Le 8 mars c’est aussi ça. Radio M (grand merci) consacre une émission aux disparitions forcées en Algérie. Un dossier parmi les grands tabous des années 90. Le silence sur cette question dramatique fut quasi total. C’est LE dossier noir de la presse publique et « indépendante » qui en fit le black out pendant des années, accusant les familles des disparus de « familles de terroristes » sans aucun autre jugement, au-delà du droit, au nom de l’éradication. Merci aux ONG internationales de défense des Droits de l’Homme, à la LADDH et aux valeureuses mères courages algériennes comme celles que nous voyons sur cette vidéo, ces « folles de mai » comme en Argentine, comme au Chili, comme en Afrique du Sud, etc. qui ont réussi à faire entendre au plus haut la voix des disparus forcés
Un pays est à venir. Il est aujourd’hui
possible. Mais nous ne pouvons le construire ni par les radicalités intimes, ni
par la reconduction des mœurs du Pouvoir, ni par ce nombrilisme populiste. Lui,
le Régime, il aime contrôler les libertés, censurer, s’immiscer dans l’intime
conviction, douter et faire douter de la bonne foi. On ne doit pas lui
ressembler.
Internet nous a aidés à surmonter le manque de liberté, son impossibilité dans
notre pays. Il a été l’instrument de notre triomphe.
On ne doit pas transformer cet outil en espace pour des tribunaux populaires
qui s’installent et déjà jugent, condamnent, empoisonnent et lapident.
Aujourd’hui, certains ont prétendu que j’en suis venu à négocier avec un
représentant du Régime sur le dos des manifestants. Comme si j’étais un
politique, un élu, un chef de parti, un président ou un délégué qui a la
possibilité de négocier ou de dialoguer.
J’en fus blessé mais j’ai refusé, par fierté, d’y répondre dans l’immédiat et
sous l’injonction de l’affect ou des inquisiteurs. Parce que je n’aime pas me
justifier, ni le faire croire, ni me soumettre aux ordres de quelques nouveaux
commissaires politiques (je ne l’ai pas fait avec les anciens !). Et je n’ai
rien à cacher, ni à me faire pardonner. Fier et libre et révolté. Ce que je
vis, ce que je pense, je l’écris et depuis deux décennies. A l’époque des
grands silences de certains. Dans mon droit à la singularité, à la différence
ou à l’erreur.
Et si j’en parle aujourd’hui, dix jours après, c’est pour trois raisons.
D’abord, sur insistance d’amis, pour éclairer et aider à la lucidité : j’ai
rencontré Brahimi Lakhdar à Sciences Po où j’enseigne et où il est bénévole,
parfois. Deux fois. Et avant sa mission à Alger et bien sûr hors du cadre de
ses consultations tentées et jamais abouti à Alger. Je suis libre de le faire,
je ne suis ni représentant d’un mouvement, ni un politique, ni un chef de
parti, mais journaliste et écrivain. Je rencontre qui je veux et quand je le
décide. Si aujourd’hui au nom d’une révolution on veut me priver, par
inquisitions et insultes, de ma liberté, c’est que ce n’est plus une
révolution, mais une future dictature qui va seulement changer de personnel.
Certains médias électroniques y versent déjà pour décrédibiliser des gens qui
ne se casent pas dans leurs projets. Certains journaux électroniques en sont
déjà à la diffamation après avoir excellé dans le chantage et le régionalisme
pour obtenir l’argent des annonceurs.
Quant à moi, je fais mon métier, j’exerce ma vocation et ma liberté m’est
essentielle, pour mes opinions, mes livres et mes chroniques et je n’en rends
compte à personne, hier comme demain. J’ai écrit quand beaucoup se taisaient et
je vais continuer à écrire alors que certains bavardent et lapident.
L’autre raison, est plus urgente : dénoncer ce climat qui s’installe ou se
réveille en nous. Nous avons su entrevoir, dans le chant et la solidarité, la
possibilité de vivre ensemble dans nos différences. C’est encore fragile et
nous pouvons détruire cet espoir. Les tribunaux populaires d’internet, les
insultes et la méfiance radicale envers la bonne foi possible sont un danger
pour notre futur. Nous allons provoquer la rupture et l’hésitation chez ceux
qui ne nous ont pas rejoints, à force de ce révisionnisme comique. De ces
tribunaux rétroactifs sur les uns et les autres. La nouvelle république donnera
leur place aux héros, aux fervents, aux militants, mais aussi à ses enfants qui
reviennent à la raison, et ses femmes et hommes qui se sont trompés. La
radicalité peut nous mener aux pelotons d’exécution. Pas à la Réconciliation.
Il nous faut cesser avec cela. Respecter la liberté, sous toutes ses formes,
l’intimité des personnes, refuser l’inquisition et ne pas ressembler à ce
Régime. Il n’y pas de vérité, il n’y a que des femmes et des hommes de bonne ou
de mauvaise foi. Seuls les morts détiennent la vérité. Et elle leur est
inutile. Et si cette révolution commence par ma pendaison, elle ne m’est pas
utile, déjà.
Alors sauvons ce que nous n’avons pas encore vécu : la liberté de chacun, son
droit de penser, écrire, vivre. Arrêtons avec ce doute et cette fabrication du
traître. Arrêtons. Ou partons chacun de son côté. Qu’on en arrive à m’exiger ce
que j’ai dit et ce que m’a dit cette personne est un scandale moral. La liberté
et la sommation ne sont pas synonymes. Et si j’ai réussi à défendre ma liberté
face à un régime et face à ses corruptions durant toute ma vie professionnelle,
aujourd’hui je n’irais pas à me justifier devant des tribunaux derrière des
écrans. Devant des radicalités anonymes ou devant les procès de quelques agités
de l’ordre de mon métier.
Certains juges algériens en sont à se battre pour libérer la Justice de
l’injustice et il faut les soutenir. Alors que des amateurs des réseaux se
bousculent déjà pour mener les procès de ceux qui ne sont pas comme eux.
Ce pays je l’ai rêvé meilleur, par l’exigence sévère envers les miens et envers
ma propre personne. Et je vais continuer. Comme depuis vingt ans.
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LE QUOTIDIEN D ORAN
19 MARS 2019
Le Banc public- C’est si nouveau pour nous que d’enfin choisir
Par Kamel Daoud
Le Mal est profond. En Algérie, on aime
bien le dire, le penser.
Parfois, cette sentence exaspère, ou aboutit au fatalisme. Mais parfois, elle
se révèle comme une occasion de dépassement. Aujourd’hui, les Algériens se
retrouvent dans la rue, puissants, rassemblés, rieurs et heureux, comme plongés
dans le vertige des retrouvailles. Et ils découvrent l’angoissante question du
«politique» dont ils ont été depuis toujours dépossédés. Qui est qui ? Qui
représente quoi ? Expérience de l’obligation de déléguer pour parler sans
cacophonie, mais aussi d’accepter les différences. Le Pouvoir nous a habitué à
la pensée unique, le parti unique et la non-pensée unique. Aujourd’hui, pour
nous, la différence est inquiétante, nouvelle, angoissante et presque heureuse.
On a l’intuition qu’être différent n’est pas être traître mais être riche. Mais
cette intuition est encore fragile.
L’angoisse de la représentativité face
au Régime, de l’obligation de trouver des «représentants», des porte-parole se
heurte à la méfiance. Le Régime a depuis toujours fraudé, corrompu la notion
d’élu et de délégué. Elle signifie, depuis des décennies, triche et trahison.
Du coup, on en a peur. On veut continuer une Révolution mais sans accepter son
aboutissement politique. «Il ne me représente pas» est l’autre slogan triste de
«Dégagez». Pire encore, on est dans l’élan de l’absolu : on croit que celui qui
va porter notre parole, aujourd’hui, va le faire à vie, pour toujours, alors
qu’il s’agit seulement de délégation pour une transition. Une période fixe pour
permettre de faire survivre l’Etat et la passion, au temps. La méfiance est de
mise mais la transformer en loi est une impasse. On se retrouve, alors, tenté
par l’exclusion au nom de l’unanimisme. Et pourtant nous sommes là dans nos
différences. Et si nous devons déléguer, nous le ferons avec le prisme large de
ces différences, pas avec l’idée de l’absolu et de l’exclusion. Aucun Algérien
ne peut représenter toute cette révolution, mais certains peuvent aider à
représenter certains de ses courants de fond, corporations, passions, régions,
classe d’âge… etc. Il ne faut pas trop se hâter, mais cette voie nous aidera
à apprendre ce qu’est le consensus tout en maintenant vives et riches nos
différences. Un pays n’est pas la terre uniquement. C’est cet équilibre qui
vous maintient debout ou vivant, entre les mille contradictions de l’apesanteur,
de l’histoire, des langues et des cultures. Un pays, c’est un choix de vivre
ensemble et pas un lot de terrain morcelé.
Cela fait donc peur cette question de
la représentation et du soupçon, réveille la paranoïa, le doute sur la bonne
foi des autres, le malheur. Et cela se comprend. Nous avons été soumis au
conditionnement de ce régime depuis l’indépendance. Nous avons été dépossédés
du choix si longtemps, qu’aujourd’hui il en devient angoisse. Nous avons été
poussés à nous exclure, les uns les autres, au nom de beaucoup de choses et
cela n’est pas facile à oublier.
Pourtant, la possibilité de guérison
est là : il suffit juste de remplacer l’affect par la raison et le souci de ne
pas être trahi, par le souci de ne pas trahir nos descendants.
Tant de choses à rétablir et à guérir :
l’effort, le salaire, le corps, la confiance, la différence, le désir,
l’acceptation, la souveraineté et la vraie, la grande réconciliation. Pas celle
des milices et du Régime. Nous avons déjà montré que l’on peut marcher tous
ensemble, on peut démontrer que nous pouvons continuer. Le ton peut paraître
sentencieux, mais ce n’est pas le but. Le chroniqueur essaye juste d’apporter
sa réflexion sur ce qui le concerne : le pays où il vit et où il mise sa vie et
celle des siens et de ses enfants. Une réflexion pour empêcher une pente
dangereuse : nous ne pouvons pas demander le départ du Régime et reconduire ses
tares, ses cultures, sa méfiance, ses inquisitions, ses diffamations et son
mépris. Nous ne devons plus ressembler à ces gens-là. Je me dis, avec
imprudence, que peut-être, que chaque fois que nous devons faire un choix,
examinons ce que fait ce Régime depuis toujours et faisons le contraire.
Souvent.
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LE QUOTIDIEN D ORAN
11 MARS 2019
Le Banc public- Dissoudre le FLN pour le libérer
Par Kamel Daoud
«F LN dégage». C’est l’un des slogans
majeurs de ce soulèvement des Algériens contre la Régence d’Alger. Des jeunes
le criaient sous les murs du siège de ce parti, à Oran, ce premier Mars. Mais
aussi partout dans le pays. On y retrouve l’envie de naître, renaître,
retrouver Larbi Ben M’hidi sans passer par Ould-Abbès, se libérer des courtiers
et des Saidani. Car le FLN a été volé, depuis longtemps, pris en otage,
cambriolé et obligé à vivre par le faux et l’usage de faux. Ce parti, auteur
d’une magnifique épopée de décolonisation, a fini en sigle pour manger mieux
que les autres, grimper sur le dos des autres et parler en leur nom. Les
décolonisateurs en chefs, ou ceux qui se revendiquent de ce statut, en ont fait
un parti de nouveaux colons. Il faut libérer, donc, le FLN qui a libéré ce
pays.
Comment ?
Par la dissolution. Immédiate, sans
retard ni sursis. Dissoudre le FLN c’est le libérer, le restituer à la mémoire
collective, à tous les Algériens. Il nous appartient, à tous et pas à un
comité, un président d’honneur qui l’a déshonoré, ni à ces clowns cycliques que
sont ses récents secrétaires généraux et ses comités centraux. Le FLN est un
patrimoine, pas un club, ni une licence d’importation. C’est une mémoire, pas
une veste et un pin’s. C’est une épopée, pas une autobiographie ou une
association de malfaiteurs. Sauvons le FLN de ses kidnappeurs. Faisons-en un
souvenir et pas une machine de fraude. Il faut aussi consommer la rupture avec
les courtiers de notre mémoire : nous devons le respect à ceux qui se sont
battus mais le ministère des Moudjahidine ne doit plus exister. Ni
l’association de leurs fils, ni les autres appareils dentaires comme l’ONM,
l’organisation nationale des Moudjahidines. Il faut arrêter le scandale immonde
des fausses fiches communales.Fermer cette page. Cette population a le droit à
des prises en charge, une pension, l’immense remerciement d’un peuple, a le
droit à la mémoire et au respect, mais nous aussi. Il faut dissoudre cet apartheid,
ce système des intouchables avec ses privilèges honteux. Ceux qui ont fait la
guerre pour libérer ce pays n’ont pas le droit de transformer le pays en butin
pour eux et leurs enfants. Nous avons libéré la rue, le drapeau, l’hymne et le
vendredi, il reste à libérer la mémoire, le FLN, les nouveau-nés.
Tous les Algériens ont été, d’une manière ou d’une autre anciens moudjahidine.
Tous sont enfants de martyrs. Tous sont FLN sans en faire une mangeoire, tous
sont morts et tous sont vivants, tous sont égaux et il n’y a pas de privilège
autre que celui de sa propre vertu et de son courage.
Fonder une deuxième république passe aussi par la libération du présent, de
l’avenir et surtout, du passé.
Pour moi, c’est le premier pas. Le symbole fort d’une nouvelle époque.
C’est le signe radical d’une rupture
saine et courageuse. En attendant un conseil national de transition, une
assemblée constituante, une refonte de la gouvernance et un contrôle public
direct sur les dépenses locales, l’armée, la gouvernance des wilayas, un haut
conseil des Magistrats indépendant et autonome… etc.
Le FLN d’aujourd’hui est la liste
exacte des gens qui ne doivent plus avoir de postes de responsabilité, dans ce
pays, des personnes à écarter, des noms à ne jamais élire ni écouter, des
visages à qui il ne faut plus jamais faire confiance.
Alors commençons.
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LE QUOTIDIEN D ORAN
04 MARS 2019
Le
Banc public- Un terrifiant retour de la beauté
par Kamel DAOUD
Un peuple peut renaître. Peut mourir.
C’est fragile, immense, rare et puissant, imprévisible. Nous étions longtemps
morts. Corps gris, muscles défaits, cheveux dressés, regards durs sur soi et
les siens, la peau en parchemin juste pour raconter le passé. Tout appartenait
à ce Régime et nous étions sur sa terre à lui, hagards et tristes, indignés et
en colère parce qu’indignes. Radicalisés ou démissionnaires. Tout était au
Régime : l’arbre, la route, l’eau, les choses courantes, l’histoire, le verbe,
la télé et le drapeau. Le seul territoire qui restait en dehors, un peu, de sa
poigne cendreuse était Dieu ou le ciel ou Internet. Alors beaucoup allaient à
la mosquée, ne la quittaient plus dans leur tête parce qu’il fallait remplacer
la terre par le paradis, espérer encore malgré l’état des routes, croire en
quelque chose, déplacer le souffle vers l’au-delà. A défaut d’un pays, un
paradis. Pour certains c’était Internet. A défaut de vivre, regarder. Se
regarder. Pour d’autre c’était la mer. Elle était un grand mur, une montagne,
un maquis, une épreuve, un chemin. On plongeait dedans pour ressortir ailleurs.
Il fallait retenir son souffle sous l’eau. Certains y arrivaient et
ressortaient vivants. D’autres non, mourraient. La chaloupe était un endroit
étrange : dès que des Algériens y embraquaient, dès qu’ils franchissaient les
eaux territoriales, ils se mettaient à chanter et à rire. Regardez leurs vidéos
: ce n’étaient plus des chaloupes, mais des salles de fêtes.
La chaloupe remplaçait la rue, l’espace, l’air et la salle des fêtes
impossibles. La prière enjambait le temps. L’écran et les réseaux sociaux
étaient le pays par défaut. Et tout le reste était le champ du Régime, ses
dents, ses hommes minables et carnivores.
Aujourd’hui, cela s’inverse. La chaloupe devient la rue. On peut y danser et
rire. Y respirer. Libérer le pays de la caste féodale de ceux qui croient qu’il
est à eux et que nous y sommes en trop. Trop nombreux, violents, haineux et
jaloux de leur immortalité.
Cela va-t-il durer, cette rue, cette liberté, cet espace, ce grand poumon ? Il
faut faire attention. Ce régime ne partira pas facilement, il est haineux,
méprisant et croit qu’il peut régler la question du sens par la matraque et la
semoule. Il nous méprise. Il va manipuler, corrompre, ruser, attendre, frapper,
tuer. Il ne faut pas se tromper sur sa nature, sa nature est mauvaise. Il a
pris trop d’argent pour céder aussi facilement. Il a trop mangé et tué. Il nous
faut aussi cesser la haine des élites. C’est une maladie du régime, pas la
nôtre. L’élite n’est pas la trahison, mais la possibilité d’éclairage, d’aide,
d’union. Ils nous ont appris à détester l’élite, à la mépriser, à la croire
traître et faible. Depuis la guerre de libération, et jusqu’à aujourd’hui. Le
22 février et le 01 mars n’ont été possibles que parce que, des années durant,
certains ont maintenu vivante l’idée d’être libre, l’idée d’être digne.
On peut être dépossédé de cet élan ? Comme en Égypte ou en Tunisie ? Oui. Mais
on peut aussi rester vigilant, car ce qui s’est passé dans ces deux pays, nous
l’avons connu il y a vingt ans. Il y a vingt ans nous avons subi le vol de la
démocratie comme en Égypte, la guerre comme en Syrie, le complot comme en
Tunisie, le cauchemar du chaos possible comme il advint en Libye. Nous avons
vingt ans d’avance et d’expérience. Cela ne garantit rien, mais rend possible
de sortir de ce cercle vicieux qui tue et fait s’agenouiller les bonnes
volontés.
Nous allons céder devant Bouteflika & Cie ? Si nous le faisons, nous sommes
morts pour toujours. Le Régime pourra nous faire élire un âne ou même un crachat.
Nous serions alors les serfs et nos enfants après nous.
Il faut donc accentuer, aller vers la grève, le sit-in permanent, la résistance
pacifique, la vigilance accrue pour contrer ses médias en mode chiens de
service. Il faut avancer. Démissionner de l’APN et du FCE pour les plus
honnêtes. Libérer le FLN et le rendre à l’histoire et le séparer de
l’alimentation générale. Contrer l’argument fallacieux de «il a le droit de se
porter candidat». Oui, s’il était vivant, en bonne santé et dans un système électoral
sain. Pas en mode photo. Pour retirer un chèque il faut la présence de
l’intéressé, disent les internautes, et pas pour gouverner un pays ?
Passons. Un peuple peut mourir. Nous le savons tous. Nous sortons tous d’un
cimetière qui avait un drapeau. Nous avons le corps désarticulé, le teint pâle.
Nous les avions jusqu’à ces dernières semaines. Nous nous sommes fait volé
l’indépendance et le 1er novembre. Il ne faut pas se faire voler le 01 mars. Il
faut continuer. Ils ont eu droit à soixante ans de dictature et de rapine, nous
avons droit à des années de protestation et de joie.
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LE QUOTIDIEN D ORAN
26 MARS 2018
Le
Banc public- Un rêve simple et pratique
par Kamel DAOUD
«…Rares sont les journées heureuses.
Elles valent mille ans au décompte. Ou plus. Hier ce pays était beau
comme réconciliation. Des milliers d’Algériens candidats à la Omra ou au Hadj
ont rendu leurs «passeports spéciaux» et se sont fait rembourser. «L’argent est
pour vivre, pas pour tuer», a titré Echourouk. Ce journal comme tant d’autres,
a fait campagne pour que les devises algériennes restent dans le pays, aillent
aux écoles, à financer des lunettes ou à faire manger les migrants
subsahariens. «Le cœur peut être noir, pas la peau», ont crié des manifestants
solidaires avec les errants de nos rues. Des milliers d’Algériens ont préféré
donner leur argent à ces passants du continent qu’aux familles royales
saoudiennes. «Dieu est partout et pas seulement en Arabie», ont expliqué des
imams. L’argent réuni ainsi a servi à financer des campagnes de vaccination,
d’hygiène dentaire, à achever des chantiers de piscines dans les Hauts Plateaux
et à former les femmes dans les villages à exercer un métier au lieu d’attendre
des coups. «La femme n’est pas la moitié de l’homme, mais la moitié du pays, la
moitié de l’économie, la moitié de notre futur, la moitié de notre armée et la
moitié de notre produit intérieur brut», a conclu le cheikh Abou, cheikh qui a
compris qu’un sac vide ne tient pas debout, même avec cinq prières chaque jour.
C’est que le pays a changé. L’Algérie a retrouvé sa vocation ancienne d’être du
côté des spoliés et des endoloris, la Mecque des colonisés. Dans presque tous
les villages, il y a eu des rassemblements pour soutenir les Yéménites, les
Kurdes, les Nigérianes kidnappées par Boko Haram, etc. «Nous sommes avec la
Palestine, mais aussi avec les enfants tués au Yémen ou les gosses bombardés
par Erdogan au Kurdistan». Pas de distinction dans la compassion. «C’est quoi
la différence entre un enfant tué en Syrie ou à Gaza ? Aucune. Alors mon cœur
n’est pas raciste. Ce n’est pas parce qu’on est noir qu’on n’est pas
palestinien», expliquera un jeune enseignant à Bougtob. Nous avons connu la
guerre et la mort et nous savons qu’ils sont les mêmes, partout. Des associations
ont appelé à des dons et le gouvernent a autorisé un immense rassemblement à
Alger pour dénoncer les victimes au Yémen et au Tibet. Pas seulement en
Palestine. Des partis conservateurs et islamistes ont même soutenu des
campagnes de nettoyage des rues et villages, des appels au devoir écologique :
«Aller au paradis ne veut pas dire fabriquer un enfer pour nos enfants», a crié
un leader islamiste, soutenant l’imam de la Mosquée d’Alger qui avait appelé
les fidèles à faire des ablutions, une fois par mois, au pays au lieu d’en
faire cinq par jour pour eux-mêmes. Des campagnes pour «une heure de plus est
une zakat» ou «travailler c’est aussi prier» ont été lancées aussi, incitant
les fonctionnaires de l’Etat à faire du volontariat et à assurer les horaires
pour lesquels ils perçoivent un salaire. «Une heure de volontariat pour un
fonctionnaire, ce n’est rien et cela vaut mieux qu’une fatwa, qu’une prière
surérogatoire, une ablution, ou que le temps d’un café», expliquera un Algérien
sur la radio. Des leaders de partis islamistes et du FLN ainsi que du RND ont
décidé de s’investir dans le mouvement associatif bénévole au sud algérien et
de scolariser leurs enfants dans les villes du Sud pour mieux comprendre le sud
algérien, ses carences et ses besoins. «Un an de ma vie» est le slogan de cette
gouvernance tournante. Chaque ministre est soumis à cette loi solidaire. En
service civil.
Un vent de révolutions : à l’aéroport,
les policiers sourient et ne disent plus «passes !» avec colère et mépris, mais
disent «Bienvenue au pays ! Vous pouvez passer s’il vous plaît !». Les
Algériens refusent d’utiliser le sachet bleu pour leurs achats : «La tête est
une poubelle, pas le pays», lit-on sur les pare-brises des voitures. Les
écrivains algériens ne sont pas insultés mais enseignés, dans leurs différences
et leurs révoltes, dans les manuels scolaires. Pour la première fois depuis
l’indépendance, le nombre de PME/PMI a dépassé celui des mosquées et des salles
de loisirs ont été financées par des particuliers pour aider les jeunes à ne
pas se pendre aux cordes, aux chaloupes, aux minarets ou aux drogues. Les
Kabyles ne sont pas traités comme des Kurdes et les Kurdes ne sont pas traités
comme des champignons. L’arabité n’est plus une matraque mais une arabesque.
L’islam a été déclaré religion universelle, ouverte au monde. L’âge officiel de
l’Histoire algérienne a été reconnu comme de trois mille ans ou plus et ne
commence pas seulement en 1954 ou 1830. «L’identité c’est travailler, pas se
souvenir», a clamé un célèbre présentateur TV à Alger, surprenant ses invités
venus expliquer qu’ils «sont arabes, arabes, arabes !» en criant comme des
hystériques. Le pays bouge ! Il n’attend pas que le régime lui donne à manger
ou lui redonne le pays. «Le régime c’est nous !» a expliqué un célèbre
chroniqueur qui ne jette plus ses mégots dans la rue.
Oui, un vent de changement. Il n’y a
qu’à méditer le chiffre des baguettes de pain qui ne sont plus jetées dans les
poubelles : 20 millions de baguettes par jour il y a un an, presque trois mille
par jour aujourd’hui. Des gens sont morts, durant la Guerre de libération, pour
qu’on ait du pain, pas pour qu’on le jette. Quelqu’un l’a dit. On s’en est
souvenu. Tout le monde le pense aujourd’hui.
Un jour qui vaut mille ans. Chaque baguette vaut onze martyrs et demi de la
Guerre de libération. Dans les écoles, on enseigne à compter, écrire, parler
dix langues, penser même en dormant, dessiner et nettoyer les classes et les
lieux comme des Japonais. Il y a eu un consensus soudain et inattendu. Tous ont
compris qu’il fallait arrêter de tuer les enfants et de les manger chaque jour.
Personne ne parle de la CIA, d’Israël et du Mossad pour se laver les mains
d’avoir jeté sa poubelle en pleine rue. La France ? «La guerre est finie. On ne
veut pas être français, on veut être mieux. On ne lui demande pas des excuses
car nous avons vaincu. On demandera des excuses à nos enfants, car nous n’avons
pas tout réussi». Ce discours est resté dans les mémoires. C’étaient les
derniers mots du dernier moudjahid véritable, certifié vrai. Avec photos et
blessures sur la peau du dos. Oui, mille ans. J’ai déjeuné à Tunis, j’ai dîné
au Maroc, je suis passé par Alger pour serrer une main. En une seule nuit. Le
Maghreb est un train, pas une crevasse. «Que Dieu nous pardonne : il nous a
donné une terre, nous avons voulu en faire un trou pour chacun», murmura un
ancien cadre du MALG. Que dire d’autre ? Le pays a changé en une nuit sacrée,
en un jour long. D’un coup. Chacun a compris qu’il est responsable de tout,
lui, pas un autre. Que c’est à cause de lui qu’on a été colonisés depuis mille
ans, qu’on a de mauvaises routes et qu’on ne marche pas sur la lune. Chacun a
compris qu’il est responsable de tout ce qui s’est passé avant même sa
naissance car la preuve est que sa naissance n’a servi à rien depuis qu’il est
né. Chacun a saisi le sens angoissant de sa liberté et de sa responsabilité. De
chaque acte qu’il fait depuis son éveil, à sa mort, de chaque dinar dépensé,
chaque baguette de pain jetée.
Le régime c’est nous, nous c’est «je» et chacun est fautif de ce qui advient au
pays. «Moi», pas les mille autres…»
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LE QUOTIDIEN D ORAN
19 MARS 2018
Le
Banc public- S’acheter une île dans sa tête
par Kamel DAOUD
Il neige à Paris. Cela provoque un
curieux effet ces flocons qui tombent sur des pierres et des monuments. Des
lions en fer, à un rond-point, mouillés par des blancheurs, luisants et
immobilisés dès la naissance. Ponts qui traversent des champs de dentelle, des
affiches aux couleurs chaudes et des passants aux pas prudents. A l’hôtel,
rencontre avec des documentaristes canadiens qui font un film sur Raïf Badaoui.
Ce jeune Saoudien, condamné à 1000 coups de fouet et dix ans de prison en
Arabie. Le monde l’oublie peu à peu. La mode est pour le nouvel homme fort qui
veut « réformer ». Le blogueur a ce malheur d’être le prisonnier le plus faible
de l’homme le plus fort. Personne n’y peut rien : l’Arabie est trop riche,
achète beaucoup à l’Occident. « Ne trouvez-vous pas paradoxal que le nouveau
prince héritier soit plus réformateur que Badaoui lui-même mais qu’il le
maintienne en prison ? », me dit l’intervieweur. Vrai. C’est le propre du
politique : décapiter l’opposant pour le remercier, quelques années plus tard,
pour ses idées. Ce que j’en pense ? « Le prince devrait réformer les prisons :
libérer Raïf qui appelle à la vie et mettre en prison ceux qui ont appelé à la
mort, chez eux, chez nous, partout dans le monde ». Libérer Raïf est la
meilleure preuve que peut apporter ce prince quant à ses intentions de réformer.
C’est loin, c’est flou, cela n’a aucun lien avec nos pains et nos villages en
Algérie, ni avec le 5ème mandat, mais il fallait en parler, le rappeler.
L’Arabie ce sont trente mille hadjis algériens et un prisonnier condamné à 1000
coups de fouet et dix ans de prison. Et que chacun décide en son âme et
conscience.
Dans la rue, encore la neige qui cède à l’eau dès qu’elle touche au sol.
Question qui taraude : comment « parler » en Occident ? Quels mots dire pour à
la fois ne pas être dans le spectacle de l’opposant, ni dans la complicité du
crime contre le sens chez soi, avec les siens ? Faut-il se taire sur nos sorts,
nos misères et nos lâchetés pour ne pas « faire le jeu de… » ? Ou parler,
quitte à être insulté comme traître pour avoir brisé l’omerta postcoloniale ?
La vérité est qu’on est témoin de son époque, ou son complice. C’est lent,
laborieux, parfois agaçant, mais il faut trouver les mots justes, dénoncer,
dire. L’Occident veut entendre certaines paroles et pas d’autres ? J’en profite
pour lui dire des mots qu’il ne veut pas entendre aussi. Mais la neige est si
belle qu’elle ressemble à une métaphysique apaisée. Pourquoi alors ne pas
écrire des contes, des livres, acheter une île dans sa propre tête, cultiver
l’apesanteur et voyager jusqu’au sommaire final du monde, sa dernière page ?
Parce que ce n’est pas aussi simple que de plier des bagages. Il faut avoir la
conscience apaisée, et celle du siècle ne l’est pas. Il faut voyager léger et
donc s’acquitter de son devoir de témoin, de lutteur et de refuznik de son
époque. Il faut que la prison change de lieu et de camps : elle ira enfermer
ceux qui tuent, appellent aux meurtres dans les prêches ou les discours, ceux
qui avilissent l’homme ou le sens de l’humain, poussent aux radicalismes qui
tuent et à marcher sur le corps du plus faible ; et il faut que la liberté soit
le royaume des Raïf et des autres qui veulent juste marcher sous la neige,
choisir un dieu ou une route, embrasser sans l’intermédiaire d’un courtier, et
travailler pour que le pain soit comme l’air, partout. Vœux naïfs ?
Oui,
mais bon Dieu à quoi s’accrocher sinon ? Que vaut une vie si elle n’a pas un
chant muet à l’oreille ?
Ces mots magnifiques et durs d’Asli Erdogan que je vais voir l’après-midi. Dans
« Le silence même n’est plus à toi », la Turque, fière et libre, écrira : «
l’écriture, comme cri, naissant avec le cri… une écriture à même de susciter
un grand cri qui recouvrirait toute l’immensité de l’univers… Qui aurait
assez de souffle pour hurler à l’infini, pour ressusciter tous les morts…
Quel mot peut reprendre et apaiser le cri de ces enfants arméniens jetés à la
fosse ? Quels mots pour être le ferment d’un monde nouveau, d’un autre monde où
tout retrouverait son sens véritable, sur les cendres de celui-ci ? Les limites
de l’écriture, limites qui ne peuvent être franchies sans incendie, sans
désintégration, sans retour à la cendre, aux os et au silence… si loin
qu’elle puisse s’aventurer dans le pays des morts, l’écriture n’en ramènera
jamais un seul. Si longtemps puisse-t-elle hanter les corridors, jamais elle
n’ouvrira les verrous des cellules de torture. Si elle se risque à pénétrer
dans les camps de concentration où les condamnés furent pendus aux portes
décorées et rehaussées de maximes, elle pressent qu’elle n’en ressortira plus.
Et si elle en revient pour pouvoir le raconter, ce sera au prix de l’abandon
d’elle-même, en arrière, là-bas, derrière les barbelés infranchissables… Face
à la mort, elle porte tous les masques qu’elle peut trouver. Lorsqu’elle essaie
de résonner depuis le gouffre qui sépare les bourreaux des victimes, ce n’est
que sa propre voix qu’elle entend, des mots qui s’étouffent avant même
d’atteindre l’autre bord, avant les rives de la réalité et de l’avenir… la
plupart du temps, elle choisit de rester à une distance relativement sûre, se
contentant peut-être, pour la surmonter, de la responsabilité du
“témoignage”… ».
Mais qu’y peut-on ? Que reste-t-il quand on n’a même plus le courage d’être
témoin ? De l’indignité. Contrairement à l’argent et au reste, elle peut vous
poursuivre dans la tombe.
____________
LE QUOTIDIEN D ORAN
12 MARS 2018
Le
Banc public- L’angoisse des chaussures neuves qui n’ont pas de routes
par Kamel DAOUD
Question obsédante : pourquoi on a peur
de la différence ? On répète que c’est à cause de la mer : tout ce qui est
différent nous vient de la mer et tout ce qui nous est venu par la mer nous a
tué, blessé, colonisé, spolié. Ottomans, Français, Romains…etc. La différence
est le signe avant-coureur de l’agression. Du coup, on n’aime pas la
différence. On n’aime pas les autres (Français, Marocains, Maliens,
Mauritaniens, Tunisiens, Libyens… etc.), on n’aime pas la pensée différente,
l’idée qui diffère, l’Autre. Le soupçon s’étend même à la notion du pluriel :
enfants de la guerre unique, née de l’histoire unique, aboutissant au parti
unique, on continue dans cette voie qui nous évite le poids du monde et la
naissance au monde. Nous nous rêvons, alors, unis, uniques, soudés, uniformes.
Cela va du religieux à la politique, à la culture. Le différent est toujours
accusé d’être traite, agent, venu d’ailleurs ou travaillant pour l’ennemi. Cela
frappe tout de la méfiance et colorie le monde en gris et nuit.
Du coup l’unanimisme nous a fabriqué une seconde nature de violence. On
l’exerce dès qu’un esprit, un leader ou un assis ou un croyant veut exprimer
une différence. L’unité nous obsède jusqu’à la catastrophe actuelle de la
gouvernance. Et la paranoïa carie notre regard sur le monde que l’on accuse de
tous nos malheurs.
L’unanime est fascinant : enfermant, refus de vivre, réclusion, pathologie de
l’universel, exacerbation du particulier. Nous sommes nous. En entier, en un
seul morceau et indifféremment jusqu’à en étouffer. Celui qui veut respirer ne
peut le faire que s’il part ou s’il meurt ou épouse une calotte glacière et un
méridien. Nous nous voulons en bloc, dans l’étreinte du dominé et dominant,
incapables de partage et de cohabitation. Tout est un. Le reste c’est zéro.
Nation binaire. Ou même pas.
Et tout ce qui est différent du Un majeur, est une menace. Alors on le
pourchasse et on le tue. On ne peut débattre, tolérer les champs des
différences, sortir de l’unanime sans se faire lyncher. Le mouvement est inacceptable
car il remet en cause le principe fondateur de cette nation : nous sommes le
tout. Il n’y a pas d’individu, de différence ou de droit de différence. La
règle n’est pas de dire «je ne suis pas d’accord avec vous car je pense
différemment», mais «je ne suis pas d’accord avec vous, donc vous êtes un
traître, je vous tue». Vous êtes un impie. Un agent de la main étrangère. Un
vendu. Il nous faut TOUS soutenir la Palestine par exemple. Celui qui fait
sienne la cause des enfants tués au Yémen est un traître. Vous devez soutenir,
d’ailleurs, la Palestine, non pas selon ce que vous pensez (construire une
nation souveraine et forte) mais selon moi : marcher en rond, cracher sur celui
qui ne pense pas comme moi (mais qui n’a pas d’armes pour répondre), puis renter
chez moi et attendre le prochain tour de piste des enthousiasmes. La guerre
d’Algérie ? C’est selon une unique version. Elle s’étend dans les journaux,
récit ravageur et soucieux, s’impose dans le film, les discours, les manuels.
Celui qui n’est pas dans le casting de cette orthodoxie est un traître.
L’histoire algérienne commence en 1830 (fondée donc non par notre mémoire mais
par l’invasion française !! La France, se retrouvant au centre de nos datations
est donc fondatrice de notre histoire, à la place de nos ancêtres !). La
religion ? C’est selon «je» qui parle au nom du «nous». «Et si je pense
autrement ?», Je te tue. L’Islam c’est moi car je suis le musulman. «mais vous
n’êtes qu’une personne, vous ne vivez pas être une religion?». Non, les deux
sont un et ce «un» c’est moi.
Je t’insulte d’abord en puisant dans la
poubelle pour l’insulte et dans un verset pour me donner du courage. Le reste
du monde ? C’est un ennemi composé des sionistes, de la France, la CIA et toi.
Mais c’est simpliste comme vision ? Et notre responsabilité dans le présent de
notre pays ? Non, cela est de ta faute à toi, comme le séisme est la faute de
la jupe et la saleté est la faute d’Israël. Et les langues ? Elles sont à nous
toutes ? «Une seule». Sacrée, venue du ciel et marchant pieds nus dans les
mosquées, pure et dure. Les autres langues sont des dialectes, c’est-à-dire des
blabla, c’est-à-dire des croassements, des restes de la France, des stratégies
pour nous affaiblir, des impiétés, des expressions des phalanges de la
colonisation qui n’ont pas été rapatriées. La langue c’est l’arabe et l’arabe
c’est l’Islam et l’Islam c’est Dieu et Dieu c’est moi. Pas d’issue. Sauf
l’échine courbée.
Et l’Algérie ? Elle est à nous
c’est-à-dire moi. Je suis son fils unique, son ancêtre, son chef et son peuple.
Je suis le peuple. Nous sommes «je» et je suis tout. Il n’y a qu’un seul
drapeau et c’est ma coupe de cheveux. Je déteste la femme belle mais je la
veux, la France est un ennemi mais je veux y vivre, l’Islam c’est moi, la
langue arabe est la langue du paradis, j’irai au paradis alors pourquoi me
fatiguer à le construire chez moi ? Je prie et le Chinois travaille et
l’Occidental invente, et le reste du monde doit se convertir. Je suis Tout.
Eternité, arabité, unanimité, café et thé et tu es le contraire. L’adversaire
donc. L’ennemi, évidemment.
Pourquoi avons-nous peur de la différence ? Parce que nous ne sommes pas
solides, nous sommes fragiles, peureux, impuissants devant la lourde variété du
monde. Nous sommes dans le repli. Alors tout est à nos yeux invasions, néo-
colonisations, traîtrises, menaces, peurs, agressions. Nous en devenons
violents par la force du déni. Nous tuons car c’est le versant le moins
fatiguant du suicide. Et le plus lâche. Nous ne voyageons pas et on ne laisse
personne, presque, venir chez nous. C’est une philosophie et pas seulement une
question de visa que les étrangers peinent à obtenir. Nous sommes une île sous
une veste qui sur le dos d’une personne qui tourne le dos à tous, y compris à
elle-même. Fiers que nous sommes. Parce que depuis l’indépendance nous avons,
tous, des chaussures. Mais pas de routes qui vont vers le monde. Alors nous
insultons. Nous nous insultons dans l’étreinte de nos paniques.
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LE QUOTIDIEN D ORAN
05 MARS 2018
Le
Banc public- Oran, Mostaganem… : on déteste ce pays !
par Kamel DAOUD
A
Mostaganem, à l’ouest du pays, un bidonville tout neuf. Il s’est installé, là,
entre nuit et lune, sur un terrain agricole à l’entrée sud de la ville. C’est
l’effet d’appel de la rente et des logements sociaux. C’est la nouvelle méthode
de chantage au social. Le régime « tient » la population par la promesse de
logement, il en obtient votes et soumission; les demandeurs « tiennent » le
régime par la demande de logement gratuit, le bidonville et les constructions
illicites ou le blocage des routes. Juste à côté, une immense mosquée, hideuse,
en deux ou trois étages. C’est la troisième donne de l’équation algérienne : le
religieux comme occupation de l’espace, de l’esprit, du bras, avant-bras, tête
et vision du monde.
La ville de Mostaganem, ses villages, sont devenus d’une saleté repoussante. Il
n’y a qu’à s’y promener pour en avoir le cœur en semelle. On compare alors,
sans cesse, la mémoire de l’enfance et le champ traversé de sachets en
plastique, de déchets de chantiers. Et revient cette interrogation métaphysique
: pourquoi ce peuple construit des mosquées partout, à bras-le-corps, sans
esthétique ni architecture, et ne s’occupe ni de la saleté ni du travail, de la
justice ou de la légalité, de l’école et de donner des noms aux étoiles ? Il y
a une mosquée inachevée chaque cent mètres presque et surtout près des plages,
dernier lieu de refuge du corps et de son droit au bronzage. Bien sûr, on va
crier à l’impiété du chroniqueur parce qu’il parle de hideur des mosquées, de
leur surnombre comparé aux entreprises, usines et fabriques, de l’insouciance
face à l’écologie mais de l’obsession face au rite. C’est chose habituelle et
facile de se réfugier derrière le dogme pour ne pas avoir à assumer le réel et
de lyncher le premier qui parle de nos défaites. Et pourtant, il faut le dire :
il y a trop de mosquées monstrueuses, construites n’importe comment, partout,
sans arts ni utilité, destinées au vide et à apaiser les consciences. Et il n’y
pas d’entreprises, de campagne pour un pays vert et propre, pour la santé de
nos enfants, les loisirs, la joie et la vie. Triste tableau des villages
traversés où s’adosser au mur et regarder la route est le seul pendant à la
prière aveugle et hâtive. Eucalyptus coupés, stationnement en mode chamelle et
pagaille et visages soupçonneux. Le pays est sans bonheur. Au village natal du
chroniqueur, une grande salle au centre : « la salle des fêtes ». On s’en sert
uniquement pour les obsèques et enterrements. Cela résume tout.
En ville, à Mostaganem, de même qu’à Oran, la nouvelle mode : des affichettes
sous les « feux rouges » qui vous appellent à consacrer le temps de l’attente à
la prière et au repentir. On rêve alors d’un pays où on appelle à ne pas jeter
ses poubelles par les vitres de sa voiture, où on appelle à ne pas salir et
cracher, insulter et honnir, qualifier de traître toute personne différente et
ne pas accuser les femmes en jupes de provoquer les séismes. On rêve de respect
de la vie, des vies. Mais ce n’est plus le but de la nation. La nation veut
mourir pour mieux vivre dans l’au-delà, plutôt que construire un pays, une
souveraineté, une puissance. On rêve de prier et de mourir. On rêve de mosquées
à chaque dix pas pour ne pas avoir à faire dix pas debout sur ses propres
jambes. On rêve que Dieu fasse la pluie, les courses du marché, la guerre, la
paix, la santé, les hôpitaux, la Palestine, les victoires, les récoltes et les
labours, pendant qu’on regarde descendre du ciel des tables garnies. On ne rêve
pas, on attend, pendant que les Chinois travaillent. Les Turcs l’ont bien
compris au demeurant : ils ont offert à Oran une grosse mosquée (encore une
autre tout près de celle de Ben Badis) et se sont fait offrir une gigantesque
entreprise de rond à béton. Les Turcs ont offert une mosquée, pas un hôpital,
pas une école de formation pour le transfert du savoir-faire, pas une
université. Non, juste une mosquée. Nous, on va prier et eux vont construire
leur puissance.
Ces mosquées sont construites dans une sorte de zèle, parfois par des hommes
d’affaires soucieux de se blanchir les os et le capital. Elles sont laides
comme celle construite en haut de Santa Cruz, à Oran, servant juste à
sanctifier un promoteur oranais, indécente de disgrâce et de pauvreté. Elles
sont partout et le travail et le muscle ne sont nulle part. Et pourtant, on
laisse faire l’affiche et l’architecte idiot. On ne demande pas d’autorisation,
on n’a pas la foi sourcilleuse et la légalité en alerte. Aucun administrateur
n’aura le courage de s’y opposer. On en aura pour fermer des locaux
d’associations féministes à Oran. Là, le DRAG a du zèle en guise de courage et
de la puissance. On a de la vaillance pour fermer deux églises car c’est plus
facile, c’est du djihad et de la bravoure. On prétextera des agréments qu’on
refuse de donner et de la fermeté qu’on n’a pas devant les affichages illégaux.
Une question de muraille et de courte muraille selon nos proverbes.
Le mauvais goût national
On rêve. Je rêve de ce moment où on aura une entreprise algérienne chaque dix
mètres, un appel à respecter la propreté de ce pays sous chaque feu rouge, une
loi qui aura la même force face à une association de défense des droits de
femmes que face à une zaouïa servile ou une mosquée clandestine ou une
association islamiste. On rêve d’un pays, pas d’une salle d’attente qui attend
l’au-delà pour jouir du gazon au lieu de le nourrir ici, sous nos pays, pour
nous et nos enfants. On rêve et on retient, tellement difficilement, ce cri du
cœur : pourquoi avoir tant combattu pour ce pays pour, à la fin, le maltraiter
si durement ? Pourquoi avoir poussé nos héros à mourir pour transformer la
terre sacrée en une poubelle ouverte ? Pourquoi avoir rêvé de liberté pour en
arriver à couper les arbres et inonder le pays de sachets en plastique ?
Retour. Encore des villages, des moitiés de villes aux constructions
inachevées, des hideurs architecturales, entre pagodes, bunkers, fenêtres
étroites alors que le ciel est vaste, ciments nus, immeubles érigés sur des terres
agricoles au nom du « social », urbanisme de la dévastation. La crise
algérienne, sa douleur se voit sur ses murs, son urbanisme catastrophique, son
irrespect de la nature. Les années 90 ont été un massacre par la pierre et le
ciment. Le « social » des années 2000 a consommé le désastre. Au fond, nous
voulons tous mourir. Camper puis plier bagage. C’est tout.
Arrivée près d’une plage à Mers El Hadjadj. Plage d’une saleté repoussante,
inconcevable. On comprend, on a l’intuition d’une volonté malsaine de détruire
les bords de mer, le lieu du corps et de la nature et de le masquer par des
minarets et des prières. Car il y a désormais une mosquée à chaque plage.
Insidieuse culpabilisation. Egouts en plein air. Odeurs nauséabondes. On
conclut à une volonté nette de détruire ce pays et de le remplacer par une
sorte de nomadisme nonchalant. Non, c’est une évidence : on n’aime pas ce pays,
on s’y venge de je ne sais quel mal intime. Tout le prouve : la pollution, le
manque de sens écologique, l’urbanisme monstrueux, la saleté, les écoles où on
enterre nos enfants et leurs âmes neuves pour en faire des zombies obsédés par
l’au-delà. Oui, c’est une volonté, on veut tuer cette terre. Et pendant ce
meurtre, on ne trouve rien de mieux à faire que de s’attaquer à deux
associations féministes à Oran. Bousculades, mots dans la tête, le cœur qui a
mal, la main qui tremble sur le clavier. Tellement mal après juste une balade
le long d’une route côtière. A revisiter les villages de son enfance devenus
des cités-dortoirs et de mosquées défouloirs, des décharges publiques aux
arbres coupés. Mais où est notre rêve de puissance et de liberté ? Pourquoi on
veut tous mourir pour aller au paradis en fabricant un enfer pour nos
descendants ? Pourquoi on veut tous construire des mosquées et pas un pays ?
D’où vient cette maladie qui nous a conduits à nous tuer, tuer nos différences,
tuer nos enfants qui ne sont pas encore nés et tuer le temps ?
Oran. La ville s’étend vers l’Est et mange ses terres et ses récoltes.
Immeubles en cohortes. Procession vers le vide. Cannibalisme de la terre. Il y
a de l’irréparable dans l’air. Près d’une cité-dortoir, sous un feu rouge, la
même affiche « occupe ton attente par la prière ! » Le pays est une grande
mosquée construite par des Chinois, meublée par l’Occident, ravagée par les
racines et destinée à surveiller le corps et la lune. On y prie pendant que les
Turcs travaillent, le monde creuse et conquiert, les nations se disputent les
airs et les cieux.
VOICI UN EXCELLENT ARTICLE DU PROFESSEUR EN INFECTIOLOGIE AÏT HAMOUDA RABAH PARU SUR FACEBOOK CE JOUR, Dimanche 15 MARS 2020
.
De
la grandeur d’un peuple
L’histoire nous apprend que
l’humanité a de tout temps été confrontée à des périls, conflictuels,
sanitaires, cataclysmiques ou tout autre. Des civilisations combien
dominantes ont disparu, d’autres ont été marquées au fer rouge et d’autres ne
se sont jamais relevées. Il y a des peuples qui subissent l’histoire et
d’autres qui écrivent leur nom dans le livre de l’Histoire.
Je n’ai aucune intention de
rentrer et m’embourber dans un débat politique mais en tant que citoyen
algérien, médecin, professeur en infectiologie directement concerné et impliqué
dans la riposte à cette menace sanitaire mondiale, je ne peux en mon âme et
conscience me contenter de surfer sur la toile ou zapper de plateaux en
plateaux et puis me mettre sous une couette en me disant ‘’ je ne suis pas
concerné, c’est aux autres de se débrouiller’’. Il est temps que chacun, à son
niveau, prenne ses responsabilités et une des miennes est d’apporter dans cette
contribution des éléments de réflexion et de lever certaines équivoques.
1)
De quoi s’agit-il et que sait-on ?
Le 29 décembre 2019, A Wuhan,
une ville de Chine de 11.000.000 habitants, trois cas de pneumonie ont été
notifiés aux autorités sanitaires, dont un décès. Le China-CDC (C-CDC, centre
de contrôle des maladies de Chine, organisme chargé de l’étude des maladies)
établit un rapport entre les cas et la fréquentation d’un marché où l’on vend
des animaux à consommer. Tous les examens recherchant 22 agents pathogènes
habituels responsables de pneumonies ont été négatifs. Fort de l’expérience
passée en 2002-2003 avec l’épidémie SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère dû
à un virus des chauves-souris qui a touché 8.000 personnes) à Guangdong au
Vietnam, le C-CDC a orienté les recherches dans ce sens. Rapidement un virus
appartenant à la famille des coronavirus a été isolé.
Les coronavirus sont des virus
animaux connus depuis 1930 par les vétérinaires, et en 1960, des variants ont
été identifiés chez l’homme ; ce sont les ‘’Human-coronavirus’’ au nombre de
quatre circulant continuellement dans la population provoquant des ‘’rhumes’’
banals sans mortalité.
A ces quatre ‘’gentils’’ virus, viennent s’ajouter deux autres cousins plus
méchants et plus morbides provoquant des infections respiratoires graves,
souvent mortelles :
• Le premier est apparu en
2002-2003 Guangdong au Vietnam affectant 8.000 personnes dont 623 décès. Ce
virus dénommé ‘’SRAS-CoV’’ (Coronavirus du Syndrome Respiratoire Aigu Sévère)
n’est plus en circulation.
• Le deuxième apparait en
2012 au Moyen-Orient (Arabie Saoudite), appelé MERS-CoV (Middle-East
Respiratory Syndrome cornavirus) touchant entre 2012-2019, 2.458 personnes dont
845 décès et toujours en circulation actuellement au Moyen-Orient.
• Et puis ce troisième, l’actuel
qui fait la une et qui vient de conquérir le monde et qu’on dénomme
‘’SRAS-CoV2’’. La pathologie respiratoire qu’il provoque s’appelle COVID-19 (COronaVirus
Infected Disease, ou maladie du coronavirus)
Ces virus sont fragiles dans le
milieu extérieur et sont détruits par les désinfectants habituels comme
l’alcool, l’hypochlorite de sodium (eau de javel), les détergents et autres.
