L’un des signataires, cet ami éternel d’Israël (« par ma femme – la quelle ? –, je suis lié de manière éternelle à la communauté juive et à Israël »), dit « avoir assez de ceux qui cherchent en permanence des excuses ou des explications culturelles ou sociologiques… expliquer c’est déjà vouloir un peu excuser. » C’est triste de constater cette carence – venant d’un ancien premier ministre de la République  –, cette ignorance de l’objet des sciences sociales. En première année de licence on apprend que connaître les causes d’un phénomène sociétal, les comprendre, permet d’y apporter des solutions si besoin.

Cette mise à l’index d’une composante de la communauté nationale, cette islamophobie, doit être non seulement combattue, mais comme l’antisémitisme et le racisme, criminalisée (A. Lajnef)

Last but not least : Israël

Cette diatribe contre les musulmans, cette adhésion sans limites aux thèses de « l’État voyou » sont-elles nourries par des rancunes ou par des culpabilités personnelles, familiales, ou même nationales ? Car enfin l’objet des rédacteurs de ce manifeste n’est bien évidemment pas de combattre uniquement les extrémistes se réclamant de l’Islam, soyons sérieux, ou par un objectif inavouable ?

Ceux-là mêmes qui dénonceraient violemment toute référence à un « soi-disant lobby juif » (lorsqu’il est question de lobby israélien bien ancré chez une partie de l’élite) insistent dans ce texte sur « un vote musulman », mais je leur renvoie cette question « qu’est-ce que un vote musulman ? » (la « bassesse électorale » qu’ils évoquent n’est-elle pas un fantasme, le leur ?) Si tous les musulmans de France votaient comme un seul homme, cela se saurait, c’est tellement élémentaire.

Pour mieux appréhender ce « Manifeste de la honte » (Marwan Muhammad) il y a lieu, et c’est important, de s’arrêter devant quelques-uns des cairns indélébiles qui marquent la trajectoire de nombre de ses signataires. Qui sont-ils, d’où nous haranguent-ils, quelles positions occupent-ils ? La trajectoire, « la position dans le champ » médiatique, culturel et politique de ces hommes (et femmes) sont autant importantes que les seuls mots du Manifeste, ceux-ci ne se suffisant pas par eux seuls. Derrière les mots il y a tous les non-dits, il y a un parcours, une filiation, une position sur un échiquier et une association de connivences…

Le « Manifeste contre le nouvel antisémitisme en France » a été rédigé par Philippe Val donc. Soit. À ses côtés on trouve des journalistes influents (producteurs, membres de Conseils de surveillance…), très influents, des responsables politiques anciens et actuels, d’ex nouveaux philosophes décomplexés (« des philosophes de télévision » préciserait Monsieur Pierre Bourdieu qui avait entièrement dénudé, démasqué leurs dispositifs (leurs réseaux) dans toutes leurs ramifications déclarées ou non-dites, des hommes et des femmes de culture, des égarés, et nombre de chiens de garde et autres « prestidigitateurs ». D’autres enfin, en quête d’un ex-voto…

Ils ont tous en commun un attachement aveugle à l’État d’Israël :

  • Certains sont passés « du col Mao au Rotary ». Ils sont notoirement islamophobes. Islamophobe et botulien pour l’un d’eux qu’un célèbre avocat pénaliste qualifia de « vieille pompe à merde », une expression qu’il emprunta à René Magritte). Un autre est poursuivi  par le CCIF, la LDH, le MRAP et… le Ministère public pour incitation à la haine lors d’une émission d’Alain Finkielkraut (on tourne en rond, nous sommes dans une « circulation circulaire » chère à l’éminent sociologue)
  • Un autre anime une émission sur une chaîne publique depuis des décennies. Régulièrement, comme animé par une obsession, toujours la même, il met en joue les jeunes des quartiers populaires, immigrés ou Français, « noirs ou Arabes, avec une identité musulmane », accuse leurs parents, leur supposée croyance. Il constate assure-t-il leur impossible « assimilation » et ne supporte pas leur amour pour l’équipe de France que lui n’aime pas car « elle est black-black-black, ce qui fait ricaner toute l’Europe » (Haaretz/Israël).
  • Un autre est fils d’un antisémite déclaré. Un vrai, de ceux de la France des années 40, envahie, mais libérée – aussi – par des milliers de musulmans, africains, marocains, tunisiens, algériens, aujourd’hui enfouis auprès de leurs frères d’armes de toutes confessions, sous une simple épitaphe effacée par le temps, par les mémoires rancunières et par les identités malheureuses. Un bon fils de nazi, disais-je, qui admet que parfois son père « vocifère dans ma gorge, prend possession de mes cordes vocales.» Devrions-nous alors parler de filiation idéologique du père, réorientée ? devrions-nous relier, avec ou sans son consentement, l’idéologie du rejeton à celle de son père comme sont liés les fils de trame aux fils de chaîne ? Non évidemment. Mais que cherchent les auteurs de ce texte à vouloir faire des musulmans un bloc monolithe ?
  • On trouve également parmi les signataires un triste humoriste qui fait de l’Islam et des musulmans le grand combat de sa vie. Pour avoir abusivement limogé un journaliste au motif « d’antisémitisme » ce que récusa la justice, il fut, avec son journal, condamné. Cet individu (« en Israël je me sens chez moi… on est de la même famille, on s’aime ») a noué de vieilles amitiés duettistes qui font jusqu’en 1996 dans la « pédophilie type obnubilée par les enfants », l’un et l’autre à Charlie-hebdo. Doit-on juger l’un à l’aune du comportement du second, et vice-versa ? Certainement pas. Cela n’a rien avoir avec l’antisionisme, ni l’antisémitisme, ni « la racaille », je le sais, mais cela fait du bien de le rappeler.
  • Un autre, président de la Confédération des Juifs de France et des Amis d’Israël (CJFAI), a rencontré le 8 février 2017 dans un restaurant près de l’Assemblée nationale des membres du FN  et s’est félicité de cette « rupture avec un tabou… le FN n’est plus ce qu’il était »
  •  Un autre, chanteur rancunier et aigri, déclare en recevant « un diplôme » au nom de toutes les unités de l’armée sioniste : « je suis très ému. Depuis le début de ma vie je me suis donné corps et âme à l’Etat d’Israël et en premier lieu à Tsahal ».
  • Un autre, né à Oran, fait le panégyrique blanc sur blanc de cet État d’Israël sans honte, et dans lequel il exprime son dédain pour la lutte de libération des Algériens (in The Times of Israël, en mars dernier).
  • Etc. Etc.
  • D’autres enfin nous déçoivent beaucoup. Mais que fichtre viennent-ils faire dans cette indignité ?