Ils sont doués d’une grande capacité de mutation qui leur permet d’être plus
virulents et de pouvoir à l’occasion passer d’une espèce animale à une autre.
Ce nouveau virus a muté trois fois déjà depuis décembre 2019.
Ces trois nouveaux virus sont
zoonotiques c’est-à-dire d’origine animale comme beaucoup d’autres (Ebola en
Afrique équatoriale, Nipah et Hendra au sud-est asiatique, en Australie).
L’animal qui les héberge de façon naturelle et
pérenne sont des grandes chauves-souris frugivores qui n’existent pas chez nous
et le cycle biologique de survie du virus se fait entre-elles. A un moment
donné, quand l’occasion se présente, ces virus peuvent passer de la
chauve-souris à l’homme. C’est ce qu’on appelle ‘’le franchissement de la
barrière inter-espèces’’ qui est un mécanisme très complexe et long à réussir
nécessitant des mutations successives qui consistent à ‘’se fabriquer’’ pour
faire simple, une clé d’entrée chez l’homme. Ce franchissement se fait rarement
directement, mais plutôt en empruntant un chemin détourné par passage d’abord
chez un animal proche de l’homme qui devient de ce fait un hôte intermédiaire.
Pour le SRAS 2003, c’était un mustélidé, la genette, pour le MERS-CoV c’est le
dromadaire et pour ce nouveau venu on suspecte le pangolin, un mammifère
recouvert d’écailles.
Ce nouveau virus a muté, il
s’est fabriqué la clé et a franchi la barrière en passant chez l’homme : il a
réussi son émergence en provoquant une pandémie mondiale c’est-à-dire sortir du
foyer originel et circuler dans plusieurs continents devenant une menace
sanitaire mondiale. Nul besoin de parler des chiffres galopants qui font la une
de tous les médias.
2)
Comment se transmet ce virus ?
Ces virus respiratoires se
transmettent très facilement par les aérosols de gouttelettes que nous
dégageons en parlant, en toussant, en éternuant, en embrassant un parent et
nous on aime bien s’embrasser, mais également par le partage d’ustensiles au
repas (verre, fourchettes, et la fameuse cuillère que l’on goûte avant de la
donner à son bébé ou sa grand-mère) ; ce qui explique que la transmission est
de ‘’type rapprochée’’ à moins d’un mètre, la promiscuité et le comportement en
sont un facteur déterminant. Pour s’en prévenir, il faut simplement tousser,
éternuer et se moucher dans un mouchoir à jeter, ou sur le pli du coude fléchi
mais jamais dans les mains, car les mains souillées sont très dangereuses.
En effet, les mains que nous
souillons lors de l’effort de toux, d’éternuement ou de mouchage sont un
vecteur de transmission très facile et très dangereux. Avec mes mains souillées
de mes gouttelettes, je vais contaminer la main de mon copain, d’un parent, la
poignée de la porte, la rampe de bus ou de métro, le clavier de mon PC ou mon Smartphone
et il suffirait pour mon parent, copain ou ami de porter sa main souillée par
mon passage au visage, au nez, aux yeux pour être contaminé. D’où la
recommandation de se laver les mains fréquemment et au moins 20 secondes avec
du savon liquide et de s’essuyer avec une serviette en papier jetable. La
solution hydroalcoolique n’est pas un savon et elle n’a d’efficacité que si les
mains sont propres, elle sert à désinfecter et non à laver.
Le malade est contagieux avant
même les signes cliniques et peut le rester plus longtemps c’est pour cette
raison que l’isolement est nécessaire jusqu’à négativation des examens.
Certains ne présentent pas de signes et sont dits asymptomatiques ou
peu-symptomatiques. Ces personnes infectées, transmettent le virus à leurs
amis, leurs parents, sans le savoir.
En faisant simple, pour être contaminé, il faut récolter des postillons de
toux, d’éternuements etc.), avoir été en contact physique (embrassade, poignée
de main, manipulation d’objets souillés par des mains souillées) ou partager un
espace de proximité fermé de transport (avion bus, taxi) ou de vie (classe
d’école, cinéma, chambre,) ou ouvert (rassemblent de personnes dans la rue, les
stades, les lieux de cultes. C’est pour cette raison que l’on prend des mesures
de restrictions de mouvements, d’habitude de vie aboutissant au confinement
d’une ville comme Wuhan, une région comme le nord de l’Italie, et annuler la
Omra.
3)
Quels sont les signes et quelle est la gravité de la maladie ?
Après une incubation (temps
écoulé entre la pénétration du virus dans l’organisme et le début de la
maladie) estimée à 2-14 jours, le malade va présenter :
• Dans 80% des cas des symptômes
banals d’infection respiratoire avec une fièvre, une toux sèche pénible, des
courbatures, une fatigue. Quelques fois, les signes sont tellement légers qu’on
n’y prête même pas attention. Ces cas sont les plus dangereux dans la
transmission dans une population car ils négligent la maladie, ne consultent
pas et souvent ne prennent pas de précautions. Ils continuent à embrasser les
autres, à aller à la mosquée, à d’autres rassemblements de famille ou de
travail ou autres et disséminent de façon innocente la maladie.
• Dans 15% des cas une forme
sévère avec une pneumonie.
• Dans 5% des cas une forme
grave avec atteinte de plusieurs organes engageant le pronostic vital.
• Et dans 2.3% entraîner la mort.
Ces formes graves s’observent
essentiellement chez des personnes âgées, ou personnes avec ou cumulant des
comorbidités, maladies chroniques telles que le diabète, les maladies
cardiovasculaires, les broncho-pneumopathies chroniques liées au tabac ou
autres, les personnes en immunodépression etc.
4)
Comment fait-on le diagnostic ?
Le diagnostic de certitude est
fait par la recherche de nucléotides viraux (des traces de matériel génétique)
par la technique dite RT-PCR au niveau d’un prélèvement souvent nasopharyngé.
Chez le malade, on introduit dans le fond du nez une tige portant un dispositif
pour prélever les secrétions que l’on met ensuite dans un milieu de transport
et que l’on adresse à l’institut Pasteur d’Algérie (IPA) qui est le Centre
National de Référence (CNR). Bientôt d’autres antennes de l’IPA seront ouvertes
dans plusieurs grandes villes d’Algérie.
5)
Comment est organisée la prise en charge ?
Dès l’annonce de l’alerte par
l’OMS, le MSPRH a réactivé le dispositif ayant servi pour le SRAS en 2003 et
pour la grippe A/H1N1 dite ‘’porcine’’ en 2009. Des instructions portant sur la
maladie, son diagnostic, sa prise en charge ont été diffusées aux différents
responsables de la santé. Ainsi des centres référents ont été désignés dans
chaque ville avec des structures d’isolement et de traitement. Les services
d’infectiologie, de pneumologie ou de médecine interne et de réanimation ont
été chargés de la prise en charge, les services d’épidémiologie pour les
enquêtes, la surveillance, la notification et le suivi et l’Institut Pasteur
pour le diagnostic.
Par ailleurs, je pense qu’il est très important au cours des épidémies
d’anticiper les événements à venir ; ce qui se passe en France et surtout en
Italie nous enseigne de façon simple et caricaturale le déroulement sournois et
quelque fois explosif des épidémies ; car avec les moyens dont ils disposent et
l’adhésion de la population, ils arrivent tous juste à freiner l’épidémie. Les
mesures draconiennes décrétées par les gouvernants, appliquées et respectée par
la population en Chine et à Singapour ont permis d’éteindre l’incendie. C’est pour
cette raison que l’adhésion de la population en termes d’écoute, d’application
des recommandations est un prérequis indispensable dans la lutte.
Il est clair que si jamais la situation venait à empirer, et il faut toujours
anticiper et avoir cette hypothèse en tête, un redéploiement des structures et
des personnels publics et privés seraient étudié.
Quant au traitement, à ce jour, il n’a pas été proposé de façon consensuelle de
traitement spécifique contre ce virus par les organisations internationales.
Des essais avec des molécules antivirales et autres ont été tentés en sauvetage
en Chine avec des résultats jugés prometteurs. Des essais sont actuellement en
cours en France. Quant à nous, nous ne pouvons nous inscrire que dans ce qui
est validé par les organisations internationales.
Pour le vaccin, plusieurs
laboratoires et institutions s’y attellent et quel qu’en soit le résultat, le
produit doit passer par les trois phases d’immunogénicité, de tolérance et de
protection ; ce qui va demander du temps.
6)
Alors, où en est-on ?
Le monde est devenu un village,
la globalisation n’est pas uniquement économique ou commerciale, elle l’est
également dans la dispersion des agents pathogènes, des résistances
bactériennes. Ainsi, l’effet papillon ‘’le battement d’aile d’un papillon à
Honolulu peut provoquer un ouragan au Texas’’ vient encore d’être d’actualité.
Comme tout le reste du monde,
l’Algérie n’est pas à l’abri des phénomènes microbiologiques mondiaux et le
croire c’est faire preuve de crédulité.
Avec un trafic aérien
intercontinental, une grande communauté établie à l’étranger, un mouvement de
population permanent pour des raisons commerciales, touristiques ou autres, il
était évident et attendu que ce virus finisse un jour par s’introduire chez
nous.
Malgré les mesures-barrières de dépistage aéroportuaire au demeurant
scientifiquement et pratiquement peu suffisantes pour repérer des cas en
introduction (cas asymptomatique, fausse déclaration de santé, et tous les cas
importés de Chine en Europe sont passés à travers les mailles du dispositif
aéroportuaire), le premier cas importé a été diagnostiqué chez un étranger
travaillant dans un champ pétrolier et je tiens ici à féliciter le ou les
médecins qui ne sont pas passé à côté du cas. Dans ces situations d’alerte
sanitaire, la veille comme système de détection est impérative. Bravo Docteur,
vous méritez une médaille.
Secondairement un cluster
familial a été détecté à Boufarik à l’occasion d’un rassemblement familial
provoqué par un parent venant de France. D’autres personnes, des algériens en
provenance d’Espagne, de France ont également été diagnostiqués. Actuellement,
le MSPRH fait état de 48 cas notifiés avec quatre décès. La plupart des cas ont
été enregistrés dans la wilaya de Blida, d’autres décrits à Guelma, Skikda,
Alger, Mascara.
Par ailleurs, ceux qui me
connaissent vous diront que je ne suis pas du genre à caresser dans le sens du
poil mais il faut reconnaitre qu’un effort juste et appréciable en
communication a été fait par notre autorité de santé. Contrairement à ce que
nous avons l’habitude de vivre lors des épidémies précédentes, nous avons
chaque jour un état de la situation, des messages de prévention en boucle, des
débats sur plateaux, une ouverture de portails-web des organismes concernés (IPA,
MSPRH, INSP). C’est la première fois que nous disposons d’un numéro-vert pour
répondre aux soucis des patients. Il restera à exploiter d’autres espaces de
communication comme le web car tout le monde surfe sur Google, Facebook ou
YouTube ou autres et peu suivent les écrans télé. De jeunes blouses blanches,
des étudiants ont crée des pages d’informations scientifiques comme le
‘‘Collège des Infectiologues d’Algérie’’, le ‘‘Réseau des Épidémiologistes
Algériens’’, ‘‘Formation Médicale Continue’’, ‘‘Avis-doc’’, ‘‘Je suis Médecin’’
pour ne citer que ceux-là. Ils constituent un réseau d’information de
sensibilisation et d’alerte qui méritent d’être accompagnés.
7)
Quel est l’impact de cette épidémie ?
a) Impact sociétal : au départ
quand l’épidémie était concentrée en Chine, les communautés chinoises
installées ailleurs ont été victimes de stigmatisation, de rejet et tous les
commerces chinois ont vu leur chiffre d’affaire baisser.
b) Impact économique : je ne
suis pas expert en la matière mais il est clairement annoncé que l’économie
mondiale a subit un choc sans précédent. Le prix du baril de pétrole est au
plus bas. La Chine est un pays-usine où beaucoup de sociétés étrangères ont élu
domicile. Le confinement régional, l’arrêt des transports ont provoqué une
panne dans les circuits de production.
c) La mésinformation
virale : Le monde est devenu une page ouverte, l’information circule 24h/24h et
plus la peine d’aller la chercher ailleurs, elle s’impose dans votre tablette,
votre Smartphone souvent d’origine chinoise d’ailleurs !!
La mésinformation c’est-à-dire
la diffusion d’informations fausses, insuffisantes, tendancieuses est aussi
vieille que l’homme ; elle accompagne ou remplace la rumeur dont le but
principal, volontaire ou non, malveillant ou innocent est de créer le doute
vis-à-vis d’une information officielle. Cette mésinformation est distillée par
une nébuleuse qui écume la toile avec des vidéos virales. Ce phénomène est
devenu dangereux et épidémique au point où l’OMS classe la mésinformation comme
une des dix menaces sanitaires du 21e siècle. Dans cette nébuleuse, on y trouve
des scientifiques antivaccins, des anti-pharma, des conspirationnistes et du
n’importe-quoi jusqu’au marabout et le garçon du café d’en face qui découvre
‘‘Eureka’’ sur le flacon de la solution hydroalcoolique fabriqué en 2014 que ce
produit agit sur plusieurs bactéries et virus dont les coronavirus. Le
raccourci est vite emprunté, si c’est mentionné en 2014 donc le virus corona
existait déjà, alors nous en parler maintenant, c’est vite compris comme une
manipulation grossière pour vendre des médicaments déjà prêts.
Beaucoup jouent sur l’ignorance
et sur la fibre religieuse. Il n’y rien de plus mortel que l’ignorance. Je dis
toujours à mes étudiants, ‘‘Quand le savoir est accessible, l’ignorance devient
un crime’’.
D’autres, parlent de complot
ourdis par des uns et des autres pour casser l’économie chinoise, réduire la
population mondiale, briser l’union européenne, se débarrasser des musulmans en
faisant fuiter par inadvertance ou par malveillance un virus d’un laboratoire
chinois.
Qu’à cela ne tienne, je réponds toujours de la même façon : ‘‘vous habitez un
village entouré de forêt, un incendie se déclare vous passeriez votre temps à
réfléchir qui a allumé le feu et dans quel but ou essayer de sauver votre
village, votre maison et votre famille ?’’
Le fait est là, le virus est
chez nous comme il est chez tous les autres, alors que faire ? Continuer à
faire la sourde oreille en restant dans la suspicion et la désobéissance ? Nous
risquons de le payer très cher car les virus n’ont pas de sentiments et ne
reconnaissent aucune frontière et chaque fois qu’une occasion leur est donnée
ils en profitent et se répandent. Survivre, muter et se répandre est une des
lois de la conservation des espèces.
Loin de moi l’idée de jouer au
plus nationaliste que les autres, au plus patriote que les autres, ou être
compris comme un ‘‘actionné’’ ; je voudrai simplement exprimer mon avis de
citoyen interpellé par cette menace sanitaire et qui est du domaine de ma
qualification d’infectiologue. Je suis issu de l’école algérienne, de
l’université algérienne, je suis au crépuscule de ma vie professionnelle et il
me fait mal de voir mon pays prendre un risque inutile.
Il y a des peuples qui subissent
l’histoire et d’autres qui écrivent leur nom dans le livre de l’Histoire.
L’Algérie a écrit son nom dans le livre de l’Histoire.
Depuis des millénaires elle a
fait face et survécu aux différentes invasions, aux différentes crises
internationales, à la famine, aux pestilences, aux épidémies. Elle a de tout
temps payé le prix de sa survie dans le sang, dans la douleur et les larmes.
Peu de pays seraient restés debout.
Depuis une année, le mouvement citoyen ‘‘Hirak’’, porté par des jeunes, des
femmes, des enfants, des personnes âgées, des étudiants, ouvriers, chômeurs
clame dans la rue un changement. Ce mouvement a stupéfait le monde entier par
son originalité de non-violence, sa ‘‘Silmya’’, témoin d’une conscience sans
égal. Il a survécu sans fléchir ni se disloquer. Il est libre à chacun de
participer à un rassemblement de rue pour exprimer ses idées, il doit assumer
le risque de s’exposer à une contagion, il en payera le prix ou il fera payer
le prix à ses enfants, sa mère ou ses grands-parents. L’OMS insiste sur les
risques de propagation du virus corona encourus lors des rassemblements de
personnes.
Ce mouvement avec cette
conscience extraordinaire qui lui a permis de tenir une année dans la ‘‘silmya’’
peut trouver une alternative d’expression sans faire prendre de risques aux
personnes, sans aboutir à la promulgation de l’état d’urgence sanitaire et sans
provoquer une catastrophe sanitaire.
Il n’en sera que grandi car
c’est dans ces moments que se mesure la grandeur des peuples.
L’ Histoire a une grande mémoire.
« Sur ce site Web, vous trouverez des informations et des conseils de l’OMS concernant la flambée actuelle de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) qui a été signalée pour la première fois à Wuhan, en Chine, le 31 décembre 2019. Nous vous invitons à visiter cette page pour consulter les mises à jour quotidiennes.
L’OMS travaille en étroite collaboration avec les experts mondiaux, les gouvernements et les partenaires pour élargir rapidement les connaissances scientifiques sur ce nouveau virus, suivre la propagation et la virulence du virus, et donner des conseils aux pays et aux individus sur les mesures à prendre pour protéger la santé et empêcher la propagation de cette flambée. »
______________________________________________
EN ALGÉRIE
Le Monde, Par Zahra Chenaoui Publié
aujourd’hui à 13h00 (mardi 3 mars 2020)
L’Algérie se mobilise face aux trois cas de Covid-19
Après un travailleur italien d’une base gazière, les
autorités ont annoncé dimanche que deux femmes ayant reçu la visite de proches
résidant en France sont positives au virus.
A l’heure du déjeuner, masque sur le visage, les
travailleurs récupèrent un sac contenant un repas individuel. Sur la base de
vie saharienne de Menzel Ledjmet Est, où la compagnie nationale algérienne
Sonatrach et une filiale de l’entreprise italienne ENI exploitent du gaz, à
plus de 1 000 kilomètres au sud d’Alger, la salle de restauration
collective est désormais fermée pour éviter les regroupements.
C’est ici que le premier cas de coronavirus a été identifié.
Le 25 février, le ministre de la santé algérien, Abderahmane Benbouzid, a
annoncé au journal télévisé qu’un Italien, originaire de Lombardie, l’une des
zones les plus touchées en Italie, salarié d’ENI et arrivé sur la base le
18 février, était « confirmé positif ». L’homme a été
isolé pendant quatre jours dans la base de vie avant d’être rapatrié en Italie
par un avion d’AIitalia. Les travailleurs ont eux aussi été confinés.
Parallèlement, les autorités algériennes ont lancé un appel,
au lendemain de l’annonce, pour retrouver les passagers du vol Milan-Rome-Alger
du 17 février. Dans la ville de Tizi Ouzou, au nord du pays, trois
salariés de la base de Menzel Ledjmet Est, en congés, se sont présentés à
l’hôpital, affirmant avoir travaillé avec l’Italien contaminé. Ils ont été
placés en isolement, puis libérés, après que les prélèvements effectués
« se sont avérés négatifs à toute contamination au Covid-19 »,
selon un communiqué du CHU de la ville.
« Hospitalisation
corona »
Dimanche 1er mars, le bilan s’établit à
trois cas. Un communiqué du ministère de la santé annonce qu’une femme de
53 ans et sa fille de 24 ans sont « confirmées
positives » dans la région de Blida, au sud de la capitale. Comment
ont-elles été contaminées ? Deux membres de leur famille, résidant en
France, sont venus passer une semaine de vacances en Algérie. C’est lors de
l’enquête épidémiologique qui a suivi l’hospitalisation, en France, de ces deux
patients, que ces deux femmes ont été approchées par les équipes médicales
alors qu’elles ne présentaient aucun symptôme.
A Alger, un étage de l’hôpital El Kettar est désormais réservé
à l’isolement de cas suspects. Sur les portes rouges, des feuilles A4 portant
la mention « Hospitalisation corona » sont affichées. Des soignants
apportent un stock de thermomètres. Une dame habillée d’un long manteau vert
demande sa route et s’approche de la porte avant d’être interceptée par une
jeune femme : « Vous êtes sûre que vous voulez entrer ? Ici,
il y a le corona. Il vaut mieux attendre. »
A l’étage du dessous, des patients sont hospitalisés au
service infectieux. Et l’entrée est la même, ce qui ne rassure pas Leïla, la
parente d’un patient. « Mais j’ai un proche hospitalisé, il faut bien
que je lui apporte à manger. Quand j’ai vu les agents de l’accueil avec des
masques, je me suis demandée s’il fallait que j’arrête de venir. Finalement, je
me lave bien les mains en rentrant chez moi et j’espère que ça ira »,
tente de se convaincre la visiteuse.
La
panique ne semble pas l’emporter
Dans le pays, la mobilisation est importante. Dimanche 1er mars,
le président Abdelmadjid Tebboune a présidé une réunion du Haut-Conseil de
sécurité où il a appelé à maintenir « un haut degré de vigilance et une
mobilisation active », selon l’agence officielle APS. Dans les médias
privés comme publics, des responsables répètent les mesures de prévention. Des
médecins publient des vidéos sur les réseaux sociaux pour rassurer l’opinion.
Dans les hôpitaux, des masques et des blouses de protection ont été distribués
aux personnels, et des affiches informatives sur les mesures d’hygiène ont été
placardées sur les murs des services d’urgence.
Le ministère de la santé a par ailleurs affirmé avoir réuni
les fabricants de masques pour s’enquérir de leur stock et pour leur demander
qu’ils « cessent toute vente et toute exportation pour que cela reste
disponible pour l’Etat algérien ». Jeudi 27 février, Air Algérie,
qui avait déjà suspendu ses vols vers la Chine, a annoncé qu’elle suspendait
également ceux à destination de l’Arabie saoudite, alors que
100 000 Algériens étaient enregistrés pour la Omra, le pèlerinage à la Mecque
qui se fait tout au long de l’année.
En dépit de cette série de mesure, la panique ne semble pas,
pour l’heure, l’emporter. « Je ne suis pas trop inquiet, explique
Hafidh, 40 ans. C’est une maladie qu’on ne voit pas pour l’instant.
Mais je surveille quand même les informations à la télévision »,
poursuit-il, vigilent malgré tout. Certains craignent cependant que la
situation ne se complique si le nombre de cas vient à augmenter, du fait de la
fragilité du système de santé public, au sein duquel les mouvements de
protestation des personnels ont été réguliers ces dernières années.
En attendant, lundi 2 mars, le vol régulier d’Air
Algérie en provenance de Pékin a atterri à Alger, avec plus d’une centaine de
passagers à bord, après avoir été suspendu pendant un mois, sans aucune
explication officielle.
Zahra Chenaoui (Alger, correspondance)
__________________________________
EN FRANCE
Au 03/03/20, à 13h, la
situation épidémiologique nationale fait état de 204 cas confirmés. Ces cas
confirmés sont rapportés dans 12 régions en métropole avec au moins
un cas confirmé : Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Bretagne,
Grand-Est, Hauts de France, Ile-de-France, Normandie, Nouvelle-Aquitaine,
Occitanie, Pays de la Loire, Provence Côte d’Azur et Guadeloupe.
Trois décès ont été rapportés en
France depuis le 14/02/2020 : un homme de 81 ans diagnostiqué fin janvier 2020,
qui était hospitalisé à Paris ; un homme de 60 ans diagnostiqué fin février
2020 hospitalisé à Paris ; et une femme de 89 ans diagnostiquée début mars,
hospitalisée dans les Hauts-de-France.
Caractéristiques des
cas, COVID-19, France, 02/03/20, 12h (source : Santé publique France)
1126 cas investigués dont :
178 (16%) cas confirmés, 815 (72%) cas exclus, 133 (12%) cas en cours
d’investigation ; parmi les 178 cas confirmés : 99 hommes, 79 femmes,
et âge médian : 51 ans (cas âgés de 1 à 92 ans).
La mise à jour de la définition de cas avec l’ajout des régions italiennes dans
la liste des zones d’exposition à risque a été suivie d’une augmentation du
nombre de signalements de cas possibles chez des personnes de retour de ces
régions.
« Une nouvelle
forme de syndrome respiratoire, analogue au SRAS, est apparue à Wuhan (province
du Hubei, Chine) début décembre 2019. Cette pneumonie, appelée maladie à
coronavirus 2019, est due au SARS-CoV-2, un nouveau coronavirus13,14.
En janvier 2020, le virus a été nommé provisoirement 2019-nCoV, puis en février
définitivement SARS-CoV-2.
La maladie est
apparue chez des clients et les commerçants du marché aux poissons de Huanan à
Wuhan (où l’on vend aussi des oiseaux, des serpents et des lapins). Elle est
d’origine animale et se transmet entre êtres humains15. Le 31
janvier 2020, on constate que le bilan s’alourdit sur 9 776 cas de
contamination, la Chine enregistre du début de l’épidémie au 8 février 2020 –
722 décès, épicentre de l’épidémie16. La contagion se répand dans le
monde, notamment dans des pays asiatiques, européens, océaniques et en Amérique
du Nord : le 29 janvier 2020 plus de 6 000 personnes se retrouvent
infectées. L’épidémie devient ainsi plus importante que l’épidémie de SRAS, en
200317. Le jeudi 30 janvier au soir, l’Organisation mondiale de la
Santé a décrété l’urgence de santé mondiale. Cette mesure n’avait été décrétée
que cinq fois depuis sa création : pour Ebola (deux fois), la grippe H1N1,
Zika et la poliomyélite. En date du 2 mars 2020, le cap de 90 000 cas et de 3
000 décès a été franchi. »
__________
Notes : 13_ (en) Parham Habibzadeh et Emily K. Stoneman, « The Novel Coronavirus: A Bird’s Eye View », The International Journal of Occupational and Environmental Medicine, vol. 11, no 2, 5 février 2020, p. 65–71 (ISSN 2008-6520 et 2008-6814, DOI 10.15171/ijoem.2020.1921, lire en ligne [archive], consulté le 5 février 2020)
14_ (en) Jon Cohen et Dennis Normile, « New SARS-like virus in China triggers alarm », Science, vol. 367, no 6475, 17 janvier 2020, p. 234-235 (DOI 10.1126/science.367.6475.234) .
15_ (en) « China confirms people-to-people transmission of new coronavirus (state media) » (archive), sur France 24, 20 janvier 2020 (consulté le 20 janvier 2020)
16_ « EN DIRECT- Coronavirus: avec 5974 personnes touchées, le nombre d’infections en Chine dépasse celui du SRAS (archive), sur LCI (consulté le 29 janvier 2020)
17_ « Coronavirus: plus de 6000 cas confirmés dans le monde, le nombre d’infections en Chine dépasse celui du Sras (archive), sur L’Obs (consulté le 25 février 2020)
ET: In: sante.journaldesfemmes.fr/maladies/ [Mise à jour le mardi 10 mars à 12h57]
CORONAVIRUS
– Près de 115 000 personnes contaminées par le coronavirus dans le
monde, plus de 4000 morts et une épidémie qui avance à grande vitesse en
Italie où tout le pays est confiné. En France, plus de 1400 cas et
30 morts sont recensés. Morbihan, Loire, Paris, Ile-de-France… Liste des
villes touchées, âge des décès, test coronavirus…
L’épidémie de coronavirus Covid-19 avance à grande vitesse. L’ensemble de la population italienne est désormais confinée puisque l‘Italie est le deuxième pays du monde le plus touché. Dans le monde, près de 115 000 contaminations sont comptabilisées et plus de 4000 personnes sont mortes. En France, selon le dernier point de Santé Publique France,1412 cas de coronavirus sont recensés et 30 décès. Il y a 7 regroupements de cas (Bourgogne-Franche-Comté, Haut-Rhin, Morbihan, Oise, Grand Est, Haute-Savoie, Ile-de-France) et un nouveau regroupement en Corse avec 38 cas. Il est recommandé d’éviter les visites aux personnes âgées, tout particulièrement celles des enfants de moins de 15 ans ou des personnes présentant des symptômes ou malades. Dans les établissements de santé, les visites sont limitées à une personne par patient. Les mineurs et les personnes malades ne doivent pas rendre visite aux personnes hospitalisées, y compris en maternité. Comment se protéger pour éviter la transmission ? Est-ce un virus dangereux? Quel est l’âge des personnes décédées en France ? En quoi consiste la quarantaine ? Peut-on toujours voyager ? Comment ne pas céder à la psychose ? Le point en direct.
Dernières infos en direct :
Après la confirmation de 6
nouveaux cas positifs au coronavirus dans l’Aude (14
contaminations au total), tous les établissements
scolaires à Quillan et trois écoles de Lézignan-Corbières
sont fermés depuis ce mardi 10 mars matin. Les rassemblements sont
également limités.
En raison d’une possible
contamination, Patrick Strzoda, le directeur de cabinet
d’Emmanuel Macron, doit rester confiné chez lui et
télétravailler, indique l’Élysée. Il devra être testé au coronavirus
dans la journée.
Le 9 mars, l’ARS a confirmé
le cas d’une enseignante de l’école élémentaire Les Sablons
de Poissy dans les Yvelines testée positive au coronavirus.
L’établissement est fermé jusqu’au 22 mars.
Morbihan : 55 cas confirmés dans le département le
9 mars dont une personne décédée, un homme de 92 ans.
4 nouveaux cas confirmés viennent s’ajouter à ceux déjà recensés dans
la zone de circulation active du virus constituée par les clusters d’Auray-Crac’h-Brec’h-Carnac-Saint-Philibert-Saint-Anne-d’Auray
et de Saint-Pierre Quiberon. 4 nouveaux cas confirmés
sont apparus dans plusieurs communes du Morbihan, à
Pluvigner, à Plumergat et à Plouharnel.
Le ministre de la
Culture Franck Riester est testé positif au coronavirus
mais s’est dit « en forme » le 9 mars.
Une classe de CE2 a été fermée
à Paris jusqu’au 17 mars, à l’école élémentaire Blomet du
15e arrondissement. Une élève de 8 ans a été diagnostiquée positive
au coronavirus, confirme l’ARS Ile-de-France ce 9 mars : « L’état de
l’enfant n’inspire aucune inquiétude. » précise-t-elle dans son communiqué.
Un employé du parc
Disneyland Paris a été testé positif au coronavirus. Il
travaille à la maintenance, dans les équipes de nuit et n’a pas été en
contact avec le public selon la direction du parc de loisirs (qui reste
ouvert).
Le Musée du Louvre a
décidé lundi de réguler ses entrées. Seuls les visiteurs munis d’un
e-billet et ceux bénéficiant d’une entrée gratuite sont autorisés à y
rentrer.
Cinq députés français sont infectés par le coronavirus.
Le ministre de la Santé Olivier
Véran a annoncé l’interdiction de rassemblements de plus
de 1000 personnes, sauf les manifestations, les
concours ou « le recours aux transports en commun ».
72 cas confirmés de
coronavirus en région Paca le 9 mars : 22 personnes dans les Alpes-Maritimes,
25 personnes dans les Bouches-du-Rhône, 12 personnes dans les
Hautes-Alpes, 9 personnes dans le Var, 3 personnes
dans le Vaucluse et 1 dans les Alpes-de-Haute-Provence.
Un cas de coronavirus
a été diagnostiqué en Essonne chez un enseignant du lycée
Geoffroy Saint-Hilaire d’Etampes. Il a été contact avec un
participant du rassemblement religieux de Mulhouse où plusieurs cas de
Covid-19 ont été confirmés. Dans un communiqué du 8 mars, l’Académie de
Versailles demande aux élèves de certaines classes de rester chez eux
jusqu’au 18 mars.
26 cas de coronavirus sont
confirmés en Pays de Loire lundi 9 mars dont 4 patients guéris. 8 mars,
selon le dernier bulletin de l’ARS : 5 en Sarthe,
4 en Vendée, 8 en Loire-Atlantique, 6 en Maine-et-Loire,
1 en Mayenne et 1 personne hospitalisée dans les Pays de la
Loire mais originaire d’une autre région.
La ville d’Ajaccio en Corse
a été classée en « cluster » (foyer de contagion) dimanche 8 mars. La
préfecture de Corse annonce que tous les établissements scolaires
d’Ajaccio vont rester fermés deux semaines. Environ 10.000 élèves
de 32 écoles, 5 collèges et 5 lycées vont devoir
rester chez eux.
Les prélèvements pour les tests
de dépistage du coronavirus sont désormais réalisables par
les laboratoires de ville.
AccorHotels Arena annule
tous ses concerts jusqu’au 31 mai sur ordre de la
Préfecture de Police de Paris à cause du coronavirus.
24 concerts y sont annulés et seront reportés à des dates
ultérieures.
Le gouvernement français publie un
décret autorisant les pharmacies à fabriquer du gel hydro-alcoolique.
La France a engagé le
niveau 1 du plan blanc (plan de mobilisation
interne), ce qui met tous les hôpitaux en tension pour préparer et
anticiper le niveau 2, ainsi que pour mettre en place rapidement des
moyens matériel, logistiques et humains indispensables en cas d’afflux de
patients dans l’établissement hospitalier.
La France a déclenché le plan
bleu dans les Ehpad (Etablissement Hébergeant des
Personnes Agées Dépendantes) le 6 mars. Le principe est le même que
dans les hôpitaux : le chef d’établissement doit permettre « la
mise en oeuvre rapide et cohérente des moyens indispensables pour faire
face efficacement à une situation exceptionnelle ». Le plan bleu peut induire
notamment « le confinement des résidents, usagers et personnels ;
l’évacuation des résidents, usagers et personnels ».
Le décret portant sur
l’application de prix plafonds des gels
hydro-alcooliques est paru le 6 mars au Journal
Officiel, et vaut jusqu’au 31 mai 2020. Dorénavant, les
contenants à 50 ml ne pourront être vendus plus de
2 euros et les contenants de 100 ml
3 euros maximum.
Le Préfet du
Val-d’Oise interdit les rassemblements de toute nature en milieu clos
(concerts, salons, expositions, réunions publiques, manifestations
culturelles ou sportives, exercice des cultes, …) jusqu’au 20 mars
2020 inclus.
Le virus est désormais présent
dans toutes les régions de France métropolitaines et dans trois régions
d’Outre-mer (Guadeloupe, Martinique et Guyane). Les cas de
contamination au coronavirus en France sont portés à 1412 au lundi 9 mars.
Parmi les cas confirmés et isolés :
25 sont décédés : 15 hommes
et 10 femmes, 21 personnes de plus de 70 ans ou présentaient des
co-morbidités.
66 cas graves.
> En savoir plus sur le profil-type des victimes
Face à l’augmentation des cas en
France, le gouvernement a décidé d’annuler
tous les événements de plus de 1000 personnes et de fermer des écoles
dans certaines villes de l’Oise et de Haute-Savoie, particulièrement touchées
par l’épidémie. La France est dans le stade
2 de l’épidémie, c’est-à-dire que le
virus circule mais pas sur l’intégralité du territoire. L’objectif
est toujours de freiner la diffusion du virus et de protéger les zones non
ou peu touchées avec près de 160 établissements de santé mobilisés. Les
autorités recommandent de reporter les voyages non indispensables surtout
hors de l’Union européenne. Les personnes les plus fragiles sont
les plus âgées, atteintes de pathologies
chroniques, immuno-déprimées.
Toutes
les régions françaises sont touchées par le coronavirus. Celles
qui rapportent au moins 10 cas sont :
Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne Franche-Comté, Bretagne, Grand Est,
Ile-de-France, Hauts-de-France.
7 regroupements de cas ont été observés :
Oise (Crépy-en-Valois / Creil / Vaumoise, Lamorlaye, Lagny
Le Sec)
Haute-Savoie (Les Contamines-Montjoie, La Balme-de-Sillingy) : 66
cas confirmés le 9 mars par l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes, dont 8 personnes
guéries.
Grand-Est : 310 cas confirmés par la préfecture du Grand Est. La
plupart des cas confirmés sont reliés au foyer épidémique en lien avec la
Semaine de Carême de l’Eglise La Porte Ouverte Chrétienne de Bourtzwiller
(Haut-Rhin). 5 cas dans la Marne, 1 cas dans l’Aube, 1 cas
en Haute-Marne, 1 cas dans les Ardennes, 3 cas dans la Meuse,
11 cas en Meurthe-et-Moselle, 22 cas en Moselle, 17 cas
dans les Vosges, 53 cas dans le Bas-Rhin, 193 cas dans le
Haut-Rhin et 3 cas originaires de l’Aisne. Ces cas ont été
hospitalisés dans les établissements de santé concernés de la région du
Grand Est.
Morbihan : 55 cas confirmés
dans le département le 9 mars dont une personne décédée, un homme de
92 ans. 4 nouveaux cas confirmés viennent s’ajouter à ceux déjà
recensés dans la zone de circulation active du virus constituée par
les clusters
d’Auray-Crac’h-Brec’h-Carnac-Saint-Philibert-Saint-Anne-d’Auray et de
Saint-Pierre Quiberon. 4 nouveaux cas confirmés sont apparus dans
plusieurs communes du Morbihan, à Pluvigner, à Plumergat et à
Plouharnel.
Corse : 38 cas confirmés le 9 mars.
Bourgogne-France-Comté : 119 cas confirmés le 9 mars par l’ARS
Bourgogne-Franche-Comté. A l’exception de la Nièvre,
tous les départements de Bourgogne-Franche-Comté sont confrontés au
COVID-19 dans des proportions variables, le Doubs et le Pôle
métropolitain Nord Franche-Comté concentrant la grande majorité des cas.
Ile-de-France où 300 cas sont confirmés au 9 mars.
Et aussi :
72 cas confirmés de
coronavirus en région Paca le 9 mars : 22 personnes dans les Alpes-Maritimes,
25 personnes dans les Bouches-du-Rhône, 12 personnes dans
les Hautes-Alpes, 9 personnes dans le Var, 3 personnes
dans le Vaucluse et 1 dans les Alpes-de-Haute-Provence.
182 cas en région
Auvergne-Rhône-Alpes dont
171 habitants actuellement atteints du COVID-19 dans
9 départements (17 dans l’Ain, 6 en Ardèche, 16 dans la Drôme, 1 en
Isère, 15 dans la Loire, 9 dans le Puy-de-Dôme, 49 dans le Rhône, 3 en
Savoie, 66 en Haute-Savoie). 8 personnes sont guéries (dont les
6 personnes des Contamines-Montjoie) et 3 personnes sont
décédées.
Le 9 mars 2020, 57 nouveaux
cas de Coronavirus Covid-19 ont été confirmés depuis la veille en
Ile-de-France. Cela porte à 300 le nombre de cas confirmés pris en charge
dans la région. 283 de ces cas confirmés résident en Ile-de-France.
27 cas à Paris.
15 cas en
Seine-et-Marne.
25 cas dans les Yvelines. Un
premier cas de coronavirus avait été confirmé le 4 mars à Versailles. Puis
celui d’un patient pris en charge le 6 mars à Mantes-la-Jolie avant d’être
diagnostiqué positif à Paris. Le 9 mars, l’ARS a confirmé le cas d’une
enseignante de l’école élémentaire Les Sablons de Poissy testée positive
au coronavirus. L’établissement est du coup fermé jusqu’au 22 mars.
7 cas dans l’Essonne. 1
homme revenant de Suisse, 2 personnes revenant de Mulhouse où plusieurs
cas ont été confirmés. Le premier est un étudiant confiné à son domicile,
la préfecture n’a pas précisé son lieu d’habitation. Le deuxième est une
femme hospitalisée à l’hôpital Bichat à Paris. Trois cas contacts ont été
identifiés et sont confinés. Les deux derniers cas n’ont pas été précisés
par les autorités. 3 classes sont fermées dans un
lycée d’Etampes. Un enseignant du lycée Geoffroy Saint
Hilaire d’Etampes (Essonne) a été testé positif. L’enseignant donnait
cours aux 3 classes concernées. S’agissant des autres enseignants,
4 d’entre eux ont été identifiés comme ayant eu des contacts avec le
malade, avec un risque de contagion faible donc sans nécessité de mesures
d’isolement.
20 cas dans les Hauts-de-Seine.
16 cas en
Seine-Saint-Denis. Le 6 mars, l’ARS Ile-de-France
indiquait qu’une institutrice exerçant au
sein de l’école maternelle Jacqueline Quatremaire de
Drancy a été diagnostiquée positive au coronavirus.
Le préfet de Seine-Saint-Denis, l’ARS et le rectorat ont décidé la
fermeture de cette école maternelle jusqu’au 18 mars inclus, puisque
l’institutrice a été en contact rapproché avec plusieurs enfants et
collègues. Par ailleurs, deux cas ont été confirmés dans la ville de Montreuil
(un père et sa fille âgée de 12 ans) et ont été
hospitalisés à Paris.
15 cas dans le Val-de-Marne.
5 cas sont recensés dans le Val-de-Marne, deux
personnes vivent à Charenton-le-Pont, deux
à Vitry-sur-Seine et une
au Kremlin-Bicêtre. Elles sont âgées de 20 à
70 ans. Deux sont hospitalisées. Parmi les autres cas, un agent
administratif du lycée Mistral de Fresnes, un
conducteur de bus du dépôt de Thiais de la RATP testé
positif au coronavirus jeudi 6 mars .
45 cas dans le Val-d’Oise. Des cas d’infection au coronavirus ont été
diagnostiqués au sein d’une même famille résidant à Louvres,
a confirmé l’ARS Ile-de-France dans un communiqué du 4 mars. Un enfant
fréquentant le groupe scolaire du Bouteillier
et un parent ayant participé à la vie de l’école ont été
diagnostiqués positifs. Le maire a décidé la
fermeture du groupe scolaire du Bouteillier de Louvres
jusqu’au 18 mars 2020 inclus. Le 8 mars une animatrice
intervenant au sein de l’école maternelle Delacroix de Louvres
(Val-d’Oise) a été testée positive au Coronavirus Covid-19. Elle est
confinée à son domicile pour 14 jours et les membres de sa famille
ont été testés négatifs. Compte-tenu de cette information et du fait que
les échanges entre enfants en bas âge sont réguliers et difficilement
traçables, la décision a été prise de fermer l’école maternelle pour
14 jours à compter du 6 mars, date du dernier contact avec le cas
confirmé. Le 7 mars, 5 nouveaux cas de coronavirus ont été
identifiés à Méry-sur-Oise, s’ajoutant au 9 premiers
déjà confirmés dont un patient est décédé (un homme de 86 ans). Un
lien a pu être trouvé entre tous ces cas qui vivent dans un périmètre
géographique restreint. L’un d’entre eux est dans un état sévère. Le
Préfet du Val-d’Oise interdit les rassemblements
de toute nature en milieu clos (concerts, salons,
expositions, réunions publiques, manifestations culturelles ou sportives,
exercice des cultes, …) jusqu’au 20 mars 2020 inclus. Les
écoles et établissements scolaires de la commune restent ouverts et les accueils
périscolaires sont maintenus. Seules les sorties scolaires
sont suspendues jusqu’au vendredi 20 mars
2020 inclus.
« Le taux de mortalité est réévalué » et tourne autour
des 1 à 2%, indique Olivier Véran, ministre des
Solidarités et de la Santé. Soit un taux plus élevé que la grippe,
mais moins que celui du SRAS. 30 décès
ont été confirmés par Santé Publique France le 9 mars. Parmi eux :
un patient chinois de
80 ans le 14 février à Paris,
un enseignant français de
60 ans le 26 février dans l’Oise,
un troisième décès a été confirmé
le lundi 2 mars, il s’agit d’une femme de 89 ans
hospitalisée et décédée à Compiègne et testée positive au coronavirus
après le décès.,
le mardi 3 mars 2020, la Direction
générale de la Santé annonce un quatrième décès dans le Morbihan : il
s’agit d’un homme âgé de 92 ans.
le jeudi 5 mars 2020, le ministère
des Solidarités et de la Santé ont annoncé deux décès supplémentaires : une
personne de 73 ans originaire de l’Oise et une autre
de 64 ans originaire de l’Aisne.
Samedi 7 mars, l’Agence régionale
des Hauts-de-France indique que l’un des nouveaux décès est une
femme de 83 ans et résidente en EHPAD à
Crépy-en-Valois dans l’Oise.
Un homme de 86 ans
habitant de Méry-sur-Oise est décédé après avoir été
infecté par le coronavirus.
3 décès sont confirmés le 9 mars par l’ARS et la
Préfecture d’Auvergne-Rhône-Alpes : un homme de 81 ans, originaire de
Savoie, et une femme de 76 ans venant du Rhône, une autre
personne décédée dans la Drôme.
Quatre décès dans le Grand
Est dont une femme décédée le 9 mars,
âgée de 94 ans et originaire des Vosges.
Premier mort du coronavirus
en Corse : un homme de 89 ans à
l’hôpital d’Ajaccio dans la nuit de dimanche 9 mars au lundi 10
mars.
Il y a trois stades de gestion de
l’épidémie de coronavirus en France. La France est actuellement en stade
2. Qu’est-ce que ça veut dire concrètement ? Et à quoi correspond le stade 3 ?
Stade 1 : freiner l’introduction du virus sur le territoire
national.
Il se traduit par la mise en
alerte du système de santé et des professionnels : mobilisation des moyens pour
isoler les malades, les détecter rapidement ainsi que les cas contact,
contrôles au retour des zones infectées.
Il n’y a plus de
quatorzaine pour les personnes revenant d’une zone à risque comme le virus
circule dans plusieurs régions.
Stade 2 : empêcher que le virus ne circule activement sur
le territoire.
Le virus ne vient plus seulement
de Chine et d’Italie. Il circule au sein de plusieurs regroupements de cas en
région comme dans l’Oise. Il n’y a plus de quatorzaine pour les personnes
revenant d’une zone à risque mais des mesures de réduction sociale. La
quatorzaine est toutefois maintenue pour les cas contacts à haut risque.
Plusieurs mesures strictes sont prises comme la fermeture d’écoles,
l’annulation d’événements rassemblant plus de 5000 personnes… Il y a un
déclenchement d’une deuxième ligne d’établissements de
santé pouvant accueillir les malades du coronavirus (on est passé de
38 à 138). Un hôpital de référence a été désigné dans chacun des
départements et régions d’outre-mer.
Stade 3 : le virus circule largement dans la population.
Le stade 3 ou stade épidémique
correspond à une circulation active du virus sur tout le territoire. La
stratégie repose alors sur l’atténuation des effets de l’épidémie.
Les premiers symptômes d’une
infection au coronavirus ressemblent à ceux de la grippe : fièvre,
toux, douleurs musculaires, fatigue...
puis elle dégénère et se caractérise par des difficultés
à respirer. « La
maladie démarre de façon bénigne et puis vers le 8e jour ou 10e
jour, il y a un certain nombre de patients qui s’aggravent de façon
conséquente, c’est un processus pas très habituelle en maladie
infectieuse » remarque le Dr Catherine Leport, responsable de
la mission Coreb lors d’une table ronde au Sénat le 26 février 2020. Il
existe des formes asymptomatiques et bénignes, ce qui distingue ce nouveau
coronavirus du virus du Sras (un autre coronavirus) qui ne se manifestait que
par des formes sévères, et retarde le diagnostic.
En cas de signes d’infection respiratoire dans les 14 jours suivant
le retour de Chine (Chine continentale, Hong Kong, Macao), de Singapour, de Corée
du Sud, d’Italie ou d’Iran :
Contacter le Samu Centre
15 en faisant état des symptômes et du séjour récent en Chine (Chine
continentale, Hong Kong, Macao), de Singapour, de Corée du Sud, ou des
régions de Lombardie, de Vénétie et d’Emilie-Romagne en Italie.
Évitez tout contact avec votre
entourage et conservez votre masque.
Ne pas se rendre chez son médecin
traitant ou aux urgences, pour éviter toute potentielle contamination.
Un virus qui se transmet bien
plus par les mains que par la salive : lavez-vous les mains souvent !
Comme il n’y a ni vaccin, ni
médicament efficace contre le coronavirus, le meilleur moyen de s’en protéger
est l’application de mesures d’hygiène. Si beaucoup se ruent sur l’achat
de masques, il faut savoir qu »ils n’ont « aucun sens si on ne se lave pas les mains
puisqu’en pratique on touche des surfaces contaminées. l’hygiène
des mains est donc
fondamentale » a martelé le Pr Jérôme Salomon.Il est recommandé de se
laver les mains après avoir toussé, éternué, avant
et après avoir préparé à manger, avant de manger, après être
allé aux toilettes, après avoir manipulé des animaux… Autre réflexe à
prendre quand on sort de la maison : emmener du gel antibactérien avec soi
pour désinfecter les mains en l’absence d’eau et de savon. Enfin, le Pr Jérôme
Salomon a recommandé le 9 mars de rester chez soi et de ne pas aller travailler
si on tousse et qu’on a de la fièvre.
Le port du masque chirurgical est
recommandé si vous êtes malades pour éviter de diffuser la maladie par voie
aérienne, et pour les professionnels de santé. Il n’est pas recommandé dans les
autres cas. La vente de masques de protection est désormais soumise
à une prescription médicale. Seules les personnes disposant
d’une ordonnance et les professionnels de santé peuvent en recevoir en se rendant
en pharmacie. Un décret a été publié au
Journal Officiel pour réquisitionner les stocks de masques
de protectionde type FFP2 détenus
par » toute personne morale de droit public ou de droit privé »et
les stocks de masques anti-projections détenus par les entreprises qui en
assurent la fabrication ou la distribution.
L’épidémie de coronavirus complique les déplacements à l’étranger. Le gouvernement déconseille les voyages en Chine et recommande de reporter les voyages non indispensables surtout hors de l’Union européenne. Plusieurs conseils aux voyageurs sont affichés dans les aéroports : ne pas manger de viande crue, se laver les mains, ne pas toucher d’animaux…
PAYS
NOMBRE DE MORTS
Chine
3
136
Italie
463
Iran
237
Corée
du Sud
54
France
30
Espagne
30
US
26
Japon
9
Irak
7
Japon
– Bateau Diamond Princess
6
Grande-Bretagne
5
Australie
4
Pays-Bas
4
Hong
Kong
3
San
Marino / Saint-Marin
2
Suisse
2
Allemagne
2
Philippines
1
Argentine
1
Taiwan
1
Canada
1
Thaïlande
1
Egypte
1
TOTAL
4026
c
Cas confirmés de
coronavirus dans le monde au mardi 10 mars à 11h02
« Ni Kant, ni Marx,
ni Bourdieu ne seraient d’accord avec votre position, M. Addi. Expliquez-vous !
»
J’ai reçu d’un ami
internaute sur ma boîte privée messenger un texte dont je cite la fin ci-dessus
à la suite de mon post « Faut-il avoir peur des islamistes ? ». Ma réponse à
cet ami internaute se fera à un niveau idéologico-historique et ensuite au
niveau politique.
1. Le niveau
idéologico-historique : L’islamisme est un phénomène idéologique
(idéologisation de la religion) qui provient de la société et de son histoire.
L’Algérie a connu la modernisation à partir de l’extérieur à travers la
domination coloniale. (Nous aurions besoin de définir ce qu’est la
modernisation. Nous le ferons plus tard). Cette modernisation suscite des peurs
quant à l’identité culturelle et religieuse. Le sens des perspectives
historiques (que nous devons avoir) est de dire à ceux qui expriment cette peur
que notre société est aussi capable de produire une modernisation endogène à
laquelle aujourd’hui s’oppose l’interprétation médiévale de l’islam. Un islam
compatible avec la liberté de conscience est possible. C’est ce qu’il faut
expliquer aux islamistes et qu’ils renoncent à excommunier des musulmans
(takfir) et qu’ils acceptent le principe du monopole de la violence à l’Etat,
violence exercée dans le cadre de la loi. L’islamisme est susceptible de suivre
l’évolution de pays européens qui ont vu apparaître des partis dits démocrates-chrétiens
ou sociaux-démocrates. Rachad en Algérie est sur cette voix, ainsi que Nahda en
Tunisie. Ceci indique un début de sécularisation de la conception politique des
courants islamistes ou ce que des universitaires appellent le post-islamisme. Surtout
que la sécularisation des pratiques sociales est plus avancée dans la vie
quotidienne qu’on ne le croit. Je prends un exemple. Une femme qui se verrait
proposer un mariage religieux (deux témoins et un imam d’occasion) dirait non.
Elle exigera la transcription du mariage à la mairie, parce qu’elle sait
qu’elle a besoin de la protection de l’Etat pour la stabilité de son mariage.
Même si elle est islamiste, elle ne fera pas confiance à la seule foi
religieuse de son futur mari. C’est cela la sécularisation des rapports sociaux
qui sont plus en avance que le discours tenu par les gens sur eux-mêmes. Ce
qu’il faut, c’est créer un discours nouveau conforme à ces rapports sociaux.
2. Le niveau
politique : Les commentaires hostiles à mon post contiennent une contradiction
de taille. Leurs auteurs demandent que les militaires ne dominent plus l’Etat
et, par ailleurs, ils veulent exclure un courant politique qui pèse, me
semble-t-il, entre 15 et 20% de l’électorat. Comment l’exclure si ce n’est pas
en appelant l’armée ? Comment faire ? Créer un Code de l’Indigénat de
l’administration coloniale où une voix d’un non-islamiste vaudrait 5 voix d’un
islamiste ? Il faut garder raison et reprendre le contrat de Rome
(Sant’Egidio), et y inscrire en outre le scrutin à la proportionnelle. Les
islamistes auraient 15à 20% d’élus à l’Assemblée Nationale et ils seront
obligés de faire des alliances et de s’adapter à la réalité. Car un islamiste
qui affirme que « le Coran est la constitution », il faudra lui apprendre le contenu
du Coran et ce qu’est une constitution.
Voyez-vous cher ami
internaute, c’est parce que j’ai lu Kant que j’arrive à cette conception des
choses. Un des impératifs catégoriques de la morale de Kant est : « ne fais pas
autrui ce que tu ne veux pas qu’on te fasse ». Il se trouve que c’est aussi un
hadith du prophète. C’est aussi parce que j’ai lu Marx que je suis toujours
avec les classes sociales exploitées et avec le peuple, même quand ils ont une
conscience peu claire de leurs intérêts. C’était la position de Sadek Hadjeres
au congrès du Pags avant de quitter le parti. L’intellectuel doit participer à
la prise de conscience des masses et non pas les combattre. C’est la position
de l’Iranien Ali Shariati qui a créé un courant politique islamo-marxiste. Enfin,
j’ai appris de Bourdieu à écouter la société et non pas à parler en son nom. Un
sociologue, disait-il, fait parler la société, et ne parle pas en son nom.
En conclusion, si nous arrivons à construire un champ politique où il n’y a pas d’ennemis à exterminer, mais seulement des adversaires politiques qui s’affrontent par la compétition électorale et qui acceptent le verdict des urnes et l’alternance électorale, nous serons alors prêts à construire la démocratie au profit de tous.
_____________________
Mardi 25 février 2020
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La visite du commandant Bouregaa, Mustapha Bouchahchi et Samir Belarbi à Ali Belhadj à son domicile, ainsi que la rencontre entre Sadek Hadjeres et Larbi Zitout, et d’autres rencontres avec des militants du mouvement Rachad, ont suscité des interrogations et des débats sur les réseaux sociaux. Certains internautes se sont dits choqués que des démocrates laïcs comme Moshsen Belabbès, Zoubida Assoul et autres universitaires acceptent de participer à des débats sur la chaîne de télévision Al Magharibia dirigée par un des enfants de Abbassi Madani, ancien dirigeant du FIS dissout. Ce débat a pourtant été tranché par le hirak où islamistes et non islamistes se côtoient tous les vendredis pour demander une transition vers un régime civil. La conscience collective du hirak a compris que la société contient plusieurs courants idéologiques qui ne doivent pas s’exclure, même s’ils doivent s’opposer pacifiquement sur le terrain électoral pour laisser les électeurs décider à qui confier la majorité parlementaire pour une période de 5 ans. Les rencontres entre islamistes et non-islamistes, dans la phase actuelle, sont nécessaires pour écrire les règles de jeu de la compétition pacifique pour le pouvoir. On ne peut pas interdire à un islamiste d’être un islamiste, mais on peut exiger de lui qu’il signe un contrat où il s’engage à ne pas utiliser la violence, à ne pas décider qui est musulman et qui ne l’est pas (interdiction du takfir), à accepter que la croyance religieuse n’est pas une affaire de l’Etat. L’urgence est d’arriver à un consensus qui stipule que l’Etat est un bien public et que la religion un bien privé. De plus en plus d’islamistes sont ouverts à ce consensus qui vise à établir les règles juridiques entre le citoyen et l’Etat et non pas entre les citoyens et Dieu. Ce qui lie le croyant à Dieu, c’est la foi et non la règle juridique. La raison est simple : Dieu peut pardonner un péché, mais l’Etat ne peut pas pardonner un délit. L’autre argument avancé par ceux qui sont hostiles à toute rencontre avec les islamistes est qu’ils ont du sang sur les mains. Il est vrai qu’au lendemain de l’annulation des élections remportées par le FIS, des islamistes ont pris les armes et ont exercé une violence militaire. Il s’est ensuite installé une période de confusion où les Algériens se posaient la question « qui tue qui ? ». La question était légitime car dans tout Etat la culpabilité est établie par des juges à la suite d’un procès équitable. Or durant cette période trouble, c’étaient les communiqués de la police qui désignaient le coupable. En la matière, il ne s’agit pas d’être contre ou pour les islamistes ; il s’agit d’être pour le droit qui a des règles qui désignent le coupable. En conclusion, les islamistes sont un courant d’opinion dans la société et il n’est pas question de faire appel à l’armée pour les exclure du champ politique. Il faut les combattre idéologiquement et pacifiquement, si on ne partage pas leur vision de l’Etat, et avoir confiance dans la société qui, lors des élections, choisira la majorité parlementaire. Deux perspectives se présentent : demander aux militaires d’éloigner par la violence les islamistes du champ politique, ou demander aux militaires de se retirer du champ politique pour affronter pacifiquement les islamistes sur le terrain idéologique. Personnellement, j’ai choisi la deuxième perspective.
_________________________ AUTRES ÉCRITS DE LAHOUARI ADDI_________________
LAHOUARI ADDI
TSA_
A qui appartient la souveraineté nationale : au
peuple ou à l’état-major ?
Débats et Contributions- Par: Lahouari Addi* 10 Avril 2019 à 07:05
Tribune.
L’un des premiers résultats de la contestation populaire du 22 février est
d’avoir mis à nu le système politique algérien dans lequel il y a désormais
deux acteurs politique visibles qui se font face : le peuple qui occupe la rue
chaque vendredi et l’état-major qui espère une baisse de la mobilisation
pour reprendre l’initiative.
Engagés
dans un rapport de force sans concessions, ces deux acteurs cherchent à influer
sur le cours des événements pour atteindre leurs objectifs respectifs
divergents. Le peuple veut enlever à l’état-major l’attribut de la
souveraineté nationale qui lui a permis jusqu’à présent de désigner le
président à travers des élections truquées et de choisir les députés qui
représentent la population.
En
s’attribuant une prérogative qui appartient au peuple, l’état-major se comporte
comme le Bureau Politique d’un parti stalinien et non comme le commandement
militaire d’une armée républicaine. En confiant au DRS la
mission de gérer le champ politique, le commandement militaire a coupé l’Etat
de ses racines sociales et idéologiques et l’a orienté vers la corruption
généralisée.
L’objectif
du peuple est de casser ce mécanisme qui empêche les institutions de l’l’Etat
d’être représentatives de la population. Il veut que l’Etat se réarticule à la société
et qu’il tienne compte de ses demandes. Le peuple veut le transfert de la
légitimité militaire, héritée des vicissitudes de l’histoire, à la légitimité
populaire véhiculée par l’alternance électorale.
Face
à la revendication exprimée par des millions d’Algériens depuis le 22 février,
l’état-major a donné l’impression d’avoir entendu le peuple, et a congédié le
cadre à la chaise roulante qui faisait fonction de chef d’Etat.
Le général Gaid Salah a même affirmé son attachement à l’article 7 de la constitution
stipulant que le peuple est la seule source du pouvoir.
Les
révolutionnaires du 22 février avaient le sourire en croyant que la fibre
nationaliste et l’amour de la patrie avaient enfin pénétré les bureaux du
ministère de la défense. Mais la désignation le 9 avril de Bensalah comme
président intérimaire, sur instruction de l’d’état-major à ses marionnettes du
FLN et du RND, a montré quelles étaient les véritables intentions de la
hiérarchie militaire.
Avec
le recul, la stratégie de l’état-major devient plus claire ; elle cherche à
remplacer les anciennes marionnettes discréditées et démonétisées par des
marionnettes qui n’ont jamais servi. Ce qui signifie que le général Gaid
Salah a menti, et qu’il a confié à Bensalah la mission de mener une transition
avec un nouveau personnel coopté à travers des élections truquées.
Ceci
n’est pas un procès d’intention puisque le président par intérim n’avait pas de
légitimité en tant que président du Conseil de la nation. En tant que sénateur,
il n’était pas représentatif de la circonscription où il habite. Par
conséquent, la transition ne peut être menée par le personnel discrédité et
illégitime de l’ère Bouteflika. Le peuple parle de la légitimité et
l’état-major parle de la légalité. Mais quelle est la source de la légalité si
ce n’est pas la légitimité populaire ?
C’était
cependant naïf de croire que les généraux allaient accepter une transition
réelle vers l’Etat de droit qui signifie la séparation des pouvoirs et la
liberté de la presse. Non pas qu’ils soient opposés à l’Etat de droit pour des
raisons idéologiques. La réalité est qu’ils ont peur que le nouveau régime
leur demande des comptes sur les violations de droits de l’homme et sur la
corruption. Ils comptent sur une décrue de la mobilisation pour faire sortir
les chars à Alger. Les généraux jouent avec le feu car ni l’Etat et encore
moins l’armée ne leur appartient. Ils font face à un problème politique qui
demande une réponse politique. Et les Algériens sont décidés à entrer en
possession de ce qui leur appartient : l’Etat et l’armée.
Les
généraux répondent par la ruse en attendant d’utiliser la force. En pleine
tempête révolutionnaire, comme tout régime sur le point de s’effondrer, ils se
réfugient derrière « leur » constitution. Mais les Algériens savent, par
expérience, que la constitution a toujours été invoquée pour réprimer leurs
revendications légitimes. La constitution algérienne a été conçue pour protéger
le pouvoir exécutif et non le peuple ; c’est un texte qui donne une base
juridique à l’autoritarisme du pouvoir exécutif et qui lui permet d’emprisonner
les syndicalistes et de poursuivre devant les tribunaux les défenseurs des
droits de l’homme.
En
invoquant la légalité constitutionnelle pour remplacer Bouteflika par Bensalah,
l’état-major se coupe de la nation et prend la direction de la
contre-révolution. Les généraux devraient demander à Vaujour et à Massu ce qui
se passe quand un peuple entre dans une phase révolutionnaire.
*
Lahouari Addi est universitaire
Important : Les tribunes publiées sur TSA ont pour but de
permettre aux lecteurs de participer au débat. Elles ne reflètent pas la
position de la rédaction de notre média.
___________________
TSA
Qui
gouverne en Algérie ?
Débats et Contributions: Par: Lahouari Addi* 29 Mars 2019 à 07:55
Cette
question se pose depuis longtemps en Algérie dans les discussions quotidiennes
et dans les articles de presse où est utilisée l’expression « le pouvoir » pour
désigner les gouvernants. Malgré le flou qu’elle implique, nous savons
cependant plus ou moins que cette expression renvoie à un mécanisme d’exercice
de l’autorité de l’Etat au centre duquel il y a la hiérarchie militaire.
Pour
des raisons historiques, l’Etat algérien s’est construit à partir de l’armée,
mais l’élite militaire a raté l’occasion d’octobre 1988 pour se retirer du
champ de l’Etat. Se substituant à la souveraineté populaire, la hiérarchie
militaire ne déclare pas officiellement qu’elle est la source du pouvoir en lieu
et place de l’électorat. Mais tout le monde sait que c’est elle qui désigne le
président.
Comment
alors analyser le régime algérien alors qu’il est incompatible avec l’ordre
constitutionnel ? La science politique a des difficultés à étudier le régime
algérien qui relève plutôt de l’anthropologie politique mieux outillée
conceptuellement pour analyser les rapports d’autorité formels et non formels.
Sa particularité est que les institutions ne véhiculent pas toute l’autorité de
l’Etat. Ces derniers jours, des responsables de partis de l’administration
parlent de « forces extraconstitutionnelles » qui interfèrent dans la prise de
la décision politique.
Quelle
est la structure officielle de l’Etat en Algérie ? Théoriquement il est dirigé
par un président élu au suffrage universel à l’issue d’une campagne électorale
à laquelle prennent part différents partis, y compris ceux de l’opposition
légale. Le président met en œuvre une politique traduite par des lois votées à
l’Assemblée nationale par des députés eux aussi élus au suffrage universel.
Théoriquement, il y a donc un pouvoir exécutif issu des urnes, un pouvoir
législatif représentant de la volonté populaire et un pouvoir judiciaire
indépendant qui protège l’exercice des droits civiques des citoyens. Il y a même
un conseil constitutionnel qui veille à la constitutionnalité des lois et
décrets. Cette structure institutionnelle est portée par des partis politiques
qui expriment les différents courants idéologiques de la société et qui se
disputent le pouvoir exécutif à travers des élections libres et pluralistes.
Le
seul problème est que ce schéma ne correspond pas à la réalité. Par le trucage
des élections, le pouvoir exécutif, mandaté par la hiérarchie militaire,
empêche le corps électoral de se donner les représentants qu’il veut. La
réforme de la constitution de février 1989 a mis fin au système de parti
unique, mais le régime a perverti le pluralisme en truquant les élections pour
empêcher toute alternance. Le pluralisme a été une façade derrière laquelle l’armée
a continué d’être la source du pouvoir en lieu et place du corps électoral.
Si
le régime post-88 est sur le point de s’effondrer, c’est parce qu’il n’a pas de
cohérence politico-idéologique. En comparaison, le régime de Boumédiène était
plus cohérent. Celui-ci disait : les chouhadas m’ont demandé de diriger le
peuple pour faire son bonheur. Par conséquent, je suis l’Etat, et celui qui
n’est pas content, il n’a qu’à quitter le pays. L’autoritarisme de Boumédiène
était cohérent et clair et ne s’encombrait pas d’arguties d’une constitution
copiée sur celle de la 5èm république française. Le modèle de Boumédiène a
survécu à son fondateur avec un faux pluralisme.
Evidemment,
les militaires n’interviennent pas directement en tant que tels dans le champ
de l’Etat. Les généraux de l’Etat-Major ont d’autres tâches à accomplir,
notamment l’entretien du niveau opérationnel des troupes. Ils ont cependant
confié à la direction de l’espionnage la tâche de gérer le champ politique. A
l’exception du président désigné par la hiérarchie militaire, ce service
d’espionnage appelé DRS, désigne le Premier ministre et supervise avec le
président la formation du gouvernement.
Les
dernières déclarations de Amar Saidani à TSA le confirment. Ouyahya est désigné
comme premier ministre par le DRS. Ce qui signifie que Bouteflika ne nomme pas
le premier ministre, et ne choisit pas son équipe ministérielle. Tous ses
fidèles ont été éjectés du gouvernement : Belkhadem, Zerhouni, Ould Abbès,
Benachenhou.
Le
DRS filtre aussi les listes des candidats aux fonctions électives nationale et
locale (APN, APW, APC). Il décide des résultats électoraux en donnant aux
partis des quotas de sièges en contrepartie de la fidélité au pouvoir
administratif. En outre, il noyaute toutes les institutions de l’Etat (police,
douanes, gendarmerie…) pour s’assurer que les fonctionnaires ne remettent pas
en cause la règle non écrite du système politique algérien : l’armée est seule
source du pouvoir. Le service politique de l’armée infiltre aussi les partis
d’opposition, pour les affaiblir de l’intérieur en créant des crises au niveau
des directions. Le dernier parti victime de cette pratique est le FFS. Il
contrôle la presse par le chantage à la publicité.
La
mission du DRS est de dépolitiser la société pour se poser en seule expression
politique émanant de la hiérarchie militaire. Ce modèle a pu fonctionner dans
les années 1970 parce que l’armée comptait 40 colonels. Il ne peut pas
fonctionner aujourd’hui avec 500 généraux qui exercent peu ou prou une parcelle
de l’autorité de l’Etat, avec en plus leurs réseaux de clientèle se disputant
des parts de la rente pétrolière. L’anarchie militaire au sommet de l’Etat a
empêché celui-ci de fonctionner conformément à ses institutions formelles.
L’affaire Tebboune le montre clairement.
Après
l’annulation des élections par les généraux janviéristes en 1992, le DRS a eu
un rôle stratégique dans la lutte anti-terroriste, ce qui lui a donné un poids
important dans la prise de la décision politique. Au fil des années, il s’est
quasiment autonomisé de l’Etat-Major dont formellement il dépend organiquement.
Des généraux se sont plaints de la concentration de pouvoir entre les mains du
chef du DRS, le général Tewfik Médiène, connu aussi sous le nom de « Rab Edzair
» (Dieu d’Alger). Un conflit larvé divisait la hiérarchie militaire, surtout
que les officiers du DRS occupaient des places stratégiques dans les circuits
de répartition de la rente pétrolière.
Le
conflit entre l’Etat-Major et la direction du DRS éclatera au lendemain de
l’attaque du complexe gazier de Tiguentourine en 2013. Selon les informations
qui circulent à Alger, l’Etat-Major a reproché au DRS soit d’avoir manipulé des
islamistes pour planifier l’attaque de ce complexe gazier (c’est ce que affirme
Amar Saidani), soit d’avoir été incapable de protéger un endroit stratégique
d’extraction de la rente pétrolière. L’Etat-Major a décidé la réorganisation du
DRS, après avoir mis à la retraite plusieurs généraux. L’un d’eux, le général
Hassan a été arrêté et condamné par un tribunal militaire à 5 ans de prison.
Mais
l’Etat-Major n’a pas informé le public sur les raisons de cette restructuration
des services de sécurité. Il a demandé à Amar Saidani, responsable du FLN à
l’époque, d’attaquer le général Tewfik qu’il a accusé de s’opposer à l’Etat de
droit, à la liberté de la presse et à l’autonomie de la justice. Un étudiant en
sciences politiques avait écrit sur sa page Facebook : « A la tête du FLN,
Saidani a eu le temps de lire Jean-Jacques Rousseau ! ». Une fois le DRS
réorganisé, l’Etat-Major a mis fin aux fonctions de Saidani à la tête du FLN.
Suite
à cet épisode, le DRS a été divisé en deux parties. L’une sera chargée de
l’espionnage pour défendre les intérêts du pays contre les ingérences de
puissances étrangères, et l’autre confiée au général Bachir Tartag chargée de
la gestion de la société civile et aussi de la surveillance des fonctionnaires
de l’Etat. Le bureau de Tartag a été domicilié à la présidence pour montrer
qu’il est sous l’autorité du président. Le DRS propage les rumeurs selon
lesquelles Bouteflika aurait domestiqué l’armée. Avant de mettre à la retraite
le puissant général T. Médiène, il aurait mis fin aux fonctions de Mohamed
Lamari, alors chef d’Etat-Major. La vérité est que ce dernier a été démis par
l’Etat-Major après ses déclarations au journal Al-Ahram et à l’hebdomadaire
français Le Point en 2004 où il montrait que l’armée est au-dessus du
président. Les généraux, dont l’autorité est en effet au-dessus de celle du
président, ne veulent pas que cela se sache.
Cette
propagande vise à cacher la véritable nature du régime algérien où la
hiérarchie militaire exerce le pouvoir réel. Il existe bien sûr le clan de
Bouteflika, composé de ses frères, d’importateurs et d’entrepreneurs de travaux
publics. Ce clan a le pouvoir de relever de ses fonctions un responsable de
douane qui refuse de violer la règlementation, de suspendre un wali qui aura
été nommé par un clan rival, de muter au sud un magistrat soucieux de
l’application de la loi, de bloquer une entreprise comme Cevital, etc. Mais le
pouvoir, ce n’est pas violer la loi. Ces abus de pouvoir ne se produisent que
parce que l’armée refuse que la justice soit autonome. Le clan de Bouteflika
est né et a grandi à l’ombre d’un système politique centré sur l’armée. Il a donné
naissance à une bourgeoisie monétaire vorace et prédatrice qui se nourrit de
marchés publics, associant des enfants de généraux dans des activités
commerciales d’importation.
Où
en est-on aujourd’hui et comment sortir de la crise actuelle ? Composée de jeunes
généraux nés dans les années 1950 et 1960, la hiérarchie militaire doit
répondre à la demande de changement de régime exprimée par des millions de
citoyens. Elle ne devrait pas faire les erreurs fatales des hiérarchies
précédentes qui ont opéré quatre coups d’Etat (1962, 1965, 1979, 1992), tué un
président et fait démissionner deux.
L’évolution
de la société algérienne exige un réajustement de l’Etat en fonction des
transformations culturelles et sociales des dernières décennies. Si ce
réajustement est refusé, le mouvement de protestation va se radicaliser et
beaucoup de sang coulera. Les jeunes généraux doivent être à la hauteur des
exigences de l’histoire.
*Lahouari Addi est Universitaire
__________
MAGHREB
EMERGENT 14 03 2019
DYNAMIQUE RÉVOLUTIONAIRE ET CHANGEMENT DE LÉGITIMITÉ EN ALGÉRIE (contribution)
Depuis
le 22 février, l’Algérie est entrée dans une période révolutionnaire qui
fondera un nouveau régime. La période révolutionnaire est une phase durant
laquelle s’exprime un changement de légitimité demandé par l’ensemble de la
société que la violence d’Etat ne pourra pas neutraliser.
Pour des raisons historiques, l’Etat algérien et ses
institutions tirent leur autorité de l’armée qui a toujours coopté les élites
civiles soit dans le cadre du système du parti unique avant 1988, soit dans le
cadre d’élections truquées après 1992. C’est ainsi que la hiérarchie militaire
choisit le président, tandis que son instrument politique, le DRS, façonne le
champ politique en noyautant les partis d’opposition, les syndicats, la presse,
etc. pour les soumettre à la règle non écrite du système : l’armée est
seule source du pouvoir et seule instance de légitimation.
Dans un tel schéma, l’autorité du président ne provient pas de
la légitimité électorale mais plutôt du soutien de l’armée qui l’aura désigné
pour faire fonction de chef d’Etat. Même si la constitution lui donne des
prérogatives de chef d’Etat, dans les faits le président ne fait qu’entériner
les orientations décidées par la hiérarchie militaire.
La présidence est l’institution par laquelle transitent les
décisions prises au ministère de la défense, appliquées par les ministères et
justifiées par les partis de l’administration, FLN et RND. Pour la hiérarchie
militaire, il est crucial de choisir un président docile et obséquieux qui
accepte ce schéma car sa hantise est de se retrouver face à un Erdogan qui lui
enlève le pouvoir de légitimation.
L’histoire montre que sur les quatre présidents après la mort de
Boumédiène, deux ont été poussés à la démission brutale après menace physique,
(Chadli Bendjedid et Liamine Zéroual) et un a été assassiné (Mohamed Boudiaf).
Si Bouteflika est depuis 20 ans en fonction, c’est parce qu’il a accepté la
suprématie du militaire sur les institutions, tout en manœuvrant pour essayer
d’opposer des généraux les uns contre les autres. En 2003, le DRS lui avait
interdit de s’adresser directement aux Algériens, suite à un discours où il
avait dit que « 14 généraux contrôlaient le commerce
extérieur ».
C’était indigne d’un président qui parlait comme un citoyen
ordinaire qui se plaignait dans un café à Alger. La propagande selon laquelle
Bouteflika s’était imposé aux généraux provient du DRS dont la tâche est de
montrer que les généraux sont sous les ordres d’un président devenu
autoritaire. Il s’agissait de cacher le mécanisme d’appropriation de la légitimité
par la hiérarchie militaire qui n’a jamais été aussi puissante que sous
Bouteflika.
Que la famille de Bouteflika et ses amis se soient enrichis, ce
n’est pas étonnant dans un pays où la justice n’est pas autonome. Mais le
pouvoir, ce n’est pas la capacité de voler l’argent de l’Etat. Il faut savoir
qu’en Algérie, le président (et c’est encore plus vrai pour Bouteflika) n’a pas
le droit de promouvoir des officiers supérieurs et de s’immiscer dans
l’équilibre de la hiérarchie militaire, de chercher à résoudre la question du
Sahara occidental, de définir les relations avec la France. Ce n’est pas lui
qui désigne le premier ministre, ni les ministres des affaires étrangères, de
l’intérieur et de la justice.
La répartition de la rente pétrolière dans le budget de l’Etat
entre les différents ministères ne relève pas de sa responsabilité. La lourde
maladie de Bouteflika depuis 2013 est une preuve supplémentaire que le
président algérien n’a qu’un rôle symbolique. Il est une poupée, rendue
pathétique par la maladie, entre les mains de décideurs qui se réunissent
régulièrement pour évaluer la situation politique du pays et qui prennent des
décisions envoyées à la présidence pour application. Les dernières mesures
annoncées lundi 11 mars ne pouvaient être prises par une personne à peine
consciente de son état.
Cette structure politique de l’Etat a atteint ses limites avec
une société plus exigeante et plus cultivée. Les jeunes générations n’acceptent
plus que leur Etat soit dirigé par des structures clandestines dépendant du
ministère de la défense. Ellesmettent en avant le projet de Abane Ramdane, et
pour lequel il a été tué, et celui du Congrès de la Soummam, en exigeant la
primauté du civil sur le militaire.
A cette demande, les généraux leur répondent par la ruse :
extension du 4èm mandat et transition menée par des civils porte-parole des
généraux. Si la politique, dans tous les pays, est 80% de compromis, 10% de
ruse et 10% de violence, pour les généraux algériens, la politique c’est 48% de
ruse, 48% de violence et 4% de compromis. Mais cette fois-ci, les jeunes
manifestants ne rentreront chez eux que lorsque le changement de légitimité
s’opérera.
Ils ont avec eux l’histoire, la société et même une partie de
l’armée qui ne se reconnaît pas dans les choix politiques des généraux. Ils
veulent un changement de légitimité de l’autorité publique et rien ne les
arrêtera jusqu’à la satisfaction de cette demande. Ils obligeront les généraux
à ne plus choisir le président et les députés à leur place.
Les jeunes manifestants ne sont pas contre l’armée, et ils
voudraient être fiers d’elle. C’est le sens du slogan « djeich chaab khawa
khawa ». Ils veulent une armée moderne, républicaine, épurée de généraux
faiseurs de rois. Ils veulent une armée qui obéisse à l’autorité civile
exercée par des élus du peuple. Les jeunes manifestants ont montré plus de
maturité que les généraux lorsqu’ils crient que l’armée appartient au peuple et
non à une hiérarchie militaire qui a donné naissance à un régime
corrompu.
L’Algérie est entrée dans une phase révolutionnaire qui rappelle
les révolutions française, russe et iranienne. C’est une révolution de
changement de légitimité et l’ancien régime ne peut s’y opposer ou la
détourner. Si des généraux font l’erreur d’utiliser la force pour réprimer des
manifestants, l’unité de l’ANP serait en péril parce que de nombreux officiers
sont au diapason avec la jeunesse.
Il vaut mieux que le régime ne s’oppose pas la demande de
changement de légitimité des institutions de l’Etat. A cette fin, les décideurs
doivent accepter le caractère public de l’autorité de l’Etat. Ils doivent
demander à celui qui fait fonction de président aujourd’hui de démissionner et
de nommer une instance de transition qui exerce les fonctions de chef d’Etat.
Mustapha Bouchachi, Zoubida Assoul et Karim Tabbou devraient
être sollicités pour exercer les prérogatives d’une présidence collégiale qui
nommera un gouvernement provisoire qui gérera les affaires courantes et
préparera les élections présidentielle et législative dans un délai de 6 à 12
mois. Les généraux doivent aider à la réalisation de ce scénario et se dire une
fois pour toute que l’armée appartient au peuple et non l’inverse.
LahouariAddi
Professeur
émérite de sociologie
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L’ULTIME APPEL À LA RAISON
El Watan- 27 février 2019 à 10 h 02 min
La vague de
manifestations pacifiques du vendredi 22 février à travers l’ensemble du
territoire national marque un tournant décisif dans l’évolution de la situation
politique dans notre pays. Les Algériennes et les Algériens de toutes les
régions du pays ont montré une maturité que n’ont pas les dirigeants.
Les citoyennes et les
citoyens ont exprimé sans ambiguïté leur ferme volonté de reprendre leur destin
en main.
Cette mobilisation historique a libéré les consciences, brisé les barrières de
la peur et du silence et mis du mouvement dans le statu quo. Elle est porteuse
d’espoir.
Aucune force ne peut
venir à bout d’un consensus né d’une mobilisation commune autour d’une
aspiration partagée.
La reprise de
l’initiative politique par la société revêt un sens profond. L’ignorer
condamnerait le pays à revivre les drames d’un passé récent.
Par ses extravagances et
la persévérance dans la gabegie, le pouvoir a provoqué l’exaspération des
citoyens. La candidature de Bouteflika pour un 5e mandat fut la provocation de
trop. Qui peut croire que les populations déjà éprouvées par des années
d’humiliation puissent accepter sans réagir un affront d’une telle énormité ?
Le pouvoir ne peut plus
persister dans le déni des droits et des libertés. Il est inconcevable qu’au
XXIe siècle, l’Algérien soit encore privé du droit de choisir librement ses
représentants ou de les sanctionner. Plus révoltant encore, les décideurs en Algérie
sévissent dans l’anonymat. Ils ne sont ni identifiés ni soumis au devoir de
rendre des comptes.
Le refus de
l’institutionnalisation est un héritage du mouvement national. Inaugurée par
l’assassinat de Abane et la répudiation des principes consignés dans la
Plate-forme de la Soummam, cette tradition demeure à ce jour en vigueur.
Les vicissitudes de
notre histoire ont imposé un schéma politique où le commandement militaire
s’est d’emblée posé en détenteur exclusif de la souveraineté nationale. Cette configuration
est désormais dépassée.
Elle l’est, d’autant
plus que le long règne de Bouteflika a provoqué des mutations perverses dans le
système comme dans la société et imprimé au mode de gouvernance une dérive
oligarchique maffieuse jamais observée par le passé.
Cela a accéléré la
déliquescence du système. L’impasse est totale. Elle est par ailleurs
indépassable.
Vouloir maintenir coûte que coûte le statu quo fait courir des risques graves à
la stabilité et l’unité nationales. L’option électorale, avec ou sans
Bouteflika, ne peut constituer une solution.
Certes, le départ de
Bouteflika est une exigence populaire légitime et indiscutable. Mais il ne peut
à lui seul créer les conditions d’une compétition libre et sincère, conforme
aux standards internationaux. Le système autoritaire est un objet monstrueux
fortement enraciné et innervant l’ensemble des institutions et structures du
pays. Sa déconstruction nécessite de la volonté, de l’effort, de la pédagogie
et de la patience.
La seule issue salutaire
pour le pays est une transition démocratique orientée vers la construction d’un
Etat de droit. Elle doit être la plus courte possible, loin de tout esprit de
règlement de comptes et se conclure par l’organisation d’élections générales.
Avec un bilan des plus désastreux et une révolte populaire grandissante, le
régime n’a plus de marge de manœuvre. Le pays se trouve à la croisée des
chemins.
Il a le choix entre la
transition démocratique, à l’exemple de nos voisins tunisiens, et l’aventure
destructrice, comme c’est le cas en Libye et en Syrie. La fonction historique
de ce système est épuisée depuis déjà fort longtemps. Les émeutes d’Octobre
1988 ont imposé une ouverture dans la douleur. Cependant, par son génie
maléfique et ses échafaudages diaboliques, le système est parvenu à se
maintenir. C’est, hélas, au prix d’un drame incommensurable. Va-t-il céder
aujourd’hui à cette même tentation ? Rien ne peut l’en empêcher, si ce n’est un
sursaut patriotique fort et immédiat.
Dans ce contexte d’une
extrême tension, l’institution militaire est fortement interpellée. Elle se
trouve devant un choix historique. L’intérêt stratégique du pays lui commande
de se mettre du côté de la population et au service de la solution. Elle doit
jouer le rôle de facilitateur et de garant de la transition démocratique.
L’ordre ancien est fini. Vouloir le maintenir ou le ressusciter autrement
serait désastreux.
La restitution de la
souveraineté au profit du corps des citoyens est une obligation dont les indus
détenteurs actuels, civils ou militaires, ne peuvent s’affranchir. Ce transfert
est au cœur du processus de changement. C’est également l’objet central de la
transition.
Enfin, l’opposition est
condamnée à se mettre au diapason du mouvement populaire. Il n’est dans
l’intérêt de personne d’aller vers un face-à-face pouvoir/société. Il est vain
de vouloir construire une démocratie dans le calme et la sérénité sans
intermédiation.
Par Lahouari ADDI (sociologue engagé) et Djamel ZENATI (militant de la démocratie)
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DZVID_
01.09.2019
Lahouari
Addi : « Dire que l’armée accompagne le hirak est faux, Belhimer »
Le sociologue Lahouari Addi et Ammar
Belhimer, membre du panel, ont échangé au sujet du hirak et les réseaux
sociaux.
Le hirak, le dialogue, la transition sans l’armée sont entre autres les sujets débattus entre Lahouari Addi et Ammar Belhimer dans cet échange. Nous vous proposons de le lire.
« Monsieur Belhimer, personne n’est contre le dialogue, mais
le dialogue exige que l’autre partie soit prête et qu’elle le soit sincèrement.
Or, le commandement militaire ne montre aucune prédisposition au transfert de
la souveraineté vers une autorité civile. Peut-être qu’il pense que ce
transfert doit s’étaler sur un ou deux mandats présidentiels (5 ou 10 ans),
alors qu’il le dise publiquement. Qu’il dise qu’il y a des dossiers trop lourd
hérités de la décennie 90 qui empêchent un transfert du pouvoir aux civils dans
l’immédiat (affaires Boudial, Merbah, Khalifa…).
Les citoyens comprendront et un compromis sur ces affaires délicates sera trouvé. Par ailleurs, le dialogue ne peut pas se mener avec un champ médiatique sous embargo. La chaîne de TV publique ressemble à celle de la Corée du Nord. Les journaux privés subissent le chantage de la publicité, El Watan est au bord de l’étouffement. Il est impossible qu’un dialogue serein et sérieux se mène dans ces conditions. Les membres de l’État-Major tablent sur un essoufflement du mouvement populaire, et je pense qu’ils se trompent. La revendication d’un pouvoir civil vient des profondeurs de la société et elle ne disparaîtra pas d’elle-même.
Les manifestants disent: « Nos parents ont créé une armée pour défendre le pays et non pour qu’elle choisisse les civils qui dirigent l’Etat ». Ils sont dans le sens de l’histoireet rien ne les arrêtera. Il faut trouver un compromis qui satisfait cette revendication de pouvoir civil tout en tenant compte des craintes de l’EM quant à d’éventuels règlements de compte et de chasse aux sorcières.
Ammar Belhimer. Cher confrère. Pour
l’avoir déjà écrit, deux tendances lourdes se disputaient l’alternance au
régime autocratique antérieur au 22 février 2019, en dehors de toute règle de
droit préétablie et obéie: une tendance prétorienne, affairiste, de parvenus –
résultat d’une accumulation aussi fulgurante que phénoménale qui oeuvre à être
aussi bien dirigeante politiquement que dominante socialement- d’une part, une
tendance patriotique, héritière de la légitimité historique en phase finale
d’existence, de plus en plus marginalisée, d’autre part.
Les deux monnaient leur existence et leur développement avec une
vague islamiste en quête d’un statut identitaire de substitution, l’ensemble
évoluant sur fond de parrainages extérieurs divers.
Ces contradictions ont, depuis peu, dépassé le cadre étroit des
vieilles superstructures héritées de la guerre de libération et des espaces
étroits de conciliation qui ont survécu à la répression (syndicats, partis,
etc).
Enfin, la demande de changement se focalise sur des revendications à caractère républicain, démocratique, de libertés. L’armée accompagne le processus sans prendre directement partie à la gestion politique directe des choses. Elle a bien raison de faire ainsi car dans le vide sidéral hérité de l’ancien système, elle est la seule institution qui supplée la carence affectant tous les autres espaces de médiation, d’arbitrage, de surveillance, etc. Elle accompagne une révolution pacifique, la protège et se refuse de la confisquer, à la sécurisation des frontières, compte tenu des instabilités des pays voisins (Libye, Mali en particulier).
L’institution
judiciaire me semble reprendre laborieusement mais courageusement son souffle
après une longe période de vile instrumentalisation et c’est tant mieux pour
l’Etat de l’droit auquel nous aspirons tous les deux.
Lahouari Addi. Cher
collègue, merci pour votre réponse rapide ; elle n’est cependant pas
satisfaisante. Les divergences au sein de la hiérarchie ne sont pas celles que
vous décrivez. Les affairistes ne sont pas un courant politique, ce sont des
individus fragiles politiquement (Hamel est en prison, Chentouf est en fuite…).
Beaucoup d’entre eux ont été écartés parce qu’ils ont discrédité l’institution
militaire (affaires de la cocaïne, entre autres).
Au-delà des convictions idéologiques des généraux qu’ils n’étalent
pas entre eux, la hiérarchie est divisée sur un critère: le rôle de l’armée
dans le champ de l’Etat. La vieille garde (Gaïd Salah) considère que si l’armée
renonce au pouvoir souverain de désigner les dirigeants civils, l’unité
nationale sera en danger et le pays perdra son indépendance. L’autre courant,
qui regroupe de jeunes généraux, pense qu’il est temps de se retirer du champ
de l’Etat et faire ce que les Turcs ont fait. Ce qui handicape ce deuxième
courant, c’est l’héritage de la décennie 90.
Si les militaires se retirent du champ de l’Etat brutalement,
beaucoup d’officiers supérieurs craignent d’être poursuivis par la justice. La
solidarité de corps empêche la jeune génération d’officiers d’imposer sa
solution.
Quant à dire que l’armée accompagne le hirak, c’est faux. La
protestation est si massive que l’armée ne peut pas réprimer.
Le colonel Belhouchet a démissionné de l’armée fin 1988 en
laissant une phrase célèbre. Il était outré que l’armée tire sur des jeunes.
L’armée algérienne n’est pas une armée qui défend un roi pour qu’elle tire sur
des manifestations pacifiques où il y a des enfants et des grand-mères. Par
conséquent, l’EM n’est pas en capacité politique de donner l’ordre de tirer sur
les manifestants.
S’il n’y avait à Alger que 2000 manifestants, ils auraient donné
cet ordre. Donc dire que l’EM accompagne le hirak, est faux. Il fait tout pour
l’étouffer.
Ammar Belhimer. Je m’appesantis sur les tendances lourdes, tu fixes les personnes, dans un échange qui ne relève pas de cet espace, mais qui mérite d’être poursuivi sur un terrain plus approprié. On reste en contact. Amitiés Lahouari Addi. C’est une reconnaissance explicite que les conditions du dialogue ne sont pas réunies. C’est ce que disent les manifestants. Amitiés
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news
algerie.com
Lahouari
Addi et Djamel Zenati signent un texte commun
Par Lynda Meziane
novembre
26, 2019
Nous publions dans son intégralité un texte signé conjointement
par Lahouari Addi et Djamel Zenati. Le texte est un appel au peuple algérien.
APPEL AUX CONSCIENCES
La contestation
populaire est à son dixième mois. Loin de s’affaiblir, elle ne cesse de
s’intensifier et de s’élargir. Elle est installée dans la durée. La longue
mobilisation pacifique et unitaire a réussi à faire émerger une nouvelle
conscience collective dans le pays. Elle a constitué un rempart solide
contre toutes les tentatives de division et de diversion. La détermination
sans faille du mouvement a enfin mis en échec les opérations de répression et
d’intimidations. Les murs de la peur et du silence sont définitivement
brisés et rien ne pourra désormais arrêter les citoyennes et les citoyens
dans leur marche pour la liberté et le progrès.
Le commandement
militaire, en véritable pouvoir réel, ne semble pas avoir pris la mesure de ce
bouleversement profond ni le sens de cette irrépressible aspiration populaire
au changement. Otage de paradigmes éculés, il tente par la manière forte de
contourner la volonté du peuple.
L’élection
présidentielle prévue pour le 12 décembre prochain est inadaptée aux exigences
de la situation. Elle est à l’opposé des revendications du Hirak. Le seul but de cette
consultation est de garantir la survie du système en place. En effet, le
pouvoir réel, en l’occurrence le commandement militaire, est en quête d’une
représentation formelle devant lui permettre de poursuivre l’exercice d’une
souveraineté confisquée sans avoir à apparaitre ni à rendre des comptes.
En voulant à tout
prix imposer une élection massivement rejetée par les citoyennes et les
citoyens, le commandement militaire s’inscrit dans la défiance et fait le
choix de l’affrontement. Le risque est grand de voir le pays à nouveau
plonger dans le drame.
L’évolution
qualitative survenue dans l’opinion est incompatible avec le maintien du statu
quo ou le retour au régime ancien. La rupture est réelle et demande une
traduction politique appropriée. Par leur engagement soutenu, les
algériennes et les algériens ont collectivement ressuscité l’utopie libératrice
inaugurée par les pères fondateurs de l’Algérie indépendante. Le Hirak est
le prolongement logique du mouvement de libération nationale. Ne pas le
voir c’est se mettre en marge de l’Histoire. Le Hirak est porteur d’une
ambition nationale.
Aussi, le devoir
patriotique aujourd’hui commande en priorité à tout un chacun de se mobiliser
pour empêcher la tenue de cette aventure électorale. Il commande ensuite de
construire les convergences nécessaires à l’élaboration d’une alternative
démocratique au chaos programmé. Les énergies du Hirak sont dans ce sens
interpellées.
Dans le cas
spécifique de notre pays, la première étape de la transition consiste en un
transfert de souveraineté du commandement militaire vers le corps des citoyens.
C’est une étape incontournable et décisive car elle déterminera tout le reste
du processus.
Les algériennes et
algériens sont attachés à l’institution militaire. Ils refusent de se projeter
dans une opposition avec celle-ci car une telle perspective est absurde et
destructrice.
Les officiers
supérieurs de l’armée doivent se mettre au diapason des exigences populaires.
Il y va de l’intérêt de l’Etat et de l’avenir du pays.
Je suis
heureux de vous présenter ci-après un livre d’une grande richesse. Dans son
ouvrage intitulé « Formation de formateurs : manuel
opératoire d’un formateur », Lakhdar Ammour (psychologue de formation) met à la disposition du lecteur « trois décennies de pratiques formatives qu’il
livre sous forme de synthèse abrégée dans cet ouvrage où tout est
minutieusement consigné. » écrit en sa préface Rabeh Sebaa, Professeur des
Universités.
L’ouvrage sera bientôt disponible dans les principales librairies en Algérie.
Éditions Dar Elqods- Algérie, 2020. 800 DA.
–
__________
Préface
Un condensé de savoir former. C’est ainsi qu’on pourrait qualifier
l’ouvrage de Lakhdar Ammour ayant pour titre : « Formation de
formateurs : manuel opératoire d’un formateur ».
L’auteur, psychologue de formation, qui tenta, non sans bonheur, une
immersion prolongée dans l’univers exaltant de l’entreprise-référence
algérienne, en l’occurrence la Société Nationale de Transport et de
Commercialisation des Hydrocarbures, plus familière sous le sigle de la
Sonatrach, où il acquit une considérable expérience en matière de formation.
Sur une trentaine d’années. Trois décennies de pratiques formatives qu’il nous
livre sous forme de synthèse abrégée dans cet ouvrage où tout est
minutieusement consigné. A commencer par les aspects proéminents portant sur la
formation de plus de 3500 participants, avec le développement d’une
cinquantaine de thèmes de formation, totalisant 15000 hommes jours, et portant
notamment sur la formation des formateurs, la formation aux processus
rationnels, la formation en communication, la formation aux systèmes
d’information et tableaux de bord et la formation au management de soi, entre
autres. Des domaines fondamentaux qui n’ont plus de secret pour l’auteur et
qu’il a enrichis régulièrement et patiemment tout au long de sa fabuleuse
trajectoire en sa qualité de psychologue du travail, de chef de service
formation, de chef de département personnel, de sous-directeur personnel, de
chef de département des centres de formation, de directeur des ressources
humaines, d’assistant du directeur du Centre de Perfectionnement de
l’Entreprise Sonatrach (CPE), où il poursuit sa collaboration jusqu’à présent
en qualité de formateur.
A ce titre l’ouvrage de Lakhdar Ammour, destiné à un large public,
« qui a des connaissances à acquérir, connaissances par rapport aux
savoirs, au savoir faire et au savoir-être en matière de communication
interpersonnelle et communication de groupe… », comme le précise l’auteur.
L’ouvrage s’adresse également aux
professionnels et prioritairement aux personnels de la Sonatrach formés dans ce
Centre de Perfectionnement, qui s’appellera dorénavant Sonatrach Management
Academy (SMA).
Là se trouve précisément l’une des raisons qui a poussé l’auteur à structurer
l’ouvrage en six séquences, bien équilibrées : Présentation–
Réunions Attitudeles objectifs en formation-, les méthodes pédagogiqueset enfin l’évaluation en formation. Dans la seconde partie de l’ouvrage
l’auteur explore, en interaction avec
chaque groupe, les différentes méthodes, magistrales, expositives,
démonstratives, interrogatives, pour la mise en épreuve de ces méthodes en vue
d’ouvrir la voie à une discussion-évaluation fructueuse pour l’ensemble des
participants, sous forme de prise de parole (apport pédagogique, évolution du
groupe…).
Un procédé pédagogique sous forme d’échange-évaluation comme
l’aboutissement du processus de formation. Ainsi donc le cheminement de la
pensée de l’auteur épouse, dans cet ouvrage, la rythmique du procès de formation
des « stagiaires» qui s’impliquent dans leur propre perfectionnement.
Lakhdar Ammour ne manque pas, d’ailleurs, d’intégrer les observations,
les interrogations et les satisfactions de tous ces participants comme éléments
significatifs dans la conclusion de ce livre. Un livre qui tire sa sève
nourricière de l’expérience d’une formation de formateurs vécue dans l’espace
d’une institution de référence. Un ouvrage à la fois utile, novateur et
prometteur.
Sans haine, ni violence. Donner la force au droit et non le droit à la force, à la violence (comme le sous-tendent certains commentaires radicaux haineux). Merci monsieur Addi.
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Bouchachi- Belhadj- Bouragaa- Belarbi
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Article paru sur la page FB de Lahouari ADDI, ce jour.
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La visite du commandant Bouregaa, Mustapha Bouchahchi et Samir Belarbi à Ali Belhadj à son domicile, ainsi que la rencontre entre Sadek Hadjeres et Larbi Zitout, et d’autres rencontres avec des militants du mouvement Rachad, ont suscité des interrogations et des débats sur les réseaux sociaux. Certains internautes se sont dits choqués que des démocrates laïcs comme Moshsen Belabbès, Zoubida Assoul et autres universitaires acceptent de participer à des débats sur la chaîne de télévision Al Magharibia dirigée par un des enfants de Abbassi Madani, ancien dirigeant du FIS dissout. Ce débat a pourtant été tranché par le hirak où islamistes et non islamistes se côtoient tous les vendredis pour demander une transition vers un régime civil. La conscience collective du hirak a compris que la société contient plusieurs courants idéologiques qui ne doivent pas s’exclure, même s’ils doivent s’opposer pacifiquement sur le terrain électoral pour laisser les électeurs décider à qui confier la majorité parlementaire pour une période de 5 ans. Les rencontres entre islamistes et non-islamistes, dans la phase actuelle, sont nécessaires pour écrire les règles de jeu de la compétition pacifique pour le pouvoir. On ne peut pas interdire à un islamiste d’être un islamiste, mais on peut exiger de lui qu’il signe un contrat où il s’engage à ne pas utiliser la violence, à ne pas décider qui est musulman et qui ne l’est pas (interdiction du takfir), à accepter que la croyance religieuse n’est pas une affaire de l’Etat. L’urgence est d’arriver à un consensus qui stipule que l’Etat est un bien public et que la religion un bien privé. De plus en plus d’islamistes sont ouverts à ce consensus qui vise à établir les règles juridiques entre le citoyen et l’Etat et non pas entre les citoyens et Dieu. Ce qui lie le croyant à Dieu, c’est la foi et non la règle juridique. La raison est simple : Dieu peut pardonner un péché, mais l’Etat ne peut pas pardonner un délit. L’autre argument avancé par ceux qui sont hostiles à toute rencontre avec les islamistes est qu’ils ont du sang sur les mains. Il est vrai qu’au lendemain de l’annulation des élections remportées par le FIS, des islamistes ont pris les armes et ont exercé une violence militaire. Il s’est ensuite installé une période de confusion où les Algériens se posaient la question « qui tue qui ? ». La question était légitime car dans tout Etat la culpabilité est établie par des juges à la suite d’un procès équitable. Or durant cette période trouble, c’étaient les communiqués de la police qui désignaient le coupable. En la matière, il ne s’agit pas d’être contre ou pour les islamistes ; il s’agit d’être pour le droit qui a des règles qui désignent le coupable. En conclusion, les islamistes sont un courant d’opinion dans la société et il n’est pas question de faire appel à l’armée pour les exclure du champ politique. Il faut les combattre idéologiquement et pacifiquement, si on ne partage pas leur vision de l’Etat, et avoir confiance dans la société qui, lors des élections, choisira la majorité parlementaire. Deux perspectives se présentent : demander aux militaires d’éloigner par la violence les islamistes du champ politique, ou demander aux militaires de se retirer du champ politique pour affronter pacifiquement les islamistes sur le terrain idéologique. Personnellement, j’ai choisi la deuxième perspective.
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J’avais commencé ces lignes…. puis me suis ravisé. Fatigué.
19 févr. 2020 Par Les invités de Mediapart_ Blog: Le blog de Les invités de Mediapart
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Dans une actualité polarisée sur les enjeux d’intégrisme religieux, un collectif d’universitaires et spécialistes de l’Islam alerte sur la dangerosité des travaux de Gilles Kepel et Bernard Rougier, porteurs d’une vision idéologique occultant les racines socioéconomiques du salafisme. Ils appellent à fournir aux quartiers populaires incriminés les moyens de «sortir de la stigmatisation et de l’enclavement» et à cesser de faire d’une question sociale un enjeu strictement répressif.
Nous, signataires de cette tribune, travaillons directement ou indirectement sur l’islam en France, en Europe et même au-delà (Maghreb, Moyen-Orient, Afrique). Nous ne partageons pas nécessairement les mêmes analyses, mais respectons la diversité des points de vue, voire les divergences. C’est ainsi que nous pouvons progresser, amender ou vérifier nos hypothèses. Nous ne pensons donc pas que la polémique gratuite et les procès d’intention soient la meilleure façon d’imposer notre point de vue.
Or, dans plusieurs articles ou entretiens accordés à la
presse, Gilles Kepel et Bernard Rougier ont systématiquement pris le chemin de
la dénonciation, voire de l’intimidation et de l’injure pour manifester leur
désaccord avec ceux qu’ils désignent à la vindicte publique : pour eux,
quiconque n’adhère pas à leurs conclusions devient de facto un collaborateur
potentiel du jihadisme.