Combien sont-ils dans cette liste à soutenir sans aucun état d’âme Israël, « le dernier État colonial » (Jacques Derrida), un État « bien installé sur l’axe du bien » ? Pourquoi ce Manifeste de Val n’en dit pas un seul mot ? Parce que semblent-ils dire parler du « conflit israélo-palestinien nourrit l’antisémitisme ». Ils répètent que l’antisémitisme se nourrit du conflit israélo-palestinien, mais signent un texte qui ne dit rien de la colonisation, des tueries, à peine y est-il ainsi évoqué « l’antisémitisme d’une partie de la gauche radicale qui a trouvé dans l’antisionisme l’alibi pour transformer les bourreaux en victimes » sans autre développement.  Pourtant il nous faut parler de ce « conflit », dénoncer cette colonisation israélienne.

Leur objectif, en sus de la stigmatisation des musulmans, est de substituer « le nouvel antisémitisme » à l’antisémitisme de souche, initial et pérenne, celui qui pourtant se revigore partout en Europe. Val, et cela dénude ses choix et positions, ne dit pas un mot dans son texte de la politique criminelle menée par l’État d’Israël («État-porte-parole des juifs du monde entier ») contre le Palestiniens depuis plus de 50 ans (huit mille morts, dix mille, qui sait, depuis 2000, combien depuis 1967 ?)

Cela n’a pas « rien à voir » avec la France car la politique de l’État d’Israël, véritable « régime d’apartheid qui opprime et domine le peuple palestinien dans son ensemble » (rapport de l’ONU, mars 2017), cette politique israélienne (combinée aux éditoriaux de nombreux médias français en général plutôt « tolérants » à son égard) alimente l’antisémitisme en France plus que tout. C’est une évidence. Les colonisations, les dépossessions, et les crimes de l’armée israélienne (il faut, selon ces médias, dire « Tsahal » comme l’état-major hébreu), le CRIF les justifie, au nom de tous les juifs français et leurs institutions. Parions qu’il n’en souffle mot lors des dîners annuels où se bouscule toute la nomenclature parisienne.

Alors oui je ne peux qu’être antisioniste et combattre parallèlement l’antisémitisme et tous les racismes, n’en déplaise à Elisabeth Badinter – une autre signataire (« l’antisionisme, assure-t-elle, est une façon de libérer la parole antisémite »). Mon opinion antisioniste, exprimée en France, relève de la hardiesse madame, une gageure.

Alors, comment ne pas, forcément, convoquer la question initiale, m’interroger sur les véritables commanditaires de cette charge, comment ne pas poser cette interrogation ? : et si  Udo Ulfkotte disait vrai ? (lire son essai Der Krieg im Dunkeln, La guerre de l’Ombre ») et si, comme ils auraient procédé notamment durant les révoltes des banlieues de 2005, certains services israéliens de la Metsada sollicitaient de nouveau « leurs amis français », leurs soutiens indéfectibles parmi les hommes politiques, médiatiques, intellectuels influents, très influents, les sayanim … pour, à partir d’une cruelle et dramatique réalité, tenter de salir et faire haïr par le reste des concitoyens, tous les musulmans de France et tous les français musulmans, cette nouvelle « anti-France » quoi. Une interrogation que j’ai longuement développée dans mon dernier roman « LE CHOC DES OMBRES ». (1) Mais aujourd’hui, hic et nunc, il s’agit de notre réalité, pas de roman.

Ahmed HANIFI,

Auteur.

Marseille, 1° mai 2018

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(1) Un exemplaire a été envoyé le 10 janvier dernier à Médiapart, Rubrique Culture, 8 passage Brulon, 75012 Paris…

(2): Le « Manifeste de Philippe Val est à lire ici.

Il pleut sur Marseille comme il pleure dans nos cœurs

Il pleut sur Marseille comme il pleure dans nos cœurs (1)

Il pleut et vente sur Marseille comme il pleure et vente dans son cœur, le mien, le vôtre. Il ne fait pas beau donc. Une atmosphère étrange règne sur la ville en cet avant dernier samedi de novembre, une semaine après les attentats de Paris et de St-Denis. Les chaussées ne sont pas chargées de voitures, ni les trottoirs de promeneurs. Marseille est réputée pour sa gouaille son vacarme et sa joie exprimés hautement et sans ambages. Mais là, à quinze heures passées, elle semble bizarrement repliée sur elle-même. Marseille s’est métamorphosée. Paris et sa banlieue, son adversaire et rivale éternelle, est endeuillée et les Marseillais s’associent à la douleur, nationale, et plus encore. Pleinement. La grande place de la Plaine et le quartier Saint-Julien sont étonnamment calmes. Pas de musique. Les enfants ont disparu et les manèges tournent à vide. Dans les bars on échange des banalités. Les vendeurs du souk de Noailles sont solidairement silencieux, tout comme les clients français, comoriens, africains, maghrébins…