Mais surtout, leur approche crée une image distordue de
l’islam et des musulmans en France. Elle fait de cette « conquête des
territoires » (les banlieues populaires) par l’islamisme un projet
orchestré et importé de l’extérieur. Or, on est là à cent lieues des résultats
attestés par une écrasante majorité des recherches consacrées à ce sujet.
Aucun d’entre nous ne nie le fait que certains jeunes issus
des quartiers populaires se replient sur eux-mêmes en épousant parfois le
salafisme, et pour une infime minorité le djihadisme ou encore, une version
“orthodoxe” de l’islam. Mais ce sont les racines sociales, économiques et
culturelles de ce repli sur une approche clivante de la religion qu’il importe
d’identifier, en en dénonçant les causes et non les expressions.
Ces racines ont pour nom la non-mixité sociale des quartiers, l’enclavement des
« banlieues », la stigmatisation, le chômage, et le recours à l’économie
parallèle ainsi que l’humiliation et le déni de citoyenneté. Ce repli est aussi
une réaction à certaines des politiques conduites par la France dans le monde
musulman : qu’il s’agisse, en particulier, de la question
israélo-palestinienne, ou du traitement très sélectif des dérives
autocratiques, selon qu’elle soient égyptienne ou turque, notamment.
Quant à proclamer l’existence d’un projet hégémonique des
“islamistes” – terme sous lequel sont amalgamés des vendeurs de kebab, des
imams de toutes sensibilités et jusqu’aux associations citoyennes dénonçant ces
amalgames (CCIF et d’autres), et en faire un terreau unique pour le jihadisme,
cela relève des théories du complot. La seule attitude légitime vis-à-vis de
musulmans qui seraient tous vêtus de la même étoffe antirépublicaine, serait
celle de la répression. Ces théories reçoivent, hélas, le soutien d’une grande
partie des médias qui se disputent en majorité l’électorat d’extrême-droite et
transforment ces dévoiements évidents de la recherche en autant de
best-sellers.
Dans Terreur dans l’Hexagone : genèse du djihad
français Gilles Kepel a soutenu des points de vue qui divergent de ceux de la
quasi-totalité des chercheurs aussi bien dans la sphère anglophone que
francophone. Sa vision idéologique, très proche du sens commun, construite sur
un usage particulièrement sélectif et partisan des données, n’est destinée qu’à
confirmer ses thèses. Ainsi de sa conception des émeutes de 2005 dans les
banlieues inspirées selon lui « par les islamistes » alors que la
quasi-totalité des sociologues a qualifié cette mobilisation de non-religieuse.
Il s’appuie pour cela sur le seul cas d’une mosquée atteinte par un projectile,
et d’où serait partie la mobilisation toute entière. On pourrait multiplier les
exemples. Méprisant la prudence propre aux scientifiques, la presse à sensation
a cherché enfermer les chercheurs dans l’alternative : ou bien la
radicalisation de l’islam (thèse de G. Kepel et de B. Rougier), ou bien
l’islamisation de la radicalité (thèse d’Olivier Roy). Or la réalité
sociologique montre que les deux interagissent, le même individu passant de
l’un à l’autre selon le moment de sa vie.
Les descriptions de B. Rougier dans Les territoires conquis
de l’islamisme vont, elles aussi, dans le sens de la théorie du complot
islamiste. Les musulmans de diverses obédiences, unifiés dans une alliance «
salafo-frériste » (Frères musulmans) secondée par d’autres tendances comme le
Tabligh visent, selon lui à conquérir un nombre croissant de territoires, et à
expulser de la République des banlieues de plus en plus « islamisées », comme
en un projet sectaire cohérent et englobant. Dans un éditorial du 16 janvier
2020, Le Figaro croit pouvoir annoncer « la victoire du chercheur Gilles
Kepel dans la controverse qui l’oppose à son confrère, Olivier Roy. Le
salafisme est bien l’antichambre du djihadisme.»
Or les faits constatés sur le terrain par les chercheurs
sont tout autres. Dans la grande majorité des cas (dans les Quartiers Nord de
Marseille, mais aussi dans de nombreuses autres cités), au lieu de favoriser le
jihadisme, le salafisme, certes en désocialisant ses adeptes, lui barre le
chemin. Le salafisme refuse la société de consommation, car ses adeptes, pour
la plupart originaires des quartiers pauvres et démunis n’ont matériellement
pas la possibilité d’y accéder (même si une petite minorité use des portables
high tech, la grande majorité appartient au monde des précaires ou des exclus).
Il « sectarise » ceux qui se trouvent déjà dans des quartiers enclavés. Il
claquemure ceux qui sont déjà emmurés dans des cités sans mixité sociale.
Bref, le salafisme a des racines socio-économiques. B.
Rougier refuse de les voir, dénonçant l’hégémonie de l’islamisme là où il
faudrait plutôt se scandaliser de l’absence d’intégration sociale de ceux
auxquels nul avenir digne de ce nom n’est proposé. Or, les solutions crédibles
à ce retrait de la société passent non par la répression mais par la prise en
charge de ces quartiers, comme celle que le Plan Borloo avait préconisée.
Car nul ne nie l’existence, dans certains quartiers de
France, de problèmes sociaux à connotation religieuse. Mais pour
« reconquérir » ces territoires dits perdus, et « conquis »
par les soi-disant islamistes, il faudrait que ces quartiers gagnent en dignité
sociale, que les moyens leur soient fournis de sortir de la stigmatisation, de
l’exclusion et de l’enclavement, que la mixité sociale y soit restaurée, et que
surtout, l’on cesse de se complaire dans la recherche de solutions purement
répressives quand la question est éminemment sociale. La thèse de G. Kepel et
de B. Rougier occulte la nature du problème en donnant un vernis de
scientificité à une vision idéologique, dédaigneuse de la complexité du réel,
qui apporte seulement de l’eau au moulin de l’extrême-droite. En réduisant les
banlieues à une seule dimension « islamiste », ils ignorent
l’opposition de la grande majorité des français de confession musulmane à
l’usage de la violence politique, tout comme ils taisent le véritable dynamisme
associatif des quartiers populaires. Tandis que bien des acteurs de ces
quartiers essayent de recréer du lien social, ils portent le discours de la
guerre de tous contre tous.
Premiers signataires :
Claire Beaugrand, Chargé de recherche au CNRS
Alain Bertho, Professeur
d’Anthropologie à Paris 8
François Burgat, Directeur de
recherche émérite au CNRS
Sonia Dayan Herzbrun, sociologue, Professeure
émérite à l’Université de Paris
Christine Delphy, Directeur de
recherche retraitée, CNRS
Sylvie Denoix, Directeur de
recherche au CNRS
Karima Direche, Directeur de
recherche au CNRS
Nicolas Dot-Pouillard, Chercheur
en sciences politiques Beyrouth
Jérôme Ferret, Maître de
conférences en sociologie HDR, Université Toulouse Capitole
Alain Gabon, Professeur associé
Virginia Wesleyan University.
Alain Gresh, Directeur du site
Orient 21
Vincent Geisser, Chargé de
recherche au CNRS
Aïssa Kadri, Professeur émérite
de Sociologie à Paris 8
Farhad Khoskhokhavar, DE
retraité à l’EHESS, Paris
Michel Kokoreff, Professeur de
sociologie, Université Paris 8
Stéphanie Latte Abdallah, Chargé de recherche au CNRS
Raphaël Liogier, Professeur des
universités, Sciences Po Aix-en-Provence
Bjorn Olav Utvik, Professeur à
l’Université d’Oslo
Matthieu Rey, Chargé de
recherche au CNRS
Marc Sageman, consultant anti-terroriste
Fabien Truong, professeur
agrégé, département de Sociologie et d’Anthropologie de Paris 8.
Voir aussi, intéressante émission de Arte 28 minutes.
Émission de Élisabeth Quin
« Emmanuel Macron a annoncé hier des mesures contre cette dérive / La France court-elle vraiment un risque de « séparatisme islamiste » ? Mardi 18 février à Mulhouse, le président de la République Emmanuel Macron a affirmé sa détermination à lutter contre le « séparatisme » islamiste. Un mot soigneusement choisi pour remplacer celui de « communautarisme », annonçant la venue de nouvelles mesures sur un dossier politique et sociétal sensible. Cette visite donne donc le coup d’envoi d’une stratégie du gouvernement contre la radicalisation et l’islam politique. « Dans la République, l’islam politique n’a pas sa place », a ajouté le chef de l’État. Ces mesures suffiront-elles à lutter contre l’islam radical ? On en débat ce soir. »
Kamel Daoud : « Que faire de l’ex-colonisateur ? »
Ce texte a été
lu par Kamel Daoud lors de l’inauguration du Maghreb-Orient des
livres, à Paris, le 7 février 2020
Jeudi 13 février 2020 –
09:05 |
En tant qu’Algérien, il
est souvent reproché à l’écrivain Kamel Daoud de ne pas faire le procès de la
France. Refusant, au nom « d’une mémoire non soldée », de se laisser
enfermer dans « des surenchères », il décortique les mécanismes à l’œuvre
dans les inconscients.
Certains lecteurs se
souviennent de Funes. Il s’agit d’un personnage d’une nouvelle de
Jorge Luis Borges, l’immense écrivain argentin, que l’on trouve dans le recueil
Fictions sous le titre Funes ou la mémoire. Ce personnage, suite à une
chute de cheval, devient hypermnésique. C’est à dire qu’il se retrouve capable
de se souvenir de tout, jusqu’au moindre détail, vivant la tragédie
inconcevable et presque divine de ne rien pouvoir oublier.
Funes, un homme appliqué
mais sans éclat, accablé de ce don inutile et poignant, est toujours décrit
comme isolé, immobile, allongé, comme tétanisé par une vigilance infinie.
La nouvelle raconte les
péripéties de ce personnage pour surmonter son don et on y retient, outre le
génie de l’économie, le rappel d’une loi ancienne : le don vient toujours
au prix d’une mutilation.
Je tente ici une première
hypothèse : à l’extrême, le corps et la mémoire totale sont presque
antinomiques. On ne gagne pas l’un sans perdre l’autre. Les morts le savent
peut-être.
Voici une autre histoire.
Ce dernier été, à Oran, sous un ciel brûlant que la mer, en
contrebas, creusait, je me suis promené avec un grand photographe français
et son épouse. On perdait des pas dans le vieux quartier de Sidi El Houari. Des
piétons, français en apparence, absorbés dans la contemplation des vieilles
façades en ruines, précautionneux et silencieux, on en voit parfois dans le
pays. Mais rarement, il faut le dire. À cause de la peur ou des visas
difficiles. Je fus cependant témoin d’une scène : un homme s’approcha du
couple français et leur posa cette question « Le pays vous manque ?
Vous regrettez d’être partis ? ».
Pourquoi posa-t-il cette
question ?
Parce qu’il croyait, comme
le croit la mémoire algérienne, que tout Français a fait la guerre et que tout
Français est nostalgique, et que tout Français qui visite l’Algérie visite
d’abord une mémoire. L’épouse du photographe eut l’élégance et l’intelligence
de ne pas s’étonner et expliqua, avec assurance, qu’elle n’avait jamais mis le
pied en Algérie et qu’elle n’avait aucun lien avec la colonisation. Ce
malentendu, presque théâtral, m’amusa.
On tua, enterra,
massacra
L’histoire de Funes et ce
dialogue à la Samuel Beckett entre un homme qui se souvient de tout et une femme
qui n’était coupable de rien, sur le lieu déserté d’un crime ancien, ont un
lien direct avec ce que j’essaye de construire et dont je propose l’énoncé
ambitieux et provocant de « Que faire de
l’ex-colonisateur ? »
Pourquoi ce choix ?
Si la question semble abrupte, c’est parce qu’elle se révèle à moi depuis
quelques années comme urgente, m’imposant de trouver une réponse comme
condition impérative pour envisager un avenir et une vraie
libération. « Que faire de l’ex-colonisateur ? » ne
m’oblige pas, en vérité, à trouver une réponse pour lui, l’ex-colonisateur,
mais pour moi-même.
La colonisation, œuvre
négative, absolument injustifiable, a été la tragédie des siècles. Abruptement,
après la victoire du conquérant, elle posa une question terrible, commune au
geôlier et au chef d’armée, au fermier comme au prêcheur zélote,
incommodante et encombrante pour le vainqueur d’autrefois comme pour
son descendant aujourd’hui : « Que faire du
colonisé ? »
Pour faire vite : à
la question, on répondit souvent par l’extermination. On tua, enterra,
massacra. Des milliers de Caïn, inspirés par des milliers de corbeaux, ont
enterré vivants des millions d’Abel. On retrouvera, en écho sublimé, cette
confrontation meurtrière dans des fables universelles comme Robinson face à Vendredi,
Meursault face à l’Arabe.
Le fait est que
le « Que faire du colonisé ? » n’a jamais trouvé une
réponse qui ne fut pas un effacement. C’est ce crime, nié depuis des
siècles, converti en récits de conquêtes et exotisme, en devoir de
conversion et humanisme unilatéral, qui explique aujourd’hui cette hypermnésie
des ex-colonies. On veut s’y souvenir de ce que le déni veut effacer.
Il suffit aussi de
rappeler ce qui oblige les enfants des indépendances, dont je fais partie, à se
souvenir, sans faillir de la guerre et de ses actes, à réciter les chiffres et
les pertes et à se faire ventriloques des martyrs et des ancêtres. La
sommation, qui accompagne la naissance et se perpétue jusqu’à l’âge adulte, est
même proclamée dans les deux camps.
D’abord chez les miens qui
refusent, depuis si longtemps, toute parole dissidente, une parole qui défend
le droit au présent, plaide la liberté face à ce qu’Albert Memmi dans le féroce
Portrait du décolonisé nomme « l’écrasement du présent ».
Toute parole qui se voudrait
séditieuse est déchiffrée, dans le braille des morts, comme traîtrise, calcul
pour obtenir la faveur du colonisateur ou l’avantage d’une assimilation sous
servitude. On donna même à cette dérive la noblesse dévoyée d’une
discipline : le postcolonial.
À l’excès, je pense qu’on
en a fait une rente, une rente éditoriale, un refus et même un confort. Que
faire en effet si on ne fait pas la guerre ? Et que faire du temps à venir
lorsque l’ex-colonisateur aura demandé pardon ?
D’un autre côté, dans
l’autre camp, en Occident, cette hypermnésie m’est aussi dictée comme devoir
par ceux qui confondent culpabilité et compromission. Étrangement, j’ai
découvert depuis quelques années qu’en Occident, si je ne joue pas au colonisé
en colère, je cesse presque d’être visible et crédible.
Mon discours manque alors
le casting de ma condition. Faut-il rappeler que, personnellement, je fus même
sommé de garder le silence par ceux qui m’expliquaient qu’ils pouvaient mieux
défendre ma cause que moi-même ? Le postcolonial coupe la parole comme
autrefois, le colonial.
Refaire une guerre
que je n’ai pas vécue ?
Ce que je veux dire, c’est
qu’on sait tous que la colonisation est un meurtre. De mille et une façons.
Mais aussi que le souvenir de la douleur efface les traces du présent. Et ce
déni du présent m’incommode.
Dans son exagération
optique, il me ravit le droit de parole, de procès des miens et fausse ma
responsabilité. La précaution m’oblige à citer, encore une fois, Albert
Memmi : « Dire la vérité à son peuple, même si les autres
peuvent l’entendre et s’en servir, n’est pas ajouter à ses misères mais au
contraire le respecter et l’aider », écrit-il dans son Portrait
du décolonisé.
Parce que né dans un pays
qui a payé sa libération par la chair des siens, je sais que la colonisation a
massacré. Mais est-ce une raison pour m’interdire la parole au présent ?
Est-ce que je dois refaire une guerre que je n’ai pas vécue, ou jouir d’une
liberté qui a été chèrement payée et qui m’était destinée ?
Et si parler sans cesse de
la colonisation n’était qu’une autre façon de se dérober au présent ? Et
si la théorie du « tout colonisation » supposée expliquer
nos malheurs n’était que l’alibi des hypermnésiques que nous
sommes, allongés dans l’ombre recluse, frappés du malheur de se souvenir de
tout et ne rien pouvoir faire de nos propres mains ?
La
question « Que faire du colonisé ? » a toujours trouvé sa
réponse dans l’inhumain. Mais cette question n’est plus la mienne depuis des
années et sa réponse, si elle rappelle des crimes, nourrit plus ma mémoire que
ma lucidité. Ce qui, peu à peu, se formule au fil de mes voyages, est l’autre
question, inédite, dangereuse, insolente et grave, outrancière et
inquiétante : « Que faire de l’ex-colonisateur ? »
Car nous en sommes là, à
cause du temps, des migrations ou des livres
d’histoire.
Dans une formidable
rétraction, l’Occident, du moins à mes yeux, change de vocation, se replie et
essaye de sauver, dans sa fuite vers ses terres, sa mission et ses frontières.
Le voit-on ? Aujourd’hui, l’Occident ne cherche plus à convertir mais à ne
pas être converti. Il ne veut plus civiliser « la
barbarie » mais préserver sa civilisation. Il ne veut plus incarner
l’universel mais s’en délester.
Il faut imaginer, en
effet, sur une plage déserte et sans nom, un Robinson indécis jusqu’au
désossement. Un homme pâle et interdit qui ne se mêle plus de l’affaire des
cannibales, ni de leur souveraineté culinaire, précautionneux sur les genres et
les chairs, attentif aux différences et aux espèces, soucieux de la culpabilité
de son estomac plutôt que celle de ses idées.
« L’Occident
est-il coupable ? »
Ce qui attire ma
réflexion, c’est la vigueur de son vis-à-vis qui, migrant, croyant, converti,
voyageur, politique, passeur ou demandeur de papiers, banlieusard ou amateur du
postcolonial, se pose cette terrible question lancinante : « Que
faire de l’ex-colonisateur ? ». Le dévorer, le voiler, le pendre,
l’acculer ou l’épouser, l’aimer, habiter chez lui ou le dominer ?
« L’Occident est-il
coupable ? » Oui, répond la mémoire. Alors tuons ses enfants,
ses descendants puisqu’on ne peut rien contre ses ancêtres qui ont anéanti
nos ancêtres. Cette question du meurtre ou de la rencontre, ce solde intenté et
définitif de la colonisation est une question qui se pose à chacun. On ne peut
plus l’éluder, sinon dans la complicité du meurtre.
Dans le désordre, la
question a imposé la réponse radicale du terroriste, mais elle peut aussi se
décliner autrement : au « Que faire de
l’ex-colonisateur ? », certains répondent par la loi du Talion :
je vais habiter chez lui, prendre ce qu’il m’a pris, récupérer sa richesse qui
fut la richesse des miens durant la colonisation. L’assimiler à ma culture au
nom de sa démocratie. Ou peut-être l’obliger à reculer au nom de mon droit. Je
perpétue une colonisation par une autre, formulent les plus insolents.
« Que faire de
l’ex-colonisateur ? » Le culpabiliser sans fin sur la scène d’une
hallucinante précision, celle de la mémoire totale. Peut-être faire du commerce
avec lui ou lui demander des excuses, une réparation financière. Je peux aussi,
au choix, en faire un partenaire stratégique ou un ennemi commode.
C’est d’ailleurs cette
dernière formule qui fait mode depuis des décennies : un ex-colonisateur,
si on ne peut rien contre lui, explique tout chez nous : l’état des
routes, la ruine des villes, les fièvres du nationalisme, etc.
On a même inventé, pour
donner à l’excuse le verbe d’une nouveauté, l’expression de
« néocolonisation ». Et si le terme désigne, à juste titre, des lois
de prédations internationales patentes, il dérobe cependant sa tricherie pour
se décharger de la responsabilité sur le dos de
l’histoire.
Je croise, dans mes
voyages, ici ou ailleurs, même ceux qui, à la question, répondent par le
sarcasme et l’ironie sur l’ex-colonisateur imaginaire, « le blanc »
honni et odorant, reconduisant les clichés du racisme et les facilités des
théories totalisantes.
Exilés inaptes au bonheur
mais incommodés par la contradiction d’avoir fui des pays en échec, sublimés
par la nostalgie, pour vivre dans des démocraties imparfaites mais détestées
car rappelant sans cesse l’échec du pays natal. Là aussi, au « Que faire de
l’ex-colonisateur ? », on répond par « on en fait un
sarcasme », c’est à dire une caricature. « Ironie du sort, le
ressentiment est encore l’expression d’une dépendance », écrit Albert
Memmi.
Le catalogue peut être
long et il suffit de quelques exemples.
La primauté du
souvenir sur le devenir
Au bout de cette
réflexion, je veux conclure en soutenant que s’il n’y a pas de réponse
parfaite à la question que je pose ici en condition paradoxale pour une
véritable introspection, la question « Que faire de
l’ex-colonisateur ? » nous impose, quand on dépasse son prétexte, une
autocritique qui tarde, une réévaluation de nos perceptions de l’Autre, le
procès strict du victimaire en nous et pose les prémisses d’une imagination
capable de nous recentrer sur nous-mêmes. Obscures ambitions ? Que
non !
Nous pouvons toujours
peupler le ciel ou nos mémoires de nos croyances, il ne s’agit en fait que de
l’Autre, l’humain qui nous fait face, dans la limite qu’il impose et le reflet
qu’il propose, capable de nous renvoyer à nos vérités cachées.
Et le sort, dans nos
croyances, de l’ex-colonisateur, les images que nous nourrissons de lui,
l’entretien coûteux de son prétexte, est la voie possible pour envisager la
cohabitation, le dépassement, le fameux et vague vivre ensemble, un difficile
retour sur soi et en soi : en somme, une guérison.
Je ne me proclame
nullement d’un savoir ou d’une approche universitaire pour parler de cette
question, mais seulement de mon parcours : je suis né dans un pays où, par
manœuvre du régime, par utopisme ou par lâcheté, on a décidé de la primauté du
souvenir sur le devenir et encore plus sur le présent. Il m’a fallu nourrir,
par là, une réflexion qui devait trouver un équilibre toujours suspect
entre le devoir de mémoire et le droit au réel.
Fatalement, et dès qu’on
demande que cesse cette utopie de la rétrospection permanente de la mémoire de
la colonisation, on fait face à ceux qui proclament une trahison, une servilité
ou une soumission à l’adversaire. Mais si je me soumets encore plus à l’empire
du souvenir, c’est au regard de mes enfants que je devrais faire face un
jour.
L’hypermnésie est, selon
les spécialistes, une pathologie qui vous offre la mémoire de presque tout mais
dans le désordre de la qualité et des sens. On se souvient du futile comme de
l’héroïque. Cette pathologie aboutit, dit-on, à un lien malaisé avec
le réel : paranoïa, soupçon, impuissance, délire.
Elle se double même d’une
difficulté encore plus perverse : la perpétuation. Aujourd’hui, alors que
démographiquement, la génération des colonisés et des colonisateurs s’est
épuisée, on fait face, à cause d’une mémoire non soldée d’un côté et d’une hypermémoire
de l’autre, à un jeu de rôles et de surenchères entre descendants.
Le huis-clos du
colonisé/colonisateur
En Algérie, certains
observent aujourd’hui ce phénomène, qui s’offre comme inexplicable, d’une
mémoire (fausse) plus vive de la colonisation chez les plus jeunes que chez les
plus âgés. Exacerbée par les réseaux sociaux et le régime qui en fait son fonds
de commerce. La guerre fantôme et imaginaire à une France imaginaire prend des
apparences qui confinent au grotesque.
L’intensité de
cette hypermnésie qui reconstruit l’épopée est proportionnelle au vide du
présent
Souvent, on m’interroge
sur ce mystère inattendu, alors qu’on prévoyait une extinction du trauma par le
bénéfice du temps passé. La vérité est que l’intensité de cette hypermnésie qui
reconstruit l’épopée est proportionnelle au vide du présent, à l’échec et au
déficit de sens.
Le huis-clos du
colonisé/colonisateur aboutit à un insondable malentendu qui voit ceux qui
n’ont jamais colonisé un pays se faire juger par ceux qui n’ont jamais vécu la
colonisation, les deux camps, l’un entretenant l’amnésie et l’autre
l’hypermnésie, refaisant, dans l’absurde, une guerre depuis longtemps
finie.
Retour à Funes, le
personnage de Borges.
L’auteur argentin raconte
dans sa nouvelle que cet homme condamné à se souvenir de tout en arriva
même à vivre une ultime dépossession en essayant de tirer profit de son don
malheureux. Je le cite : « Deux ou trois fois, il avait
reconstitué un jour entier ; il n’avait jamais hésité, mais chaque
reconstitution avait demandé un jour entier. » C’est à dire que Funes
perdait un jour à se souvenir de ce jour. N’est-ce pas là, parfois, ce qui nous
coûte de revisiter la mémoire à n’en plus finir ?
Je devine que cet avenir
de pleine conscience de soi et des siens procède plus de l’utopie que de la
possibilité immédiate. Une histoire mêlée d’affects et de blessures, de peur
face au présent et de culte des ancêtres, de récit épique et de futurs
angoissants, d’amnésie et de dénis, empêchera l’avènement immédiat.
Faire la part des
choses et la part des morts
Je devine qu’il est même
difficile de comprendre, pour certains, cette lueur que j’essaye de convertir
en mots, mais cela ne peut pas empêcher d’en parler et de se faire l’avocat de
cette ultime indépendance : celle qui nous impose de se libérer de nos
faiblesses au lieu de continuer à plaider la faute de l’Autre et continuer
l’apologie, encore indépassable, de la victime.
Cette espérance
incomprise exige la patience mais aussi l’indifférence face aux procès en
traîtrise, aux facilités de ceux qui condamnent et insultent, surtout à
l’époque des réseaux sociaux. Même avec l’effort, il est encore difficile de
faire la part des choses et la part des morts.
Et il reste ardu, dans nos
géographies, de plaider pour le présent et la responsabilité et de récuser
l’apologie de la douleur et le dolorisme.
Si aujourd’hui, je ne veux
plus faire le procès de l’ex-colonisateur, ce n’est pas par oubli ou facilité.
C’est juste que retenir ce rôle pour mon adversaire impose de se désigner soi-même
comme ex-colonisé.
Or, je ne le veux pas. Je
suis libre. Je me rêve acquitté des immobilismes de la mémoire.
« La colonisation fut
une spoliation dans tous les domaines, inutile de revenir là-dessus, il
est plus judicieux de voir ce qu’il en reste et de ne pas lui attribuer ce qui
n’est plus », conclut Memmi. Très lucide.
Ce texte a été lu par Kamel Daoud lors de l’inauguration du Maghreb-Orient des livres , à Paris, le 7 février 2020. Il est publié sur Middle East Eye avec l’autorisation de son auteur.
Les opinions exprimées
dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement
la politique éditoriale de Middle East Eye.
Kamel Daoud
Kamel Daoud, 50 ans, est un écrivain et journaliste algérien. Auteur et intellectuel mondialement reconnu, il est l’auteur de Ô Pharaon(récit), La Préface du nègre(nouvelles), Meursault, contre-enquête (roman multi-primé, traduit dans plus de vingt langues), Mes Indépendances (chroniques), Zabor ou les psaumes (roman), Le Peintre dévorant la femme (essai). Ses prises de positions sur la religion, la langue arabe ou encore la sexualité dans le monde musulman ont souvent nourri de violentes polémiques. Un prédicateur salafiste algérien a même demandé aux autorités de le condamner à mort.
Cliquer sur « réécouter » puis mettre le curseur à: 02h.21′.00 »
_______________
Il y a un an, l’avènement du
Hirak ou la Révolution du 22 février 2019…
Nous entrons dans le mois
béni de février à pas de velours et sans fracas, le pas léger et l’espoir
toujours chevillé au corps. L’histoire de la nouvelle Algérie, quoi qu’on dise,
vit ses premiers balbutiements. À la fin du mois – au lendemain du 53° vendredi
de manifestations – nous entamerons dans la sérénité l’an II de la Révolution
citoyenne en cours. Cette révolution se poursuivra, de différentes manières,
mais toujours silmiya, pacifique, car nos rêves et vœux de dignité, de respect,
de démocratie sont loin d’avoir été exaucés, tant s’en faut. Tous ces mois
passés depuis le prodigieux 22 février 2019, ont montré à la face du monde la
détermination pacifique des Algériens pour « changer de Système » et
entrer de plain-pied dans une nouvelle Algérie, dans une autre indépendance,
dans une Algérie respectueuse du Droit, des libertés individuelles et
collectives, une Algérie fraternelle au sein de laquelle aucun citoyen ne sera
plus marginalisé, exclu de la communauté nationale.
Il y a un an l’histoire qui prend
un malin plaisir à bégayer s’est mise brusquement à s’accélérer. Toutes les
luttes, de nos aînés, de nos frères et sœurs, tous les combats menés pour la
démocratie en Algérie ont alors et de différentes manières submergé nos
mémoires. L’Histoire s’est mise en branle, de nouveau, avec la naissance du
Hirak, cet extraordinaire Mouvement citoyen pacifique, Silmiya. Qui ne se
souvient des balbutiements, de la naissance du plus grand mouvement populaire
que l’Algérie ait connu depuis son indépendance ? Un mouvement national,
brassant toutes les catégories d’âge, hommes et femmes, étudiants, employés,
ouvriers, universitaires, chômeurs, saisonniers, commerçants, mères au foyer…
La nation en mouvement.
Dès le mois de mars 2019, je
commençais à relater le Hirak. J’ai dû interrompre le récit en juin. Je l’ai
suspendu parce que j’allais entamer un long périple de plusieurs mois à travers
routes et pistes qui me mènera jusqu’en Russie, jusqu’en Asie centrale (un
voyage programmé des mois auparavant, que je ne pouvais ni reporter ni
annuler). Aujourd’hui je vous propose dans le détail le rappel des événements
qui ont marqué l’Algérie et les Algériens, en amont du vendredi 22 février et
la semaine qui suivit, jusqu’au jeudi 28 février 2019.
Depuis longtemps, la contestation contre le Pouvoir algérien ou ses représentants s’exprimait de plusieurs façons et régulièrement dans les rues, dans les organisations diverses, dans les entreprises, mais surtout, frontalement, dans les gradins des stades de football. Les couplets des chansons de Ouled el Bahdja (entre autres) étaient repris par des milliers de supporters, jusqu’au « débordement » dans les rues et places, jusqu’au geyser du 22 février 2019. Un an après, les eaux ont coulé sous les ponts des espoirs. Comme dit l’adage, ‘‘el glaïlima yensa hez ktafou’’, le danseur-joueur de percussion, par déformation, n’oublie pas l’agitation de ses épaules. Comme lui, le Pouvoir « assassin, corrompu », n’oublie pas ses pratiques. Il est toujours là, verni jusqu’au bout des ongles pour dissimuler, tromper. Certains ont succombé à ses jeux d’ombres, à ses simulacres, ses promesses (ce n’est pas nouveau), mais la majorité des Algériens n’est pas dupe. Les flots des légitimes revendications ne cesseront de couler jusqu’à leurs satisfactions.
Retour aux sources.
Le jeudi 29 novembre 2018, « Plusieurs
dizaines de jeunes du quartier Ferhat Boussaad (ex_Meissonier) à Alger, ont
dénoncé, jeudi au cours d’une marche de protestation, la mort en mer de quatre
jeunes du quartier, qui avaient tenté de rejoindre les côtes européennes. La
manifestation a été organisée par des jeunes qui ont défilé dans les
principales artères du centre d’Alger, entre les rues Didouche Mourad et
Khelifa Boukhalfa, pour déboucher sur l’avenue Maurice Audin. Entonnant des
chants de supporters de clubs de football algérois, les jeunes manifestants ont
également, entonné, la chanson culte d’Octobre 1988, Meissonnier chouhadas’, en
dévalant la rue Didouche Mourad vers l’Avenue commerçante Maurice Audin,
offrant un spectacle insolite aux nombreuses personnes attablées sur les
terrasses des cafés. Selon les manifestants, les jeunes du quartier morts en
mer, en tentant la traversée, n’ont pas été retrouvés. Il s’agit de quatre
jeunes habitant le quartier Ferhat Boussaad, entre le plateau de Mustapha, la
rue Didouche Mourad, la rue Khelifa Boukhalfa et l’avenue Hassiba Benbouali, en
contrebas vers la place du 1er Mai. Leurs noms avaient été portés sur des
banderoles déployées au cours de cette marche, alors que les manifestants
avaient également cité les noms des harraga disparus et dont les proches et
voisins sont sans nouvelles depuis plusieurs jours. Les jeunes manifestants,
qui avaient emprunté la rue Khelifa Boukhalfa, parallèle à la rue Didouche
Mourad, avaient surpris les forces de police, peu nombreuses à cette période de
journée finissante, le gros ayant été déployé au stade Omar Hamadi, à Bab El
Oued, pour le match de retard de Ligue 1, entre l’USM Alger et l’ES Sétif. (Le
Quotidien d’Oran)
1° décembre
« Des dizaines de jeunes
manifestants avaient dévalé la rue Didouche Mourad (Ex-rue Michelet) et Khelifa
Boukhalfa, l’ex-rue Pasteur, scandant les noms des quatre jeunes morts en mer
en tentant une périlleuse traversée de la Méditerranée. Les manifestants ont
également dénoncé la passivité du gouvernement, qui ne «fait rien pour les
jeunes et les laisse partir mourir en mer» (Le Quotidien d’Oran) « La
manifestation s’est déroulée dans le calme, et la police n’était apparemment
pas au courant de cette action de protestation. Aucun dispositif de sécurité
n’était mis en place avant la marche… Les mystérieux appels à manifester ce
samedi (01.12) dans le quartier populaire de Bab El Oued, n’ont pas eu auprès
de la population d’Alger l’écho qu’escomptaient leurs auteurs » (TSA)
En réaction à des appels
anonymes à manifester diffusés sur les réseaux sociaux depuis quelques jours,
« un imposant déploiement de policiers » a été mis en place samedi 1°
décembre au cœur d’Alger. Depuis quelques temps, un nommé Amir-DZ qui rassemble sur sa
page Facebook des milliers de « suiveurs » (followers) s’en prend
violemment au pouvoir en Algérie.
« Les
grandes artères de la capitale étaient sévèrement verrouillées hier samedi (01.
12) par un imposant déploiement de policiers. Le déploiement des policiers
intervenait, selon des observateurs, après le lancement via les réseaux sociaux
de mystérieux appels, relayés depuis vendredi, à manifester, hier samedi, au
centre du quartier populaire de Bab El Oued, sur le front de mer, à la place El
Kettani (ex-piscine Padovani). Les messages qui se partageaient sur les réseaux
sociaux ont appelé hier samedi après la prière du Dohr à un rassemblement à la
place El Kettani, un complexe de loisirs construit près de la piscine éponyme,
devenu depuis quelques années un lieu de rassemblement et de détente des
riverains de ce quartier, à cheval entre le centre de Bab El Oued et la Casbah
en haut de la rampe Louni Arezki, le boulevard Mira qui longe le front de mer,
le quartier Lazerge, l’ex- place Guillemin, et plus loin vers le marché Nelson
et l’avenue Mohamed Boubella, qui s’ouvre vers la Place des Martyrs. L’autre
mot d’ordre de ces mystérieux messages, également relayés sur les réseaux sociaux,
appelait à une «marche pacifique» en début d’après-midi. (Le Quotidien d’Oran)
« Rien ne semble dissuader les
harraga. De nouvelles tentatives d’émigration clandestine ont été mises en
échec au lendemain du drame au large d’Oran où 20 personnes sont portées
disparues suite à un incendie qui s’est déclaré dans leur embarcation (20.12).
Ainsi les unités des gardes-côtes du groupement territorial de Béni Saf ont
avorté de deux tentatives d’émigration clandestine et intercepté 19 personnes,
a appris hier l’APS. » « Le Quotidien d’Oran)
Mardi 25 décembre 2018
« Le patron de la Centrale syndicale UGTA, Abdelmadjid
Sidi Saïd a promis, hier, aux travailleurs algériens «une grande surprise, dès
le début de l’année 2019» lors d’une allocution prononcée à l’occasion du 2ème
Congrès de la Fédération nationale des Travailleurs des ports algériens
(FNTPA), tenu hier, à la gare maritime du port d’Oran. Un congrès présidé par
M. Mohamed Mebarki, président sortant de la FNTPA, reconduit à son poste pour
un nouveau mandat de 5 ans, et en présence du ministre des Travaux publics et
des Transports, M. Abdelghani Zaâlane, du ministre du Travail, de l’Emploi et
de la Sécurité sociale, M. Mourad Zemali et du xali d’Oran, M. Mouloud Cherifi.
Le Secrétaire général de l’UGTA a, par ailleurs, réaffirmé devant des centaines
de syndicalistes du secteur des ports «la confiance absolue et fraternelle» de
la Centrale syndicale avec tous ses organes en la personne du président de la
République. «Nous, secrétaires généraux des unions de wilaya, des unions
nationales et l’ensemble des travailleurs, exhortons son Excellence le
président de la République à poursuivre sa mission nationale», a-t-il affirmé. »
(Le Quotidien d’Oran)
Lundi 31 décembre
2018
« L’Armée avertit ses cadres
retraités – Il est de notoriété publique que l’Armée nationale populaire (ANP)
ne communique pas beaucoup mais déteste qu’on parle en son nom, comme elle l’a
répété maintes fois, ces dernières années. Après les civils (Makri et
Boukrouh), un communiqué virulent de la «grande muette» vient rappeler à
«certains militaires à la retraite» l’obligation de réserve «à laquelle ils
sont astreints, en vertu de la loi n°16-05 du 03 août 2016». La présidentielle
d’avril 2019 irrite au plus haut point les militaires qui accusent des
individus de sournoiserie, «aigris et sans envergure», «mus par des ambitions
démesurées» qui essayent de préjuger de ses positions et «s’arrogent même le
droit de parler en son nom» à l’approche de la prochaine échéance électorale… »
(Le Quotidien d’Oran)
Jeudi 3 janvier 2019
Le jeudi 3
janvier, Le Quotidien d’Oran titre : « le 5e mandat de Bouteflika pourrait pousser les Algériens à la
révolte ! » à la suite de l’appel de plusieurs personnalités au président
en place, à briguer un nouveau mandant.
Lundi 7 janvier 2019
Le lundi 7 janvier, Youcef
Goucem (producteur TV à Dzaïr TV appartenant au milliardaire Ali Haddad) s’est
immolé par le feu dans les locaux de la chaîne privée, pour protester contre le
non-paiement de ses salaires. Il décédera le 24 janvier.
Samedi 19 janvier
L’annonce est tombée, hier, vendredi,
en début de matinée: l’élection présidentielle d’avril 2019 se tiendra, comme
prévu par l’agenda politique du pays et conformément aux dispositions de la loi
organique portant régime électoral. .. La présidence de la République a
annoncé, hier vendredi (18.01), dans les délais impartis par la loi électorale,
que le Président Abdelaziz Bouteflika a signé le décret présidentiel convoquant
le corps électoral pour l’élection présidentielle, qui va se tenir le18 avril
prochain. (Le Quotidien d’Oran)
Mardi 22 janvier 2019
Un
phénomène inquiétant selon le conseil de l’ordre: L’exode des médecins
algériens vers l’étranger s’accélère (Le Quotidien d’Oran)
Vendredi 1° février 2019
Vendredi 1° février. Lors de
son Conseil national, le
Mouvement populaire algérien (A. Benyounès) a annoncé son soutien à la
candidature du Président Abdelaziz Bouteflika pour un cinquième mandat. Le
lendemain, le Soir d’Algérie écrit : « Au-dessus de la mêlée dans
laquelle se donnent à cœur joie un tas de pauvres bouffons… il est heureusement
des candidatures qui permettent d’entretenir un brin d’espoir sur le «sérieux»
d’une élection présidentielle… » Le même jour, le FFS appelle au
boycottage actif de l’élection présidentielle et propose d’aller vers
l’élection d’une Assemblée constituante.
Lundi 4 février
Le lundi 4 février, le
journaliste El Kadi Ihsène lance « un coup de gueule » dans sa Radio
M : « Ce personnage-là, (Ouyahia), il est
capable de mentir en regardant les Algériens dans le blanc des yeux… Si demain
la rue bouge, si demain il y a le dixième d’octobre 88 Ahmed Ouyahia va faire
face ? à quoi il va faire face A.O, à quoi il va faire face ? C’est
vraiment l’homme le plus vomi de la scène politique algérienne… » Pendant
ce temps, « les
prix des fruits et légumes chauffent malgré le froid » écrit Le Soir
d’Algérie.
Mardi 5 février 2019
Le mardi 5 février, l’une
des trois imprimeries des quotidiens El Khabar et El Watan située à
Ali-Mendjeli (sud de Constantine) a été détruite par un incendie qui s’est
déclaré tôt le matin. Le
même jour, Le Soir s’interroge, « avec le ralliement de Zoubida Assoul à Ali Ghediri, peut-on parler
de l’implosion de Mouwatana ? Tout porte à le croire si l’on considère les
dernières déclarations de Djilali Soufiane qui a appelé à tenir une réunion
dans les prochains jours pour procéder au remplacement de Mme Assoul comme
coordinatrice et porte-parole du mouvement. » Lors de sa présentation
devant l’APN du projet de loi relatif à la lutte contre la corruption, Tayeb
Louh s’en est pris aux ONG qui «travestissent la réalité en Algérie en se
focalisant sur la corruption tout en taisant les bonnes choses dans les lois
algériennes ».
Jeudi 7 février 2019
« Une vive polémique
enflamme les réseaux sociaux algériens depuis que la ministre de l’Éducation,
Nouria Benghabrit a défendu l’interdiction de la prière dans les écoles le
lundi dernier. (TSA) « L’Algérien
tourne le dos à cette échéance, il est dégoûté parce qu’il sait pertinemment
qu’au lendemain du 18 avril, il n’y aura point de changement. Bien au
contraire, c’est la continuité et par conséquent la persistance de la crise qui
ronge le pays», a estimé Nacer Djabi invité au 13e édition du Forum du Raj à
Alger. (El Watan)
Samedi 09 février 2019
Le FLN tient meeting à la
Coupole du complexe olympique du 5 juillet… Ils font le plein grâce à des
jeunes zawaliya payés 500 dinars (2,50 €) et auxquels on distribue des
sandwichs de saucisson cacher. C’était le marché proposé par les représentants
du FLN à ces jeunes « vous venez remplir la Coupole et on vous offre de
l’argent ».
« Programmé par les
partis de l’Alliance présidentielle, le meeting populaire de soutien à la
candidature du Président Abdelaziz Bouteflika pour un cinquième mandat, a connu,
samedi aux premières heures de la matinée, un déferlement impressionnant à la
Coupole du complexe olympique du 5 juillet. Sur la rocade-sud, la circulation
était tout autant dense qu’inhabituelle pour un jour de repos hebdomadaire. De
ce meeting, qu’animera le SG par intérim du FLN, Moad Bouchareb, il est attendu
qu’après la démonstration d’envergure des soutiens de Bouteflika, que soit lue
une lettre de déclaration officielle du président de la République pour briguer
un cinquième mandat. » (Algérie1.com)
Dimanche 10 février 2019
Le Président Abdelaziz Bouteflika annonce sa candidature à la présidentielle d’avril 2019 dans un message adressé à la nation et diffusé par l’APS ce dimanche. Voici le message dans son intégralité: « MES CHERS COMPATRIOTES, II y a cinq années, vous m’avez porté à la Magistrature suprême pour poursuivre le processus de construction nationale. Ce choix exprimé par une large majorité, reflétait sans doute votre attachement à une oeuvre nationale marquante, autour de laquelle j’ai eu le privilège de rassembler vos convictions et de mobiliser vos énergies. En effet, dès ma première investiture à la tête de notre pays, je me suis consacré à éteindre le brasier de la Fitna, à rassembler de nouveau une nation meurtrie par la tragédie nationale et à engager la reconstruction d’un pays ébranlé par une crise multiforme… (APS_ El Watan)
« ‘‘On ne change pas une
équipe qui gagne.’’ Abdelaziz Bouteflika a décidé de faire sien cet adage
populaire en reconduisant pour la troisième fois consécutive Abdelmalek Sellal
à la tête de l’équipe devant conduire sa campagne pour un cinquième
mandat. » (Le soir)
Lundi 11 février 2019
« Le 11 février 1996,
les terroristes frappaient Le Soir d’Algérie. Il y a 23 ans, la bombe… Les
souvenirs ne s’embrouillent pas. Et l’on a l’impression que c’était hier. Ces
corps ensanglantés, déchiquetés gisant sur le sol, ces voitures carbonisées,
les gravats d’un mur éventré jonchant les trottoirs, les personnes affolées
hurlant et courant dans tous les sens. On rembobine le film. C’est le funeste
11 février 1996. Une bombe explose devant le siège du quotidien le Soir
d’Algérie à quelques jours de l’Aïd el-Fitr. » (Le Soir) « Le
vice-ministre de la Défense nationale procédera à l’inspection de certaines
unités et tiendra des réunions d’orientation avec les cadres et les personnels
de la 5e Région militaire selon le communiqué du MDN ». (Le Soir, le
12.02.) Le général tiendra 58 réunions de ce type de février à décembre.
Depuis une semaine, je voyage à travers
le Désert, autour de Tamanrasset, et bientôt au cœur de l’Atakor.
Mercredi 13 février 2019
Le site
« DZVID.com » publie sous ce titre, « des jeunes dans la rue
contre Bouteflika ! » ce commentaire : « La société algérienne est en ébullition.
Dans les quatre coins du pays, des jeunes sortent dans la rue pour exprimer
leur rejet du régime et surtout de la candidature d’Abdelaziz Bouteflika pour
un cinquième mandat consécutif. » Une nouvelle audition de Kamel El-Bouchi
est programmée ce matin au tribunal d’Alger. « Youcef
Yousfi : ‘‘La règle 51-49 n’est pas du Coran’’»
rapporte Le Soir.
« À partir de Constantine Gaïd
Salah fait la promotion du bilan de Bouteflika. En visite de travail et
d’inspection dans la 5e Région militaire à Constantine, mardi et mercredi
derniers, le patron de l’état-major de l’ANP a prononcé des discours politiques
à chacune de ses haltes pour, d’abord, faire la promotion, comme tous les
autres membres du gouvernement, du bilan de Abdelaziz Bouteflika à la tête du
pays. ‘‘L’Algérie a certainement besoin d’hommes de valeur, qui ont eu foi en
la glorieuse Révolution, qui continuent à la considérer en tant que rempart des
valeurs nobles, et qui estiment que ceux qui y ont cru et se sont imprégnés de
ses principes sauront, sans nul doute, consacrer tous leurs efforts, voire
leurs vies, au service de l’Algérie’’, dira le vice-ministre de la Défense
devant les cadres de la 5e Région. Une allusion assez claire à Abdelaziz
Bouteflika qui, dimanche dernier, dans son message à la Nation où il annonçait
officiellement sa candidature, disait, pour rappel, que «bien sûr, je n’ai plus
les mêmes forces physiques qu’avant (…) mais la volonté inébranlable de servir
la patrie ne m’a jamais quitté (…) ». (Le Soir)
Le 13 février
2019 et les jours suivants, en réaction à l’annonce de sa candidature, des
jeunes ont manifesté à Bordj-Bou-Arreridj « Ya Bouteflika makèch el
âhda el khamsa ».
Jeudi 14 février 2019
Depuis jeudi 14 février, la ville de
Bordj Bou Arreridj est le théâtre de manifestations contre le 5éme mandat,
écrit le huffpostmaghreb. Des centaines de jeunes se regroupent dès la tombée
de la nuit à la cité du 8 mai 45 pour manifester contre le 5ème mandat en scandant “Bouteflika makach 5ème mandat”.
Vendredi 15 février 2019
Le vendredi 15 février, à l’issue d’une
marche à Bordj Bou Arreridj « les choses ont failli dégénérer après
l’arrestation par les forces de l’ordre de Brahim Laalami » (Salim Mesbah,
huffpostmaghreb, 17.02.2019). Le jeune homme a été détenu pendant 48 heures. Le
même jour, une centaine de supporters du CRB manifeste dans le métro contre
Bouteflika « Yal marouki ma kench el âhda el khamsa ». Fortement
propagée par le Pouvoir algérien, l’hostilité à l’égard de nos frères marocains
n’est pas peu partagée en Algérie.
« Les services sécurité
ont interpellé dix supporters qui ont pris part à la marche des supporters
contre le 5e mandat du président-candidat Abdelaziz Bouteflika qui a eu lieu
vendredi dernier (15.02) après la fin du match ayant opposé la JSD et le H. B.
Chelghoum Laïd au stade Rouibah-Hocine, a affirmé le chef de la Sûreté dimanche
passé. Il convient de souligner que cette marche qui a démarré pacifiquement, a
pris une nouvelle tournure car les manifestants, essentiellement des jeunes,
ont lancé des projectiles en direction du siège de la wilaya. Les services de
sécurité sont intervenus en interpellant ces dix manifestants qui ont été
présentés hier devant les instances judiciaires. (Le Soir)
Samedi 16 février 2019
Le 16, à
Kherrata, des centaines de personnes manifestaient contre le 5° mandat et
contre le FLN « dégage ! ». Des jeunes de Bordj-Bou-Arreridj
appelaient à des marches en insistant sur la date « le 22 février », comme
ces deux jeunes islamistes dans un appel sur Youtube. L’un d’eux porte une
sorte de bonnet d’âne ou de toque de cuisinier. Eux aussi appellent à sortir en
masse le 22 février, « n’ayez pas peur ! » Le samedi 16, « Des centaines de
personnes, en majorité des jeunes, ont répondu à un appel, dont on ne connaît
pas encore l’origine, pour une marche contre le cinquième mandat au
centre-ville de Kherrata, » (Algériepatriotique/ Nezzar)
« Quelque deux cents personnes ont rejoint, ce dernier jeudi (14.02)
en milieu de matinée, le parvis du théâtre régional Azzedine-Medjoubi de Annaba
pour manifester leur réprobation d’un cinquième mandat pour le président
sortant dont l’annonce a été faite récemment, munis de banderoles sur
lesquelles étaient inscrits des slogans tels que : ‘‘non à un cinquième
mandat’’, ‘‘le mandat de la honte’’ ou ‘‘le mandat de trop’’. Parmi les
protestataires, figurent des militants politiques, des avocats, des médecins,
des militants des droits de l’homme, des étudiants et de simples citoyens. En répondant à l’appel des organisateurs, les personnes présentes
voulaient marquer leur désaccord quant au cinquième mandat, ont-ils affirmé.