Je suis attablé à l’intérieur du filiforme café Prinder. Le nectar divin saupoudré aux senteurs du marché et à l’atmosphère singulière fait remonter des images lointaines, à ma mémoire. Cette atmosphère étrange je l’ai vécue il y a une vingtaine d’années comme des millions d’Algériens. Je vivais alors non loin d’Oran. Les rues étaient en certaines périodes vides. La menace était bien plus proche, bien plus présente, et bien plus lourde, surtout après l’assassinat du président Mohammed Boudiaf en juin 1992. Une menace directe, qui pouvait s’exprimer à tout moment et en tout lieu. Elle pouvait jaillir de toute part. Les islamistes intégristes étaient largement responsables, dans leurs discours comme dans leurs actes, mais seuls les intellectuellement malhonnêtes (et il y en a) évacueront la culpabilité de certains responsables de secteurs de la sécurité de l’Etat et autres commanditaires flirtant dans le giron des rouages officiels. On ne savait pas toujours d’où venait la menace. Retenue et pudeur m’interdisent de parler de ma propre personne, de mes proches. Des médias étrangers, français notamment, des émissions et livres (lire entre autres les confessions de Saïd Mekbel à Monika Bergmann) ont suffisamment montré que des manipulations hautement désastreuses se tramaient alors au sommet de l’Etat (de non-Droit) et à sa périphérie, pour maintenir les Algériens sous un certain degré de terreur. Notre exigence d’un Etat de Droit, principe intangible d’un Etat démocratique, était assimilée, par les tenants de la terreur d’Etat et leurs sbires (« s’il faut éradiquer trois millions d’Algériens, nous éradiquerons trois millions d’Algériens »), à une capitulation. Je ne ferai pas de comparaison, nécessairement grossière, entre les responsables algériens et français, dans la gestion à la fois de leurs espaces de pouvoir et des drames vécus par les citoyens. Il ne s’agit ici nullement de quereller quiconque, ni de dédouaner les islamistes intégristes, tant s’en faut, et Dieu m’en garde. Vingt années plus tard, il pleut et vente sur Marseille retrouvée et dans le verre que je repose. Une atmosphère étrange pèse sur la ville morte, une semaine après les attentats qui ont fait près de 400 blessés et 130 morts dont : Amine I., Charlotte M., Djamila H., Elif D., Emilie M., Gilles L., Guillaume B-D., Halima S., Juan Alberto G., Justine D., Kheireddine S., Lola O., Nick A., Nohemi G., Précilia C., Stéphane A. et tous les autres. 130. Avec ou sans haine Verlaine, nos cœurs ont tant de peine.


(1)- À la suite d’attentats perpétrés à Paris. « Attentats du 13 novembre 2015 perpétrés par trois commandos distincts de 9 hommes par une série de fusillades dans 4 restaurants-Bistro du 10° et 11° arrondissement de Paris (40 morts) ainsi qu’une prise d’otages dans une salle de concert « Le Bataclan » dans le 11° arrondissement à Paris (90 morts) et à Saint-Denis au Stade de France par trois actions kamikazes (1 mort)… 7 terroristes ont été abattus » Wikipédia.

Demain, contre la terreur

Je veux d’abord m’incliner à la mémoire des personnes assassinées hier dans les locaux du journal Charlie-hebdo. M’associer à la douleur de leur famille, exprimer mon indignation et dénoncer l’abjection qui a visé ce journal.

Charlie n’était pas ma tasse de thé, j’étais souvent en désaccord avec son contenu qui me heurtait, blessait. Aujourd’hui néanmoins je suis Charlie.

L’attentat dont il a été l’objet, cette attaque barbare est une volonté d’éradiquer des journalistes, une atteinte extrêmement grave contre la presse, contre les libertés, contre la République, contre les musulmans. En effet, ces gangsters, ces monstres et leurs semblables prennent en otage ma religion. Ces salopards qui assassinent froidement, méthodiquement, au nom de ma religion en criant « Allahou akbar » ne sont pas de ma religion, ils me l’ont confisquée, prise en otage. La religion qui est la mienne et celle de la majorité des musulmans est faite de tolérance, respectueuse de toutes les communautés, de toutes les autres croyances et des non-croyances.

Des attentats eurent lieu contre des tombes, des synagogues, des mosquées, ce matin même, et en réaction, devant un restaurant Kébab près d’une mosquée de Villefranche-sur-Saône. Depuis quelques années le climat en France est à la crispation et à la vindicte. De nombreux intellectuels et hommes politiques stigmatisent des minorités, particulièrement les musulmans. Nous, Français musulmans et immigrés musulmans, sommes aujourd’hui et de plus en plus mis à l’index et au banc de la société française. Des gens comme Zemmour, Camus et d’autres, tiennent un briquet à la main et soufflent sur les braises, attisant la haine de l’autre, du musulman,  ce « juif du 21° siècle ». Hier encore, Houellebecq ce romancier au discours sulfureux –au nom de  l’« irresponsabilité » qu’il revendique et derrière laquelle il se dissimule– déverse sournoisement  sa haine (« littéraire ») contre moi qui ne le lui ai jamais rien fait, contre les musulmans, contre l’Islam. Instrumentalisant les peurs, les fragilités et autres angoisses à la lisière du tolérable. Dans le camp des fondamentalistes la haine a passé depuis longtemps la frontière de l’acceptable et du symbolique en tuant, massacrant.

On objectera, les yeux bandés : « il n’y a aucun lien » ou « ça n’a rien à voir ». Je dis que, même si le fil est ténu, « il y a à voir ». Les extrémismes se rejoignent. « À force d’agiter un épouvantail, on finit par créer nos monstres » rappelait Edwy Plenel, citant Emile Zola. Hier, dès les premières heures de l’ignominie –j’étais avec deux connaissances– j’ai été apostrophé, et moi seul parmi le groupe. J’ai été sommé de donner ma réaction, alors même qu’on ne savait presque rien encore de la tuerie. Pourquoi me montrer ainsi, insidieusement, du doigt ? Nous étions trois, j’étais le seul typé « Nord-Af » ou Arabe, musulman. On me demandait –à moi seul– de me positionner devant ce drame, faisant ainsi le jeu des assassins ou de leurs commanditaires : diviser, amalgamer. Voilà où nous en sommes. Je suis de ceux qui, samedi prochain, descendront crier leur rejet total de la terreur quelle qu’elle soit et d’où qu’elle vienne.

Ahmed Hanifi

Miramas, le 8 janvier 2015.

Richard Millet intellectualise et esthétise le racisme ordinaire, la haine

Richard Millet intellectualise et esthétise le racisme ordinaire, la haine.

Le trois septembre, de retour de l’étranger, j’apprenais que nombre  d’écrivains français et autres, étaient en colère contre un éditeur, membre du Comité de lecture de Gallimard. Il s’agit de Richard Millet. D’emblée je dois dire que je n’ai lu aucun livre de ce Millet. Depuis mon retour, je l’ai entendu sur différentes chaînes de télévisions et de radios (Youtube). J’ai lu tout ce que j’ai pu de lui, sur lui et sur ses écrits, sur la toile. Je connais suffisamment bien, par leurs écrits, certains auteurs cités dans ma présente intervention, pour faire confiance aux extraits qu’ils nous donnent à lire, extraits qui sont les leurs ou extraits de paroles et écrits de Millet qu’ils nous rapportent. Mais de quoi s’agit-il ?

Le 24 août dernier, Anders Behring Breivik, un jeune norvégien de 33 ans,  était condamné à Oslo à la peine maximale de 21 ans de prison pour avoir, le 22 juillet 2011, assassiné froidement à coups de fusil automatique 77 personnes, huit dans un attentat à la bombe contre le siège du gouvernement à Oslo, puis 69 autres, principalement des adolescents de la Jeunesse travailliste,  réunis dans une île de Norvège pour une manifestation contre le racisme.

Le même jour, Richard Millet (éditeur et écrivain très expérimenté et même très apprécié pour son écriture) publiait un pamphlet Langue fantôme suivi de Éloge littéraire d’Anders Breivik, oui éloge de l’assassin, un court texte de dix-huit pages aux éditions Pierre-Guillaume de Roux. Un essai qui rend hommage au terroriste norvégien responsable de la tuerie d’Utoya (Norvège). Millet a dit à propos de Déclaration d’indépendance européenne, un brûlot de 1500 pages que Breivik avait publié sur Internet, qu’il était « non dénué d’intérêt ». Ce livre «contient des analyses pertinentes de la perte de l’identité nationale» dit Millet. Le 28 août, Tahar Ben-Jelloun s’indignait sur France Inter : « Richard Millet vit une sorte de dépression parce qu’il considère que la civilisation chrétienne est en chute libre, menacée par ce qu’il appelle le multiculturalisme. Millet ajoute que le multiculturalisme ce sont l’Islam et les arabes. Il est très malheureux parce que la société telle qu’elle est ne lui plaît pas. J’étais un peu habitué à son délire raciste, mais là il va beaucoup trop loin.  La littérature ne doit pas être à côté des criminels et des salauds. Millet me vise directement lorsqu’il dit que si la littérature parle souvent petit nègre en France c’est qu’elle se tiers-mondise. Il a une haine de tous ceux qui écrivent en français et qui ne sont pas Français de souche. » L’auteur franco-marocain écrit sur son blog (taharbenjelloun.org) le 05 septembre : « (pour Millet) le fait que tant d’écrivains viennent d’Afrique, du Maghreb et du monde arabe et écrivent en français, participent de ce fait à la « décadence »  de cette littérature. »

Je suis tombé sur des extraits de livres de ce Richard Millet qui m’ont laissé sans voix. Il écrit en effet : « Anders Breivik est un enfant de la ruine familiale autant que de la fracture idéologico-raciale que l’immigration extra-européenne a introduite en Europe depuis une vingtaine d’années. » Quant aux jeunes tués par Anders Breivik en 2011, ils « n’étaient que de jeunes travaillistes, donc de futurs collaborateurs du nihilisme multiculturel. » Millet suggère-t-il qu’on pouvait donc les éliminer ? Je cherche encore et encore pour découvrir des écrits infects, nauséeux. Voici ce qu’il disait sur France-Culture, le 11 juin 2011, répondant à la question d’Alain Finkelkraut, « que désigne pour vous le mot France ? », Millet répondit : « Pour moi, la France je la définis comme  un drame. Le contenu du mot France est déjà défait (…) Je suis, notamment dans un espace comme dans le RER dans une situation ‘d’apartheid’ volontaire, c’est-à-dire que je m’exclus moi-même d’un territoire et d’un groupement humain où je ne me sens plus moi-même. Quand je suis le seul Blanc, ça me pose de telles questions. Je ne peux que m’exclure moi-même. Moi, je n’ai pas de réponse à cela, et si cette population est fortement maghrébine, je le suis encore moins…Quelqu’un qui, à la troisième génération, continue de s’appeler Mohamed quelque chose, pour moi il ne peut pas être français ». L’excellent humoriste Guy Bedos dirait : « libanais ou quelque chose ». Faut-il que Mohamed le français se renie au point de ne pas donner le prénom de son grand-père à son fils, faut-il qu’il éradique son passé au nom de l’intégration ? Cela n’est pas étonnant dans la bouche de cet individu qui aimait à parler du « plaisir qu’il avait eu à tirer sur des Arabes. » (Jean-Marie Laclavetine in bibliobs 28 08 2012). Il a même prétendu avoir tué «des hommes, des femmes, des vieillards, peut-être des enfants» aux côtés des Phalanges d’extrême droite libanaises. Abjecte homme.

Dans De l’antiracisme comme terreur littéraire le sulfureux Richard Millet écrit : « Ainsi, constatant que je suis le seul Blanc  dans la station de RER Châtelet-Les Halles, à six heures du soir ou déclarant que je ne supporte pas de voir s’élever des mosquées en terres chrétiennes, ou encore trouvant que prénommer, à la troisième génération, ses enfants Mohammed ou Rachida relève d’un refus de s’assimiler, c’est-à-dire de participer à l’essence française, tout cela ferait de moi un raciste. » Non, c’est de l’amour fou. Cette exécrable répugnance parmi les répugnances, toutes ces ignobles paroles sont un acte politique assis sur de la littérature, l’utilisant, l’exploitant. C’est selon D. Caviglioli « une logorrhée digne d’un PMU toulonnais » (in bibliobs 30 08 2012).