«Parce qu’il s’agit du mandat de trop que nous sommes là aujourd’hui», ont tenu
à dire quelques-uns des présents. Une importante mais discrète présence
policière surveillait les lieux sans pour autant intervenir. Vers 11h30, les
protestataires se sont dispersés dans le calme, promettant de revenir autant de
fois qu’il faut «pour empêcher» l’avènement du cinquième mandat. » Le Soir)
Les six syndicats, le
Snapest, le Cnapeste, l’Unpef, le CLA, le Satef et le SNTE, qui se sont réunis
jeudi, à Alger, ont annoncé une grève nationale de deux jours les 26 et 27
février prochains. (Le Soir)
« Le général de corps
d’Armée, Ahmed Gaïd-Salah… poursuit, en sa qualité de représentant de son
Excellence, le Président de la République, chef suprême des Forces armées,
ministre de la Défense nationale, la deuxième journée de sa visite officielle
aux Emirats arabes unis, à l’occasion de la 14e édition du Salon international
de défense «IDEX-2019 à Abou Dhabi, où il a pris part, aujourd’hui 17 février
2019, à la cérémonie d’ouverture, présidée par Son Altesse Cheikh Mohamed Ben
Rached Al-Maktoum, vice-président de l’Etat, président du Conseil des
ministres, gouverneur de Dubaï et ministre de la Défense des Emirats arabes
unis», précise le communiqué. » Cette visite s’inscrit dans le cadre du
«renforcement de la coopération entre l’Armée nationale populaire et les forces
armées émiraties, et de l’exploration des voies et des moyens de sa promotion»,
ajoute la même source. (APS)
« Après des mois d’un
insoutenable statu quo, l’annonce de la candidature du Président en exercice,
si elle n’a pas beaucoup surpris, elle a été porteuse de projections dans un
avenir proche. Le Président-candidat propose une conférence nationale
post-élections. L’opposition accueille cette annonce avec grand scepticisme et
autant d’interrogations. Les partis dont la proximité avec le régime n’est plus
à démontrer applaudissent, se suffisant de l’effet d’annonce sans attendre d’en
savoir davantage. L’opposition semble pour une fois d’accord. » (Le Soir)
« Des centaine de supporters du match ayant opposé la JSD au H. B. Chelghoum
Laïd vendredi au stade Rouibeh-Hocine ont ‘‘improvisé’’ à leur sortie une
marche à travers certaines artères de la ville de Jijel, a-t-on appris auprès
de témoins oculaires. Les marcheurs, essentiellement des jeunes supporters qui
ont sillonné certains quartiers de la ville, entre autres Bourmel, Soummam et
des quartiers du centre-ville, ont scandé des slogans anti-5e mandat du
Président-candidat Bouteflika. Notre source a ajouté que cette marche, qui a
démarré pacifiquement et qui se dirigeait vers les hauteurs a pris une nouvelle
tournure. Les marcheurs ont lancé des projectiles à l’encontre du siège de la
Wilaya, ce qui a nécessité l’intervention des agents de l’ordre pour faire
disperser les manifestants dont l’action a fait sortir la ville de ‘‘son
sommeil politique’’ dû à la faillite des acteurs politiques opposants au 5e
mandat et la démission du mouvement citoyen. » (Le Soir) « A leur
manière, les citoyens ont… très tôt commencé à livrer leur avis sur la
présidentielle. Les commentaires postés à ce sujet foisonnent, divergent et se
déversent à volonté étalant des vérités crues auxquelles font en particulier
face candidats et personnalités politiques. Ceux-ci l’ont compris depuis bien
longtemps déjà, Facebook offre un espace d’échange et une proximité
incontournable avec les Algériens. » (Le Soir)
Dans une vidéo postée sur Youtube le 18 février par HellO Dz, deux jeunes de Bordj Bou Arreridj tiennent un discours contre le pouvoir : « Le 22 nous ramènerons l’indépendance », « chaque wilaya doit descendre » Le jeune homme dit reconnaître que Ouled el Bahdja (supporters de foot d’Alger) sont les premiers (à manifester contre le régime).
Pour ce qui est des imam
béni-oui-oui, Bejaia F.
écrit sur FB : « Les gens refusent de faire la prière et quittent la
mosquée El Kawtar après que l’imam a commencé la khotba sur le sujet El
Khourouj an el hakim. Sab. Z., quant à elle écrit : « c’est bien
ce qu’on appelle l’arroseur arrosé ! Vous voulez mettre en garde vos
ouailles contre el khourouj an el hakim ? Eh bien vous avez eu
droit à un khourouj an essalat. Bravo à nos citoyens conscients de
Bejaia. » Le même jour, le 18 février, Sab. Z., écrit un peu trop
vite : « Jamais je ne vais marcher côte à
côte avec des islamistes… ». Plus tard, Sl.A.S qui doutait de ces appels
« aux origines douteuses tout en ayant un caractère religieux » fera
son mea culpa « après le 22 février et le 1° mars j’ai vu autre chose dans
ces manifestations… » Le même jour j’écrivais sur FB « vigilance oui,
mais pas rejet. »
Les syndicats du Cnapeste et du Satef
accusent le ministère de l’Éducation de vouloir pousser le secteur au
pourrissement.(Le Soir) Le
matin du mardi 19 février, à Khenchela, près d’un millier de personnes se
rassemblent devant la mairie sur la façade de laquelle sont posés sur toute sa
hauteur, un drapeau et le portrait du président. Des personnes grimpent pour
enlever le portrait géant. Les manifestants crient « enlève le gang (le
bandit), pas le drapeau ! » (« nahi el issaba, machi el aâlem »)
(Le Matin)
Mercredi 20 février 2019
Le 20 février, un avion de combat de type (SU24) s’est
écrasé près de la commune de Rechaïga dans la wilaya de Tiaret causant la mort
du pilote et du copilote. Ce même jour, le 20 février, je poste les vers de cette belle
chanson/vidéo de Ouled El Bahdja, qui s’intitule Ultima verba : « Ooooh…/ Lyam
etrouh we twelli wel batel yebka/ Hadou khellaw ezzawali ya’chak fel mout/ Ki
wellet hakda la série bqatelha halqa/ Ga’ ma tebkich ya bladi chedda we tfout/
On est là we slala makech doute/ Tesqot eddawla welli khedmo l’autoroute/ La
liberté la liberté la liberté/ El virage raho iqol/ Li yerdha ghir el medloul/
Louham li rsamtouha fi âkoul ennas/ Tel lewwen bel faâl el ghayeb que des
paroles/ Wa ana hakda yesrali, ki ifidh el kess/ Qalbi mel oujaâ sahran ou
yekteb fel Qoul/
Lyam etrouh we twelli wel batel yebka… » Prémonition ?
« La France aux
commandes a pris acte sans réserve de la candidature de Bouteflika. Une option à laquelle elle était déjà
préparée alors que des critiques particulièrement virulentes sont émises dans
les milieux médiatiques et les faiseurs d’opinions. » (Le Soir) « Le soutien qu’apporte le célèbre avocat Mokrane Aït Larbi à
la candidature de l’ancien général-major Ali Ghediri a généré des critiques, mais
aussi une certaine somme d’interrogations auxquelles il a décidé de répondre
dans une lettre transmise hier à la presse. Dans son ensemble, cette lettre se
résume à une série d’explications à travers lesquelles l’avocat justifie son
engagement aux côtés d’un candidat pas comme les autres. » (Le Soir)
« Les premiers invités
commencent à arriver (le 20.02) au siège d’El-Adala où Djaballah les attend
depuis un moment. Les partis politiques ayant annoncé leur participation
quelques jours auparavant sont tous là : Fadjr Djadid, de Tahar Benbaïbèche,
l’Union des forces démocratiques (UFD) de Nouredine Bahbouh, ou l’Union
démocratique et sociale (UDS) de Karim Tabbou, Abdelkader Bengrina (El Binaa).
Des figures bien connues de la scène politique arrivent presque en même temps.
Ali Benflis, Nourredine Bahbouh et Abdelaziz Rahabi ont également répondu
présents. Joint dans la matinée, le responsable du parti Talaioue El-Hourriet
avait confirmé sa participation. ‘‘Oui, je serai présent, nous disait-il,
alors, j’ai été invité, je me rends à toutes les rencontres, je m’informe, je
débats.’’ L’arrivée de Abderrezak Makri ne passe pas inaperçue… le chef du MSP
(Mouvement de la société pour la paix) avait paru quelque peu gêné ces derniers
jours. ‘‘Je n’ai jamais voulu torpiller l’initiative de Djaballah’’, a-t-il
déclaré à des journalistes qui l’interpellaient sur le sujet. » (Le Soir)
Jeudi 21 février 2019
Le 21 février, deux journaux
(L’Expression et Le Quotidien d’Oran) publient une apologie du président
Bouteflika par Amine M., un ancien journaliste : «Abdelaziz Bouteflika : Un homme, une
vision et une démarche au service de la paix – L’homme est resté fidèle
aux orientations et aux motivations qui furent les siennes depuis la flamme de
novembre 1954, en faisant évoluer les mentalités et nos regards vers un avenir
de paix, de concorde, de réconciliation et de vivre ensemble. »
Le jeudi soir 21.02., les prévisions météo diffusées sur El Jazaïriya One
indiquent qu’il fera beau temps sur tout le territoire avec pour le matin 0° à
El Bayed, 3 sur la côte ouest et en Kabylie, 5 à Alger, 9 à Tamanrasset…
L’après-midi : 16 à Alger et ses environs, 14 à Constantine, 20 à Oran,
Ghardaïa, 26 à Aïn Salah, 23 à Béni-Abbes, Tabelbala et Illizi…
Vendredi 22 février 2019
« Hai Akid Lotfi: Chute
mortelle d’un maçon chinois – Un maçon,
de nationalité chinoise, a été victime d’une chute mortelle. Le drame s’est
produit, vendredi (22.02), en fin de journée, à Hai El Akid Lotfi. La victime a
chuté du 5ème étage d’un parking à étages en construction. La dépouille de la
victime âgée de 31 ans, a été déposée à la morgue de l’Etablissement hospitalier
1er Novembre 1954. Une enquête a été ouverte. » (Le Q. d’Oran)
Le 22 février : AFP note :
« Plusieurs cortèges, dans lequel des drapeaux algériens étaient visibles,
se sont formés à la mi-journée à Alger à l’issue de la grande prière
hebdomadaire musulmane. »
Vous avez bien lu le degré de précision « des drapeaux algériens » et
la « prière musulmane » des fois que… non, mais…va savoir !
Le journaliste Hacen Ouali
poste une vidéo montrant des manifestants à Alger. « Des dizaines de milliers à Alger ». Peu avant,
Mohamed N. B. poste ces mots au bas d’une photo : « « Jazaïr
houra dimocratia » ( Algérie libre et démocratique). Le slogan faste des
démocrates Algériens des années 80 et 90, repris en chœur en 2019 par la
jeunesse du nouveau millénaire… »
« La dernière
manifestation à Alger a eu lieu en février 2018 lorsqu’un millier de médecins
en formation avaient réussi à braver l’interdit en se rassemblant devant la
Grande Poste. Ils avaient été rapidement encerclés et bloqués par la
police » (AFP)
Toujours le 22.02. Dans Le Point/Afrique,
A. Meddi écrit : « « Le peuple ne veut ni de Bouteflika ni de
Saïd (le frère du président) », criaient les manifestants sortis à
Alger dès l’après-midi, par milliers, bravant l’interdiction de manifester dans
la capitale effective depuis 2011. Une source policière parle de 7 000
manifestants rien qu’à Alger, alors que d’autres sources parmi l’opposition
parlent de 100 000, des chiffres impossibles à vérifier. » Et plus
loin « aujourd’hui, à Annaba, Constantine (est), Touggourt, Adrar (sud),
Oran, Tiaret, Relizane (ouest), Tizi Ouzou, Bouira et Béjaïa (Kabylie), des
milliers d’Algériens ont manifestés » et encore : « Les
manifestants algériens démolissent un grand panneau publicitaire avec la photo
de leur président actuel, Abdelaziz Bouteflika, lors d’une manifestation contre
sa candidature pour un cinquième mandat. Les manifestants (sont) sortis à Alger
dès l’après-midi, par milliers, bravant l’interdiction de manifester dans la
capitale effective depuis 2011… Tôt dans la matinée, des dizaines de camions de
la police antiémeute se sont déployés dans Alger-centre. »
« Par groupes de
centaines, des Algériens sont donc sortis dans les rues (le vendredi 22.02) en
réponse à des appels à réagir contre le nouveau mandat que brigue Abdelaziz
Bouteflika. Les initiateurs ou auteurs de ce «projet de rue» restent toutefois
inconnus à ce jour. Beaucoup y avaient vu la main des islamistes en raison du
jour et du moment choisi, un vendredi après la prière hebdomadaire, ce qui
avait soulevé certaines réticences auprès de nombreux citoyens craignant la
manipulation… Hier, et dans plusieurs wilayas du pays, les citoyens n’ont pas
attendu l’heure programmée (la fin de la prière du vendredi) pour descendre
dans les rues. A Tiaret, à Guelma et Jijel, les manifestants semblaient bien
moins nombreux qu’ailleurs. A Béjaïa, Mostaganem, Tizi-Ouzou, Annaba, la foule
était beaucoup plus nombreuse pouvant atteindre quelquefois les deux mille
personnes, selon les correspondants de presse présents sur place. Tous les
regards étaient cependant braqués sur Alger. Une réelle tension était perceptible
dès les premières heures de la matinée. Un important dispositif des forces de
l’ordre s’est déployé sur les grands axes d’Alger-Centre mais aussi dans les
quartiers jugés sensibles. Des camions de police étaient déjà sur place bien
avant 10 h à Bab-el-Oued où la population semblait bien plus occupée à vaquer à
ses occupations. Ici, les achats de dernière minute se font normalement même si
certains avouent avoir fait le plus gros des provisions la veille ou quelques
jours auparavant en raison de la crainte suscitée par les appels anonymes
lancés sur Facebook. «Nous resterons ouverts jusqu’à la prière du vendredi, et
qu’ils ne comptent pas sur nous pour envoyer nos enfants se faire massacrer, on
a payé un prix lourd en 1988», explique un épicier. «Ce que l’on craint c’est
que cette jeune génération qui ignore tout de ce que nous avons traversé fonce
tête baissée.» Place des Martyrs, Audin, Didouche-Mourad: les lieux sont
quadrillés. Des camions de la police se sont, là aussi, positionnés dès les premières
heures de la matinée. Des agents en civil et munis de talkies walkies
sillonnent les rues où règne une ambiance particulière. Tout est vide, les
citoyens sont très peu nombreux. On dit à ce moment qu’il est encore trop tôt.
Vendredi est un jour de repos et la tendance est à la grasse matinée. Plusieurs
magasins qui avaient pour habitude d’ouvrir la mi-journée ont cependant gardé
leurs rideaux fermés au centre-ville. A la place des Martyrs, l’activité est
moins dense qu’à l’habitude. On commente à voix basse les vidéos qui circulent
sur Facebook et les photos montrant les marches qui se déroulent au même moment
dans d’autres régions du pays. Pas d’avis sur la question, dans les
discussions, on insiste surtout sur le caractère pacifique des protestations en
cours. Avenue de l’ALN : des forces anti-émeutes sont stationnées tout le long
de la route. Sans doute des renforts prêts à l’intervention en cas de
débordement. Le plus gros du dispositif était cependant visible au 1er-Mai où
l’on a vu les CRS, bouclier et matraque en main, resserrer nerveusement les
rangs peu de temps après la fin de la prière du vendredi.
L’appel n’est pas resté sans
réponse. Bab-el-Oued a finalement bel et bien manifesté dans le calme le plus
absolu. Il en était de même à la place du 1er-Mai. Ici, les manifestants se
sont rassemblés par petits groupes qui n’ont cessé de grossir aux alentours de
15h30. Des jeunes en motos sortis d’on ne sait où débarquent. Le même scénario
se déroule au centre-ville où des centaines de personnes défilent. Les slogans
sont hostiles au cinquième mandat. Des renforts de CRS arrivent mais observent
les évènements sans réagir. (Le Soir)
Maghreb Emergent le 23.02 :
« Des centaines de milliers Algériens voire plus ont brisé hier vendredi
22 février le mur de la peur et des interdits en descendant dans les rues des
villes pour dire non au projet du 5è mandat et exigeant le départ du pouvoir
actuel. C’est un véritable tsunami populaire qui a inondé aussi bien les
grandes villes que les petites localités du pays… Les rues des villes comme
Alger, Constantine, Oum El Bouaghi, Batna, Bejaia, Annaba, Guelma, Blida,
Skikda, Khenchela, Bourdj Bou Arriridj et Bouira n’ont pas pu contenir les
foules hostiles au 5è mandat. El Watan titre ce samedi matin « L’Algérie dit NON
! », « L’Algérie se soulève contre les Bouteflika » Le Quotidien d’Oran,
réservé : « Marches à travers le pays contre le 5° mandat ».
Samedi 23 février 2019
Dès le lendemain des marches, Le
Quotidien d’Oran s’interroge : « Otages de fausses promesses – L’élection
présidentielle du 18 avril prochain a pris une tournure tout à fait étrange.
Sinon comment interpréter ces appels à des marches contre le 5ème mandat
maintenant ? Le timing de ces appels est-il opportun ? Pourquoi n’avoir pas
appelé à des marches de protestation contre le 5ème mandat bien avant, au
moment où les partis de la majorité présidentielle avaient annoncé leur
candidat ? Mieux, est-on là face à des tentatives d’instrumentaliser la rue
pour faire barrage, d’une autre manière, à un 5ème mandat que les partis de la
majorité veulent faire passer comme une alternative inéluctable ? Des questions
et peu de réponses, car la conjoncture politique actuelle est en train de
prendre de la vitesse et une tournure qui sont, en réalité, autant de facteurs
de rupture avec le discours politique ambiant… Bien sûr, bien des appétits
politiques se cachent derrière ces marches de protestation contre le 5ème
mandat. Par contre, la rue aura exprimé, à sa manière et jusqu’à présent par
une expression démocratique jamais enregistrée jusque-là, ce qu’elle pense de
cette élection… »
Le 23 février je poste ces
mots sur FB : « Vivement vendredi prochain… et les suivants… Marcher
pacifiquement pour une Algérie libre et (authentiquement) démocratique. »
« Vous vous êtes enfin réveillé de votre sommeil » m’invective un
facebooker. « Peut-être bien, vous connaissez probablement mieux que moi
mon propre passé… »
Le même jour
j’ai posté : « C’était hier vendredi 22 février. Des milliers
d’Algériens ont manifesté pacifiquement « contre le 5° mandat de
Bouteflika », dans plusieurs villes comme Alger, Tlemcen, Batna, Bejaïa,
Bouira, Tebessa, Khenchela, ouargla, Boumerdès, Oum el Bouaghi, Tiaret, Sétif,
Tizi Ouzou, Annaba, Sidi Bel Abbes, Oran… El Watan titre ce matin « L’Algérie
dit NON ! », « L’Algérie se soulève contre les Bouteflika » Le
Quotidien d’Oran, réservé : « Marches à travers le pays contre le 5° mandat »
Rendez-vous est pris pour vendredi prochain, 1° mars. »
Puis ce texte,
plus long : « Les Algériennes et les Algériens aspirent à une Algérie
authentiquement démocratique, libre et heureuse. Ils l’ont maintes fois prouvé.
Cette Algérie libre et heureuse, authentiquement démocratique, ne peut se
concevoir sans la liberté de parole. La libre parole, ce droit premier de l’Homme,
doit être accessible dans la rue et dans tous les médias, publics et privés,
sans entraves. Une libre parole respectueuse de toutes les autres paroles,
exprimée dans la langue de son choix, sans complexe aucun, sans stigmatisation.
Il y a en Algérie des dizaines de chaînes de télévision, de radios, de
journaux, publics et privés, mais la parole n’y est pas réellement libre. La
censure et l’autocensure sont permanentes. Les Algériens et les Algériennes,
qui ont payé le prix fort, ont soif d’une « Révolution de velours », sans donc
aucune violence ni casse, sans qu’aucune goutte de sang soit versée. Une
Révolution pacifique, celle qu’appréhendent par-dessus tout les tenants du «
Système » actuel, prêts à toutes les intrigues et violences. N’oublions jamais
Octobre 1988, ni janvier 1992 et les années qui suivirent, n’oublions jamais
non plus les manipulations de la religion à des fins politiques de certains
partis et organisations islamistes dont les paroles ont semé la mort par
milliers. Cette Révolution douce algérienne a peut-être commencé hier, vendredi
22 février 2019. À travers de nombreuses villes du pays de Tlemcen à Annaba, de
Bejaïa à Ouargla en passant par Alger, Oran, Sidi-Bel-Abbès… des milliers
d’Algériens et d’Algériennes, jeunes et moins jeunes, ont manifesté contre le
Système (« Non au 5° mandat » brigué par un des hommes du Système) dans le
calme et sans heurts, offrant parfois des fleurs aux policiers bienveillants.
D’autres vendredis arrivent. Faisons (chacun selon ses possibilités) qu’ils
soient noirs de monde et prometteurs de tous les espoirs jusqu’à la victoire,
pour une Algérie authentiquement démocratique, libre et heureuse. »
À la question de savoir si l’élection lui paraît jouée
d’avance, Antoine Basbous, « l’observateur averti » déclare à
Libération.fr « A
mon sens oui. Le clan au pouvoir a déjà préparé les chiffres qu’il publiera
le 18 avril au soir : le taux de participation, le pourcentage
du président sortant. On parle d’un chiffre autour de 80 %… »
et ceci en chapô de l’article : « Pour le politologue Antoine Basbous, ni l’opposition algérienne
ni la situation économique ne peuvent empêcher le clan du pouvoir, mené par le
frère du Président, de faire réélire un homme gravement malade. » Observateur averti.
« L’ampleur de la
contestation de la candidature de Abdelaziz Bouteflika, exprimée vendredi
dernier (22.02) à travers quasiment tous les chefs-lieux des grandes villes du
pays, Alger compris, constitue, assurément, le plus grand défi auquel se trouve
confronté, désormais, l’homme qui accédait au palais d’El Mouradia comme
«candidat du consensus» en 1999. Coup dur pour l’ego de celui qui s’est
systématiquement prévalu du soutien massif et indéfectible, du peuple
algérien. » (Le Soir)
« Du nord au sud, d’est
en ouest, les grandes villes ont répondu à un appel, anonyme de surcroît, lancé
quelques semaines auparavant sur le réseau social privilégié des Algériens :
Facebook… Il y a une année encore, le passage de la contestation virtuelle à
celle de la réalité était, pourtant, encore chose impossible. En 2017, et face
à la dégradation du pouvoir d’achat induit par une crise économique sévère, un
appel similaire avait été lancé sur le même réseau social mais sans
résultat. L’anonymat des initiateurs de ce projet a dissuadé. Les citoyens
n’étaient-ils pas prêts à ce moment ? La situation politico-économique
n’avait-elle pas atteint l’impasse dans laquelle elle se trouve aujourd’hui ?
Les images des conséquences des révolutions arabes et celle des réfugiés
apatrides (largement utilisées comme moyens de dissuasion) ont-elles réellement
tétanisé ? A ces éléments d’interrogations, s’ajoutent des faits bien réels. La
répression systématique de toutes les tentatives d’investir la rue (médecins
tabassés, syndicats de l’éducation…) a été érigée en règle et appliquée de
manière à frapper les esprits. Depuis la confirmation de l’option du cinquième
mandat et l’annonce officielle de la candidature de Abdelaziz Bouteflika, les
forces de l’ordre semblent avoir été instruites d’éviter de réagir face à la
contestation populaire. A Khenchela, des centaines de personnes sont sorties
manifester pacifiquement contre le cinquième mandat et aucune répression ne
s’en est suivie.
La Kabylie qui a depuis
longtemps brisé le carcan de la peur et de l’intimidation, s’est exprimée à
travers des marches grandioses sans incidents notables. Encouragées, d’autres
villes ont suivi. Le phénomène s’est amplifié atteignant son point culminant ce
vendredi (22.02). Les plus sceptiques doutaient de la réaction des Algérois qui
se sont manifestés très peu de temps après la prière hebdomadaire. Les grandes
artères de la capitale ont été investies par une foule disciplinée, non
encadrée et qui n’a, à aucun moment, versé dans des actes de provocation de
saccage. Le chaos n’a pas eu lieu. Craignant le pire, certaines représentations
étrangères ont instruit leur personnel de ne pas sortir, d’autres ont demandé
la protection de leurs biens. C’est ainsi que le dispositif retiré devant
l’ambassade de France s’est redéployé la veille de l’événement. Mais, les
craintes se sont avérées inutiles. Les Algériens ont prouvé que leur but était
d’exprimer leur opinion. » (Le Soir)
Dimanche 24 février 2019
Le dimanche 24 février, le chef de l’État s’envole
pour Genève pour recevoir des « soins
de santé périodiques », alors que la place Audin (Alger) est
noire de monde. Des femmes offrent des fleurs à des policiers. Le jour même, la
journaliste Meriem Abdou démissionne
de son poste de rédactrice en chef de la Chaîne 3 de la Radio nationale à cause
de la censure relative aux manifestations du vendredi 22 février. La veille,
elle a écrit ceci sur sa page FB “J’ai décidé, moi Meriem Abdou, de déposer,
dès demain ma démission de mon poste de rédactrice en chef, membre de
l’encadrement de la Chaîne 3. Je refuse catégoriquement de cautionner un
comportement qui foule aux pieds les règles les plus élémentaires de notre
noble métier”. « Devant
le silence de la radio nationale qui n’a pas couvert les manifestations de la
veille contre le 5e mandat de Bouteflika, sa rédactrice en chef de l’antenne
francophone, Meriem Abdou, a préféré rendre son tablier. » (Le Point/
Afrique)
« Un tabou est brisé –
Un tabou est tombé vendredi 22 février. Le mur de la peur a été brisé et des
Algériens, toutes catégories sociales confondues, ont été unanimes à rejeter
autant le 5ème mandat que les tentatives politiciennes d’imposer une continuité
politique qualifiée de suicidaire. Par cette action l’on a voulu exprimer son
refus d’un état de fait imposé par la force d’un système politique qui a trop
longtemps surfé sur la fibre patriotique, mais en restreignant chaque jour un
peu plus les territoires des libertés fondamentales, l’expression
citoyenne. » (Le Quotidien d’Oran)
En France on commence à
paniquer. « Le cauchemar
du président de la République, c’est l’Algérie. C’était aussi celui de ses
prédécesseurs. Les plus hautes autorités de l’Etat sont terrifiées par la
perspective d’une grave déstabilisation de notre ancienne colonie après la mort
de Bouteflika [président depuis 1999]. » Déclare « un
personnage central de la macronie » selon La nouvelObs.com.
Dimanche 24.02 : FB me
demande si je veux partager une vidéo que j’avais posté en février 2014 !
Je clique sur OK. Sur cette vidéo – il s’agit de « I am Happy » de
Pharrell Williams. J’avais ajouté en sur impression sur les images de la vidéo
ce texte que j’ai intitulé I am happy, on coule ! C’était l’époque du
4° mandat : « It
might seem crazy what I’m about to say / Sunshine she’s here, you can take
break / Il peut sembler fou ce que je m’apprête à dire/ Brille, Soleil voici la
bonne nouvelle/ Ils ont osé !/ L’ancêtre brigue un 4° mandatUn revenant
jure laver plus blanc que blanc/ Un 3° hésite/… /La télé est heureuse/Les
journaux sont heureux/Here come bad news talking this and that… /On est au bord
du gouffre/Et le drabki derbek/Nous sommes heureux/Hamdoullah… » (le texte entier et la vidéo se trouvent
ici :
Au-delà de toutes les
lectures que l’on puisse faire, l’Algérie a connu un tournant majeur, vendredi
(22.02.), dans ce qu’on pourrait appeler l’expression du droit à la
manifestation, un droit remis en cause on ne sait plus combien de fois, avec
une violence souvent inouïe, particulièrement dans la capitale. Quarante et une interpellations pour troubles à l’ordre public,
actes de vandalisme, dégradation de biens, violence et voie de fait. Voilà en
tout et pour tout l’étendue du bilan des manifestations de vendredi dernier,
rendu public par la Direction de la Sûreté nationale quelques heures après les
marches pacifiques ayant été organisées à travers plus d’une trentaine de
wilayas. Un nombre d’interpellations finalement qui ne sort pas de la normale
et surtout qui résonne comme une réponse on ne peut plus cinglante à ces
alarmistes – qu’on peut comprendre – qui ne pouvaient s’empêcher d’émettre la
hantise d’un face-à-face entre manifestants et policiers qui fatalement
aboutirait à l’irréparable. (
Le Soir d’Algérie) Des rassemblements contre le cinquième mandat sont prévus
aujourd’hui (dimanche 24.11) sur tout le territoire national, à l’appel du
mouvement Mouwatana. Les lieux de rendez-vous sont fixés à la place Audin pour
la capitale, et devant les sièges de wilaya à travers tout le territoire
national, à partir de 12h. Soufiane Djilali, coordonnateur national du
mouvement estime que c’est le moment de maintenir la pression. (Le Soir) Le président de l’instance dirigeante du FLN, Mouad Bouchareb, a
affirmé hier à partir d’Oran, qu’il y a des gens qui voudraient allumer le feu
de la discorde mais, dit-il : «Cette étincelle qu’ils veulent allumer est
arrosée par le sang des chouhada et le sang des chouhada jamais ne s’enflamme.»…
Dieu a envoyé des hommes religieux, des savants, des combattants, des
moudjahidine, pour agir pour le bien des nations et «il a aussi envoyé
Bouteflika en 1999 pour redresser l’Algérie et lui redonner ses lettres de
noblesse et lui rendre sa dignité». (Le Soir) Le candidat à la
candidature à l’élection présidentielle du 18 avril prochain, Ali Ghediri,
invite les tenants du pouvoir à «se hisser au même niveau dont a fait preuve,
le peuple algérien, avant-hier vendredi lors des manifestations populaires
contre le 5e mandat présidentiel organisé dans pratiquement l’ensemble des
wilayas du pays». (Le Soir) Prévues
initialement samedi (23.02), les rencontres MC Alger-MC Oran, comptant pour la
22e journée de Ligue1, et JSM Béjaïa -Paradou AC pour le compte des quarts de
finale de la Coupe d’Algérie, aller, ont été reportées à une date ultérieure.
Si la ligue de football professionnel (LFP) ne précise pas le motif du report
du match MCA-MCO, celui évoqué pour justifier le report JSMB-PAC est «d’ordre public»,
selon la fédération algérienne de football (FAF). Ce ne sont d’ailleurs pas les
seules rencontres reportées puisque le derby algérois entre l’USM El-Harrach et
le RC Kouba, comptant pour la 23e journée de Ligue 2 Mobilis, prévu vendredi
(22.02), a été reporté à mardi (26.02). (Le Soir)
J’ai noté plusieurs points : Louisa
Hanoune demande le report de l’élection présidentielle. Le soir, il y a un beau
débat sur la chaîne Aljazaïria One. L’émission s’intitule
« Philo-Talk ». Discussion sur les idéologies, l’évolution depuis
1962, « quelle Algérie voulons-nous, ay jazaïr nourid. »
« Samedi dans la
matinée, détritus, restes de repas, boites de pâtisseries et de boissons,
jonchaient encore le sol dans les principales artères de la capitale, là où des
milliers de manifestants contre le 5e mandat sont passés la veille. Au
lendemain d’une impressionnante marche, jamais enregistrée depuis la grande
marche des Arouchs en 2001, les Algérois revenaient fatalement sur la suite de
cet événement, et la réaction du pouvoir par rapport à une marche en principe
interdite. D’autant que le collectif Mouwatana de Sofiane Djilali a également
appelé à une marche de protestation contre le 5e mandat ce dimanche à Alger,
qui suscite là également les pires inquiétudes. Des appréhensions légitimes
taraudent les Algérois, qui pensent cependant que le plus dur a été fait
vendredi, avec la sortie dans la rue de dizaines de milliers de manifestants.
Sur place, le service d’ordre est discret, avec quelques rotations
d’hélicoptères, après le déploiement de forces policières de la veille. Le gros
des forces de police est stationné aux alentours des entrées principales
d’Alger. L’appel à manifester ce dimanche contre le 5e mandat lancé par
Mouwatana est par ailleurs diversement interprété à Alger. Certains avancent
que là également il y aura beaucoup de manifestants… » (Le Quotidien
d’Oran)
Lundi 25 février 2019
« Les Algériens ont été
certes moins nombreux que vendredi passé à descendre dans la rue hier en
réponse à l’appel à manifester en ce jour symbolique du 24 février lancé par
Mouatana. Ce qui n’induit nullement que la colère populaire contre le
surréaliste cinquième mandat est retombée et que les citoyens après avoir
exprimé leur rejet de ce projet insensé vont se contenter de regarder faire le
pouvoir et sa clientèle. Mouatana n’est pas parvenue à mobiliser parce que à
tort ou à raison elle est perçue comme étant dans une stratégie de récupération
du mouvement de protestation contre le cinquième mandat. Or ce qui a distingué
les marches et rassemblements imposants du vendredi 22 février a été que leurs
participants ont eu manifestement à cœur la volonté de s’émanciper de toute
tutelle qu’elle soit partisane ou doctrinale… » (Le Quotidien d’Oran)
« Le Général de Corps d’Armée Ahmed
Gaïd Salah, Vice-Ministre de la Défense Nationale, Chef d’Etat-Major de l’Armée
Nationale Populaire a reçu en audience, aujourd’hui 25 février 2019, au siège
du Ministère de la Défense Nationale, Madame Elisabetta Trenta, Ministre de la
Défense Italienne » lit-on sur le site du ministère de la défense, alors
que plusieurs associations dont RAJ, SOS Disparus, LADDH, Djazaïrouna… signent
un texte à la suite des manifestations : « Les
Algériennes et les Algériens ont renoués avec la contestation et les manifestations
populaires pacifiques en brisant le mur de la peur et bravant la menace en
sortant par centaines de milliers dans toutes les villes du pays pour dénoncer
le 5ème mandat et revendiquer le changement du système… »
Prise de court par la force des manifestations
de vendredi contre la candidature d’Abdelaziz Bouteflika à un 5e mandat, la
mouvance islamiste, toutes tendances confondues, est apparue divisée. Parmi les
opposants aux manifestations de vendredi, se trouve le très conservateur Comité
national de coordination des imams, qui a relayé l’instruction du ministère des
Affaires religieuses. En vain, des imams ont tenté dans leurs prêches, lors de
la grande prière de vendredi, de dissuader les fidèles de répondre aux appels à
manifester, parce que « nul ne sait s’ils émanent d’un Algérien ou d’un
ennemi, d’un musulman ou d’un athée »! (Hacène Zerouky- L’humanité du
25.02). Toujours ce lundi 25, un post sur Facebook montre l’image d’une femme
offrant une rose blanche à un gendarme, bras tendu, prêt à la recevoir.
Seddik Chihab, le porte-parole du RND,
partie de la défaite, de l’échec et de la corruption (avec le FLN) déclare à
TSA (25.02) sans manquer d’air : « Il est rare que les changements par la
rue réussissent. Il n’y a qu’à revenir aux révolutions colorées (dans l’Europe
de l’Est) ou aux révolutions parfumées, les jasmins (Tunisie) ou les œillets
(Portugal). Il n’y a qu’à voir la situation actuelle de la Tunisie. Regardez
comment ce pays a reculé. Regardez la démocratie égyptienne… La rue peut être un
moteur ou un élément de prise de conscience. La rue ne peut pas être une
alternative sérieuse »
Abdelaziz Bouteflika répond, à sa
manière, aux manifestations et marches de ces derniers jours contestant sa
candidature pour un cinquième mandat : en les ignorant superbement et, mieux
encore, en insistant sur «les vertus de la continuité», en l’occurrence sa
propre continuité à la tête du pays au-delà du 18 avril prochain. «Une
continuité garantissant la persévérance dans la bonne voie et permettant de
remédier aux erreurs marginales», assure-t-il dans son dernier message en date,
hier dimanche. (Le Soir)
Le cours pris par la
pré-campagne électorale pour la présidentielle n’influe en rien sur
l’administration si l’on doit se fier aux propos tenus, hier, sur la Chaîne 3,
par le directeur des libertés au ministère de l’Intérieur et des Collectivités
locales (MICL), Abderrahmane Sidini. Pour tout dire, le cadre du ministère de
l’Intérieur affirme que, apparemment, tout se passe comme dans le meilleur des
mondes… (le Soir)
À L’appel de Mouwatana
Sit-in devant la Wilaya d’Oran. Hier, elles étaient en majorité une vingtaine
de femmes rejointes par près de 5 hommes plus tard, à répondre à l’appel à des
rassemblements au niveau national lancé par le mouvement Mouwatana. Le rendez-vous était donné entre midi et 14
heures devant le siège de la Wilaya. Arrivée sur place aux environs de 13 h,
seule la dizaine de voitures de police et quelques policiers en faction devant
la Wilaya étaient présents. Cinq minutes après notre arrivée, des femmes ont
commencé à se regrouper affichettes en main où l’on pouvait lire «Non au 5e
mandat ; action pacifique… ». Aussitôt,
les quelques policiers ont été rejoints par leurs collègues, qui ont vite entouré
le groupe de manifestants leur intimant l’ordre de s’éloigner des escaliers
principaux de l’entrée de la Wilaya. Et un autre de se montrer plus
intransigeant en demandant à l’une des manifestantes de baisser son affiche, ce
qu’elle refusera fermement de faire. Aussitôt, l’agent de police perd son
sang-froid et l’agrippe avec force et parvient à lui arracher son affiche. La
jeune femme rougie par la violence du geste, n’a pas cédé et a vite réécrit un
slogan sur une autre affiche et a rejoint ses amies. (le Soir)
Les Algériennes et les Algériens se sont
sentis insultés par cette indigne mascarade d’un cinquième mandat qui consiste
à imposer un vieillard à l’agonie en tant que candidat de l’espoir et du
renouvellement. Cet élément a joué comme un détonateur de mécontentement, la
goutte d’eau qui a fait déborder un vase d’indignation et d’amertume. Ce que
les populations contestent et rejettent ne se limite pas à la reconduction d’un
président-zombie. Le peuple algérien est exaspéré et ne veut plus de cette
dictature brutale et incompétente, corrompue au-delà de toute expression et qui
conduit, au vu et au su de tous, le pays vers de sombres lendemains. (Omar
Benderra- Algeria Watch- 25.02)
Je poste ces mots sur a page FB :
« Où que nous soyons, en Algérie (tous les vendredis) ou à l’étranger (tous
les samedis), manifestons pacifiquement contre le « Système ».
Manifestons contre le candidat, et contre tout candidat de substitution.
Manifestons notre opposition à tous ls représentants du régime autoritaire
algérien. Disons ‘‘ Non au système ». Ne répondons à aucune provocation,
ni à aucune violence. » Puis ces autres mots : « Vivement
prochain… et les suivants… Marcher pacifiquement pour une Algérie libre et
(authentiquement) démocratique. » (25.02)
Plusieurs articles avec ces
titres : Rassemblement empêché à Constantine, Faible participation à
Béjaïa, Bain de foule et accueil enthousiaste pour Rachid Nekkaz à Tizi Ouzou,
Un millier de lycéens dans la rue contre le 5e mandat à Jijel… (Le Soir d’Algérie)
Kouchet El Djir, le plus
ancien bidonville d’El Bahia, adossé au versant de la montagne Murdjadjo, se
propage tel un feu de brousse grignotant de grandes parcelles de terrains
forestiers et seuls les murs des casernes continuent à lui résister. Ici on construit de jour comme de nuit des
baraques n’importe où et n’importe comment sans se soucier des risques. Des
baraques érigées avec des parpaings au bord d’un précipice, d’autres
construites dans des grottes ou sous des masses de rochers… (Le Quotidien
d’Oran)
Mardi 26 février 2019
Le général Gaïd Salah
déclare : « En cette honorable occasion, je tiens à rendre hommage à la
teneur du message de Son Excellence, Monsieur le Président de la République,
Chef Suprême des Forces Armées, Ministre de la Défense Nationale, adressé à la
Nation à l’occasion de la célébration du double anniversaire de la création de
l’Union Générale des Travailleurs Algériens et de la Nationalisation des
hydrocarbures, pour ses propos honorables à l’adresse de l’Armée Nationale
Populaire. (discours à la 6° RM)
Le 26 février sur France
Inter. À 7h55 Benjamin Stora répond à Léa
Salamé: « L’Algérie est à un tournant très important… la différence
avec octobre 88 c’est que l’armée utilise aujourd’hui les jets d’eau pour
disperser les foules, elle ne tire pas sur les manifestants… l’armée est
occupée aux frontières… l’Algérie a changé… ». À 9h05 aux
informations: « Les étudiants algériens sont appelés à
manifester » aujourd’hui.
Une photo montre une
centaine d’étudiants dans l’enceinte de l’université d’Alger. Sont-ils
confinés ? J’ai écrit : Cette image est extraite d’une vidéo de Kh.
B, postée en direct, ce matin de mardi 26 à 10h30… Il semble que ce soit des
étudiants de l’Université d’Alger. On y entend fréquemment « Pouvoir
assassin ». À Oran les étudiants de l’université de l’USTO crient :
« Non au 5ème mandat »
Sur FB j’écris : : « L’espoir qu’éclose enfin
une Algérie démocratique, libre et heureuse, est non seulement permis, mais
tous les jours cet espoir se fait un peu plus réel, il est palpable. À la
suite de la désormais historique mobilisation du 22 février (il y a à peine
quatre jours), aujourd’hui mardi 26 les étudiants de la plupart des universités
algériennes se mobilisent pour dire NON : « non au système, » « non au 5°
mandat »…, crier « Pouvoir assassin » Réclamer « Djazaïr Horra,
democratia»… De très nombreuses vidéos circulent ce matin (en direct) sur
FB montrant des étudiants manifestant à Alger (fac centrale), à Oran (USTO),
Constantine (ENSC), Sétif (Univ. Lamine Debaghine), Biskra (Université Med
Kheider), El Oued, Bejaïa, Bouira, Médéa, Laghouat, Guelma, Tamanrasset (Centre
universitaire Aménokal Hadj Moussa), Annaba (Univ. El Bouni), Boumerdes (Univ.
Mohamed Bouguerra), Djelfa, Bordj bou Areridj, Batna, Oum el Bouagui… Et
ça continue… »
J’ajoute :
« Scander uniquement « NON AU 5° MANDAT » = est un véritable
piège ! »
El Watan publie
« L’ultime appel à la raison ». Un texte
magnifique. « Djamel Zenati, figure du
combat démocratique et Addi Lhouari, sociologue engagé signent une tribune dans
laquelle ils estiment que «le départ de Bouteflika est une exigence populaire
légitime et indiscutable». Ils appellent à la mise en place « d’une transition
démocratique orientée vers la construction d’un Etat de droit. C’est la seule
issue salutaire pour le pays ». Ils interpellent
fortement l’institution militaire qui, selon eux, « se trouve devant un choix
historique» et que «l’intérêt stratégique du pays lui commande de se mettre du
côté de la population et au service de la solution. Elle doit jouer le rôle de
facilitateur et de garant de la transition démocratique» écrit en préambule le
rédacteur du quotidien. De son côté Liberté écrit : « Dans un appel
rendu public, hier, et signé conjointement par Djamel Zenati et Lahouari Addi,
le duo a traité de la situation actuelle du pays et a appelé le régime à céder
la place, sans recourir à la répression, donc à l’embrasement. »
Ces mots sous une photo montrant des
journalistes qui protestent : « Sit-in des journalistes de la Radio nationale,
aujourd’hui mardi 26 février 2019_ Bravo à Meriem Abdou, qui s’est opposée à la
censure, dès samedi 23 février (et qui, en conséquence, a subi les foudres de
ses chefs) »
Suite à la vision d’une vidéo sur le
mur de Nacera M. j’écris : « CNEWS n’a trouvé mieux que ce titre et
c’est regrettable : ‘‘Algérie : des manifestants contre un 5°
mandat’’ et Yasmina Khadra fait pire en disant ‘‘les Algériens ne sont pas
contre Bouteflika, ils sont contre un 5° mandat’’ (min 2’45). Les Algériens
sont contre ‘‘le pouvoir’’, contre ‘‘le système’’, contre ‘‘le 5° mandat’’,
contre ‘‘el mamlaka’’… Le piège est que justement on ne s’oppose qu’au 5°
mandat.
Une cinquantaine d’avocats se
sont rassemblés hier devant le tribunal de Abane-Ramdane. Ils ont dit non à un
cinquième mandat, à la répression des libertés et réclamé le respect de la
Constitution. En dépit d’une grande présence policière, aucun incident n’a été
enregistré. (Le Soir d’Algérie)
L’école renoue avec la grève
à partir d’aujourd’hui et pendant deux jours. Le collectif des syndicats
autonomes, initiateur de cette action, appelle à la mobilisation des
enseignants autour de ce mouvement, qui sera accompagné, demain, par des
rassemblements devant les Directions de l’éducation des wilayas de Blida,
Laghouat, Batna et Relizane. (Le Soir)
Le sérail semble tourner le
dos à la principale revendication exprimée on ne peut plus clairement par les
milliers de manifestants sortis, vendredi dernier, à travers presque l’ensemble
du territoire national, qui ont signifié leur refus catégorique d’un cinquième
mandat pour le président de la République. C’est, encore une fois, à Ahmed
Ouyahia auquel a été dévolue la mission de divulguer la lecture faite en
haut-lieu des manifestations populaires inédites du week-end dernier, récusant
ouvertement un cinquième mandat pour le président de la République, candidat à
sa propre succession à l’occasion du scrutin prévu le 18 avril prochain. Et
c’est en tant que Premier ministre qu’il l’a fait, hier lundi, devant les
députés lors de sa présentation de la déclaration de la politique générale de
l’exécutif qu’il coordonne. «Que ceux qui s’opposent au 5e mandat l’expriment
de façon démocratique le jour des élections», a, en effet, tonné Ouyahia comme
pour écarter toute option de retrait de Abdelaziz Bouteflika de la course
présidentielle du printemps prochain. (Le Soir)
Maître
Mustapha Bouchachi, parlant des manifestations prévues pour ce vendredi 1° mars
: «J’espère qu’elles seront pacifiques. Je souhaite que les Algériens et les
Algériennes participeront à ces manifestations pacifiques. Ce vendredi 1° mars
est très important pour les Algériens et les Algériennes, pour sortir ce Système
qui a pourri le pays. »
La commission de
l’organisation de la Coupe d’Algérie de la Fédération algérienne de football
(FAF), qui après avoir reporté la rencontre JSM Béjaïa-Paradou AC, comptant
pour les quarts de finale aller de la Coupe d’Algérie, pour «des raisons
d’ordre public», prévue initialement samedi 23 février, l’a finalement
programmée pour samedi 9 mars au stade de l’Unité maghrébine. Le match retour
est, par ailleurs, prévu pour vendredi 29 mars au stade Omar-Hamadi de
Bologhine. (Le Soir)
« Avec son sang-froid ordinaire, le chef
du gouvernement Ahmed Ouyahia, a commenté avec «un discours modéré» et avec
«des termes bien soignés», les
manifestations hostiles au cinquième mandat, du 22 février dernier, à travers
plusieurs wilayas du pays. – Lors de la présentation, hier, de la déclaration
de politique générale devant les députés de l’Assemblée populaire nationale
(APN), Ahmed Ouyahia, a précisé que « le peuple algérien a le droit d’exprimer
son avis et la constitution lui garantit le droit à la manifestation et aux
rassemblements pacifiques, dans le cadre de la loi ». Et d’enchaîner «Dieu
merci, ces marches qui ont drainé un nombre important de contestataires à
travers certaines villes du pays étaient pacifiques». Mais, précise-t-il «nous
appelons tous nos citoyens à plus de vigilance par le fait que ces appels à la
manifestation sont anonymes et on en ignore la source». Et de préciser
qu’aujourd’hui, ces appels sont pour des manifestations pacifiques mais demain,
il se pourrait qu’il y ait des appels d’un autre genre, craint-il. (Le
Quotidien d’Oran, 26.02)
Mercredi 27 février 2019
Le 27
février : « Hier Canal Algérie, durant une minute, nous a montré des
manifestants portant drapeaux et chantant Kassamen. Aucun slogan contre le
système (très nombreux) n’est visible. À part l’exécrable « wontoutri »
(exécrable car mots creux, béats, vidés de tout contenu éclairé, intelligent),
aucune parole audible, juste un immense brouhaha. Le commentaire du «
journaliste » est malhonnête (peut-il faire autrement ?) nous explique que tous
ces étudiants réclament « des réformes » (« islahiyates » dans la vidéo), alors
que les étudiants demandent à ce que les responsables politiques
DEGAGENT. »
27.02 : Voici les
titres du Quotidien d’Oran et de El Watan de ce matin –
Titre de El Watan :
« Mobilisation des étudiants contre le 5° mandat :
Impressionnant ! »
Titre de Le Quotidien
d’Oran : « Contre un 5° mandat et pour le changement, des milliers
d’étudiants dans les rues. »
Pourquoi le titre du
Quotidien d’Oran est juste et celui d’El Watan faux ou tendancieux, disons
incomplet. Le premier ne soutient pas Ghediri (ni les autres postulants). Plus tard dans la
journée, El Watan rectifie (à la suite de nombreuses critiques sur FB contre le
journal) en ajoutant un article : Les étudiants en marche contre le 5°
mandat et le système : la protestation vers de nouvelles conquêtes.
27.02,
j’écris : « Voici un texte, émouvant et puissant, de notre chère
Ghania Mouffok, un des plus beaux textes que j’ai eu à lire sur la situation
faite aux Algériens par une bande d’imposteurs. Au-delà de Bouteflika c’est
l’infamie imposée par “la Djemaa” depuis 1962. Mais “Les Invisibles” se sont
réveillés ce 22 février 2019 pour dire à cette : Djemaa: « 57 ans
baraket »
Prenant admirablement le
relais de la contestation citoyenne anti-5° mandat, les étudiants sont sortis,
hier mardi, dans toutes les wilayas du pays, ou presque, pour signifier, à leur
tour, leur rejet du 5e mandat.( Le Soir)
Il affirme que Bouteflika se
rendra au Conseil constitutionnel dimanche prochain. Sellal confirme l’option
du 5e mandat (Manchette de Le
Soir)
Annaba. Avocats et étudiants
contre le 5e mandat. Intervenant
le lendemain de la réprobation du cinquième mandat par les avocats d’Alger, un
sit-in similaire a été tenu devant la cour de justice de Annaba par leurs
homologues du barreau de cette ville. (Le Soir) À l’instar des autres universités du pays, des milliers d’étudiants
de l’Université Akli-Mohand-Oulhadj de Bouira ont répondu présents à l’appel de
la communauté estudiantine à travers le pays pour des marches contre le 5e
mandat de Bouteflika. (Le Soir)
Comme prévu, les étudiants
du centre universitaire de Mila étaient au rendez-vous, ce mardi 26 février,
pour exprimer leur solidarité avec les manifestants du vendredi 22 février,
contre le 5e mandat. (Le Soir) Des
milliers d’étudiants à travers les trois universités de Constantine se sont
rassemblés, hier à partir de 10h dans l’enceinte de leurs campus respectifs,
pour exprimer leur rejet d’un nouveau mandat du Président Bouteflika. (Le Soir) Manifestations contre le 5e mandat Les
étudiants de l’Université d’El-Tarf marchent. Ils étaient plus de 1 500
étudiants de l’Université Chadli-Ben-djedid d’El-Tarf à marcher en empruntant
le boulevard principal appelé, et ironie de l’histoire, «rue de
l’Indépendance», et ce, pour exprimer leur refus d’un 5e mandat pour le
Président-candidat. (Le Soir) Tizi Ouzou Une foule immense d’étudiants de
l’UMMTO contre le 5e mandat. Près
de quatre mille étudiants de l’Université de Tizi Ouzou (UMMTO) ont investi la
rue, dans la matinée d’hier. Une marche grandiose qui a sillonné les
principales artères de la ville et qui est venue à la suite de l’appel adressé
à la communauté estudiantine dans les quatre coins du pays. (Le Soir) Jijel. Des milliers d’étudiants dans la rue
contre le 5e mandat. Comme il fallait s’y attendre , les étudiants de
l’université Mohamed-Seddik-Benyahia de Jijel ont répondu massivement hier
mardi au mot d’ordre de protestation lancé à travers les réseaux sociaux. En
effet, des milliers d’étudiants de l’université Mohamed-Seddik Benyahia sont
descendus dans la rue pour exprimer leur rejet contre le 5e mandat du
candidat-Président Abdelaziz Bouteflika. (Le Soir) Les étudiants d’Oran ont
manifesté. Déterminés pour que ça reste pacifique ier, ils
étaient des centaines d’étudiants à observer, dans un premier temps (dès 9
heures), des rassemblements au sein même de leurs enceintes universitaires,
tous en réponse à un appel lancé via les réseaux sociaux, afin de dire non au
5e mandat et également, nous confient certains d’entre eux, pour se démarquer
des organisations estudiantines qui se sont déclarées en faveur de la
continuité. (Le Soir) Vers 11h et ce,
jusqu’à 12h30, des étudiants des neuf facultés de l’Université Djilali-Liabès
de Sidi-Bel-Abbès ont mené une marche pacifique contre le 5e mandat du
Président sortant Abdelaziz Bouteflika. (Le Soir).