L’écrivaine Raphaëlle Rérolle écrit in Le monde. fr du 27 08 : « En dix-huit pages, Richard Millet déroule avec rage la litanie des haines qu’il a déjà déversées dans d’autres écrits, notamment Opprobre, paru chez Gallimard en 2008. Inscrit dans une pensée d’extrême droite qui n’hésite pas à esthétiser la violence, Millet n’en est pas à ses débuts, en matière d’anathème. »

Le Clézio est connu pur sa grande discrétion. Mais les outrages de ce Millet l’ont fait bondir : «Au nom de quelle liberté d’expression, à quelles fins, ou en vue de quel profit un esprit en pleine possession de ses moyens (du moins on le suppose) peut-il choisir d’écrire un texte aussi répugnant?» écrit-il dans une tribune in bibliobs.nouvelobs.com le 05 septembre. « Richard Millet recherche très consciemment le scandale. Cela fait partie de sa stratégie d’auto-victimisation » écrit Pierre Jourde sur son blog (pierre-jourde.blogs.nouvelobs.com) Pour Le Clézio  (qui n’est selon Millet qu’un « chien de garde qui aboie comme d’habitude ») «la question du multiculturalisme, qui semble obséder si fort certains de nos politiques et quelques-uns de nos prétendus philosophes, est une question déjà caduque», puisque «nous vivons dans un monde de rencontres, de mélanges et de remises en causes». (in bibliobs 05 09 2012)

Annie Ernaux écrit (Le Monde.fr du 10.09) : Les propos de Millet « exsudent le mépris de l’humanité et font l’apologie de la violence au prétexte d’examiner, sous le seul angle de leur beauté littéraire, les « actes » de celui qui a tué froidement, il y a un an, 77 personnes en Norvège. Des propos que je n’avais lus jusqu’ici qu’au passé, chez des écrivains des années 1930. » 118 écrivains ont approuvé le texte d’Ernaux  (dont Amélie Nothomb, Alain Mabanckou, Camille Laurens, Tahar Ben Jelloun, Bertrand Leclair, JMG Le Clézio, Boualem Sansal, Christian Prigent, Marie Desplechin). A cela Millet répond «l’antiracisme (c’ est du) terrorisme».

Qui est responsable selon Millet de la misère culturelle, littéraire en France, je vous le donne en mille ? Les colons du 20° et 21° siècle, montés du sud, ces immigrés asiatiques ou pire encore africains, arabes et musulmans bien sûr : « le repeuplement de l’Europe par des populations dont la culture est la plus étrangère à la nôtre » écrit Millet. Il y aurait ainsi les Français de souche, ceux du premier cercle, et les autres, les Français de seconde zone, qui n’auraient pas dû l’être (français).

« Les positions idéologiques de Richard Millet me paraissent lamentables » écrit Pierre Nora (in Le Monde.fr  – 11 09). Nora est un historien, académicien et membre, comme Millet,  du comité de lecture chez Gallimard. Mais hélas, Millet n’est ni le premier ni le dernier à propager la haine contre « les autres », ces étrangers, même devenus des nationaux.  Des hommes politiques, des « artistes », chroniqueurs radio et télé…. diffusent en France (je ne connais pas la situation des autres pays européens) et de manière récurrente des paroles suggestives, parfois directes, parfois très subtilement,  contre les immigrés arabes, musulmans, africains  (Zemmour, Houellebecq, Finkielkraut – oui, oui – et tant et tant). Il y a à l’évidence une « certaine corruption de la pensée contemporaine et de la responsabilité des écrivains dans la propagation du racisme et de la xénophobie. » (Le Clézio dans La lugubre élucubration de M. Millet)

A la périphérie de toute cette affaire c’est que ce triste homme en tire un bon profit : sa Langue fantôme a été vendue à  7500 exemplaires  et son Antiracisme comme terreur littéraire à 6500. Et ce n’est pas fini.

Millet a démissionné ce jeudi  13 septembre du Comité de lecture de Gallimard, mais il reste néanmoins salarié.

Ahmed Hanifi

Marseille, le 15 septembre 2012

Lettre à une amie française…

Lettre à une amie française d’origine savoyarde LA NATION

Lettre à une amie française d’origine savoyarde POLITIS (en page « courrier »)

Chère C.,

Il est tard, mais je me dois de te répondre. Ce matin tu m’interrogeais sur les tueries de Toulouse et de Montauban. A vrai dire je ne sais par quoi ni par où commencer. Une thèse de doctorat n’y suffirait pas. D’ores et déjà je te dis que ce qui, ci-dessous, s’apparente à des élucubrations ou pérégrinations hors sujet, ne l’est en réalité pas du tout. Il contient nombre d’ingrédients ou causes dont les massacres de Montauban et Toulouse peuvent être considérés comme le résultat. Mon écriture est éclatée, comme l’est mon esprit lorsqu’il aborde certains sujets explosifs. Celui-ci en est un.