Ailleurs, dans d’autres
villes, les étudiants se sont mobilisés. Le Soir du 27.02 leur réserve
plusieurs articles dont voici les titres : Béjaïa : Des milliers
d’étudiants dans la rue. Sétif : Les étudiants disent non au 5e mandat,
Chlef : Près d’un millier d’étudiants ont marché, Blida : Les
étudiants des Universités de Blida et d’El-Affroun ont marché pacifiquement
Dans un message audio (enregistrement
anonyme) on entend une discussion téléphonique entre Abdelmalek Sellal (ex 1°
ministre) et Ali Hadad (patron du CFE) : « Sellal parle de mobiliser
les troupes et veut faire un forcing pour empêcher les autres candidatures. »
Un appel pour un sit-in des
journalistes de Constantine pour le lendemain. J’écris : Vendredi 22 février des dizaines de milliers de citoyens,
hier les étudiants, aujourd’hui des journalistes, demain les avocats.
Après-demain Vendredi 1° mars tout le peuple ? »
Le ministre de
l’Intérieur et le Wali de Djelfa se souviendront longtemps de cette virée….
Les habitants scandent « Dégage! dégage! dégage!… »
Appel à
manifester ce 1 mars de là Fédération Nationale du Secteur de l’Enseignement
Supérieur
« À 19
heures j’ai repris une vidéo « pas très catholique ». C’est en fait une
conversation téléphonique entre deux personnalités importantes du
« milieu » (responsables). Mais qui a enregistré cette communication?
Manipulation? Je l’ai supprimée. » Jeune Afrique 11.10. 2018) écrit : « Suite à l’arrestation de
l’un de ses journalistes, le groupe médiatique Ennahar a porté plainte mardi 9
octobre contre les services de renseignement, et diffusé à l’antenne un enregistrement
compromettant un de leurs responsables. Du jamais vu en Algérie. »
Le général Gaïd Salah tient deux discours
différents, diffusés tous deux à la télé : dans le premier (diffusé à
13h), il adopte un ton menaçant à l’égard des manifestants contre le 5e mandat
du président Bouteflika. Il s’élève contre « ceux qui veulent pousser les
Algériens vers l’inconnu à travers des appels anonyme ». Dans le deuxième
(diffusé à 20 h), il est compréhensif. Il a déclaré que « l’Algérie a payé
un lourd tribut afin de recouvrer sa sécurité et sa stabilité » il a ajouté
qu’il réaffirmait « son engagement personnel à réunir toutes les
conditions favorables au bon déroulement de la prochaine élection
présidentielle dans un climat de quiétude, de sérénité, de sécurité ».
(Madjid Makedhi- El Watan 28.02). On trouve le même constat à Liberté de
la veille : « Après avoir brandi la menace, à peine voilée, à l’égard
des manifestants, le général de corps d’armée, Ahmed Gaïd Salah, semble s’être
rétracté, puisque le passage évoquant les manifestations et diffusé par la
télévision publique, dans son discours tenu hier (26.02) à Tamanrasset, a été
supprimé dans le texte publié sur le site du MDN et de l’APS. (Liberté)
Benjamin Griveaux, porte
parole du gouvernement français déclare : « On a pris note de la
décision du président Bouteflika de se porter candidat à l’élection
présidentielle… On souhaite que cette élection se déroule dans les bonnes
conditions en assurant la transparence de la campagne». Au centre ville de
Annaba, des
avocats ont tenu un rassemblement devant le nouveau tribunal, pour protester
contre le cinquième mandat.
Les Algériens ont été de nouveau appelés
manifester demain à travers l’ensemble du territoire national. Jugé «crucial»
par plusieurs acteurs politiques, le rendez-vous alimente depuis plusieurs
jours les discussions des citoyens. Inévitablement, les «invitations» à sortir
nombreux dans les rues du pays se multiplient sur les réseaux sociaux à la
veille de l’évènement. L’appel, pourtant anonyme cette fois encore, a trouvé
grand écho chez les internautes. Sur Facebook, la mobilisation est de mise
depuis un moment, mais elle semble déjà dépasser l’espace virtuel. (Le Soir)
Des milliers d’étudiants manifestent
pacifiquement à Alger dans les campus et à l’extérieur contre le 5e mandat du
président Abdelaziz Bouteflika. La CGATA (Conf. Générale autonome des
travailleurs en Algérie) appelle à manifester le 1° mars et le PST appelle à
une grève générale pour contraindre le pouvoir à abandonner son projet de 5e
mandat.
Des partis et des forces
politiques de l’opposition rejoignent le mouvement populaire et
soutiennent les manifestations notamment la marche prévue pour ce vendredi 01
mars 2019. Le Front des forces socialistes (FFS) a appelé « ses militants,
ses élus, ses sympathisants et l’ensemble du peuple algérien à participer
massivement et à œuvrer à la préservation du caractère pacifique des
manifestations politiques et populaires ».
Des partis politiques (FFS,
UCP de Zoubida Assoul) rejoignent le mouvement populaire et
appellent à manifester notamment le vendredi 01 mars 2019. Une dizaine de journalistes sont
brièvement détenus après avoir participé à un rassemblement dénonçant les
restrictions de couverture «imposées par (leur) hiérarchie». Plusieurs
personnalités nationales ont signé une «Déclaration au peuple algérien» dans
laquelle elles appellent à participer aux manifestations de demain. Les
signataires, parmi lesquels le Commandant de la Wilaya IV, Lakhdar Bouregaâ,
l’ancien chef de gouvernement Ahmed Benbitour et l’ancien ministre Abdelaziz
Rahabi, saluent le soulèvement populaire pacifique qu’ont connu les villes du
pays vendredi 22 février, et appellent les autorités à cesser «de sous-estimer»
et «d’insulter» le peuple algérien en soutenant la candidature de Abdelaziz
Bouteflika à un 5e mandat.
« Après plusieurs
manifestations contre un cinquième mandat du président de la République,
c’était au tour des étudiants de se mobiliser, hier mardi 26 février. Ils
étaient en effet des milliers d’étudiants à se rassembler devant l’ensemble des
universités d’Alger, ainsi que dans d’autres wilayas, pour protester contre le
cinquième mandat du président de la République.
A Alger, des rassemblements
ont eu lieu à la Fac centrale, l’université de Saïd Hamdine, l’université de
droit de Ben Aknoun, ainsi que l’USTHB de Bab Ezzouar. Outre la contestation
contre le cinquième mandat, les manifestants ont appelé au changement. Au
centre-ville d’Alger où se trouve la faculté centrale, un important dispositif
sécuritaire, mis en place depuis vendredi 22 février, a été renforcé… A Oran,
les étudiants de plusieurs facultés et écoles nationales de la wilaya ont
investi, hier, la rue pour exprimer leur refus du 5e mandat. Les étudiants de
l’Ecole nationale polytechnique d’Oran (ENPO), «Maurice Audin», étaient en
effet les premiers à battre le pavé aux environs de 10h du matin avant d’être
rejoints par leurs camarades du campus Taleb Mourad (ex-IGMO) de l’université
Oran 1, puis par leurs collègues de l’USTO… A Constantine, tous les campus ont
vibré hier aux cris scandés par des milliers de voix, «Non au 5e mandat»… En
fait, depuis quelques jours, un appel à se réunir à 10 heures dans l’ensemble
des universités a été lancé sur les réseaux sociaux, en vue de manifester.
Enfin, Selon une déclaration signée par 29 universitaires et qui a circulé
lundi 25 février, il est clairement souligné que: «Nous devons nous engager à
fournir les moyens politiques qui empêcheront que s’installe le vide qui
permettra la reproduction d’un système politique usé. Notre responsabilité est
de paver le chemin de la société qui trace sa voie vers la liberté et la
justice, qui mettront fin, définitivement, à un système qui a produit violence
et corruption». Les contestations déclenchées depuis le 22 février dernier
réussiront-elles à ébranler un pouvoir ? (Le Quotidien d’Oran)
Jeudi 28 février 2019
Dans le Figaro du 28 février,
Boualem Sansal écrit : « C’était réjouissant de voir les gens sortir
de leur longue et insupportable léthargie et venir, très civilement, rappeler
au pouvoir qu’ils existent et qu’ils veulent vivre. Surpris par leur soudaine
hardiesse et par le silence confus du pouvoir, les manifestants en profitent,
ils parlent, crient, font la fête, ils voient l’avenir s’illuminer devant
eux »
La roue de l’exigence de
liberté était lancée « Jazaïr horra, démocratiya ».
« La France souhaite
que le scrutin du 18 avril se déroule dans de «bonnes conditions en assurant la
transparence de la campagne». Le porte-parole du gouvernement français Benjamin
Griveaux a expliqué, à l’issue d’un conseil de gouvernement, que la France
«souhaite que la présidentielle du 18 avril en Algérie permette de répondre aux
aspirations profondes» de la population algérienne, ajoute Benjamin Griveaux.
«C’est au peuple algérien et à lui seul qu’il revient de choisir ses
dirigeants, de décider de son avenir et cela, dans la paix et la sécurité», a
t-il dit, en réaction aux manifestations populaires qui sont organisées depuis
vendredi dernier… (Le Quotidien d’Oran, jeudi)
« Le mouvement
populaire spontané du 22 février 2019 est salvateur à plus d’un titre. Il
démontre de façon précise que tout ne peut pas s’acheter pour arracher le
silence de la majorité de la population. Le pouvoir s’est de nouveau trompé
dans son aveuglement populiste. Il croyait à tort que la réaction du peuple
dans sa majorité, serait identique à celle de « sa » clientèle domestiquée et
sous tutelle… (M. Mebtoul – Le Quotidien d’Oran)
Le jeudi 28.02 , je poste un
encart sur fond bleu vif et en caractères majuscules : « Un
rendez-vous unique avec l’Histoire : Demain vendredi 1° mars 2019
(ou : ACTE 2), des millions d’Algériens manifesteront pacifiquement dans
toute l’Algérie : les travailleurs de l’éducation, les employés de la
santé, les journalistes, les avocats… tout le monde, les chômeurs, les
commerçants, les étudiants, les femmes au foyer… les associations, les
organisations, les syndicalistes, les joueurs, les supporters. Tous seront
présents pour dire à la « Djemaâ » du Système :
« Dégagez ! » »
Auprès du Relais-presse, je
retire un dictionnaire de Russe commandé chez Rakuten… où je me rendrai
bientôt. Mais avant, j’aurai le temps de manifester à Marseille, à Alger. Les Algériens sortiront, de plus en plus
nombreux, de vendredi en mardi et de mardi en vendredi. Un bout de chemin a été
parcouru. Beaucoup demeure encore devant nous. Patience et persévérance…
C’est décidé, après Marseille
je descendrai à Alger manifester
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Pour plus d’informations sur le Hirak (que j’appelais Révolution de velours), lire sur mon blog :
À propos de la profession de journalisme, de Pierre Bourdieu.
À propos de Bourdieu, de Sayad des amis de l’époque parisienne…quelques souvenirs avec à la clef les interventions du sociologue.
Il y a 18 ans, le 23 janvier 2002 disparaissait à 71 ans Pierre Boudieu, un ami des Algériens. Cet éminent intellectuel (directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études, professeur titulaire de la chaire de sociologie au Collège de France,) était engagé contre le néolibéralisme et la politique socialiste en France. Il était « Pour une gauche de gauche ». Très jeune, il fut assistant à la faculté d’Alger. Ses écrits sont très nombreux, (« Les héritiers », « Le sens commun », « La reproduction », « Raisons pratiques », « La misère du monde »- sous sa dir.-… )
J’ai
eu l’honneur de le rencontrer le 13 mars 1999, grâce à notre cher ami Mouhoub
Naït Maouche, grand militant du FFS. C’est Bourdieu qui est venu vers Da
Mouhoub, et c’est comme ça que nous avons discuté. J’avais été moi-même
« en recherche sociologique » quelques années auparavant avec P. Lantz, A. Kadri et P. Champagne, très
proche de P. Bourdieu. Ce jour-là, nous étions nombreux dans les locaux de
Génériques au 34 rue de Citeaux (Paris 12°) pour un hommage à l’autre ami de P.
Bourdieu, Abdelmalek Sayad dont il disait qu’il était « un des plus grands sociologues de sa
génération », décédé un an auparavant, le 13 mars 1998 : Mouhoub
donc, Mahmoud B., Driss E-Y., Saïd B., des amis de Tamazgha (14°), il me semble
qu’il y avait également Abbès H., Said Ch., Hsen T., Ahmed. D. qui venait
d’éditer « L’Algérie à l’épreuve » … Il y avait à l’époque
effervescence contre l’inique projet de loi d’arabisation, et nous étions à un
mois de l’élection présidentielle algérienne qui s’est révélée tordue. Perso,
j’achevais « Le temps d’un aller simple ».
Pour revenir à notre journée d’aujourd’hui, en souvenir de Pierre Bourdieu, j’offre son cours télévisé du Collège de France – extraits du livre et émission de télé (1) – à tous les commentateurs et animateurs (télé et presse écrite) plongés ou non dans une « logique d’autorenforcement permanent… à ceux qui voient le monde à partir de leurs seules catégories, de leur seule propre histoire, de leur propre carrière » et qui ne souhaitent pas (continuer à) « penser dans la vitesse ». « Ces deux cours télévisés du Collège de France, présentent, sous une forme claire et synthétique, les acquis de la recherche sur la télévision. Le premier démonte les mécanismes de la censure invisible qui s’exerce sur le petit écran et livre quelques-uns des secrets de fabrication de ces artefacts que sont les images et les discours de télévision. Le second explique comment la télévision, qui domine le monde du journalisme, a profondément altéré le fonctionnement d’univers aussi différents que ceux de l’art, de la littérature, de la philosophie ou de la politique, et même de la justice et de la science ; cela en y introduisant la logique de l’audimat, c’est-à-dire de la soumission démagogique aux exigences du plébiscite commercial.» (in homme-moderne.org).
Ces interventions ont été transcrites (et retravaillées) pour donner ce livre intitulé « Sur la télévision ». Pierre Bourdieu y décortique donc « le système télévision » pas très sain que l’on peut globalement calquer, sans difficulté, sur les médias en général. Il faut aussi lire « Les nouveaux chiens de garde » de Serge Halimi. Cela est valable en France, mais aussi en d’autres environnements, comme par exemple en Algérie où dans le même milieu (celui des médias, pas que la télé), en plus de ce qu’a révélé Pierre Bourdieu pour les médias en France, l’unique ou le quasi unique critère de visibilité est la proximité. Plus qu’un « réseau ». Ça tourne en rond, entre potes, « je t’introduis chez flen, tu m’invites chez felten », où le bousni wen boussek est si répandu que la vulgarité en rougit.
——–
1 – Sur la télévision, ed Liber/ Raisons
d’agir, 1996 et Sur la télévision, télévision Paris Première, mai 1996. Transcriptions
d’interventions de Pierre Bourdieu au Collège de France.
Comme de l’eau claire, comme des ombres, les certitudes que vous avez faites vôtres dans les années 90, et que vous n’avez de cesse de répéter, vous collent au corps et à l’esprit, vous aveuglent toujours. Pourtant, ceux qui menaient d’une main de fer et de sang le pays (pas que « le clan Bouteflika », « le régime Bouteflika », il faut arrêter avec ces autres mensonges) et qui récusaient tout questionnement sur leurs méfaits et turpitudes, ceux auxquels vous et vos semblables avez prêté vos plumes et vos bras (merci WikiLeaks), ceux qui (au cœur même de vos rédactions) vous encourageaient dans vos écrits tout en vous mettant vivement en garde, sous peine de sanction financière ou autre, d’évoquer les disparitions forcées, d’évoquer l’implication indirecte ou directe d’éléments de « la Sécurité » dans les crimes contre les civils, ceux qui étaient prêts à « éradiquer trois millions d’Algériens » (et qui ont été dénoncés de l’intérieur même de l’Armée), ceux qui liquidèrent sous vos applaudissements les journaux qui posaient ces questions qui vous empêchaient/empêchent de dormir, ceux-là (les vivants) sont en fuite ou croupissent en prison pour des faits divers très graves, tous ces généraux, vous savez ? Vous vous souvenez, c’était l’époque où d’aucuns (soutenus ceux-là par une autre aile du vrai régime) proposaient de débarrasser l’Algérie de tous ses islamistes et de leur réserver un Bantoustan (à nos nouvelles frontières). Mais qu’est-ce que ces certitudes, ces vérités ?
Je ne vous donne qu’un exemple : parmi les vérités et certitudes qui sont les vôtres, il y la terreur qui a sévi durant les années 90 dont vous (et vos semblables) serinez qu’elle était du seul fait du « terrorisme islamiste », loin, très loin de « Rab Dzaïr ». Votre jugement est fait, peu vous chaut le Droit. Poser la question relevait et relève encore du blasphème (si vous me permettez). S’interroger sur qui tuait dans les années 90 signifiait (menaces à l’appui) et signifie encore, pour vous et vos semblables, être complice des assassins que sont les islamistes (ceux-là mêmes qui manifestent aujourd’hui à vos côtés dans le Hirak), poser des questions c’est par conséquent les dédouaner. Vous êtes expéditif, je traduis : « il n’y a pas question qui vaille ». C’est limpide et la chose entendue. Et vous êtes – bien évidemment – républicain démocrate, pour les libertés, pour une Algérie libre, et pour des institutions fondées sur le Droit.
Mais tout cela vous le savez, c’est pourquoi vous êtes intellectuellement malhonnête. Vous n’êtes pas crédible, pas sérieux. Vous n’êtes pas journaliste, mais un scribe, un secrétaire idéologique. Vous mentez lorsque vous écrivez entre autres que « les “qui tue qui” (ont) politiquement disculpé (le) terrorisme islamiste. » (Liberté, 20 janvier 2020) Quant à nous, nous les « qui-tue-quistes », « les Droitsdel’hommistes » comme vous et vos semblables nous désignez pour vulgairement nous diminuer, pensez donc ! nous continuerons de poser inlassablement aux côtés entre autres des mères de Mai encore en vie, ces mères-courage de la place du 1° Mai, ces mêmes questions qui fâchent les radicaux dont vous êtes. Des questions simples : « Où sont passés nos enfants ? Qui a ordonné ou exécuté les disparitions forcées, avec quelles complicités ? Qui a fait quoi durant la décennie de terreur ? Qui a tué ?… » Nous continuerons de poser ces questions simples jusqu’à ce que Justice se fasse, sous les yeux de tous les Algériens, dans le respect du Droit. Dans une Algérie horra réellement démocratique débarrassée pacifiquement, Silmiya, silmiya…, du Pouvoir des généraux.
Ahmed Hanifi.
1_ à la suite d’un article du quotidien Liberté d’hier 20 janvier, intitulé « Islamisme et révolution démocratique », signé Hammouche Mustapha.
L’article de Kamel Daoud « Algérie, la révolution perdue » (« Où en est le rêve algérien ? ») parut dans l’hebdomadaire Le Point, n° 2472 du jeudi 9 janvier 2020 commence à faire couler beaucoup d’encre. Kamel Daoud ne laisse jamais indifférent. C’est une force à mettre à son profit. J’ai lu sur les réseaux sociaux des commentaires réprobateurs, voire injurieux plus contre la personne de l’auteur qu’à l’endroit de son analyse. Cette volée de bois vert, actuelle et à venir, il l’a anticipé dans son article. Aucun utilisateur de ces réseaux de l’Internet (Facebook, Twitter) ne propose le texte de Kamel Daoud, ou un lien renvoyant à son texte complet, pour que le lecteur puisse se faire une idée de ce dont il est question. Je peux parier que les commentaires des uns alimentent ceux des autres sans que ni les uns ni les autres n’aient eu à lire entièrement l’article de Kamel Daoud. De quoi s’agit-il ? Le journaliste-écrivain propose une analyse à la lumière des événements qui marquèrent l’Algérie durant l’année 2019 jusqu’à nos jours. Cet article je vous le propose dans sa totalité, ci-dessous, à la suite de mon propre texte. Kamel Daoud le développe autour, notamment, du postulat suivant développé au cœur du texte : « le contrôle de la ruralité est la clef du pouvoir », et l’élection ayant eu lieu, le hirak a perdu.
L’article
du journaliste-écrivain est ainsi présenté en Une de l’hebdomadaire :
« Algérie, la révolution perdue ». À l’intérieur, le texte de 19500
caractères (pages 99 à104), est titré « Où en est le rêve
algérien ? » Il s’articule
autour d’une introduction et de cinq chapitres.
D’emblée
(« à l’entame » écriraient des imitateurs) l’auteur met en avant
l’exploitation par le pouvoir de la mort du général Gaïd Salah (« présenté
comme le protecteur, le ‘‘père’’ perdu du soulèvement contre Bouteflika »)
et de « l’émotion nationale sincère » à travers les canaux officiels
et privés. Par l’image, notamment celle de l’enterrement « réussi »
du général qu’envieraient même les généraux morts, le « nouveau
régime » a vaincu la révolution « miraculeuse ». Mais comment en
est-on arrivé à cela ?
Il a
fallu d’abord mettre en place une réalité virtuelle d’une vraie guerre contre
l’ennemi d’hier et d’aujourd’hui, l’ennemi de toujours visé par le
pouvoir : la France. La télévision officielle abreuve d’images et de
commentaires nationalistes à donner des frissons à tout pacifiste,
internationaliste ou non. Kamel Daoud évoque des « banderoles
antifrançaises qui fleurissent partout ». On nous propose de plonger dans
un « délire bouffon » dans une « guerre chimérique » contre
la France qui mettent en relief une triste réalité : « l’Algérie ne
sait vivre une union sacrée, une émotion vive, que dans l’adversité, l’épopée
de la guerre de libération. » Un « remake fou » est proposé avec
le même adversaire qu’on accuse de tous les maux 60 ans après l’indépendance.
Soixante ans après. Deux générations. Il a fallu la moitié de ce temps à
d’autres pays (sociétés) plus arriérés que l’Algérie pour basculer d’un monde
des ténèbres à un autre démocratique beaucoup plus ouvert sur le monde, bien
qu’avec ses hauts et ses bas.
Dans
un autre chapitre, Kamel Daoud explique que le régime a usé de « vieilles
douleurs et vieilles batailles » que sont les divisions linguistiques,
ethniques, régionalistes… « le piège fonctionna ». En poussant à la
radicalité le hirak et en usant de la répression. Il a su « pousser à une
équation algérienne », segment de phrase dont je n’ai saisi le sens
qu’avec la suite de l’article. On avait d’un côté des manifestants
« piégés dans les grands centres urbains » et de l’autre une
« offre de solution avec la présidentielle ». Kamel Daoud semble
signifier que les manifestations importantes n’ont pas ou peu eu lieu à la
périphérie ou loin des « grands centres urbains ». Ce qui n’est pas
exact. Dans l’Algérie profonde, l’Algérie rurale, les Algériens « feront un
choix pragmatique » au profit de la sécurité, mais au détriment de la
démocratie.
Le
vocabulaire utilisé dans les médias et les réseaux sociaux, que ce soit les
alliés du régime ou « même dans la bouche des démocrates et laïques,
binationaux ou modernistes » est binaire. Pas de quartier. Sont convoquées
les figures du traître, du moudjahid, du colon, de l’Occident, des martyrs… Il
y a « incapacité à dépasser un traumatisme d’une guerre dont le souvenir
est devenu une identité en soi. ».
Kamel
Daoud revient plus loin sur cette problématique, ce lien au passé qui ne passe
pas, ce nœud oedipien qu’il faudrait pour le couper faire appel, peut-être, à
l’éminent neuropsychiatre Boris Cyrulnik et autre non moins virtuose du verbe,
Boualem Sansal, pour proposer un remède, un antidote ? Qui sait…
À
ces jeux-là, c’est le régime qui est sorti vainqueur,
« provisoirement » précise l’auteur. Et par conséquent le hirak a
perdu, « provisoirement ».
Cette
victoire du régime fut possible grâce au « contrôle de la ruralité qui est
la clef du pouvoir ». C’est ce qu’a commencé à entreprendre Rachid Nekkaz
(un « faux héros », un « amuseur ») qui avait « cette
idée révolutionnaire » d’aller vers l’Algérie profonde, mais qui n’a pas
réussi car harcelé, arrêté, emprisonné par un régime qu’il a réussi à mettre
« en rage ». Algérie rurale « que les élites urbaines
algériennes opposantes ont négligée ». Nekkaz a saisi que « l’Algérie
n’est ni la place Audin ni la Grande poste ».
Les
Algérois sont incapables de sortir de la capitale et de reconnaître un autre
leadership. Alger, écrit Kamel Daoud « souffre d’un nombrilisme qui
déteint sur les contestataires » qui nous fait confondre Alger et la
ruralité où – selon la presse étrangère – on s’est abstenu de vote comme dans
la capitale. Sauf que les contestataires se trouvent aussi bien dans les
grandes villes que dans la périphérie. Le nombrilisme se trouve ainsi dilué à
travers les territoires autres que ceux des grandes villes. Il y a là comme un
hiatus. Autre problème, la question de l’importance que semble accorder le journaliste
écrivain à la ruralité au point que sa maîtrise soit « la clef du
pouvoir » comme précisé plus haut. Or, selon une étude du ministère de l’Agriculture
et du Développement rural, la population rurale chute de six points à chacune
des dernières décades. Elle s’élèverait par conséquent à 30% aujourd’hui. C’est
beaucoup, mais pas au point de révolutionner une réalité nationale dans
laquelle elle est partie prise et partie prenante. D’autant plus que sa
jeunesse (plus de 55% des ruraux ont moins de 30 ans) est aussi connectée sur
les réseaux, et l’Internet plus généralement, que le reste des Algériens. Hors
d’Alger écrit Kamel Daoud « des Algériens (notez l’article indéfini) ont
voté dans le calme… ils n’étaient pas tous des militaires déguisés ». La
ruralité fut perdue par le hirak, dès juin lorsque les ruraux « qui ne
comprenaient pas ce que voulait la capitale », se demandaient pourquoi
l’on continuait de manifester alors que « Bouteflika était démis et son
gang mis en prison ». « Une révolution, c’est deux ou trois mots… si elle devient des
phrases, elle est déjà perdue » disait à Kamel Daoud un de ses amis.
Comment pouvaient-ils, pôvres
bougres, comprendre cette révolution et la faire leur ? Je vois là une
forme de condescendance et d’arrogance indécentes. Je n’ai peut-être pas
compris. Je l’espère.
Ce
qui a manqué au hirak c’est un leadership qui aurait permis d’éviter les
dérapages (exemple des « chibanis insultés et hués » devant les
bureaux de vote en France. L’organisation du hirak aurait empêché la
« folklorisation idiote du mouvement… folklorisation par le selfie ».
Manifester dans la joie et la bonne humeur, sans être obligé de faire la gueule
(pardon) avec des fleurs, des sourires et des calicots rigolos, voire
succulents de jeux de mots, s’il s’agit de cela, ce n’est pas de mon point de
vue de la folklorisation. C’est au contraire une force. Néanmoins la faiblesse
du mouvement est, je le partage avec l’auteur, son absence d’organisation.
Les
journaux algériens, qu’ils soient « prorégime » ou
« démocrates » n’ont pas été à la hauteur, écrit Kamel Daoud. Les
premiers « zélés dans le déni de la contestation », les seconds
« militants » qui se laissaient aller à des envolées comme écrire
qu’il y avait « ‘‘une marée humaine hier…’’ là où l’auteur ne vit que des
centaines de manifestants. » Oui la presse « démocrate » fut
aussi dans le militantisme y compris dans le choix des mots comme l’utilisation
redondante de « insurrection » pour dire manifestations, ou
révolution pacifiste ou mouvement, et en faisant abstraction des slogans
islamistes, peu nombreux, mais bien réels, dans les manifestations. J’ai relevé
par ailleurs une forme d’arrogance chez certains journalistes, imbus de leur
personne, qui ne répondent que rarement aux questions des
« connectés » par exemple, ou qui s’autocongratulent puérilement, qui
refusent toute critique ou même de banals échanges. J’écris bien
« certains » chez les anciens surtout, nationalistes obtus, ceux qui
ont « fait » le parti unique les yeux et la bouche dans les poches et
qui aujourd’hui donnent des leçons de démocratie. Mais c’est là une autre
histoire.)
Le
hirak avait « réussi » (réussi ?) à faire basculer sa victoire
dans l’impasse …, écrit Kamel Daoud, et le régime avait su (pourquoi ce
plus-que-parfait ?) transformer sa défaite en épopée ». Le régime avait
donc été défait. S’agit-il du « régime de Bouteflika » ?
probablement puisque Kamel Daoud évoque en introduction « un nouveau
régime » à propos du pouvoir actuel depuis juin. Il est inexact de mon
point de vue de parler ici de régimes différents.
Kamel
Daoud, qui n’est pas à sa première « sortie » anticipe les critiques
violentes à « ce papier » de l’hebdomadaire français comme je l’ai
rappelé en début de texte : « les bilans d’étape sont perçus comme
les signes de la contre-révolution et la réflexion sur un échec provisoire sont
les ‘‘preuves’’ d’un ralliement au régime. » Telles ne sont pas mes
observations. Ce serait ridicule, injuste et trop aisé. Osons écrire que la lutte pour une Algérie
libre et démocratique, respectueuse des libertés individuelles et collectives,
des Droits fondamentaux de l’Homme, cette lutte continue et que d’autres
bilans, d’autres réflexions viendront de part et d’autre jusqu’à révéler que
l’horizon s’éclaircit enfin. Et puis « nul ne jette de pierres sur un
arbre dépourvu de fleurs. »
Comment le soulèvement populaire du 22 février 2019 a-t-il pu
échouer ?
L’écrivain tente de comprendre en revisitant l’année écoulée.
Vingt-trois
décembre 2019. Près du Palais du peuple à Alger, les télévisions du pays
insistent sur le défilé de milliers d’Algériens dans les rues. Pour une fois,
la foule ne « marche » pas contre un régime, mais pour jeter un « dernier
regard » sur la dépouille du général Gaïd Salah, mort il y a quelques
jours. Effet de loupe sur les sanglots et les hommages au « Sauveur »,
oraisons, salut militaire maladroitement imité par des civils en pleurs, poésie
patriotique et serments de fidélité. La mort inattendue du général est montrée
comme l’émotion nationale, sincère souvent, que le régime a su faire fructifier
face a une opposition de rue, tenace, mais dont la légitimité s’érode faute de
lucidité politique. Cette armée algérienne reste un mythe fondateur en Algérie
avec une mystique de protection, de propriété, d’arbitre ultime. Née avant le
pays avec la guerre d’indépendance, elle convoque souvent ce droit d’aînesse
malgré les contestations. En octobre 1988, elle n’avait pas hésité à tirer sur
la foule, faisant des centaines de morts. En 1992, elle annule des élections et
s’engage dans une guerre civile avec des centaines de milliers de morts. En
2019, elle s’en est sortie avec le prestige dopé d’une gardienne de la
République, saluée par une partie de la population. « L’armée a accompagné le soulèvement sans faire couler une seule
goutte de sang » a été l’argument répété des jours durant, avec
fierté, par ceux qui comparent légitimement les printemps arabes et leurs crashs.
Un constat difficilement contestable, mais à usage biaisé. Du coup, l’enterrement
du général offre, en climax de dix mois de tension, l’émotion manquante pour
souder un nouveau consensus politique qui, après la présidentielle du 12
décembre, veut contourner la contestation.
Mais
comment est-on arrivé à cette victoire par les images sur une révolution
miraculeuse ? Pour faire basculer l’opinion en sa faveur, réussir un enterrement
digne d’un chef d’État pour son général suprême – que les généraux (emprisonnés,
exilés ou décédés) des années 1990 doivent jalouser –, le nouveau régime a dû
travailler au corps l’opinion et la contestation, s’offrant même les artifices
d’une nouvelle épopée messianique. Quelques clefs pour mieux comprendre.
La décolonisation réinventée
Étrange
atmosphère algérienne depuis des mois : la propagande du régime, mais
autant la férocité des réseaux sociaux, et une partie de la population sensible
à la théorie du complot et au souvenir puissamment entretenu de la colonisation,
ont imposé la réalité virtuelle d’une vraie guerre imaginaire contre la France.
Généraux filmés scrutant les frontières avec des jumelles, arrestations d’ « agents » supposés, intox sur
un complot international et la « main étrangère », films, trolls,
procès et diffamations, tout est bon pour faire revivre l’épopée sclérosée de
la guerre d’indépendance contre l’ex puissance coloniale. Surprenant spectacle
pour celui qui ne connaît pas la primauté de la mémoire sur le réel en Algérie,
les banderoles anti-françaises fleurissent partout. Autant que les tags qui
dénoncent la mainmise de la colonisation sur les richesses locales qui pourtant
ont largement profité à des pays tiers comme la Chine, cliente des Bouteflika.
Dans la fougue de cette guerre de libération fantasmée, on efface même les
enseignes en français sur les devantures, on impose l’arabe et l’anglais, les
logos des chaînes de télévision ne s’affichent plus en français et le « grand
remplacement linguistique » du français par l’anglais est annoncé par l’un
des candidats, Bengrina (islamiste),
comme priorité de sa première semaine après la victoire. Ce n’est pas seulement
un argument de campagne repris par tous après la décision du ministre de l’Enseignement
supérieur de lancer une croisade contre le français comme langue d’impuissance
selon lui, mais un véritable délire collectif. Le nouveau président, Abdelmadjid
Tebboune, n’a pas échappé aux critiques virulentes lorsqu’on le surprit à
parler en français lors de sa première sortie publique. Dans le jeu de se
remake fou, la France est accusée de tous les maux : complicité avec
l’ancien régime des Bouteflika, prédation du gaz « gratuit »,
barbouzeries, entreprises d’effacement de l’identité nationale, contrôle des
écoles pour détruire l’âme algérienne… L’ambassade de France a dépensé beaucoup
de son temps à démentir les infox, mais elles sont intarissables. Les journaux
islamistes comme Echourouk, publient
quotidiennement un article sur la « dé-francisation de l’école »
qui, elle, n’enseigne qu’en arabe depuis vingt ans ! À huis clos, loin des
comptes rendus « clubbing » des médias étrangers, le pays vit un
remake fantasmé de la guerre de libération et mène bataille contre une France
zombie. Le pays d’en face, fantôme mémoriel, parti depuis si longtemps, laisse
un vide de casting et qu’on investit de toutes les fables paranoïaques. Ce
délire, même bouffon, laisse deviner cependant l’essentiel : l’Algérie ne
sait vivre une union sacrée, une émotion vive, que dans l’adversité, l’épopée
de la guerre de libération. La guerre a été son moment historique de ferveur et
le seul moyen de redevenir uni, c’est de refaire la guerre et donc de la
refaire à la France. L’Hexagone est le pays qui incarne, pour son malheur,
l’Autre pour les Algériens et leur lien difficile et tourmenté à l’altérité.
Guérir ce lien équivaut à soigner le rapport avec le reste du monde, mais on ne
le veut pas. Car que faire si on ne refait pas la guerre ?
Le
28 novembre 2019, cette guerre chimérique a pris des accents de fièvre nationale
avec le vote symbolique d’une résolution du Parlement de l’Union européenne
condamnant les atteintes aux libertés en Algérie. Ce fut même une aubaine pour
le régime et les conservateurs qui déclenchèrent, immédiatement, une véritable
campagne contre le « complot
occidental ». On vit défiler dans le pays profond des milliers de
personnes contre la… France et son « protectorat », dénonçant Emmanuel
Macron et la France, la néocolonisation, l’invasion imminente… les échanges sur
les réseaux, faute de sérénité pour débattre, se font désormais sur le mode
binaire : vous êtes un « rejeton
de la France » ou l’ « enfant
d’Ibn Badis », un théologien au
patriotisme pourtant tiède de l’époque coloniale et qui aujourd’hui, longtemps
après sa mort, se retrouve investi de la paternité rétrospective de la guerre
de libération du 1er novembre 1954.
« Novembriste Badissiste » (en référence à novembre et au
théologien) est devenu le sigle informel d’une partie des élites arabophones, conservatrices,
islamistes. Le révisionnisme islamiste du récit de la décolonisation avait été
entamé il y a des années, mais il trouvera là son triomphe : désormais, la
décolonisation est présentée comme un djihad, une guerre sainte, pas une guerre
laïque. Sa déclinaison contemporaine serait une autre guerre contre les
laïques, les modernistes, les zouaves (recrues de l’armée coloniale, supplétifs
locaux), Kabyles, antirégime. Cette bipolarisation, travaillée, de la société algérienne est désormais plus
marquante que celle que la presse étrangère, paresseuse, voit entre régime et protestataires de la rue, les
« hirakistes ».
Le souvenir est l’avenir
Captant
les résistances conservatrices de l’Algérie rurale, rejouant la scène hypermnésique
de la guerre de libération, s’appuyant sur des médias islamistes sinon clients
de la rente, le régime a su pousser, peu à peu, en radicalisant la révolte et
avec l’usage de la répression, à une équation algérienne qui lui sera favorable
après dix mois de contestation. D’un côté, des protestataires passionnés, admirables,
mais piégés dans les grands centres urbains et, de l’autre, une offre de « solution »
avec une élection présidentielle qui pare le vide, l’instabilité et donc le
cauchemar à la libyenne. Épuisés et sans
visibilité sur l’avenir, beaucoup, dans l’Algérie profonde, feront le choix
pragmatique entre la démocratie et la sécurité. Le 12 décembre 2019, un nouveau
président est finalement élu malgré les appels au boycott : Tebboune, un
cadre du système depuis toujours, mais qui gagne malgré la participation
réservée. On expliquera son succès par son caractère d’outsider face à des
candidats qui ont tous le malheur d’avoir été associés à un… parti politique.
Le régime gagne avec la formule d’une présidentielle contrôlée, ouverte sur un
choix de candidats déjà restreint à une pluralité politiquement correcte. Il y
a deux ans, l’élu avait été disgracié et lynché par les télévisions du régime
parce qu’il s’était opposé au clan au pouvoir. Aujourd’hui, il revient en
sauveur, acclamé. Lors de sa première conférence de presse, réagissant à une
question sur Macron qui « avait pris
note du résultat », il lancera un « je
ne lui répondrai pas ! » sous les ovations des présents. Tebboune
avait compris l’avenir que se réserve encore le passé en Algérie.
L’obsession
française et la guerre virtuelle au Maroc semblent avoir encore de beaux jours
à vivre.
Comment
expliquer la puissance de ce délire, surtout auprès des jeunes ? Peut-être
par le mythe de l’union, encore une fois. Mise à part cette fausse guerre à la
France qui donne un sens surréaliste de vieux vétérans aux plus jeunes
justement, l’Algérie ne semble pas pouvoir imaginer un nouveau consensus fondé
sur la pluralité, la multiculturalité et les différences. Le jour des
élections, un étranger aurait été surpris par le ton et les mots employés pour
lever les enthousiasmes dans les médias du régime et dans les échanges sur les
réseaux : les formules verbales d’un engagement armé. D’ailleurs, on
convoque encore en Algérie, pour débattre, les figures du « traître »,
harkis, invasion, menaces, juste pour
parler… d’élections. L’ennemi, dans une métaphore favorite, vient toujours « d’outre-mer »,
alias la France et l’Occident. Même dans la bouche des démocrates et laïques, binationaux
ou modernistes, cette habitude du procès en mode justice martiale est
prégnante. Au plus obscur, on retrouve auprès du régime comme auprès de ses
opposants cette envie de rejouer, absurdement, le martyr, le colon, le
moudjahid, le maquis et l’oppresseur. Ténébreuse incapacité à dépasser un traumatisme ancien, reconduit en
figurations creuses contemporaines. On s’étonnera de voir des vidéos sur la
guerre le jour d’une élection présidentielle, autant que de lire sur les murs
d’un village oranais, un poème se concluant par « Nous ne serons jamais Français » écrit en 2019 comme
s’il s’agissait d’un référendum d’autodétermination en 1962 !
Le régime
a-t-il gagné ?
Oui,
provisoirement. C’est aussi conclure que la contestation a perdu,
provisoirement. Comment alors un mouvement d’une telle ampleur, soudé par un
souci aussi transcendant de pacifisme, a-t-il pu échouer ? Pour envisager
une réponse, il faut remonter à la veille du 22 février. Depuis plusieurs
semaines, un personnage franco-algérien, agitateur en one men show, né des
réseaux sociaux et des facilités que permet Internet, parcourt les villages et
les petites villes algériennes. Rachid Nekkaz, auto parachuté opposant en
Algérie après des déboires en France, s’invente un destin à la Gandhi à la
rencontre des jeunes Algériens désemparés, oubliés, et sans possibilité de
convertir le sport de l’émeute (des milliers par an, selon les statistiques) en
contestation politique. L’étrangeté du rite est que Nekkaz n’a aucun discours,
pas de programme et aucun passé militant. Juste une veste, un smartphone et…
l’idée, révolutionnaire en soi, d’aller vers l’Algérie rurale, rencontrer les
jeunes de la décennie Internet, écrasés par les vétérans de la guerre de
libération, gérontocratiques et infanticides. C’est, au contraire, la foule qui
« parle » lors de ses meetings sauvages. Le personnage met en rage le
régime. On tente partout de l’arrêter, on s’y harasse, en vain. Le régime se
rappelait brusquement cet enjeu que les élites urbaines algériennes opposantes
ont négligé : le contrôle de la ruralité est la clef du pouvoir en
Algérie. Nekkaz fait ce porte-à-porte qui coupe l’herbe sous le pied du vieux
FLN, appareil du régime, et recrute ces Algériens du pays profond qui votent « bien »
et que les intellectuels délaissent. Nekkaz sera harcelé, accusé d’ « atteinte
à l’unité nationale » et d’« incitation à attroupement armé »,
puis arrêté la veille de l’élection du 12 décembre. Le verdict possible est une
quinzaine d’années de prison. La menace de cet amuseur n’était pas une
plaisanterie pour un régime maître en l’art du cloisonnement linguistique, urbain/rural, ethnique ou autres.
Alger
souffre en effet d’un nombrilisme qui déteint souvent sur les contestataires.
On y croit ce que les journalistes étrangers perpétuent eux aussi, qu’Alger
c’est l’Algérie. On le verra le 12 décembre. Il suffisait d’ habiter d’autres
villes pour suivre, avec surprise, des
comptes rendus de presse internationale mettant en avant l’abstention absolue,
le refus de vote massif, juste par confusion entre la capitale et le pays. Hors
d’Alger, des Algériens ont voté dans le calme et sans scène de violence.
L’abstention était palpable, mais les votants n’étaient pas tous des « militaires
déguisés » ou des illusions de propagande. Avoir voté est un choix, un conditionnement,
une liberté, mais surtout une réalité. La ruralité a été perdue par la
contestation dès juin, et c’est un constat que les Algérois refusent, souvent avec
agressivité. Incapables de sortir de la capitale, d’imaginer un leadership
décentralisé une contestation qui reconnaît au monde rural la paternité de la
révolution. Cette myopie trompera lourdement les médias étrangers et les
analystes sous influence de militants locaux, ou eux-mêmes correspondants
militants non déclarés. Une ceinture de militants-témoins habituels, l’effet de
foule sur place, et un accès difficile au pays consacreront cette illusion.
La réalité est que Nekkaz, faux héros de ce soulèvement, a saisi que
l’Algérie n’est pas la place Maurice Audin, ni les escaliers de la grande
poste, et que l’urbain était un ghetto
politique. Secoué, le régime a repris la main dans le pays profond et a
offert une formule plus lisible pour la ruralité : je propose une
élection, la stabilité et la protection contre le complot étranger.
L’opposition s’est enfoncée dans les luttes intestines, le « dégagisme »
et l’illisibilité. Les villages, pour oser la formule, ne comprenaient plus ce
que voulait la capitale. « Une
révolution, c’est deux ou trois mots »,
me disait un ami, immense chroniqueur des années 90, si elle devient des phrases, elle est déjà perdue » la
sentence reste vraie. Dans les villages, dès juin, la fenêtre se refermait sur
un constat refusé par les plus radicaux à Alger ou Paris : l’Algérie
profonde ne comprenait pas ce que la contestation exigeait puisque Bouteflika était
demis, son gang en prison. La solidarité envers les prisonniers politiques en
partie relâchés récemment, très nombreux dans les geôles, n’était même plus un devoir national
pour certains qui justifiaient la répression par la nécessité de l’ordre. Pis, l’ultracentralisme
du régime a provoqué un ultranarcissisme inconscient chez certains militants de
la rue algéroise, déclassant la passion sincère et le sacrifice de beaucoup.
C’est peut-être même par un constat simple qu’on peut analyser l’échec actuel :
la transformation de la révolution en politique a été rejetée et l’idée d’une
transition négociée a été confondue avec le souvenir douloureux de la trahison.
On aboutit, comme le concluent certains Algériens, à la figure du
« révolté assisté », c’est à
dire qui a besoin, sans se l’avouer, que le régime reste, comme pour mieux
vivre indéfiniment l’épopée de la lutte. Une conclusion majoritairement injuste,
mais que le refus de toute issue politique pour le mouvement conforte aux yeux
d’une partie de l’opinion.
La
révolution n’a pas gagné notamment à cause de ce « dégagisme » incapable
de penser la négociation avec un régime qui tient encore l’essentiel des leviers : la rente pétrolière,
l’armée, les armes, les moyens de répression et l’assentiment international d’États
voisins ou partenaires, refroidis par les révolutions des foules. Entre le
régime et les contestataires se jouait, en sourdine, une lutte de survie qui allait
se solder, de manière stérile, par
l’infanticide ou le parricide.
D’autres pistes
Juin
2019 : un journal américain publie une analyse fine sur le cas algérien.
L’auteur note que l’armée n’a pas tiré sur la foule pour deux raisons : la
contestation n’était ni islamiste ni kabyle. Difficile de la criminaliser comme
d’habitude. Le régime le comprit vite et sut surmonter cette union adverse en
divisant à tout-va. Juin, déjà… on décréta illégal le port de l’emblème
amazigh, qui ne gênait personne depuis
des mois, affirmation d’une région martyrisée et porteuse d’une fronde et d’un
capital identitaire réprimé dans le sang. Le piège fonctionna parfaitement
puisque la contestation répondit par une exhibition d’emblèmes plus massive.
Suivra la séquence calculée : arrestation, condamnation à des peines de
prison lourdes et déplacements de la revendication et sa régionalisation. Les uns
se retrouvèrent à marcher pour libérer des prisonniers, les autres se firent convaincre, par la télévision, par
Internet et par les réseaux sociaux, de complot de division dans un pays qui
vit l’union et l’unanimisme comme une sécurité presque ultime. Le régime opéra,
après la reprise en main de la ruralité, à la division dite
« identitaire ». Quelques mois plus tard, on se retrouva même avec
des flashs sur des arrestations de « comploteurs scissionnistes
kabyles », à parler d’infiltration. Le régime recourra, en escarmouches
d’appui, aux vieilles douleurs et vieilles batailles : francophones
traîtres, arabophones authentiques, musulmans/laïcs, Kabyles/Arabes… au fil des
semaines, la contestation perdait du terrain en perdant l’image d’un mouvement
transcendant, national, uni. L’union changeait de camp, en quelque sorte. Elle
se créait, par abus, par propagande et
par convictions sincères, entre armée/peuple, plutôt qu’entre
peuple/contestation. Le révolutionnaire avait son portrait défavorable :
Kabyle, mais pas seulement, traître, francophile, manipulé et anti musulman, venu
« d’ailleurs » et détestant « l’armée
algérienne qui nous protège ». Par contraste, l’opposant au
« Hirak » se dressait le portrait contraire : protecteur,
nationaliste, soucieux de l’intérêt de tous, musulman, antifrançais et
respectant l’affiliation et le lien avec les martyrs.
« Le Désert des Tartares » et la
Némésis
La
première semaine de décembre 2019, cette guerre d’images connut un
virage : on vit, en France, des chibanis,
personnes âgées, insultés et hués à l’entrée des bureaux de vote. Une aubaine
pour présenter les révoltés comme des « gens
incapables de respecter la liberté des autres ». Le manque de
leadership pour le « Hirak » se fit ressentir là aussi comme un désastre.
Il aurait pu empêcher ces tristes dérives et surtout la folklorisation idiote
du mouvement par certains. Dans la presse, on avait déjà ce choix malsain entre des journaux prorégime, zélés
dans le déni de la contestation, et une presse démocrate cédant au militantisme
qui lui fit écrire « une marée
humaine hier à… » là où l’auteur ne vit que des centaines de
manifestants. Les voix politiques raisonnables étaient ignorées.
Coupé
de possibilité d’extension vers la ruralité, régionalisé, sans relais
médiatiques puissants, acculé à la radicalité et trompé par le virtuel de
Facebook, le mouvement perdait du terrain alors que sa revendication d’une
Algérie libre démocratique et ouverte à tous, était le rêve de tous. Le régime
avait su transformer sa défaite en épopée, et la contestation avait réussi à
faire basculer sa victoire dans l’impasse.
Le
constat est dur, provisoire certes, fait rager les radicaux sur les réseaux
sociaux. D’ailleurs, un effet collatéral de la radicalité fait que toute
analyse non militante est violemment refusée. Les bilans d’étape sont perçus
comme les signes de la contre-révolution et la réflexion sur un échec
provisoire sont les « preuves » d’un ralliement au régime. Sans généraliser,
on peut expliquer ce déni comme la source de l’aveuglement, concomitant, sur la
montée vigoureuse du néo-islamisme qui propose déjà à l’armée d’être son bras
politique, alléché par la perspective de prise de contrôle économique et politique
du pays. Pour l’élection du 12 décembre, on vit sans étonnement les salafistes
et les anciens de l’armée islamique appeler à voter, massivement. Pour eux, un
régime conservateur est moins nocif qu’une démocratie moderniste.
Impasse
provisoire cependant. Une négociation muette est à l’œuvre, entre un président
faible qui doit construire son pouvoir face au vide radical de la
« rue », mais aussi face aux tuteurs militaires, aux vétérans et aux
conservateurs rentiers derrière son dos. C’est-à-dire entre un régime qui sait
qu’il est mortel malgré ses dénégations et une contestation qui a déjà signé
l’irréversibilité de la dictature, malgré son échec de maturité, malgré les
dizaines de prisonniers injustement incarcérés, malgré la folklorisation par
le « selfie » qui la guette.
Étrange
réalité d’un pays fermé sur lui-même, isolé du reste du monde, difficile à
comprendre et encore traversé par les houles de sa mémoire dévorante. La mort
du général Gaïd Salah, chef des armées,
redistribue légèrement les rôles, mais consolide encore plus les castings
symboliques de l’Algérie. Le général est aujourd’hui présenté comme le « père »
perdu du soulèvement contre Bouteflika, le protecteur. Dans la conviction ou
l’excès, on retrouve ce lien œdipien avec l’armée, figure de paternité
sécurisante, l’entrave paralysante de la mémoire et le trauma d’une guerre dont
le souvenir est devenu une identité en soi. En boucle, l’Algérie c’est le fils
qui s’aveugle en tuant le père, le père qui tue le fils en l’égarant dans le
labyrinthe des revendications. On peut se perdre à déchiffrer des mythes dans
cette réalité algérienne à la fois politique largement symbolique. D’ailleurs,
il faut vivre en Algérie, aller au-delà des articles de presse confondant
réalité et convictions militantes de ses rédacteurs, pour comprendre les extensions
de ce « Frexit » algérien permanent, ce jeu de rôles de la guerre
d’indépendance, cette passion mortelle pour l’union, cette fabrication cyclique
de l’ennemi. L’amateur de littérature que je suis y voit le cas d’un postcolonial
qui a créé, par effet de huis clos, un fascinant mélange de genres entre le Désert des Tartares et la Némésis
grecque. Les étrangers repartent souvent d’Algérie avec des sentiments
mélangés : on ne comprend pas comment la splendeur et le ridicule, la
beauté et la neurasthénie, la richesse et l’oisiveté, le ciel et les
cimetières, la mémoire et les nouveau-nés, l’impasse et l’horizon, le vieillissement raide et
l’éternelle jeunesse, l’agressivité et la générosité s’y mélangent si
dangereusement.
KD.
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L’article de Kamel Daoud « Algérie, la révolution perdue » (« Où en est le rêve algérien ? ») parut dans l’hebdomadaire Le Point, n° 2472 du jeudi 9 janvier 2020 commence à faire couler beaucoup d’encre. Kamel Daoud ne laisse jamais indifférent. C’est une force à mettre à son profit. J’ai lu sur les réseaux sociaux des commentaires réprobateurs, voire injurieux plus contre la personne de l’auteur qu’à l’endroit de son analyse. Cette volée de bois vert, actuelle et à venir, il l’a anticipée dans son article. Aucun utilisateur de ces réseaux de l’Internet (Facebook, Twitter) ne propose le texte de Kamel Daoud, ou un lien renvoyant à son texte complet, pour que le lecteur puisse se faire une idée de ce dont il est question. Je peux parier que les commentaires des uns alimentent ceux des autres sans que ni les uns ni les autres n’aient eu à lire entièrement l’article de Kamel Daoud. De quoi s’agit-il ? Le journaliste-écrivain propose une analyse à la lumière des événements qui marquèrent l’Algérie durant l’année 2019 jusqu’à nos jours. Cet article je vous le propose dans sa totalité, ci-dessous, à la suite de mon propre texte. Kamel Daoud le développe autour, notamment, du postulat suivant développé au cœur du texte : « le contrôle de la ruralité est la clef du pouvoir », et l’élection ayant eu lieu, le hirak a perdu.
L’article
du journaliste-écrivain est ainsi présenté en Une de l’hebdomadaire :
« Algérie, la révolution perdue ». À l’intérieur, le texte de 19500
caractères (pages 99 à104), est titré « Où en est le rêve
algérien ? » Il s’articule
autour d’une introduction et de cinq chapitres.
D’emblée
(« à l’entame » écriraient des imitateurs) l’auteur met en avant
l’exploitation par le pouvoir de la mort du général Gaïd Salah (« présenté
comme le protecteur, le ‘‘père’’ perdu du soulèvement contre Bouteflika »)
et de « l’émotion nationale sincère » à travers les canaux officiels
et privés. Par l’image, notamment celle de l’enterrement « réussi »
du général qu’envieraient même les généraux morts, le « nouveau
régime » a vaincu la révolution « miraculeuse ». Mais comment en
est-on arrivé à cela ?
Il a
fallu d’abord mettre en place une réalité virtuelle d’une vraie guerre contre
l’ennemi d’hier et d’aujourd’hui, l’ennemi de toujours visé par le
pouvoir : la France. La télévision officielle abreuve d’images et de
commentaires nationalistes à donner des frissons à tout pacifiste,
internationaliste ou non. Kamel Daoud évoque des « banderoles
antifrançaises qui fleurissent partout ». On nous propose de plonger dans
un « délire bouffon » dans une « guerre chimérique » contre
la France qui mettent en relief une triste réalité : « l’Algérie ne
sait vivre une union sacrée, une émotion vive, que dans l’adversité, l’épopée
de la guerre de libération. » Un « remake fou » est proposé avec
le même adversaire qu’on accuse de tous les maux 60 ans après l’indépendance.
Soixante ans après. Deux générations. Il a fallu la moitié de ce temps à
d’autres pays (sociétés) plus arriérés que l’Algérie pour basculer d’un monde
des ténèbres à un autre démocratique beaucoup plus ouvert sur le monde, bien
qu’avec ses hauts et ses bas.
Dans
un autre chapitre, Kamel Daoud explique que le régime a usé de « vieilles
douleurs et vieilles batailles » que sont les divisions linguistiques,
ethniques, régionalistes… « le piège fonctionna ». En poussant à la
radicalité le hirak et en usant de la répression. Il a su « pousser à une
équation algérienne », segment de phrase dont je n’ai saisi le sens
qu’avec la suite de l’article. On avait d’un côté des manifestants
« piégés dans les grands centres urbains » et de l’autre une
« offre de solution avec la présidentielle ». Kamel Daoud semble
signifier que les manifestations importantes n’ont pas ou peu eu lieu à la
périphérie ou loin des « grands centres urbains ». Ce qui n’est pas
exact. Dans l’Algérie profonde, l’Algérie rurale, les Algériens « feront
un choix pragmatique » au profit de la sécurité, mais au détriment de la
démocratie.
Le
vocabulaire utilisé dans les médias et les réseaux sociaux, que ce soit les
alliés du régime ou « même dans la bouche des démocrates et laïques,
binationaux ou modernistes » est binaire. Pas de quartier. Sont convoquées
les figures du traître, du moudjahid, du colon, de l’Occident, des martyrs… Il
y a « incapacité à dépasser un traumatisme d’une guerre dont le souvenir
est devenu une identité en soi. ».
Kamel
Daoud revient plus loin sur cette problématique, ce lien au passé qui ne passe
pas, ce nœud oedipien qu’il faudrait pour le couper faire appel, peut-être, à
l’éminent neuropsychiatre Boris Cyrulnik et autre non moins virtuose du verbe,
Boualem Sansal, pour proposer un remède, un antidote ? Qui sait…
À
ces jeux-là, c’est le régime qui est sorti vainqueur,
« provisoirement » précise l’auteur. Et par conséquent le hirak a
perdu, « provisoirement ».
Cette
victoire du régime fut possible grâce au « contrôle de la ruralité qui est
la clef du pouvoir ». C’est ce qu’a commencé à entreprendre Rachid Nekkaz
(un « faux héros », un « amuseur ») qui avait « cette
idée révolutionnaire » d’aller vers l’Algérie profonde, mais qui n’a pas
réussi car harcelé, arrêté, emprisonné par un régime qu’il a réussi à mettre
« en rage ». Algérie rurale « que les élites urbaines
algériennes opposantes ont négligée ». Nekkaz a saisi que « l’Algérie
n’est ni la place Audin ni la Grande poste ».
Les
Algérois sont incapables de sortir de la capitale et de reconnaître un autre
leadership. Alger, écrit Kamel Daoud « souffre d’un nombrilisme qui
déteint sur les contestataires » qui nous fait confondre Alger et la
ruralité où – selon la presse étrangère – on s’est abstenu de vote comme dans
la capitale. Sauf que les contestataires se trouvent aussi bien dans les
grandes villes que dans la périphérie. Le nombrilisme se trouve ainsi dilué à
travers les territoires autres que ceux des grandes villes. Il y a là comme un
hiatus. Autre problème, la question de l’importance que semble accorder le journaliste
écrivain à la ruralité au point que sa maîtrise soit « la clef du
pouvoir » comme précisé plus haut. Or, selon une étude du ministère de l’Agriculture
et du Développement rural, la population rurale chute de six points à chacune
des dernières décades. Elle s’élèverait par conséquent à 30% aujourd’hui. C’est
beaucoup, mais pas au point de révolutionner une réalité nationale dans
laquelle elle est partie prise et partie prenante. D’autant plus que sa
jeunesse (plus de 55% des ruraux ont moins de 30 ans) est aussi connectée sur
les réseaux, et l’Internet plus généralement, que le reste des Algériens. Hors
d’Alger écrit Kamel Daoud « des Algériens (notez l’article indéfini) ont
voté dans le calme… ils n’étaient pas tous des militaires déguisés ». La
ruralité fut perdue par le hirak, dès juin lorsque les ruraux « qui ne
comprenaient pas ce que voulait la capitale », se demandaient pourquoi
l’on continuait de manifester alors que « Bouteflika était démis et son
gang mis en prison ». « Une révolution, c’est deux ou trois mots… si elle devient des
phrases, elle est déjà perdue » disait à Kamel Daoud un de ses amis.
Comment pouvaient-ils, pôvres
bougres, comprendre cette révolution et la faire leur ? Je vois là une
forme de condescendance et d’arrogance indécentes. Je n’ai peut-être pas
compris. Je l’espère.
Ce
qui a manqué au hirak c’est un leadership qui aurait permis d’éviter les
dérapages (exemple des « chibanis insultés et hués » devant les
bureaux de vote en France. L’organisation du hirak aurait empêché la
« folklorisation idiote du mouvement… folklorisation par le selfie ».
Manifester dans la joie et la bonne humeur, sans être obligé de faire la gueule
(pardon) avec des fleurs, des sourires et des calicots rigolos, voire
succulents de jeux de mots, s’il s’agit de cela, ce n’est pas de mon point de
vue de la folklorisation. C’est au contraire une force. Néanmoins la faiblesse
du mouvement est, je le partage avec l’auteur, son absence d’organisation.
Les
journaux algériens, qu’ils soient « prorégime » ou
« démocrates » n’ont pas été à la hauteur, écrit Kamel Daoud. Les
premiers « zélés dans le déni de la contestation », les seconds
« militants » qui se laissaient aller à des envolées comme écrire
qu’il y avait « ‘‘une marée humaine hier…’’ là où l’auteur ne vit que des
centaines de manifestants. » Oui la presse « démocrate » fut
aussi dans le militantisme y compris dans le choix des mots comme l’utilisation
redondante de « insurrection » pour dire manifestations, ou
révolution pacifiste ou mouvement, et en faisant abstraction des slogans
islamistes, peu nombreux, mais bien réels, dans les manifestations. J’ai relevé
par ailleurs une forme d’arrogance chez certains journalistes, imbus de leur
personne, qui ne répondent que rarement aux questions des
« connectés » par exemple, ou qui s’autocongratulent puérilement, qui
refusent toute critique ou même de banals échanges. J’écris bien
« certains » chez les anciens surtout, nationalistes obtus, ceux qui
ont « fait » le parti unique les yeux et la bouche dans les poches et
qui aujourd’hui donnent des leçons de démocratie. Mais c’est là une autre
histoire.)
Le
hirak avait « réussi » (réussi ?) à faire basculer sa victoire
dans l’impasse …, écrit Kamel Daoud, et le régime avait su (pourquoi ce
plus-que-parfait ?) transformer sa défaite en épopée ». Le régime
avait donc été défait. S’agit-il du « régime de Bouteflika » ?
probablement puisque Kamel Daoud évoque en introduction « un nouveau
régime » à propos du pouvoir actuel depuis juin. Il est inexact de mon
point de vue de parler ici de régimes différents.
Kamel
Daoud, qui n’est pas à sa première « sortie » anticipe les critiques
violentes à « ce papier » de l’hebdomadaire français comme je l’ai
rappelé en début de texte : « les bilans d’étape sont perçus comme
les signes de la contre-révolution et la réflexion sur un échec provisoire sont
les ‘‘preuves’’ d’un ralliement au régime. » Telles ne sont pas mes
observations. Ce serait ridicule, injuste et trop aisé. Osons écrire que la lutte pour une Algérie
libre et démocratique, respectueuse des libertés individuelles et collectives,
des Droits fondamentaux de l’Homme, cette lutte continue et que d’autres
bilans, d’autres réflexions viendront de part et d’autre jusqu’à révéler que
l’horizon s’éclaircit enfin. Et puis « nul ne jette de pierres sur un
arbre dépourvu de fleurs. »
À la suite de cet article, Kamel Daoud a reçu critiques, mais aussi insultes nombreuses sur sa personne plus que sur son texte, à défaut d’argumentaire. Il en a l’habitude.
Voici sa réponse paru ce jour mercredi 28 janvier in Maghreb émergent.info
–
COUPABLE DE PORTER ATTEINTE
AU MORAL DU … « HIRAK » ?(KAMEL DAOUD)
28 Janvier, 2020 1:26
Maghreb Émergent
Le 12 janvier 2020 j’ai publié dans l’hebdomadaire « Le Point » un article intitulé « Où en est le rêve algérien ? » où j’exprimais mon opinion sur les derniers développements du soulèvement algérien en cours depuis février 2019. Ce texte est aujourd’hui, à ma demande, en accès libre.
Le
« Hirak » est, selon moi, en échec provisoire, du moins au regard de
ses grandes ambitions du début. Voici quelques-unes des raisons que
j’énonçais :
Un : l’algérocentrisme
d’une grande partie des élites. Alger n’est pas l’Algérie : il faut
l’admettre et aller dans le pays pour corriger les idéaux à la mesure des plus
humbles.
Deux : la coupure
avec la ruralité algérienne. L’argument selon lequel « les ruraux ne sont
que 30% de l’Algérie » est d’un mépris détestable pour masquer les
sédentarités intellectuelles. Mon but est d’alerter sur l’urgence d’aller dans
les villages, frapper aux portes, partager des cafés et expliquer le possible
avenir.
Trois : l’impasse de
la folklorisation qui rejoue l’opposition au régime comme une fin en soi, et la
radicalité comme preuve d’intégrité politique.
Quatre : le
« dégagisme » radical quasi anarchiste et sans alternative
(« Dégagez Tous » à l’irakienne ? À la libyenne ? Remplacer
un État par le chaos ?)
Cinq : le refus de
toute représentation et organisation politique (on a vu le sort réservé à
Sofiane Djilali, Abdelaziz Rahabi, etc. et À toutes les bonnes volontés depuis
juin).
Dans cet article, j’ai évoqué nos mythologies nouvelles, les
traces de nos imaginaires qui nous piègent, et cette tendance que nous avons à
rejouer l’épopée de la guerre de libération, que l’on soit islamistes,
démocrates, laïcs, conservateurs ou militaires. Fable qui nous empêche de
surmonter le trauma pour consentir à la guérison et à l’altérité.
Je peux avoir raison, je peux me tromper. C’est mon droit. Mais
alors que je voulais ouvrir un débat d’étape sain, au nom de cette démocratie
qu’on espère depuis tant de décennies, j’ai eu droit à :
Un : une
éditocratie d’Alger qui ne tolère pas la perte du monopole sur l’analyse du
fait national.
Deux : de la
condescendance de la part de journalistes apparatchiks habitués à
l’autocongratulation mutuelle.
Trois : un flot de
violence et d’insultes inouïs, allant de la diffamation à des procès en
traîtrise, en passant par des attaques sur les réseaux sociaux conduites par
une nouvelle fachosphère.
Quatre : de la
malhonnêteté intellectuelle : le mot « provisoire » a été
soigneusement gommé de mon propos. On m’a présenté comme un intellectuel pro-régime
décrétant la fin du soulèvement, alors que j’appelle au sursaut et à la
maturité face à ceux qui mènent cette chance unique vers l’impasse de leur ego.
Cinq : au zèle
féroce de ceux qui n’ont rien dit pendant vingt ans de bouteflikisme, qui ont
tété les mamelles de la rente et qui, aujourd’hui, redoublent d’effort pour
faire oublier deux décennies de consentement.
Six : un procès en
droit de parole au nom de l’autochtonie : puisque je n’habite pas en
Algérie (ce qui est faux), je n’ai pas le droit de parler. Un universitaire a
été jusqu’à me reprocher d’écrire « outre-méditerranée »,
c’est-à-dire là où lui demeure et travaille, et, pour illustrer mes supposées
positions anti-soulèvement, jusqu’à m’attribuer des paroles (citées entre
guillemets) que je n’ai jamais prononcées.
Cependant, cette étrange unanimité contre un avis libre n’en est
pas une. Elle n’est unanimité que chez ceux qui refusent le droit de parole,
détournent des propos et visent la restauration d’une nouvelle pensée unique.
Le « Hirak », dans son ampleur, reste pluriel, vaste, irréductible à
des marches, à l’héroïsme, ou à la martyrophilie. C’est l’unanimité
artificielle de quelques « carrés », pas celle de la réalité ;
l’unanimité de ceux qui se sont fabriqués un nouvel ennemi pour galvaniser
leurs « militantismes ». Et je le comprends. La réalité est que
beaucoup d’autres ont partagé mon avis, l’ont critiqué dans l’espoir d’une
meilleure analyse, ou l’ont oublié, ou pas lu, ce qui est un droit aussi.
Qu’en penser ? Je crois que plus que de l’héroïsme sous la
matraque ou de derrière les barreaux des prisons, plus que le culte de
l’opposition, plus que marcher le vendredi, il nous manque une vision d’avenir,
une extension politique aux marches, une imagination du futur. La génération du
1er Novembre 1954 a imaginé un
avenir, nous en sommes seulement à le reproduire en rites. Il nous faut,
peut-être, plus d’intelligence généreuse que de colère. Marcher est noble, il
nous redonne l’espace interdit de la rue, mais le « Hirak » peut
aussi être du bénévolat, de l’écologie, de la liberté d’expression, un sourire,
une association d’aide ou une réflexion. Ce soulèvement est une pluralité, une
agora ambulante et hebdomadaire, du moins tel que je l’ai rêvé et attendu, des
décennies, quand d’autres baissaient les yeux. Il faut donc aussi se soulever
contre nos illusions faciles.
Très étrangement, une simple chronique publiée dans « Le
Point » devient le nouveau front de ralliement pour rejouer l’indignation,
la colère et même le procès. Éparpillés sur le front du refus, certains croient
retrouver l’union sacrée contre ma personne. Je suis le coupable idéal pour
conjurer leurs doutes, obéissant à un réflexe bien connu : celui de
désigner un bouc émissaire. De simple chroniqueur alertant sur un danger, je
suis déclaré fossoyeur d’une révolution.
Il est aujourd’hui difficile de réclamer la liberté
d’écrire et de penser au milieu de ceux qui tentent de s’accaparer ce
mouvement, ceux qui n’ont pas lu l’article « incriminé », ceux qui
sont encore intolérants aux différences et ceux qui ont été trompés. En vérité,
il est plus facile d’imiter un régime que d’y mettre fin.
L’Algérie reste plurielle, et ne peut être rêvée qu’ainsi. Ceux
qui ont décrété que j’ai « décrété » la fin du « Hirak »,
ceux qui ont décidé que j’étais un colonisé fasciné, vivent un délire
dangereux. Souvenons-nous qu’il y a à peine un an, nous étions presque tous
dans le consentement. Tous coupables ? Non. Chacun a le droit de contester
un avis et de jeter à la poubelle une chronique. On a gagné le droit à l’élan et
à l’émotion. Je peux aussi comprendre ceux qui se sont dit déçus par mon
opinion. L’affect est légitime et le combat est dur. À ceux-là, je réponds que
je suis dans mon rôle et ma nature. J’ai écrit sur le bouteflikisme à l’époque
de sa gloire pour tenter d’en dénoncer l’illusion ; dire qu’aujourd’hui,
je suis pro-régime, est grotesque : aujourd’hui j’écris pour préserver un
rêve.
Et pourtant je m’interroge : où étaient-ils, pendant les
décennies Bouteflika, ceux qui aujourd’hui veulent créer une « unanimité »
contre une simple opinion ?
À vrai dire, ce qui m’inquiète depuis des jours, ce n’est pas
cette habitude de la violence verbale, ces injures, cette liberté d’expression
dans un seul sens, cette zone intellectuelle autonome d’Alger, ou cet effet de
meute. Je suis habitué à être libre et donc à être insulté dans ma bonne foi.
Ce qui m’inquiète, c’est la naissance d’un nouveau parti unique : si
aujourd’hui, même ceux qui affirment se battre pour la liberté et la démocratie
agissent dans le déni ou la suffisance, la violence ou le refus du débat, où
est le salut pour notre pays ? De quoi seront faits nos lendemains s’ils
sont inaugurés par de telles habitudes ? Comment réussir à construire une
nation si un écrivain n’a pas le droit de penser ce qu’il veut ? Quel sera
notre avenir, si ceux qui, interrogés et persécutés hier, deviennent les
inquisiteurs d’aujourd’hui ? À quoi la chute de Bouteflika a-t-elle servi,
si certains, en mauvais imitateurs, pensent et agissent comme lui ?
En somme, on m’accuse d’avoir porté atteinte au moral des
hirakistes avec une… chronique. Quelle différence, alors, avec ceux qui
accusent un marcheur du vendredi d’avoir porté atteinte au moral de
l’armée et le mettent en prison pour ce délit fantaisiste ?
Pire encore : un ami m’a dit qu’il partageait mon opinion,
mais qu’il n’oserait jamais l’écrire. Une terreur éditoriale est-elle déjà en
place ?
Ce pays m’appartient et appartient à mes enfants. J’y ai arraché
le droit d’écrire et de penser malgré les tristes dictatures. L’enjeu est trop
important : il s’agit de mes enfants, pas seulement de mes idées.
L’Algérie n’a pas besoin de juges et d’inculpés. Elle a besoin
de liberté. Et ceux qui aujourd’hui se posent en juges de ma liberté, mènent ce
magnifique soulèvement, payé par tant de vies, à l’impasse. Je suis accusé
d’avoir proclamé la mort de ce mouvement par ceux qui, justement, veulent le
tuer dans le berceau de notre terre !
La véritable fin du Hirak n’est pas dans ce que peut écrire un écrivain, ou pas. Elle est dans l’insulte qu’on lui oppose, elle est dans l’interdiction d’écrire qu’on lui impose.
FRANCE INTER: « L’Algérie est à la croisée des chemins« , juge l’historien Benjamin Stora, invité de France Inter mardi matin. Le président Tebboune « est placé devant cette alternative très simple, soit avancer vers une démocratisation profonde du pays, soit rester dans un statu quo très dangereux« , estime-t-il, après le décès d’une crise cardiaque du général Gaïd Salah, homme fort du pouvoir et très puissant chef d’état-major de l’armée. »
Tribune. Le face-à-face est
vertigineux. Depuis dix mois, ce ne sont pas un pouvoir et une opposition qui
se confrontent en Algérie mais deux époques, deux mondes. Le premier se confond
avec le haut commandement d’une armée qui dirige le pays depuis l’indépendance,
en 1962. Habité par une vision archaïque, bureaucratique et sécuritaire,
retranché dans ses villas et ses voitures blindées, il est totalement
déconnecté du second : la majorité d’une société et une jeunesse ouverte sur le
monde, résolument ancrée dans le XXIe siècle.
Le
dynamisme et la créativité de la contestation, le hirak (le « mouvement »),
sont, en effet, à l’opposé de l’immobilisme d’un système qui régente le pays
selon une logique qui ne vise qu’à durer, quel qu’en soit le prix. Un dessein
qui se décline en trois impératifs : dissimuler la nature militaire du régime
derrière une façade présidentielle civile ; édifier une économie de rente au
bénéfice de la nomenklatura et de sa clientèle ; neutraliser, fragmenter et
isoler un peuple que le régime méprise et craint tout à la fois.
Dès
lors, il tente toujours de parer au plus urgent, de réagir pour restaurer le
statu quo – au lieu d’agir –, et de gagner du temps en trouvant des palliatifs
mais jamais de solutions, y compris économiques, répondant à la gravité de la
situation. C’est ce modus operandi qui a prévalu dans l’obstination de
l’état-major à imposer un scrutin présidentiel rejeté par des centaines de
milliers d’Algériens dans tout le pays. Une cécité politique qui pousse le
commandement militaire à recourir, lors de chaque crise, aux mêmes expédients :
simulacre d’« ouverture », instauration de la peur, organisation de la
confusion par la diffusion de rumeurs contradictoires, manipulations tous
azimuts, désignation d’un « ennemi intérieur » ou tentatives de dresser Arabes
contre Kabyles, vieille tradition remontant à la guerre de libération.
L’armée
seule face à la société
Du coup,
tout, dans la campagne qui a abouti à l’élection d’Abdelmadjid Tebboune, aura
eu un furieux air d’années 1970. A commencer par Ahmed Gaïd Salah, le chef
d’état-major et décideur en chef, rabâchant le répertoire inoxydable des
autocrates arabes aux abois : théorie du « chaos », « ingérence étrangère » et
« complot », pendant que le ministre de l’intérieur traitait les opposants au
vote de « traîtres, pervers, mercenaires, homosexuels inféodés aux
colonialistes » ! Et que dire du refus de visas à plusieurs médias étrangers à
l’ère d’Internet et des réseaux sociaux ?
Autre
raccourci saisissant de ce divorce entre deux univers : l’occupation des rues
par une foule joyeuse pendant que de longs clips patriotiques précédaient un «
débat » mortifère, sans échanges ni contradicteurs, entre cinq candidats
interchangeables adoubés par le système. Les condamnations à de lourdes peines
de prison d’un aréopage d’hommes d’affaires et politiques sont tout aussi
significatives. Relevant avant tout d’un règlement de comptes au sommet, cette
pseudo-opération anticorruption visait à offrir des têtes aux Algériens pour
les inciter à voter. L’étalage des dizaines de milliards de dinars détournés,
volés ou blanchis, les aura surtout convaincus que le régime tout entier est pourri
et qu’il faut en finir avec lui !
Arc-bouté
sur ses privilèges, le régime imaginait-il que son acharnement à diviser et à
casser l’opposition finirait par le laisser, un jour, seul face à sa hantise :
une société remettant radicalement en cause sa domination par le boycott massif
d’une présidentielle destinée à replâtrer le système. Avec un slogan – « Si
notre voix faisait la différence, ils ne nous auraient pas laissés voter » – et
une blague – « Quel est le candidat du pouvoir ? » « C’est l’élection » – qui
en disent long sur la lucidité des Algériens.
Le
régime comprend-t-il qu’en concédant toujours trop peu et trop tard, il n’a
cessé de réduire son espace de négociation ? Perçoit-il qu’à force d’«
amputations » dans le sérail pour cause de féroces luttes de clans, le
consensus interne qui assurait sa pérennité durant des décennies a vécu, au
moment même où une révolte se transformait en insurrection citoyenne massive ?
Révision
déchirante ou le pire
Mouvement
horizontal drainant classes moyennes et populaires, très connecté, urbain,
jeune, avec une forte participation de femmes et transcendant les idéologies,
le Hirak est un exemple de révolution qui perdure dans son pacifisme et sa
détermination. Organisé quartier par quartier, il recrée du lien social par le
bas et suscite un élan collectif dans un pays fracturé. On peut bien sûr
regretter ses insuffisances. D’abord, le refus de désigner des représentants
(mais peut-on faire émerger ex nihilo des hommes providentiels ?).
Ensuite,
son manque de méthode pour passer à l’étape suivante. On peut aussi
s’interroger sur ses divergences et son caractère hétéroclite, comme sur son
absence de propositions – même si plusieurs acteurs proches du mouvement ont
formulé des idées pour une sortie de crise. Le Hirak n’en demeure pas moins une
force de pression, une sorte de « sentinelle démocratique ». Quels que soient
les aléas de la mobilisation, il ne disparaîtra pas et restera une école de
formation d’une nouvelle classe politique.
Le
régime aurait donc tort de croire que le mouvement finira par s’accommoder de
l’alternance clanique, qu’il présente comme un « changement » et qui ne réglera
rien. Ou de banaliser un abstentionnisme qui, cette fois, ne relève pas de
l’indifférence habituelle du corps électoral mais de son refus catégorique.
Cette
différence est fondamentale. Elle montre qu’il ne suffira pas à Abdelmadjid
Tebboune d’afficher promesses et bonnes intentions – voire de chercher à
diviser le Hirak en impliquant dans son gouvernement des personnalités qui lui
sont proches – pour convaincre qu’il n’est pas le énième représentant civil du
pouvoir militaire. Une chose est sûre : la désintégration d’institutions à bout
de souffle a laissé le système ouvertement adossé à sa seule colonne
vertébrale, l’armée.
Dès lors,
la question est de savoir si le commandement militaire peut encore changer de
logiciel et renoncer à sa domination, au lieu de toujours considérer que
résoudre ses propres problèmes, c’est régler ceux de l’Algérie. L’Etat-major
renoncera-t-il au double pouvoir qu’il a instauré et qui a rendu le pays
ingouvernable : l’un réel − le sien -, l’autre
illusoire – celui du président ? Assumera-t-il enfin ses responsabilités en ne
s’opposant pas à une négociation ? Ou croira-t-il pouvoir éviter la révision déchirante
qui s’impose depuis si longtemps en jouant le pire : une radicalisation du
Hirak ou une répression plus forte ? Cela ne pourrait conduire qu’à une
déflagration désastreuse. Y compris pour la propre cohésion de l’armée.
Le général Gaïd Salah, désavoué par l’abstention massive à la présidentielle, doit choisir: soit l’intensification de la répression, soit l’ouverture d’un dialogue enfin authentique avec la contestation.
Le
général Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major depuis 2004, rêvait de consolider
sa mainmise sur l’Algérie avec la présidentielle du 12 décembre. Il en
escomptait en effet, d’une part, l’étouffement de la contestation populaire, le
Hirak, et, d’autre part, le replâtrage d’une façade civile à l’arbitraire de
son pouvoir. Il vient d’essuyer sur ces deux plans un désaveu cinglant: les
manifestations, nombreuses le jeudi même du scrutin, ont repris dès le
lendemain leur rythme hebdomadaire, pour le 43ème vendredi d’affilée depuis le
déclenchement de la protestation, en février dernier; quant au nouveau
président, Abdelmajid Tebboune, il n’a été élu, selon les chiffres officiels,
que par un électeur algérien sur six, alors que, toujours selon le
gouvernement, l’abstention a atteint un niveau historique de 60%. Au cas,
éprouvé par le passé, où ces chiffres seraient « gonflés », la
réalité serait encore plus accablante pour le régime et son « élu ».
UNE
NOUVELLE VICTOIRE DE LA NON-VIOLENCE
Le Hirak a maintenu, avec une
impressionnante discipline, la ligne non-violente qui a été la sienne depuis
près de dix mois. Ce ne sont pourtant pas les provocations qui ont manqué, y
compris le jour du scrutin. Afin d’éviter tout dérapage, un collectif de
personnalités contestataires avait solennellement appelé, le 10 décembre, à ne pas perturber les opérations de
vote et à « ne pas empêcher l’exercice par d’autres citoyens de leur droit à
s’exprimer librement ». Il s’agissait de préserver le
caractère pacifique, voire pacifiste, de
la mobilisation populaire, tout en évitant de tomber dans le piège de la
division tendu par le régime. Le général Gaïd Salah ne cesse ainsi depuis des
mois de tenter de monter les uns contre les autres, ciblant systématiquement
les opposants kabyles pour les retrancher des autres contestataires.
Malgré de vives tensions dans la capitale,
le jour du vote, les incidents y sont demeurés limités. En revanche, des heurts
entre manifestants et forces de l’ordre ont fait plusieurs blessés en Kabylie,
avec une participation pratiquement nulle dans les deux wilayas de Tizi Ouzou
et de Béjaïa. Le scrutin a également été très perturbé dans une partie des
wilayas de Sétif, de Borj Bou-Arreridj et de Boumerdès. Mais le régime a échoué
à exclure la Kabylie, traditionnellement frondeuse, d’une dynamique de
protestation à l’échelle nationale. Dès le 13 décembre, alors que Tebboune
était proclamé élu au premier tour, des cortèges ont traversé les plus
importantes villes du pays, à commencer par Alger, mais aussi à Constantine,
Oran, Annaba, Tlemcen ou Mostaganem. Le Hirak est ainsi parvenu à surmonter
l’obstacle de la présidentielle sans rien céder ni sur son engagement
non-violent, ni sur son exigence d’une transition démocratique.
GAÏD SALAH FACE A
L’ECHEC DE SON PARI
Le chef d’état-major, qui avait annoncé
par avance une « participation massive » à la « fête
électorale » du 12 décembre, avait multiplié les gestes pour
réussir un tel pari: d’abord, des arrestations de plus en plus nombreuses dans
les rangs du Hirak, pour
affaiblir la contestation, ou au moins la pousser à la faute; ensuite, des
verdicts expéditifs dans le cadre de la purge anti-corruption, avec deux
anciens Premiers ministres condamnés à 12 et 15 ans de prison, et ce juste
avant le scrutin. Gaïd Salah feint en effet de croire que les manifestants
pouvaient se satisfaire du démantèlement de la « bande »,ainsi qu’il désigne désormais
l’entourage du président déchu Bouteflika. Mais les protestataires ont
persévéré dans leur rejet d’une « élection avec la bande »,
mettant le chef d’état-major dans le même sac que ceux sur lesquels il voudrait
tant détourner le mécontentement populaire. Le choix de Tebboune, que l’hostilité
des affairistes liés à Bouteflika avait contraint à quitter la tête du
gouvernement au bout de quelques semaines, en 2017, ne peut dès lors suffire à
neutraliser le Hirak.
Le général Gaïd Salah a osé féliciter ses compatriotes « pour leur
participation massive dans cette importance échéance électorale et leur choix
réussi, en toute transparence, intégrité et conscience de Monsieur Tebboune en
tant que président de la République ». Il espère à
l’évidence que le nouveau président lui permettra de continuer de diriger le
pays, mais cette fois en coulisses, et sans avoir à assumer publiquement les
conséquences de ses actes. Il paraît pourtant impossible qu’une telle manoeuvre
soit couronnée de succès dans une Algérie où jamais un hiérarque militaire n’a
exposé aussi crûment et aussi longtemps l’ampleur de son pouvoir. Comme le résume
un défenseur algérien des droits de l’homme, l’Algérie est passée d’une « situation
d’un peuple sans président à celle d’un président sans peuple ».
Le chef d’état-major est à l’évidence tenté par la manière forte, dans l’espoir
bien chimérique d’en finir une fois pour toutes avec le Hirak. La contestation
se gardera pourtant de lui offrir le prétexte à une répression accrue, qui
saperait en outre la légitimité déjà ternie du président Tebboune.
L’alternative serait alors d’ouvrir un dialogue enfin authentique pour jeter
les bases d’une transition enfin démocratique.
Avant comme après le scrutin présidentiel, c’est toujours de Gaïd Salah, le véritable maître du pays, que le peuple algérien attend un geste ouvrant la voie d’une sortie de crise. On ne peut qu’espérer qu’un tel geste intervienne au plus tôt, sous forme d’une libération inconditionnelle des détenus d’opinion et de garanties effectives des libertés fondamentales. Sinon, le « président sans peuple » qu’est devenu Tebboune laissera le chef d’état-major en première ligne face à son propre peuple.
Par Christophe Ayad, in Le Monde, dimanche 15 décembre 2019.
Malgré l’élection d’Abdelmadjid Tebboune à la présidence, le haut gradé demeure le véritable homme fort du pays. Sa montée en puissance, depuis 2003, aide à comprendre la crise actuelle.
L’Algérie
a désormais un président, mais elle n’a qu’un seul vrai chef, et ce n’est pas
Abdelmadjid Tebboune, élu jeudi 12 décembre au terme d’un scrutin contesté.
L’unique dirigeant de l’Algérie s’appelle Ahmed Gaïd Salah. Chef
d’état-major et vice-ministre de la défense, le général Salah s’est imposé, à
la faveur du « hirak », le mouvement de contestation qui agite le pays depuis
le 22 février, comme le visage du pouvoir. Tous les soirs, au journal de la
télévision d’Etat, il admoneste, sermonne, ordonne ou menace, à l’occasion de
discours au ton lénifiant prononcés devant des troupes au garde-à-vous lors de
telle ou telle inauguration, cérémonie ou commémoration.
Jamais depuis Houari Boumediene, qui régna de 1965 à 1978, un
seul homme n’avait concentré autant de pouvoirs. Pourtant, Ahmed Gaïd Salah n’a
ni la légitimité révolutionnaire et historique ni le charisme de son lointain
prédécesseur. Aussi enrobé que Boumediene était maigre et frugal, le chef
d’état-major en est comme le double inversé. Il incarne la mutation d’une armée
sortie exsangue mais victorieuse et revancharde de la guerre d’indépendance en
une institution puissante, sûre d’elle et repue de richesses. Contrairement à
Boumediene et aux présidents Chadli (1979-1992) puis Zeroual (1994-1999),
issus, eux aussi, de l’armée, il préfère manœuvrer dans l’ombre, en s’abritant
derrière un pouvoir civil de façade, comme ce fut le cas pendant les dernières
années de la présidence d’Abdelaziz Bouteflika.
Si Gaïd Salah n’a pas l’aura de Boumediene, il n’a pas non plus
la cruauté machiavélique de ses aînés, les généraux Nezzar, Médiène, Belkheir,
Lamari et Guenaizia, les fameux « décideurs » des années 1990 qui avaient surgi
sur la scène politique en réprimant les émeutes d’octobre 1988, avant de
démettre Chadli Bendjedid, trop tendre à leur goût, et d’annuler, en janvier 1992,
les élections législatives que le Front islamique du Salut (FIS) s’apprêtait à
remporter. Ces mêmes « décideurs » qui menèrent une sale guerre d’éradication
contre les groupes armés islamistes, sacrifiant la population civile à leur
appétit de pouvoir. Des années et quelque 200 000 morts plus tard, ils sont
allés tirer Abdelaziz Bouteflika de son exil pour le porter à la présidence, en
1999, et signifier ainsi un retour à la « normale ».
« Cocainegate »
Gaïd Salah n’est pas un politique. Et pourtant, cet homme terne, sans envergure
ni vision, est devenu à la fois le fossoyeur et la dernière figure du « système
» rejeté ces derniers mois par les manifestants. Pour comprendre comment il en
est arrivé là, il faut remonter dans le temps, détecter les petites secousses
antérieures au séisme du « hirak ».
Le 29 mai 2018, la Marine nationale arraisonne à Oran le Vega
Mercury, un cargo en provenance de Valence (Espagne). Les douanes découvrent,
cachés dans les conteneurs de viande surgelée, 701 kg de cocaïne pure. Une
saisie importante mais pas exceptionnelle à l’échelle mondiale. Seulement, en
Algérie, c’est inédit.
« Ce pays est trop pauvre pour absorber une telle quantité,
cette drogue devait probablement repartir vers l’Europe par la mer ou les pays
du Golfe via des routes sahariennes, dont certaines sont contrôlées par des
groupes djihadistes », confie une source policière française.
La cargaison était affrétée par un importateur de viande, Kamel
Chikhi, alias « El-Bouchi » (« le boucher »), également promoteur immobilier.
L’homme d’affaires appartient à la petite caste des enrichis, grâce à ses
relations avec des cadres du « système », civils ou militaires. Il incarne une
économie qui ne produit pas grand-chose d’autre que des hydrocarbures, et où
l’on fait fortune en s’assurant des monopoles d’import-export. « El-Bouchi »,
lui, fournit les casernes en viande.
Au cours de l’instruction, les enquêteurs saisissent un
ordinateur contenant des dizaines d’enregistrements vidéo clandestins de toutes
les rencontres du « boucher » avec des militaires, des juges, des policiers,
des fonctionnaires ou des « fils de ». Bref, son réseau de pistons et
d’obligés. Le dossier fuite dans la presse : des magistrats, des maires et des
gouverneurs sont mis en cause pour trafic d’influence, ainsi que Khaled
Tebboune, le fils du nouveau président. Surtout, cinq généraux majors, aussitôt
évincés, sont placés en résidence surveillée par le juge militaire : trois
chefs de régions, un patron de la gendarmerie, le directeur des finances du ministère
de la défense. Le chef de la Sûreté nationale, le général Hamel, doit
démissionner.
Un coup de balai sans précédent orchestré par Gaïd Salah.
Sauf que les officiers en question seront libérés un mois plus tard… Les
observateurs voient dans cette décision la marque de Saïd Bouteflika, le
tout-puissant frère du président, incapable de gouverner depuis son attaque
cérébrale en 2013. Saïd Bouteflika chercherait ainsi à protéger ses obligés ou
à se créer des soutiens. Une « ligne rouge » pour Gaïd Salah, qui considère que
les civils n’ont pas à se mêler des affaires de l’armée.
Culture du secret
Il est difficile de savoir ce qui se passe dans la « grande muette »
algérienne, qui a hérité de ses années de guérilla une tradition de secret
quasi paranoïaque : « Même nos officiers, qui traitent régulièrement avec
l’état-major algérien, n’ont pas les numéros de portable de leurs homologues »,
confie un diplomate français.
En cette fin d’année 2018, l’opinion sent que quelque chose ne
tourne pas rond au sommet de l’Etat. Les soubresauts de l’affaire du cargo
exposent au grand jour un pouvoir corrompu – ce que tout le monde savait –,
mais aussi divisé. Gaïd Salah, lui, continue de vouer une allégeance aveugle au
président Bouteflika, mais pas à son clan, fût-ce son frère.
L’alliance entre les deux hommes remonte à 2003, lorsque le
président appelle le général, alors à la tête de l’armée de terre, pour lui
apprendre sa prochaine mise à la retraite, à 63 ans, par le chef d’état-major
Mohamed Lamari. M. Lamari est l’un des « décideurs » ayant porté M. Bouteflika
au pouvoir en 1999, et ne supporte pas de voir sa « créature » s’émanciper en
briguant un second mandat sans même lui demander son aval.
Une fois Abdelaziz Bouteflika réélu, en 2004, il limoge Mohamed
Lamari avec l’aide de Gaïd Salah, ravi de se venger et de prendre sa place. «
Leur tandem fonctionnait parfaitement, analyse un diplomate ayant rencontré le
chef d’état-major à plusieurs reprises. Gaïd Salah ne fait pas d’ombre à
Bouteflika. En échange, l’armée est la première à bénéficier de la manne
pétrolière. » « Les généraux algériens se déplacent en jet privé dans leur
pays, témoigne un militaire français. Je n’ai pas vu cela ailleurs. » Alger
devient le premier acheteur d’armes du continent africain.
Cette prodigalité permet à Gaïd Salah de gagner l’adhésion de la
troupe, que son parcours n’avait pu lui gagner. La perte meurtrière de son
unité lors de la guerre du Sahara occidental avec le Maroc, dans les années
1970, avait retardé sa progression hiérarchique. Ce handicap s’est finalement
révélé une chance. Promu général major en 1993 seulement, il n’est ainsi pas
impliqué dans la répression des émeutes d’octobre 1988 (159 morts
officiellement, plus de 500 selon des sources hospitalières), ni dans l’interruption
du processus électoral en janvier 1992. Son poste de commandant de l’armée de
terre lui a aussi épargné les horreurs de la guerre civile des années 1990,
celle-ci étant menée, sur le terrain, par les forces spéciales et les
commandants de régions militaires.
Pôles de pouvoir
Toutefois, il lui a fallu attendre 2015 pour s’imposer véritablement dans
l’institution militaire. Jusque-là, le pouvoir algérien était tiraillé entre
trois pôles : la présidence, l’armée et le Département du renseignement et de
la sécurité (DRS), un véritable Etat dans l’Etat. Son chef, le mystérieux «
Toufik », surnom du général Mohamed Médiène – un homme dont il n’existe à
l’époque qu’une seule photo –, tire les ficelles.
« Ses services avaient des dossiers sur tout le monde, témoigne
un diplomate occidental, qui admire sa « finesse » et son sens politique. Il
n’y avait pas une nomination sans son aval. » En 2008, il avait irrité M.
Bouteflika en faisant fuiter des documents prouvant la corruption de son
ministre du pétrole et ami d’enfance, Chakib Khelil, contraint à la démission,
puis à l’exil. En 2014, « Toufik » émet aussi des réserves sur un quatrième
mandat de Bouteflika, tant la santé du président s’est détériorée après son
AVC.
Abdelaziz Bouteflika est réélu la même année sans faire
campagne, et Gaïd Salah, devenu vice-ministre de la défense, lance l’offensive
contre le DRS. Le puissant Médiène est mis à la retraite : « Il n’a pas vu
venir le coup et n’a pas voulu se battre », raconte un témoin. Le DRS est
démantelé, dispersé entre la présidence et l’état-major.
Il ne reste donc plus que deux pôles du pouvoir : la présidence et l’armée.
Pour renforcer ses positions et assurer son avenir, le frère du président
Bouteflika achète les allégeances à des prix exorbitants. Pendant ce temps, les
prix du pétrole s’effondrent. La guerre des clans est relancée. D’où le
scandale de la cocaïne.
En janvier 2019, Gaïd Salah soutient un cinquième mandat
d’Abdelaziz Bouteflika. Les premières manifestations, fin février, n’y changent
rien. Son gendre, Abdelghani Zaalane, ex-gouverneur d’Oran puis ministre des
travaux publics et des transports depuis 2017, devient même, en mars, le
directeur de campagne du président sortant.
Mais la pression de la rue devient trop forte : le 26 mars, Gaïd
Salah tourne casaque en « suggérant » au Conseil constitutionnel de déclarer
l’empêchement du vieux chef de l’Etat pour raisons de santé. Une semaine plus
tard, c’est chose faite. Tout le monde s’agite en coulisses pour lui trouver un
remplaçant : son frère Saïd, prêt à tout pour sauver sa peau, se tourne vers
Mohamed Médiène, ex-chef du DRS, et son dauphin, Bachir Tartag, pour tenter de
convaincre le général Liamine Zéroual de revenir aux affaires. En vain.
Place nette
Gaïd Salah contre-attaque tous azimuts. Surfant sur le « hirak », il décrète
une opération « mains propres ». Saïd Bouteflika et ses proches, dont l’homme
d’affaires Ali Haddad, sont arrêtés, ainsi que ce qui reste du réseau Médiène.
Au passage, il dégomme l’homme d’affaires Issad Rebrab, première fortune privée
d’Algérie, pourtant un opposant de longue date à M. Bouteflika. Puis il s’en
prend aux anciens premiers ministres Sellal et Ouyahia, à d’ex-ministres et
chefs de partis, du pouvoir comme de l’opposition. Même son gendre y passe.
Gaïd Salah a fait place nette. Il ne reste plus que lui… et le «
hirak », dont il est désormais la cible et qu’il réprime de plus en plus
durement. Il est le dernier représentant du « système », mais le plus coriace.
« L’armée n’acceptera jamais que des civils poussent un chef
d’état-major à la démission, résume un diplomate. Elle a l’habitude de tout
décider en son sein et dans l’opacité. En Algérie, il n’y a que deux
institutions fonctionnelles, l’armée et la Sonatrach, la société nationale
pétrolière, mais un seul pouvoir : celui des militaires. Le pays leur
appartient. Or ce pouvoir est nu, il n’a plus de cache-sexe depuis le départ de
Bouteflika. Voilà pourquoi il fallait vite élire un président. » En clair, un
nouveau fusible.
Malgré tout, l’avenir de l’Algérie reste entre les mains d’un militaire de 79 ans, décrit comme « suffisant et autoritaire, formé à l’école soviétique et ayant l’habitude d’être obéi ». Son principal mérite est de n’avoir pas eu recours, comme ses prédécesseurs, à un massacre pour mettre fin à la contestation. Pour l’instant.
Entre crise, révolution et élection…
Comment raconter l’Algérie d’aujourd’hui ?
« L’Algérie après Bouteflika… Abstention record pour le premier tour de la présidentielle qui se tenait ce jeudi 12 décembre en Algérie. L’historien Benjamin Stora nous en parle aujourd’hui.
Alors que se tenaient hier, jeudi 12 décembre,
les élections présidentielles en Algérie pour donner un successeur à Abdelaziz Bouteflika, déchu de
son pouvoir à la suite des rassemblements de février 2019, le taux d’abstention
battait des records, preuve que la contestation ne s’est pas arrêtée là. Le Hirak, mouvement à l’origine de cette opposition, et une
très large partie de la population algérienne, s’opposaient à la tenue de cette
présidentielle qui a vu élire Abdelmadjid Tebboune, ancien Premier ministre de Bouteflika ; un
scrutin qu’ils accusent de prolonger le « système » qui perdurait sous
Bouteflika. La contestation s’oppose aujourd’hui au général Gaïd
Salah, lequel était bien décidé à ce que ces
élections aient lieu.
« Abdelmadjid Tebboune a plutôt une
stature relative à la haute administration, ce qui ne l’empêche pas d’être dans
une proximité avec les décideurs politiques. La question est : quel sera
son degré d’autonomie de décision possible? (Benjamin Stora) »
Pour en parler, Benjamin Stora, qui enseigne
l’histoire du Maghreb contemporain (XIXe et XXe siècles), les guerres de
décolonisation et l’histoire de l’immigration maghrébine en Europe à l’Université
Paris 13 et à l’INALCO. Depuis 2014, il est également président du conseil
d’orientation du Musée national d’histoire de l’immigration, sur le point
de connaître une refonte plus ou moins discutée de sa collection permanente.
Celle-ci survient à la suite d’un rapport publié par un comité scientifique
pluridisciplinaire présidé par Patrick Boucheron, professeur au Collège de France.
« Le
désir d’une grande majorité de la jeunesse est qu’on soit dans une
reconnaissance des compétences, des diplômes et des compétences universitaires ».
(Benjamin Stora)
« Dans
tous les processus révolutionnaires, des hommes entièrement nouveaux qui
surgissent de nulle part, ça n’existe pas. Il peut surgir des hommes du passé.
Il ne faut jamais jurer de l’avenir. » (Benjamin Stora)
Pour ce musée « mal né », selon les
mots de Patrick Boucheron, et qui, dès son ouverture sans inauguration en 2007,
connaît un manque de reconnaissance de la part de la puissance publique, il
s’agit, écrit ce comité, de restituer « la place centrale
de l’immigration dans l’histoire intérieure française » en valorisant les récits face aux
seules données statistiques et en prenant le parti d’une « histoire au présent« .
En outre, le pavillon de l’Exposition coloniale de
1931 qui sert de bâtiment au musée doit
être réemployé, non plus comme trace d’un passé difficile, mais comme atout
dont l’origine sera détaillée pour permettre de le comprendre et de le regarder
différemment.
A noter que Benjamin Stora publie Retour d’histoire – L’Algérie après Bouteflika chez Bayard le 29 janvier 2019.
« Il faut toujours être optimiste quand on a un processus démocratique en cours ; […] un processus à relier au reste du monde, à une sorte de soulèvent de la jeunesse… […] Un conflit de génération entre ceux qui veulent maintenir un système tel qu’il est et ceux qui veulent changer le monde. […] La jeunesse algérienne ne lâchera pas sur la question de la liberté. » (Benjamin Stora)«
Ou ici: https://www.tf1.fr/tmc/quotidien-avec-yann-barthes/videos/chaouch-express-election-en-algerie-les-expatries-de-marseille-refusent-un-vote-de-facade-44638329.html
______________________
« Après 20 ans de pouvoir et 4 mandats d’Abdelaziz Bouteflika, les Algériens seront appelés aux urnes jeudi 12 décembre pour élire leur nouveau président. Depuis samedi, les expatriés algériens peuvent déjà voter dans leur pays de résidence. Azzeddine Ahmed-Chaouch est allé à leur rencontre à Marseille, où les électeurs ne se font pas d’illusion. » En savoir plus sur Yann Barthes
Karim Rissouli propose un débat autour d’une
thématique avec des acteurs de la société civile, des intellectuels, des hommes
politiques et des éditorialistes.
Invités : Jacques Attali, essayiste, auteur de L’année des dupes, « Alger 1943 » (éditions Fayard) et Kaouther Adimi, écrivaine algérienne, autrice des « Petits de Décembre » (éditions du Seuil).
Direction l’Algérie.