Chère C., tu t’interroges sur l’absence de réaction des intellectuels musulmans non intégristes, tu t’interroges également sur ce que prône l’islam en la matière. Pour être crédibles nous ne pouvons traiter de la « folie » de Merah sans préalablement dire ceci :

Nous vivons hélas en France et généralement en occident (mais, mondialisation oblige et à un degré moindre, dans d’autres pays du monde) dans une société du spectacle, dans une société où prime l’individualisme et la cupidité, où la question majeure de la solidarité de groupe est recalée, rejetée. L’Europe est depuis plusieurs décennies dans le creux de la vague. L’Europe est à la dérive. Il lui faut se ressaisir. Dans cette Europe et dans cette France donc les intellectuels musulmans ne sont pas écoutés et Dieu sait qu’ils produisent (en France et en Europe) une pensée islamique moderne. Il y a de nombreux penseurs de l’islam qui ne sont pas écoutés car la société du spectacle n’a que faire de l’intelligence de l’homme, à fortiori musulman. La société du spectacle a besoin, par définition, de spectacle. Et par conséquent d’acteurs et de spectateurs. Te souviens-tu de cette phrase :  » Il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages.  » Ces paroles sont de Patrick Le Lay, PDG de TF1, en 2004 in Les dirigeants face au changement. La société du spectacle ne forme pas le spectateur en citoyen vigilant. Elle en fait un appareil digestif.

Revenons chère amie à nos intellectuels musulmans. Mohammed Arkoun est inconnu. Abdelmajid Charfi aussi, Rachid Benzine et combien d’autres sont délibérément ignorés ici-même comme dans les pays musulmans. Lorsqu’on donne la parole à Tarik Ramadan, c’est pour le confiner dans un médiocre ring médiatico-politique et surtout rappeler systématiquement qu’il est le petit-fils de son grand-père. Il ne peut être qu’un frère musulman. Ces intellectuels musulmans qui prônent le nécessaire ijtihad dans l’Islam du 21° siècle (ijtihad que réfutent les tenants du dogme dans les pays musulmans dont nombre d’entre eux sont malheureusement soutenus par l’Europe et les Etats-Unis, je pense au roi d’Arabie Saoudite notamment ), ces intellectuels ne sont pas entendus. L’ijtihad « désigne l’effort de réflexion que les oulémas ou muftis et les juristes musulmans entreprennent pour interpréter les textes fondateurs de l’islam et en déduire le droit musulman » (Wikipédia). L’islam d’aujourd’hui ne peut faire l’impasse de l’histoire de l’humanité. Il ne peut fermer les yeux sur près de 14 siècles de vie tumultueuse du monde global, depuis son avènement. Or, ces « nouveaux philosophes musulmans » de l’Ijtihad qui traitent de cette question de l’absence de l’histoire dans l’Islam n’intéressent pas les médias européens et français donc, qui s’enivrent et veulent nous enivrer de spectacle. Ils préfèrent « l’image à la chose, la copie à l’original, la représentation à la réalité, l’apparence à l’être… » (Debord). Par conséquent ils nous donnent à voir, à boire, à ingurgiter à longueur d’information continue des barbus hirsutes (« sales ») en djellaba (ou en guenilles) s’exprimant de travers, haranguant violemment les foules, ou alors, le sabre à la main, psalmodiant des versets au-dessus d’une femme en noir, à leur pied silencieuse, terrorisée. Ceux-là sont dits « les musulmans » ou à défaut « les islamistes » et non moins musulmans. Ce sont eux qu’on nous montre dont on nous abreuve d’images et de sons. Non seulement qu’on nous montre, mais dont on nous dit sans honte qu’ils sont les représentants de l’Islam. Ce sont eux, selon les médias occidentaux, qui sont les diffuseurs de l’Islam. Société du spectacle donc qui réfute l’histoire exactement comme réfutent l’histoire les dogmatiques religieux musulmans. Mais des barbares il y en eu d’autres.

Hiroshima et Nagasaki sont occidentales. Le nazisme et la Shoah sont européennes (dois-je écrire chrétiennes ?). La haine contre les barbares (les juifs, depuis les temps anciens, les cibles des croisades, puis les protestants et les musulmans aujourd’hui), cette haine est très fortement ancrée dans cette Europe « judéo-chrétienne ». Les centaines de milliers de morts en Afrique (19 et 20° siècle) sont le fait des colonisations européennes. La défaite coloniale et notamment (deux fois notamment) l’indépendance de l’Algérie n’a jamais été acceptée (voir le très puissant lobby pied-noir et harki qui a réussi à faire admettre au microcosme médiatique français qu’il lui fallait mettre sur le même plan les tortionnaires de la France coloniale et l’autodéfense des militants indépendantistes, et ce microcosme l’a fait en brandissant dans leurs amalgames l’humaniste Camus). Cette perte encombre la mémoire et le présent de nombreux français. Le rejet de l’Algérien cette pathologie bien française n’a jamais été traitée sérieusement. Alors que penser de cette rancœur rentrée des parents algériens de ces français, qui, malgré eux, consciemment ou poussés à deux mains par la société blanche qui les a vus naître et grandir, reproduisent cette rancœur ? Que penser de cette rancœur, ne serait-elle pas une impasse ? certes que si.

Chère amie, je pense plus généralement à la théorie de Huntington. Elle a fait et continue de faire des ravages dans les soubassements des sociétés du Nord. Elle atteint désormais depuis ces dernières années les partis et les sommets des Etats en Europe : Les Vrais finnois en Finlande (où il n’y a pourtant que 3% d’étrangers !) , l’Udc en Suisse, une branche de l’UMP en France, le Parti populiste Jobbik en Hongrie, la Parti du peuple danois, le FPO en Autriche, la Ligue néofasciste en Italie du nord, etc, etc. Et personne ne semble s’en offusquer ou si peu, alors même que les graines du fascisme repoussent de nouveau au grand jour, sous un silence complice de la majorité du reste des hommes et partis politiques européens. Nombreux dans ces milieux disent que l’Islam est par essence intolérant, antisémite… ils sont, selon le mot de A. Bidar, des essentialistes. Evacuant le monde, l’existence vécue. A l’opposé, des gens comme ceux des Indigènes de la République s’indignent et parlent des musulmans comme étant « les nouveaux juifs de l’Europe ». Je ne suis pas sûr qu’ils aient totalement tort.

Chère C., Lorsque dans les années 70 les soviétiques ont envahi l’Afghanistan, les Etats-Unis (avec l’accord des puissances européennes) ont « fabriqué » Ben-Laden pour contribuer à l’endiguement du communisme. Nous savons aujourd’hui que ce combattant de la liberté américaine était devenu quasiment un membre du réseau de la CIA qui encouragea plusieurs années durant les islamismes de tous bords. Les régimes autoritaires ou dictatoriaux des pays arabes ont été soutenus jusqu’au bout, jusqu’à leur agonie par l’Europe et notamment la France. Aujourd’hui encore, l’Arabie Saoudite, très grande démocratie n’est-ce pas dans le monde arabe, est le plus fidèle allié des occidentaux. Evoque-t-on jamais, hors artifices,  dans les médias, et particulièrement dans le microcosme parisien, chez ces « intellectuels médiatiques » et chez les hommes politiques français cette monarchie passéiste et ses procédés féodaux ?

Maintenant ce point central auquel je voulais en venir chère C., et qui affecte tous les hommes épris de liberté y compris et surtout peut-être les musulmans et les peuples arabes martyrisés : La Palestine. Les Palestiniens sont quasiment le seul peuple au monde que l’Europe et les Etats-Unis ignorent, encourageant de fait depuis sa naissance le colonisateur Israélien. Voilà un pays, Israël, qui viole pas moins de 37 résolutions de l’Onu depuis des décennies, sans qu’aucune menace ne pèse sur lui. Jusqu’à quand ? Je ne fais pas, crois-moi de fixation sur Israël comme on le reproche souvent, non, le problème est que la Shoah (cette horrible machine de mort européenne) est exploitée et instrumentalisée par l’Etat d’Israël pour justifier son colonialisme, son oppression, ses massacres.

Crois moi chère amie, la question de la justice pour le peuple humilié de Palestine est LE point nodal (n’en déplaise à Alain Finkielkraut, sioniste avéré, dont je te rappelle au passage, que le tueur norvégien dit s’être inspiré :), point nodal autour duquel se cristallisent toutes les frustrations des arabes, des musulmans, des hommes épris de justice et de liberté. Pourquoi les israéliens tuent, massacrent impunément depuis 1967 (je n’écris même pas depuis 1948) ? Pourquoi le peuple palestinien n’a-t-il pas droit à une terre ? Tu remarqueras que cette question lorsqu’elle est médiatiquement traitée, tout est fait pour qu’elle soit une « question complexe ». Or la question est une limpide question de colonisation. As-tu constaté l’évolution des territoires palestiniens depuis 1948 ? Ils ont été amputés de plus des trois-quarts. En un mot, je dirais que toutes ces injustices, ces humiliations assignant à l’homme algérien, arabe ou autre de subir et de se taire sont inacceptables.

Maintenant Toulouse et Montauban : Les médias écrivent ou parlent de 4 morts en précisant systématiquement juifs (l’école est juive). Ils évoquent aussi la mort de militaires français (le plus fréquemment sans précision d’origine). Par contre ils disent ou écrivent quasi-systématiquement : « Mohammed Merah, d’origine algérienne ». Le jeune Merah est pourtant né à Toulouse il y a 24 ans. Il y a grandi. Il est culturellement un Toulousain, un français quoi, si j’ose ainsi dire. La part de l’influence de son environnement (amis, structures locales, politiques, sociales) est-elle à ce point insignifiante ? Le poids de la culture de ses parents est-il à ce point marqueur de sa personnalité qu’il faille l’y renvoyer à chaque fois qu’on donne son nom ? Et puis, de quelle origine sont tous les pédophiles français qui ont marqué l’actualité depuis 20 ou 30 ans ? et tous les autres criminels de quelle origine étaient-ils ?

Mon amie, Il y a de quoi se mettre très en colère. Vraiment, très en colère. La ségrégation, la stigmatisation est évidente et quasi permanente. Que faut-il que ces jeunes fassent pour que cette société française les accepte ( nous accepte, nous les bicots d’Algériens, pas même les Marocains, pas même les Tunisiens), comme des citoyens à part entière comme les autres ? On exige de nous des preuves permanentes parfois des preuves de soumission. Et cela est inadmissible. Ce jeune Merah est un assassin. Un criminel. La question est de savoir s’il est né criminel ou s’il l’est devenu. S’il l’est devenu, est-ce à cause de son origine (la famille xénophobe et raciste le suggère) ou bien de sa trajectoire ? Qu’a-t-il dit et fait avant sa fin ? Il a dit qu’il voulait venger les enfants Palestiniens (les responsables palestiniens ont déclaré qu’ils ne voulaient pas du « combat » de ce jeune criminel – mais quel média français a répercuté leurs propos, combien un ou deux ?) Quel a été son passé ? Que disent les médecins qui l’ont examiné ! que dit son avocat (il fut un petit délinquant) ? et que disent les services secrets qui l’ont sollicités un temps ?. Je souhaite chère C. que tu lises le magnifique roman de mon ami Salim Bachi « Moi, Khaled Kelkal », ed. Grasset, février 2012)

Non je ne m’égare pas chère amie. Encore une chose : des signes de déflagration apparaissent épisodiquement en France. Personnellement je me souviens (les années filent) des nombreux meurtres d’Algériens, notamment sous Giscard ou avant, parce que Arabes ou Algériens (52 morts en 1973 presque tous algériens), je me souviens de la marche des beurs de Lyon en 1983 (dont les revendications furent vite étouffées avec la création de SOS Racisme) qui, déjà, mettait en garde. Je me souviens de ces milliers de jeunes Français sifflant la marseillaise en octobre 2001 lors du match amical France-Algérie. N’était-ce pas là un révélateur important de leur « non-intégration », de leur mal-être ? je me souviens des flambées de violences et jusqu’à 2005 avec « l’embrasement des banlieues », de tous les commentaires parfois haineux, scandaleux, racistes et toutes les promesses qui ont été données (et toutes les conneries qui ont été dites et écrites, « la sociologie n’explique rien » ). Aujourd’hui , sept ans après, dans les quartiers populaires des plus grandes villes du pays (avec forte présence « immigrée ou population d’origine immigrée »), près de 50% des jeunes actifs chôment (40, pour les filles). Cela est absolument inadmissible. Le taux moyen des jeunes au chômage en France tourne autour de 23% (15-24 ans). La délinquance commence de là. La dérive vers d’autres « cieux plus cléments » avec promesse d’être à terme reçu en grandes pompes au Paradis, commence de là.

Il ne s’agit absolument pas de dédouaner l’encrage idéologique de Mohamed Merah, si tant est qu’il en ait de sérieux. La responsabilité des islamistes-intégristes est bien sûr une réalité puissante dont il faut tenir compte et il faut la combattre. Je reste persuadé qu’un jeune français, et non « d’origine X », perçu pour ce qu’il est, ce qu’il fait, inséré dans le circuit économique et social, conscient de son utilité, de sa participation à la construction nationale, ne s’aventurerait pas dans des impasses suicidaires. Un jeune français dont on ne cesserait de répéter qu’il est d’origine X lorsqu’il est responsable de méfaits (et dont paradoxalement on tait l’origine lorsqu’il est le meilleur footballeur du monde par exemple), pour l’écarter, pour le renvoyer au pays de ses parents (parfois de ses grands-parents), et bien à ce jeune hélas on indique ainsi les portes à ouvrir qu’il n’a plus qu’à pousser : le repli sur soi, sur l’histoire de ses parents et plus encore. Les plus fragiles, rejettent leur environnement, pour peu à peu, de petits délits en cours de prison, se laisser embrigader dans des circuits maffieux ou intégristes Jusqu’au « martyre ». Quel gâchis ! Si ces données sociales ou sociologiques sont réfutées, sont jugées « trop faciles » il n’y a plus qu’à considérer comme moteur de la dérive de ces jeunes, de ce Mohamed Merah son unique libre choix individuel ou bien alors son origine, ses gènes. Horreur contre quoi je m’inscris en faux, je m’insurge, pour mon honneur propre et celui des miens. Car je ne pense ni n’agis avec mes gênes.

Tu sais combien chère C., j’ai moi-même souffert de cette stigmatisation des années durant dans ce pays. Ma réaction fut de résister, autrement. Je me suis toujours dit que la nation française possède des ressorts humains fabuleux. Elle nous l’a prouvé, pour ce qui concerne notre histoire récente, en 1998. Je ne peux l’oublier. C’est cette France-là, la France black blanc beur qui est la mienne. Pas celle qui fait feu de tout bois, comme durant ces années, comme durant ces derniers mois impliquant des hommes et des femmes politiques aux commandes de l’Etat : le Karcher, les odeurs, « quand il y en a un ça va », le carnet de circulation des ROMS, « toutes les civilisations ne se valent pas », « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire », jusqu’à inquiéter les experts du CERD (ONU). Des climats de haine comme ceux-ci devraient être bannis car ils sont le ferment sur lequel croissent d’autres haines. Des haines qui peuvent tuer.

Merci chère C., je te prie d’excuser le désordre apparent de cette longue réponse à ton interrogation. Comme je te l’ai écrit au début, il s’apparente à des élucubrations ou pérégrinations hors sujet qu’il n’est pas en réalité.

Je te remercie de m’avoir entièrement lu et te dis à très bientôt. Comme toi-même l’as fait, aussitôt cette lettre achevée, je vais maintenant m’incliner à la mémoire des sept innocents tués à Montauban et à Toulouse les 11, 15 et 19 mars derniers : Imad Ibn Ziaten, Abel Chennouf, Mohamed Legouad, Gabriel Sandler, Arieh Sandler, Jonahtan Sandler, Myriam Monsonego.


Samedi 24 mars 2012.

Je suis révolté

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Je suis révolté contre les carnages des populations libanaise et palestinienne que perpétuent impunément les hordes barbares de l’Etat hébreu. Je suis indigné au-delà des mots contre l’injustice que subit toute la population d’un pays indépendant, le Liban, du fait de l’Etat juif, mais aussi celle des populations palestiniennes pour avoir voté démocratiquement (avec certification occidentale). Je suis révolté par la solidarité directe ou tacite des pays occidentaux aux terroristes israéliens. Je suis révolté par la lâcheté sans fin de nombre de dirigeants corrompus de pays arabes avec à leur tête ceux d’Arabie Saoudite, premier des soutiens traditionnels à la politique impérialiste étasunienne. Je suis révolté par tant d’hypocrisie de nos amis politiques anticolonialistes français de gôche. Je suis révolté par le silence médiatique français complice, hormis deux ou trois exceptions, qui se contente d’énumérer les cadavres arabes sans analyser dans le fond la genèse du conflit Israélo- » Arabe  » et de ce qu’à long terme Israël vise dans la région. Ces mêmes médias qui s’empressent de commémorer en moyenne une fois par semaine (cela peut aisément se vérifier) à tour de rôle, tel ou tel événement lié à la seconde guerre mondiale  » afin que nul n’oublie  » faisant ainsi obstacle à quiconque s’aventurerait dans la critique de l’Etat colonial sioniste, au nom d’un passé encore inexpurgé. Je suis révolté par ma propre impuissance. Nous sommes très nombreux aujourd’hui à nous sentir par la force des choses très proches du Hizb-Allah libanais et plus encore dans le monde à penser que cette incommensurable injustice faite aux populations du Sud et notamment depuis un demi-siècle aux palestiniens ne peut demeurer indéfiniment impunie. Nous exprimons notre révolte par la plume ou par des marches, mais une minorité elle, radicale, nourrie par un désespoir quotidien plongera à coup sûr, dans les bras de Ben Laden et de ses émules, jusqu’au-delà de la mort et sans discernement car pense-t-elle, telle est l’unique issue à l’injustice de l’Occident. Alors seulement celui-ci se posera de nouveau La question :  » mais pourquoi ?  » Comme en 2001.

Ahmed HANIFI, formateur. Marseille, le 20 juillet 2006.