Nous sommes à quatre jours d’élections décisives pour l’avenir du pays. Depuis
huit mois et la démission d’Abdelaziz Bouteflika, l’armée continue de tenir le
pays. Mais en face, la jeunesse ne désarme pas et la révolution passe désormais
par le boycott des élections, jugées tronquées et jouées d’avance.
Reportage à Alger et décryptage en plateau. Avec nous, deux personnalités qui interrogent pour l’un le passé, pour l’autre, le présent de l’Algérie. Tous les deux sont nés à Alger à 43 ans d’intervalle : L’économiste et écrivain Jacques Attali et la romancière Kaouther Adimi. »
Les élections à venir en Algérie ont exacerbé les tensions de la rue. Aucun des candidats à la présidentielle n’incarne la jeunesse algérienne qui manifeste depuis des mois pour le renouveau de la politique du pays. Quel avenir pour cette présidentielle algérienne ?
Jean-Pierre Filiu (professeur à Sciences-Po) était l’invité des « Matins »de Guillaume Erner sur France Culture le mardi 3 décembre 2019
Que veulent les Algériens à travers ces manifestations qui durent depuis le 22 février 2019 (40 vendredis). « Les Algériens veulent l’indépendance » répond l’invité.
Depuis avril, le masque des « décideurs » est tombé. « Il y a un vrai bras de fer entre les militaires et le peuple qui a remporté la victoire symbolique. Il s’est réapproprié le 5 juillet et le 1° novembre en refusant le scrutin que veut lui organiser le régime toujours en place. »
« Alors que l’Algérie s’apprête à élire un nouveau président le 12 décembre prochain, les spectres de l’ère Bouteflika continuent de hanter le pays. L’Algérie s’apprête-t-elle à ouvrir un nouveau chapitre de son histoire ? »
« Ce lundi et alors que le
« hirak » bat son plein pour le neuvième mois consécutif en Algérie,
le procès dit de « l’argent sale » contre des anciens dirigeants et
hommes d’affaires incarcérés pour corruption est reporté. Les algériens descendent
dans la rue pour la 42e semaine consécutive pour réclamer la refonte du système
en place sur des bases démocratiques.
Comment l’Algérie peut-elle sortir de l’impasse ? Qu’attendre de l’élection présidentielle du 12 décembre ? Faut-il craindre un retour des islamistes ? Pour en parler, nous recevons Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences Po, historien et arabisant, et auteur de l’ouvrage Algérie, une nouvelle indépendance publié aux Editions du Seuil ce jeudi 5 décembre. Il sera rejoint par Jacques Attali, économiste, écrivain et haut fonctionnaire français, auteur notamment de L’année des Dupes. Alger, 1943 aux éditions Fayard. » (J. Attali a fait faux bond)
Le Parlement européen a adopté ce jeudi 28 novembre 2019 trois résolutions relatives à la situation des droits de l’homme en Haïti, en Algérie et à Cuba.
« Les députés sont très inquiets de la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales en Algérie. Ils condamnent fermement les arrestations arbitraires et illégales ainsi que l’emprisonnement, les attaques et les intimidations de journalistes, syndicalistes, avocats, étudiants, défenseurs des droits de l’homme et de manifestants pacifiques qui prennent part aux manifestations d’Hirak…. »
« En Algérie, nous devons payer pour être édités »
_
Photo: DR
Huffpostmaghreb.com – 08/11/2019
Par
Fayçal
Métaoui
Des
jeunes auteurs algériens se sont plaints, lors d’un débat organisé jeudi 7
octobre au 24ème Salon international du livre d’Alger (SILA), au Palais des
expositions des Pins maritimes, des mauvaises conditions d’édition dans le
pays. “En Algérie, nous devons payer
pour être publiés. Il y a pas de comités de lecture chez les maisons d’édition.
L’auteur doit faire sa propre promotion en allant sur youtube ou sur les
réseaux sociaux. Il peut trouver un public, mais pas forcément des lecteurs.
Les éditeurs ne donnent aucune importance aux couvertures qui souvent n’ont pas
de rapport avec le contenu du livre. Il n’y a pas de correcteurs. L’écrivain
est dans un mouvement continu de haut et de bas, ne sait pas où va
aller”, a dénoncé Said Fetahine. Pour Mohamed Salah Karef, prix Mohammed Dib
2016, rien n’est facile en Algérie pour les jeunes auteurs. “Là où j’habite(Djelfa), il n’y a pas du tout de livres, pas de
librairies. Je me dis que mon souci principal est d’écrire un texte de qualité.
Si je pense aux difficultés de se faire éditer, je ne ferais rien”,
a-t-il dit. “Il suffit d’avoir de l’argent
et votre texte est édité. Rapidement, vous devenez écrivain. Après, l’auteur,
qui se précipite pour publier ses textes, va payer les frais. On réduit
l’auteur à une somme d’argent. Si les autorités en charge du livre avaient
donné de l’importance à cette situation, les maisons d’édition n’auraient pas
osé imposer leurs lois et leurs méthodes à l’auteur et aux librairies. L’auteur
est réduit à payer pour éditer son livre, mais n’est pas sûr que son livre soit
distribué par manque de librairies”, a regretté Nahed
Boukhalfa, qui a obtenu le prix Assia Djebbar 2018 pour son roman “Destination d’un homme optimiste”.
“L’écriture est révolution”
Nesrine
Benlakhal a estimé, pour sa part, que les éditeurs sont « d’abord des
commerçants ». “Ils ne reçoivent pas de soutien
du ministère de la Culture. Donc, ils éditent pour vendre plus. Il n’y a pas de
lecture, de relecture ou de correction des textes. On se retrouve avec des
livres mal faits et de mauvaise qualité en raison du fait que l’auteur verse
une somme d’argent pour se faire publier. Cette situation est anormale”,
a-t-elle relevé. Ahmed Boufahta est allé dans le même sens en disant que ce
phénomène de “payement contre publication”
est devenu visible ces cinq dernières années. “Cela va avoir des répercussions négatives sur la littérature
algérienne”, a-t-il prévenu. Walid
Grine dit avoir attendu depuis 2015, la publication de son recueil “Ala hafatou
al rassif” (Sur la bordure du troittoir), paru cette année aux éditions ANEP. “Mon livre devait sortir aux éditions Alpha. On m’a demandé de
supprimer une histoire, m’autocensuer en d’autres termes. Chose que j’ai
refusé. J’ai eu ensuite trois autres mauvaises expériences avec des éditeurs. A
chaque fois, on ne m’a pas donné d’explications sur le refus de
publication”, a-t-il confié.
“L’auteur cherche la consécration littéraire à travers des textes de qualité,
des textes soignés, alors que l’éditeur est en quête de gains commerciaux. Nous
devons aller vers une véritable industrie du livre”, a relevé
Said Fetahine. Revenant au débat littérataire, Nahed
Boukhalfa a estimé que l’écriture est elle même une rébellion. “L’écrivain qui réussit est celui qui suscite le débat et qui se
rébelle. L’écriture est révolution », a-t-elle souligné.
« L’écriture me permets de dire
qui je suis, de dire ce que je veux et à quoi je veux arriver. L’écrivain doit
exprimer son opposition, son avis contraire, son refus. Il n’est pas là pour
écire des rapports. Ce qu’il écrit est déjà révolutionnaire. L’écriture prouve
l’existence”, a repris, pour sa part, Nesrine Benlakhal. Ahmed
Boufahta a appelé, lui, à clarifier certains termes comme “rebellion”, “refus”
et “révolution”. “Certains, parmi les jeunes
auteurs, pensent que la rébellion est de dépasser les coutumes, ne pas
respecter la morale, tordre le cou aux croyances religieuses. La nouvelle mode
est d’insulter Dieu. J’aurai aimé qu’on lie la notion de “rebellion” à un genre
littéraire particulier et pour des sujets définis. La révolution contre les
choses sacrées ne donne pas forcément une nouvelle littérature”, a-t-il
noté.
“L’imagination doit être utile à la société”
L’écrivain,
selon Said Fetahine, porte la révolution à l’intérieur de lui même. “Il écrit d’abord pour que la justice sociale soit une réalité,
pour que la parole soit donnée aux minorités. Lorsqu’il écrit, le romancier est
entre les vagues du réel et les ouragans de l’imagination. Dans mon roman, j’ai
imaginé un chat qui s’appelle Kafka parlant à une employé d’une bibliothèque
qui n’aime pas les livres”, a-t-il plaidé enparlant de son roman, “Al Arabi al akhir” (le
dernier arabe). Pour Mohamed Salah Qaref, l’écrivain aborde dans son écriture
ce qu’il sait déjà et ce qu’il a déjà vécu. “Il
doit répondre à la question : comment écrire sur soi-même et sur ce qui est
partagé par tout le monde en même temps ? L’écrivain qui réussit est celui qui
sait se cacher dans sa propre écriture, ne pas se dévoiler”, a-t-il
tranché. “Nous écrivons sur le réel avec
des noms fictifs. Tout ce que nous racontons dans nos livre a trait à des
événements ayant déjà eu lieu en d’autres temps. Nous donnons une image à ces
événements avec des personnages imaginaires. L’imagination doit être utile à la
société, sinon ça ne sert à rien”, a noté Nahed Boukhalfa. Ahmed
Boufahta s’est appuyé sur les théories post-modernes pour souligner que
l’auteur s’efface désormais face à “la
puissance” du lecteur qui, au final, aura le dernier mot.
Éditeur et libraire aujourd’hui à la retraite, Boussad Ouadi a été un témoin direct des dégâts causés par le système de l’ancien président sur le secteur du livre.
Le Monde.fr – Par Dorothée Myriam Kellou Publié le 7 novembre 2019
Cette année encore, les
wagons du tramway qui relient le centre-ville d’Alger au Palais d’exposition
des pins maritimes, où se déroule le 24e Salon international du
livre d’Alger (SILA) du 31 octobre au 9 novembre, sont bondés.
En 2018, selon les organisateurs, plus de 2 millions de visiteurs
s’étaient pressés au SILA pour découvrir les dernières publications :
livres étrangers, éditions algériennes, ouvrages religieux. « La
majorité sont des livres religieux », souligne Boussad Ouadi, éditeur et libraire
aujourd’hui à la retraite.
Lui ne viendra pas.
Peut-être à titre personnel rejoindra-t-il la foule curieuse ou simplement
désireuse d’une occasion de flâner en famille. Mais il ne tiendra pas de stand
pour exposer les livres de sa maison d’édition, INAS, qu’il ne s’est pas résolu
à fermer. « Je n’ai pas demandé à tenir de stand depuis 2007 », raconte-t-il, attablé à
la terrasse du jardin d’essai du Hamma à Alger.
« Cette
année-là, j’avais publié le livre de Mohamed Benchicou, Les Geôles d’Alger, où l’auteur
relatait ses deux années à la prison d’El-Harrach. Il y avait été incarcéré
pour une histoire de bons du Trésor. Personne n’avait voulu publier ce livre.
Je l’avais fait. L’injustice de son arrestation, après la parution de son livre
sur Bouteflika, m’avait été insupportable », précise Boussad Ouadi.
En 2004, M. Benchicou, ancien directeur du journal Le Matin, avait publié Bouteflika, une
imposture algérienne, aux Editions Jean Picollec. « Il l’avait écrit alors que Bouteflika
jouissait encore d’une certaine aura, notamment à l’international. Il a été
l’un des premiers à démasquer le président », se souvient Boussad
Ouadi.
Piratage de livres
En 2007, lors du SILA
inauguré par le président Bouteflika, le stand de Boussad Ouadi est fermé et la
séance de dédicace prévue avec l’auteur annulée. La publication du récit a
également valu à l’éditeur des dissensions personnelles avec la ministre de la
culture, Khalida Toumi, qu’il avait connue militante avant qu’elle ne rejoigne
le gouvernement. « J’avais essayé de la convaincre d’accompagner la
structuration du métier de l’édition en créant des formations au métier
d’éditeur, en développant un réseau de distribution… », raconte-t-il.
Rien ne se passe ainsi et
le secteur de l’édition n’échappe pas à la mauvaise gestion de la manne
financière générée par la vente des hydrocarbures. « Ils ont
mis en place un système de subventions publiques, avec en son cœur une logique
de récompenses de loyautés et d’accointances personnelles. Alors que nous
étions à peine une vingtaine d’éditeurs au début des années 1990, nous avons
atteint le nombre de 800 en 2016. Cela touchait à l’absurde, poursuit-il. Beaucoup se sont
improvisés éditeurs pour avoir accès aux subventions distribuées à chaque
événement commémoratif. »
Selon l’éditeur, ce
système a encouragé le piratage de livres, l’à-peu-près dans la qualité et les
contenus éditoriaux. « Si on regarde les livres algériens exposés au SILA, très
peu se distinguent. Et je ne parle même pas des livres religieux, en majorité
importés du Liban et des Emirats arabes unis. C’est un autre circuit de
diffusion. »
Le milieu de
l’édition sinistré
L’Algérie ne bénéficiera
jamais plus d’une telle manne financière. Les revenus de l’Etat générés par les
ressources pétrolières ont chuté depuis la baisse du prix du pétrole
en 2014. « Tout est à reconstruire », déplore t-il. Pourtant,
il avait beaucoup d’espoirs quand il s’est lancé dans l’édition au milieu des
années 1980. « J’étais l’un des premiers à oser briser le monopole
public »,
se souvient-il. Avec les éditions Laphomic auxquelles il s’associe, il publie
notamment des auteurs marginalisés dans l’édition officielle. Il se souvient de
sa première publication d’un texte politique : Entretien avec
Tahar Djaout,
de Mouloud Mammeri (1987).
Avec l’ouverture
démocratique en 1988, la possibilité de se constituer en association, de
publier des journaux, des livres, le milieu de l’édition se développe. Boussad
Ouadi se rappelle d’un temps glorieux : création d’un syndicat des
éditeurs, formations, large réseau de librairies publiques et privées,
participation à des salons du livre en Europe et au Maghreb… Il rejoint l’ENAP,
l’Entreprise nationale algérienne de presse, l’une des librairies étatiques à
Alger. Il importe des livres introuvables partout ailleurs en Algérie et les
vend sous le comptoir. « La librairie dépendait du FLN, véritable Etat dans
l’Etat, qui nous laissait une grande marge de liberté. », se souvient-il.
Puis le choc survient avec
l’attentat contre son ami, journaliste et écrivain algérien, Tahar Djaout, le
26 mai 1993, tué « par un gamin armé de 19 ans ». Pendant cette décennie
noire, guerre civile opposant l’armée aux islamistes qui a causé la mort de
près de 200 000 personnes, le milieu de l’édition est sinistré.
Malgré les menaces, Boussad Ouadi ne quittera pas l’Algérie. Il ne renoncera
pas. Il se lance dans l’importation de livres qu’il part vendre à travers le
pays dans les rares librairies encore ouvertes à l’époque : « L’Algérie
était en cessation de paiement. La priorité était donnée à l’achat de semoules,
de sucre et d’huile. Pas de livres ! », se souvient-il.
« Pas une
librairie digne de ce nom »
Aujourd’hui, Boussad Ouadi
remonte la rue Didouche-Mourad, anciennement rue Michelet, où se concentrent
les librairies d’Alger-Centre : « Regardez, là, il y avait une
librairie. Elle est devenue un magasin de vêtements et de chaussures. Ils y
vendent du shampoing. » Les librairies étatiques ont été privatisées en 1997,
souvent cédées à leurs salariés. « Ils sont nombreux à avoir cédé à la
spéculation immobilière et vendu », précise-t-il.
L’éditeur se fraie un
chemin dans la foule de l’après-midi jusqu’à une autre librairie : « Celle-ci
est encore en activité. Mais ce n’est pas une librairie digne de ce nom. C’est
un espace où sont disposés sans réflexion des livres édités localement ou
importés. » Il attrape un ouvrage : « Regardez ce livre sur Tlemcen. Il
coûte 8 000 dinars [60 euros], c’est la moitié du SMIC algérien. Qui peut l’acheter ? Il
n’y a aucune vision éditoriale, juste un choix éditorial motivé par une logique
de prédation de la rente. C’étaient les années Bouteflika. Le secteur de l’édition n’y a
pas échappé. »
Quand on l’interroge sur
des éditeurs algériens comme Barzakh qui ont acquis une réputation
internationale, Boussad Ouadi répond que « c’est l’arbre qui cache la forêt, de
beaux arbres devant une forêt qui pourrit ». Il s’excuse pour ses
diatribes. Le constat est amer et il espère un changement avec le Hirak, le
mouvement de contestation qui a débuté en février, « véritable
tremblement de terre ». « Il faudrait lutter contre l’argent sale pour récréer des
circuits professionnels des métiers du livre, de l’auteur jusqu’au
libraire. » Il s’arrête. « Je dis tout ça, mais j’ai baissé les bras », avant d’ajouter : « Momentanément
j’espère. »
Élection présidentielle du 12.12.2019: qui sont les candidats?
TOUS CES CANDIDATS SONT MEMBRES RECONNUS DU « SYSTÈME »- LEURS PARCOURS SONT ÉLOQUENTS.
_
De gauche à droite (cf photo)
Abdelmadjid TEBBOUNE
Soutien indéfectible à Bouteflika (Il jurait par Dieu qu’il
était avec le président Bouteflika « Aqsimou bi Allah el Aliyou el
Adim »- vidéo)
Premier ministre en 2017
Ministre du Commerce en 2017
Ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme
2001-2002 puis 2012-2017 (sous SELLAL)
Ministre délégué chargé des
Collectivités locales 2000- 2001
Ministre de la Communication et de la
Culture 1999-2000
Ministre délégué chargé des
Collectivités locales auprès du ministre de l’Intérieur 1991-1992
Wali (FLN) : 1983-1991
Secrétaire général de Wilaya :
1975-1983
Sous la dictature de Boumediène il a
été procureur de la République en 1969, et procureur général à Constantine de
1971 à 1974.
* * * * *
Ali BENFLIS
Président de Talaie El Houriyet
Chef du gouvernement de 2000 à 2003
(donc durant « le printemps noir » de Kabylie, 126 morts, 5000
blessés)
Il se présente aux élections
présidentielles de 2004, puis de 2014
Il a été
secrétaire général du FLN : 2001-2004
Directeur
de cabinet du président Bouteflika 1999-2000
Secrétaire général auprès du président
Bouteflika
Directeur de campagne du candidat
Bouteflika en 1999
Député FLN en 1997
Membre du FLN : 1988-2004
Ministre de la Justice de 1988 à 1991,
En 1987, il fonde la LADH (impulsée par
le ministre de l’intérieur El Hadi Khediri et le général Larbi Belkheir. Le but
étant de contrer la LADDH (de maître Ali Yahia)
Sous la dictature de Boumediène il a
été procureur de la République en 1969, et procureur général à Constantine de
1971 à 1974.
* * * * *
Abdelaziz BELAID
Président du Front Al-Moustakbel.
« En 1986, il
adhère au FLN et devient le plus jeune membre du comité central. Député de 1997
à 2007, il est élu secrétaire général de l’Union nationale de la jeunesse
algérienne (UNJA) » (il le revendique sur son site)
* * * * *
Azzeddine MIHOUBI
Secrétaire général par intérim du
Rassemblement national démocratique – RND
Ministre auprès du Parlement 2017
Ministre de la Culture : 2015-2019
(dans le gouvernement de SELLAL, puis de TEBBOUNE)
Secrétaire d’État chargé de la
Communication 2008-2010
Directeur général de la radio
algérienne de 2006 à 2008 (poste stratégique)
Il a été président de l’union des
écrivains algériens (FLN) de 1998 jusqu’à 2005
Chef de l’information pour la
télévision algérienne 1996-1998 (poste stratégique)
Mohammed Ben Cheneb (né le 26/10/1869 à Médéa en Algérie et mort le 05/02/1929 à Alger) est professeur titulaire à la Faculté des lettres d’Alger. Il est aussi écrivain et essayiste.
Il voyage seul de Médéa à Alger en 1886 et s’inscrit à l’École normale de Bouzarréah,
d’où il sort professeur de français en plus d’un diplôme de menuiserie
obtenu en parallèle en 1888. Nommé enseignant au bureau officiel du
village (Sidi Ali Tamdjert) près de Médéa où il enseigne jusqu’en 1892,
il est ensuite muté à Alger à l’école Cheikh Ibrahim Fateh. Il s’inscrit
alors de nouveau à l’École normale pour apprendre l’italien,
en sus d’autres disciplines professées par le Cheikh Abdehalim Ben
S’maya, obtenient les meilleures distinctions dans les sciences dites
traditionnelles et un diplôme de lettres arabes de l’Université française d’Alger le 19 juin 1894. Plus tard, il apprend l’espagnol, l’allemand, le latin puis l’hébreu.
En 1898, le 8 mai, il est nommé professeur à la Kettania de Constantine en remplacement du Cheikh Abdelkader El Medjaoui. Il y enseigne les sciences de la langue et des lettres arabes ainsi que le Fiqg (droit musulman), et y reste jusqu’au 19 janvier 1901, avant d’être désigné comme professeur au lycée Thaâlibya d’Alger. En 1920, l’Académie des sciences de Damas l’élit membre en son sein, et il continue à publier dans sa revue scientifique ses recherches linguistiques, historiques et littéraires. La même année les grands professeurs de l’Université d’Alger le pressent de présenter une thèse de doctorat: ce sont deux grands volumes, l’un sur le poète des Abbassides « Abû Dulama », et l’autre sur les mots d’origine turque et persane dans l’arabe des indigènes d’Algérie. En 1924, il est nommé officiellement professeur à la grande Faculté des lettres. Mohammed Ben Cheneb est membre fondateur correspondant non résident de l’Académie des sciences coloniales en 1922. (1)
Le fondateur et l’animateur de la page Facebook Algérie debout, dédiée au Hirak, Sofiane Benyounès, a reçu aujourd’hui une convocation de la police de la wilaya d’Alger.
Très actif depuis le 22 février, Sofiane Benyounès est convoqué par le pôle de la cybercriminalité de Bab Ezzouar. Sur sa page, il publie la convocation tout en affirmant : «Le 30 septembre, des policiers en civil se sont déplacés afin de me présenter immédiatement au service de la Cybercriminalité de Bab Ezzouar. Ayant constaté mon absence, ils sont revenus avec une convocation à m’y rendre dans les plus brefs délais.» Sofiane Benyounès lie cette convocation au contenu de sa page consacrée au mouvement pacifique pour le changement. Le fondateur d’Algérie Debout évoque ainsi des attaques contre son groupe qui a causé sa fermeture à trois reprises.
Le mouvement populaire et citoyen qui agite l’Algérie ces derniers mois a impulsé une dynamique de changement inédite dans l’histoire du pays depuis son indépendance. Il ouvre la voie de l’émancipation et de l’autonomie de la société à l’égard d’un système de pouvoirs autoritaire et inhibiteur. (Ahmed Dahmani)
Le sociologue a animé une conférence-débat hier à
Alger
Nacer Djabi : «Il y a un risque d’affrontement brutal»
Le sociologue Nacer Djabi explique
que le hirak actuel est caractérisé par la présence de trois composantes
essentielles de la société : les jeunes, les femmes et la
classe moyenne.
Le sociologue Nacer Djabi met en garde contre les risques de la gestion de la crise actuelle par les tenants du pouvoir. Selon lui, la reconduction des méthodes sécuritaires des années 1970 est «une grave erreur», car il ne prend pas en compte les mutations sociologiques de la société algériennes. «Le pouvoir n’a pas compris les transformations sociales rapides qui ont eu lieu en Algérie ces dernières années.
« C’est la trente-deuxième manifestation organisée en Algérie contre le régime algérien actuel. Alors aujourd’hui les manifestants ce sont des hommes, des femmes, des jeunes, des moins jeunes qui demandent la démocratie en Algérie. Nous les soutenons ici au Parlement européen en organisant une audition avec un certain nombre d’acteurs de la révolution actuelle en Algérie », (Marie Arena, présidente de la sous-commission des droits de l’Homme du Parlement européen.) lire in TSA ( https://www.tsa-algerie.com/le-parlement-europeen-apporte-son-soutien-au-hirak-algerien/ )
Le verdict est tombé hier matin: Saïd, Toufik, Tartag et Hanoune condamnés à 15 ans de prison
par Moncef Wafi LE QUOTIDIEN D’ORAN 26 09 2019
Saïd Bouteflika, le frère du président déchu, le général Mohamed Mediène, dit Toufik, ancien chef de l’ex-département du Renseignement et de la Sécurité (DRS), Athmane Tartag, dit Bachir, ex-chef du département de Surveillance et de Sécurité (DSS) et Louisa Hanoune, la SG du Parti des travailleurs (PT), ont été condamnés à quinze ans de réclusion criminelle par le Tribunal militaire de Blida pour «atteinte à l’autorité militaire» et «complot contre l’autorité de l’Etat».
Nezzar
Khaled, Nezzar Lotfi, et Benhamdine
Farid ont écopé de vingt ans de réclusion par contumace dans la même affaire.
Un communiqué du tribunal militaire rappelle que «les accusés sont poursuivis
pour des faits commis dans une enceinte militaire, la résidence Dar El Afia, et qualifiés par la loi de crimes de complot ayant
pour but de porter atteinte à l’autorité militaire et de complot contre
l’autorité de l’Etat, faits prévus et réprimés respectivement par l’article 284
du Code de la justice militaire et 78 du Code pénal». L’article 284 du code de
justice militaire stipule que «tout individu coupable de complot ayant pour but
de porter atteinte à l’autorité du commandant d’une formation militaire, d’un
bâtiment ou d’un aéronef militaire, ou à la discipline ou à la sécurité de la
formation, du bâtiment ou de l’aéronef, est puni de la réclusion criminelle de
cinq à 10 ans». Il définit qu’il y a complot «dès que la résolution d’agir est
concertée et arrêtée entre deux ou plusieurs individus». Le maximum de la peine
est appliqué aux militaires les plus gradés et aux instigateurs dudit complot.
En Algérie, une révolution est en cours. Espérons qu’elle aboutisse. Cette révolution est pacifique (silmiya). Elle a commencé le 22 février 2019. Mais le Régime est tenace. Il n’abdiquera que si les Algériens continuent de sortir en masse, les vendredis, et les mardis, comme jusqu’ici.
En Algérie, une révolution est en cours. Espérons qu’elle aboutisse. Cette révolution est pacifique (silmiya). Elle a commencé le 22 février 2019. Mais le Régime est tenace. Il n’abdiquera que si les Algériens continuent de sortir en masse, les vendredis, et les mardis, comme jusqu’ici. –
Cette vidéo montre deux cents photos prises en février et mars 2019, lors de la Révolution de velours en Algérie et vous fait entendre les chants qui l’ont accompagnée.
Lire ci-dessous nombre d’articles concernant les manifestations (ou Hirak)
Au matin de ce jeudi-là, le temps s’annonçait
resplendissant. Mais quoi de plus ordinaire qu’un soleil de carte postale
hawaïenne dans un village de la côte oranaise au plus fort d’un mois de
juin ? Précisément le 25 de l’année 1992, au sixième mois de l’année de
démarcation entre un avant et un après.
Ce matin-là, le président Mohamed Boudiaf faisait une tournée d’inspection dans la zone industrielle d’Arzew, avant de se rendre à Oran. En fin de matinée il était précisément à Aïn El-Biya, le village où nous résidions. Mon fils M., sept ans, et moi, ne pourrions le voir, car nous nous préparions à quitter notre village pour aller à Oran assister à la finale de la coupe d’Algérie de football, au « stade du 19 juin », appelé aussi « le stade du coup d’État ».
Les résidents étaient nombreux à se bousculer le long de
l’artère principale du Camp5, au moment où je la traversais en voiture
pour me rendre à Oran. Le Camp5, ou camp Sonatrach, est un village dans le
village. Comme nombre d’autres tout autour de la zone industrielle d’Arzew.
D’un moment à l’autre le président et sa suite allaient quitter le centre
administratif où se déroulait l’essentiel des cérémonies d’accueil de Tayeb
El-Watani (c’était le nom de guerre du Président). Il nous fallait rapidement
sortir du Camp avant que la police et les autres services de sécurité
n’interdisent toute circulation. Vite quitter le village. Les gardiens
actionnaient l’ouverture des barrières pour laisser sortir les voitures, mais
refusaient l’entrée à celles qui s’y risquaient. Moins de cinq minutes plus
tard, nous abordions par la droite la nationale 11, ralliant Mostaganem à Oran.
À hauteur de l’entrée de Gdyel, les gendarmes
affectés à l’entrée est de la ville nous empêchèrent de continuer. « Par
là c’est interdit, mais par là vous pouvez » me fit l’un d’eux. Les services
de sécurité attendaient l’arrivée du cortège présidentiel. Le deuxième
« Par là » indiquait un passage à l’intérieur des terres, parallèle à
la nationale. Je pénétrai dans la piste, la longeai. Une piste qui n’en est
vraiment pas une. Les tracteurs peut-être… Je l’ai tant bien que mal suivie.
J’ai traversé Gdyel. À la sortie ouest de la ville, je retrouvai la nationale
en même temps qu’arrivait le cortège présidentiel. Les services de sécurité
avaient, permettez cette trivialité – mis les voiles. Je suis tombé
nez à nez avec la dernière voiture du cortège. Elle filait à la même allure que
toutes celles qui la précédaient : 140 km/h au bas mot. Je lui ai emboîté
le pas. Est arrivé alors un motard de la garde, sorti de je ne sais où. Il
avait dû ralentir et s’arrêter, pressé probablement par un besoin naturel avant
de reprendre sa course. Plus incertain que moi, il me doubla en me faisant
signe d’accélérer, pensant certainement que je faisais partie du cortège
officiel. Il n’a pas vu M. allongé sur la banquette arrière. Certes, j’avais
une belle 505 GTX injection, mais quand même…
Cette facilité d’accès et cette porosité de la route à un
moment pareil me déconcertèrent et me donnèrent des sueurs. Je ne les ai pas
comprises (et ne les comprends toujours pas). Mais l’heure n’était pas à la
gestion des émotions ni à ce type de réflexion. Mon véhicule était de même
marque que nombre d’entre ceux qui formaient le cortège, mais assez
poussiéreux. Me voilà, à mon corps défendant, « dedans ». Il me
fallait dès lors assurer l’allure. C’est à dire rouler à très grande vitesse.
Comme les véhicules qui me précédaient, j’ai activé les feux de détresse.
Lorsque vingt minutes plus tard nous sommes arrivés à Oran Bernandville, une
armada de policiers au garde à vous, un tous les cinq mètres, nous accueillait.
Des gouttelettes de sueur froide ou tiède, peu importe, grosses comme des
grêlons, perlaient sur mon front, sur ma nuque et le long du dos.
Comment
sortir de ce qui m’apparaissait comme une souricière ou un pétrin. « Nous
sommes en danger mon fils et moi » pensai-je. Je me devais hélas constater
que je n’avais de choix que de continuer. Le boulevard Champagne (Gambetta), le
rond-point du lycée Lotfi, celui de l’Académie. Enfin la wilaya. Tout autour de
l’immense escalier de l’entrée officielle, les policiers en tenue et d’autres
en civil me paraissaient innombrables. Ce trop-plein de sécurité à l’arrivée
contrastait avec l’incertitude du parcours.
Les premières voitures pénétrèrent dans le sous-sol de la
préfecture. Beaucoup (une trentaine ?) tentaient tant bien que mal de se
garer par-ci, par-là. À hauteur du 110 rue Mouloud Feraoun, j’ai immobilisé mon
véhicule, éteint aussitôt le moteur et désactivé les warnings. Je demeurai
immobile, alors que mon fils, jusque-là allongé sur la banquette arrière se
réveillait, un peu perdu. Je l’étais plus que lui. Je lui ai demandé de rester
calme. Je ne sortirai pas du véhicule. Pas dans l’immédiat. J’ai attendu que
mon esprit me revienne et que les autres véhicules se fussent vidés de leurs
passagers, une dizaine de minutes, avant de repartir, avec le maximum de
douceur. Il me fallait planer si possible. Si j’avais pu nous rendre
transparents, je n’aurais pas hésité à le faire. Vingt minutes plus tard, nous
étions à El Hamri. Le « stade du 19 juin » était bien rempli. Avec M.
nous nous sommes installés dans les tribunes, à moins de cent mètres du président
Boudiaf, que je montrais du doigt à mon fils, « il est là, regarde ».
Comme nous, il assistait à la finale de la coupe d’Algérie. Au terme de la
rencontre, la JSK a battu l’ASO par 1 à 0. J’ai mis plusieurs semaines à me
remettre de mes émotions de la journée.
Mohamed Boudiaf, Tayeb El-Watani, ne verra plus Oran. Le
lundi suivant, 29 juin, il sera assassiné à Annaba. El-Watan titrait le
lendemain : « Le complot », Le Matin : « Ils l’ont
assassiné ». « Ils »…
Plus tard, dès le mois de juillet, une rumeur folle (ou
juste) courait : « Boudiaf devait être assassiné à Aïn-Témouchent ou
Oran ». « Tu l’as échappé belle » m’avait dit un jour un ami
cher, qui ne l’est plus, depuis cette année-là. Il avait fait un choix, j’en ai
fait un autre.
La presse algérienne et le procès
« Nezzar-Souaïdia »
Ahmed Hanifi*, Algeria-Watch,
Septembre 2002
1- L’OBJET
« L’ancien ministre de la
défense algérienne, le général-major Khaled Nezzar a intenté un procès en
diffamation à l’ex officier Habib Souaïdia » aujourd’hui réfugié
politique en France pour des propos tenus le 27 mai 2001 sur la chaîne de
télévision La Cinquième lors de l’émission Droits d’auteur consacrée à
l’Algérie.
Le procès s’est déroulé au sein du
tribunal de grande instance de Paris du lundi 01 au vendredi 05 juillet 2002.
Il a fait couler beaucoup d’encre en Algérie et a « gêné tout le monde
à commencer par la presse » (El Watan 14/07/02).
Notre objet est d’analyser
qualitativement les contenus de la presse algérienne traitant directement ou
non de ce procès. Nous appelons presse algérienne la presse écrite francophone
gouvernementale ou privée, éditée sur papier en Algérie et accessible en France
(y compris par ses sites sur Internet). Les écrits d’Algéria-Interface, non
édités sur papier en Algérie sont considérés comme relevant de la presse
étrangère au même titre que des journaux comme Libération, L’Humanité, Le
Parisien ou Le Monde que nous évoquerons.
Pour la seule partie accessible en
France de la presse écrite francophone algérienne (Sites sur Internet,
Algéria-Interface, papier), nous avons relevé durant la semaine du lundi 01 au
dimanche 07 juillet 2002, près de 75 articles traitant du procès ; mais
près d’une centaine si l’on ajoute les écrits antérieurs au 01 juillet et postérieurs
au 07 juillet.
Il est à préciser que nous
observons les journaux comme une totalité, une organisation globale par
conséquent et en l’occurrence les signataires d’articles en tant qu’individus
importent peu. Des cas antérieurs très précis de rejets simultanés (malgré
l’humeur de tel ou tel journaliste de base) par des responsables de presse,
d’articles ou bien de communiqués –payants– car « n’entrant pas dans la
ligne éditoriale » de leur journal nous ont conduit à cette posture.
La lecture de ces contenus fait
apparaître un certain nombre de thèmes dont la redondance ou la pertinence a
retenu notre attention. Pour exemple : Comment la presse algérienne
« parle » du plaignant Khaled Nezzar ou de l’accusé Habib Souaïdia,
des témoins de l’un et de l’autre et de leurs témoignages. Comment elle traite
du procès ? D’autres thèmes qui auraient pu intéresser le lectorat de
cette presse ne sont pas analysés car ils n’ont pas été « ouverts »
par elle : la réaction des partis politiques sur le procès ; l’avis
des lecteurs sur le procès ; la question de la censure du livre de Habib
Souaïdia, …. ; néanmoins nous commenterons ces silences.
Notre corpus (« presse
algérienne » et « autre presse » ) est constitué d’un ensemble
d’articles papiers et d’autres constitués grâce aux différents sites sur
Internet et les dossiers « presse » d’Algeria-Watch. Ils sont les
plus importants : 1.323.342 caractères. Une première lecture, flottante,
de la partie du corpus constituant « la presse algérienne » fait
apparaître, du fait élevé du nombre d’articles, une diversité de contenus.
Nous partons du présupposé
suivant, à savoir que le procès a été inéquitablement traité compte tenu de la
position qu’occupe la presse algérienne dans le champ des enjeux de pouvoir.
L’étude s’ouvre sur le contexte
dans lequel s’est déroulé le procès, pour ensuite aborder l’analyse de contenu
par les questions qu’elle soulève : Quels ont été les titres choisis par
la presse algérienne, qu’a-t-elle écrit sur Khaled Nezzar et Habib
Souaïdia ? qu’a-t-elle rapporté des témoignages des uns et des autres,
qu’a-t-elle écrit sur le procès ?
Nous achevons l’étude par
l’analyse de l’appréciation que se fait la presse de l’opposition au régime
politique algérien ainsi que de la presse étrangère (française) ; et par
un constat.
2- LE
CONTEXTE
La tenue du procès la première
semaine de juillet coïncide avec le 40° anniversaire de l’indépendance de
l’Algérie ; avec le début des cycliques rumeurs estivales (avec notamment
cette année les sous-entendus concernant « l’affaire » Orascom
impliquant la personne du président de la République dans le choix d’un
opérateur économique tels que véhiculés principalement part El Watan et Le
Matin). Le Quotidien d’Oran du 18/07/02 écrit : « Cet été se
terminera comme les autres. Des attentats, des rumeurs, des voix «proches» et
«autorisées» dont il faudra se méfier comme de la peste gronderont, des
commentaires éclairés continueront de creuser le fossé imaginaire entre l’ANP
et M. Bouteflika ». Pour soutenir celui-ci et en réponse aux différentes
attaques dont il fait l’objet par une partie de la presse « une
association nationale dénommée Mouvement pour la concorde nationale est
officiellement créée. Celle-ci, selon ses initiateurs, se fixe pour objectif la
promotion du programme du président de la République. » (Le Jeune
Indépendant du 13/07/02)
Le procès coïncide avec la
commémoration de l’assassinat le 29 juin 1992 du président du Haut comité
d’Etat (HCE) qui est une présidence collégiale mise en place 166 jours
auparavant et composée de cinq membres : Khaled Nezzar, Mohamed Ali
Haroun, Ali Kafi, Tedjini Haddam et Mohamed Boudiaf son président. Le procès
coïncide également avec l’installation à La Haye de la Cour pénale
internationale (CPI). Le rôle de cette nouvelle institution est de « juger
les individus qui ont commis des violations graves du droit humanitaire
international et des droits de l’homme » (Le Soir d’Algérie du
01/07/02) quel que soit l’Etat et la « qualité officielle et
hiérarchique » de ces individus. Maître Comte le rappellera à Khaled
Nezzar lors du procès en ces termes : «En [vous] regardant, je pense à
l’Automne du patriarche. Les temps ont changé : de nouveaux instruments
internationaux permettent aux suppliciés de se faire entendre et empêchent que
la raison d’Etat fasse la loi.» (Libération du 06/07/02) même si « la
juridiction de la CPI n’aura pas d’effet rétroactif. Elle ne s’appliquera que
sur les crimes qui vont être commis à partir du 01 juillet 2002 » (La
Tribune du 01/07/02)
3-L’ANALYSE
DE CONTENU
Nous observerons les titres que la
presse algérienne a retenus durant la semaine du lundi 01 au dimanche 07
juillet. Que reflètent-ils ? Quels termes utilise la presse algérienne
dans ses articles pour qualifier Nezzar, puis Souaïdia, enfin leurs témoins et
avocats réciproques. Y a-t-il un parallèle possible entre les vocables utilisés
pour les témoignages des uns et des autres ? La presse algérienne a-t-elle
reflété dans ses écrits ce débat contradictoire au sein du tribunal dont elle
se réjouit ? Qu’écrit-elle sur le procès, sur son déroulement ?
3-1- LES TITRES : Guerre
des témoins
Entre le lundi 01 et le dimanche
07 juillet nous avons relevé près de 75 titres d’articles traitant directement
ou non du procès : les témoins, le rôle de l’armée, la décennie 1992-2002,
les médias.
Le premier jour les titres
réfèrent aussi bien aux témoins qu’à l’ANP au procès lui-même qu’aux médias. Le
deuxième jour la parole est donnée à El Hachemi Chérif : « Livrez
à l’opinion les documents en possession des services » dit-il (Le
Matin du 02/07/02), manifestement au fait des contenus des documents en
possession des « services ». En dehors des témoins au procès,
ce responsable politique est le seul (avec des généraux) dont la position à
l’égard du procès a fait l’objet d’un article de presse. D’autres titres se
rapportent à l’ANP. Le mercredi 03 juillet quatre titres se rapportent à
l’armée, quatre autres à l’arrêt du processus électoral. Le jeudi 04 juillet,
sur quinze titres, dix sont consacrés à l’ANP et cinq aux témoignages de la
veille :
– L’arrêt du processus
électoral en débat à Paris (Le Soir)
– Témoignage des familles victimes du terrorisme ( Le Matin)
– Au prétoire, les cris des victimes du terrorisme (El Watan)
– Guerre des témoins (L’Expression)
– Samraoui témoigne (Liberté)
Le samedi 06, trois titres
concernent Aït Ahmed qui a témoigné le jeudi 04 juillet ainsi que Nacera Dutour
et A. Mesbah (Lire le point 3.5 : Les témoignages) :
– Aït au secours de Souaïdia
(El Moudjahid)
– Aït Ahmed défend le petit lieutenant (L’Expression)
– Un témoin surprise : Aït Ahmed (Le Matin)
Le dimanche 07 enfin nous avons
relevé six titres dont celui-ci de Liberté : « Les révélations de
Semraoui. »
3-2- LE PLAIGNANT :
Général-major, soldat du combat pour la vie.
Le général est nommé « Général-major
à la retraite » (Le Jeune indépendant du 02/07/02), « ancien
ministre de la Défense (1990-1993) » (Le Matin du 01/07/02) « Général
à la retraite » (El Watan du 02/07/02) , qui « assume
individuellement [ce procès] » (Le Soir du 02/07/02), et qui a « provoqué
volontairement et voulu (…) un débat »(El Watan du 02/07/02) ,et
auquel « il faut reconnaître un courage politique rarissime, pour ne
pas dire inédit dans les us et coutumes des hommes forts du système (…) lui qui
« semble jouer sur du velours » (El Watan du 08/07/02). Un homme «serein,
direct, percutant, sans hésitation (…) d’un courage exemplaire » (El
Moudjahid du 02/07/02). Cet homme là, ce « soldat du combat pour la vie»
(Le Soir du 14/07/02) , sera « lâché » dès lors que le procès « a
viré ». « Ce général [qui] voulait laver son honneur et
celui de l’ANP dans un tribunal parisien s’est retrouvé à la place de l’accusé.
(…) On ne lave pas son honneur et celui de l’armée algérienne en croisant le
fer avec un soldat banni » (Liberté du 07/07/02).
La presse algérienne ne regrette
pas que le régime ait intenté un procès « pour laver son
honneur », mais ne comprend pas qu’il ait d’une part mal choisi sa
cible (« un soldat banni ») et d’autre part d’avoir
délégué ce général là dont « il est sûr aujourd’hui qu’il n’a pas
inventé la poudre ». (L’Expression du 13/07/02).
Alors, ce « général à la
retraite (…) et à l’heure actuelle sans fonction officielle », « qui
vient à peine de se remettre de son Waterloo parisien » doit cesser de
« persister à parler au nom de cette armée » écrit
l’Expression (13/07/02) au lendemain d’une intervention de Khaled Nezzar qui
accuse le directeur de ce journal mais qui en réalité « cherche
délibérément à atteindre une autre cible »
L’on pourrait être amené à penser
au vu de ces extraits que la presse algérienne prend ses distances avec le
régime.
3-3- L’ACCUSE : Un obscur
sous-lieutenant…sorti trois jours avant l’assassinat de Boudiaf
Comment la presse algérienne
« parle » de Habib Souaïdia ? Si pour Khaled Nezzar la presse
est prudente, tantôt le soutenant tantôt le critiquant, pour Habib Souaïdia sa
réaction est plus abrupte, arrêtée, unanime et définitive quelle que peut être
l’évolution du procès. Habib Souaïdia est franchement condamné par la presse
algérienne publique ou « indépendante ».
Deux exceptions à ce tollé, ce
soulèvement. Le Matin qui paraît plus sobre en ce premier jour du procès :
« Habib Souaïdia, ancien parachutiste de l’armée algérienne » (Le
Matin du 01/07/02) ou bien La Tribune du 02/07/02, qui écrit : « Alerte,
tantôt serein, tantôt ému, parfois nerveux, Souaïdia raconte sa vie de
militaire, sa condamnation à 4 ans de prison en 1995, son arrivée en France et
les circonstances de la publication de son livre ». Ces exceptions
confirment justement tout le reste. El Watan du 02/07/02, qui trouve dans un
premier temps que Habib Souaïdia « semble avoir bien travaillé ses
réparties » se ressaisit pour immédiatement relativiser « mais
perd toutefois de cette assurance lorsque les questions (…) deviennent plus
précises », « Souaïdia fait de grands efforts pour cacher son faible
niveau intellectuel » (L’Expression du 02/07/02), lui « qui a
voulu à sa manière cracher la contradiction » (Le Quotidien d’Oran du
02/07/02).
« Il faudrait une plongée
spéléologique dans les fausses de son âme pour discerner la haine et la
rancœur, la vengeance et le ressentiment » (El Moudjahid du 06/07/02)
de « ce malfrat » (Le Soir d’Algérie du 02/07/02) de ce «
faux (pseudo) auteur de La sale guerre (…) cet ancien voleur de pièces
automobile » (La Nouvelle République du 01/07/02). de cet « Officier
radié (ou : « ex-sous lieutenant cassé [Sic]) après avoir été
dégradé à la suite de sa condamnation (…) pour vol » (El Moudjahid du
01/07/02) .
Voici quelques exemples de
qualificatifs attribués à Habib Souaïdia :
« Officier radié, dégradé,
condamné, sous lieutenant cassé, calomniateur » (El Moudjahid du
01/07/02), « Faux auteur de « La sale guerre », ancien voleur »
(La nouvelle République du 01/07/02), « Auteur malgré lui de La sale
guerre » (Horizon du 08/07/02), « habillé en noir « comme
son cœur » » (El Moudjahid du 02/07/02), « Un obscur
sous-lieutenant »(Liberté du 14/07/02), « un vrai
rentre-dedans de l’armée algérienne » (Liberté du 02/07/02), « Un
paumé du petit matin (…) [et] du bord de Seine » (Le Quotidien
d’Oran du 18/07/02), « au regard perdu, droit et déterminé [qui]
n’épargne personne » (L’Expression du 02/07/02), «il fusille du
regard Nezzar » (Le Matin du 02/07/02). Et, suprême allusion, Habib
Souaïdia, ce « sous-lieutenant qui est de la promotion qui a enterré
Boudiaf, était sorti trois jours avant l’assassinat du président du HCE »
(L’Expression du 02/07/02).
3-4 LES TEMOINS : Des
témoins factuels contre des « témoins » aigris
Comment la presse algérienne
décrit les témoins, les avocats, de Khaled Nezzar ou de Habib Souaïdia. Comment
elle « parle » d’eux et de leurs arguments ? Qui dit quoi ?
La presse ségrégue les témoins en
deux camps étanches. Le premier est constitué de « témoins du drame,
venus de Bentalha », des témoins « factuels » (El
Watan du 02/07/02), « Des témoins factuels, soit des victimes des
islamistes armés, soit des personnalités algériennes qui ont eu à occuper de
hautes fonctions dans l’Etat » (Le Matin du 01/07/02). A ces témoins « haut
de gamme » (L’expression du 06/07/02) et « en béton »
(El Moudjahid du 01/07/02), font face du « côté adverse des témoins (…)
qui se sont retirés de peur d’être confondus. (…) Il semble qu’ils ne se
bousculent pas » (El Moudjahid du 01/07/02). Les «« témoignages« »
[de ces]
« « témoins« », double
guillemets insérés par El- Moudjahid des 01 et 08/07/02 sont liés par « Un
dénominateur (…) : aigris, ils ont tous une dent contre l’Algérie »
défendue par Khaled Nezzar.
Lorsqu’elle évoque les témoins à
charge, la presse algérienne associe leur nom à des symboles positifs ou les
fait suivre de qualificatifs valorisants et utilise l’affect ; « des
visages inondés de larmes » (El Moudjahid du 04/07/02) mais lorsque
cette même presse évoque les témoins de la partie « adverse », c’est
l’inverse qui se produit jusqu’à égratigner ou ignorer leur nom ou bien taire
leur titre.
Les titres, grades…
Lorsqu’elle évoque les témoins à
charge elle indique leur grade, leur titre : « Madame Leïla
Aslaoui, magistrate et ancien ministre de la jeunesse et des sports »
(Le Matin. du 04/07/02) [Ali Haroun] « L’ex membre du HCE »
(El-Moudjahid du 03/07/02), « L’ancien ministre des Droits de l’homme,
Ali Haroun » (Le Soir du 03/07/02) . « Rezzag Barra, ex
président de l’observatoire des Droits de l’homme » (Le Matin du 03/07/02),
Ahmed Djebar « ancien ministre de l’éducation nationale » (Le
Matin du 06/07/02). Cette propension à vouloir donner des titres conduit au
ridicule ainsi lisons-nous : « Mohamed Sifaoui l’ancien
journaliste et ex [Sic] -coauteur [ou nègre ?] de Souaïdia »
(L’Expression du 02/07/02)
Lorsqu’elle évoque les témoins de
la défense elle ignore leur grade, leur titre : « Omar
Benderra » (El Watan du 02/07/02), « José Garçon, considérée
comme un proche d’Aït Ahmed, de Nacéra Dutour, présidente de SOS-Disparus,
connu pour ses relations étroites avec la direction du FFS, de Salima Ghozali
[Sic] , membre du fameux cabinet noir du parti d’Aït Ahmed (…) Moment
historique et anecdotique: le général Nezzar s’est levé pour répondre «face à
face» à Aït Ahmed » (L’Expression du 06/07/02).
Lorsqu’il lui arrive d’en faire
autant avec « Haroun » c’est à dire lorsqu’elle n’indique que son nom
« ces avocats ne supportaient plus les longues explications fournies
par Haroun » (El-Moudjahid du 03/07/02) ou avec « Nezzar »
(El- Watan du 13/07/02), neuf fois dans le même article, Liberté sept fois dans
l’édition du 13/07/02), c’est pour indiquer une proximité politique, une
« solidarité » : Proximité et
« solidarité » s’expriment d’ailleurs dans le corps même du
texte : « Les détracteurs de Nezzar » (Le Matin du
02/07/02), « Les avocats de la défense très gênés par la culture de Ali
Haroun » « Nezzar est impassible » (El Moudjahid des 03 et
06/07/02)…
Les symboles…
Lorsqu’il s’agit des témoins de
Khaled Nezzar, la presse algérienne associe leur nom à d’autres noms ou
symboles positifs ou supposés l’être. comme Boudiaf, HCE… « Le chef du
gouvernement sous Boudiaf » (L’Expression du 03/07/02), « Ahmed
Djebar…reprendra largement [les propos] de Mohamed Boudiaf (…) La stature de
Boudiaf sera également dans les témoignages de Leïla Aslaoui » (Le
Matin. du 06/07/02). « Nezzar l’ex membre du HCE » (Le
Quotidien d’Oran du 02/07/02, El-Moudjahid du 03/07/02, Liberté du 14/07/02….)
Lorsqu’il s’agit des témoins de
Habib Souaïdia, elle associe leur nom à d’autres noms ou symboles négatifs ou
supposés l’être. Ces noms ou organisations associés aux témoins ont pour objet
d’agir comme repoussoir : MAOL, Chouchène, FIDH, Bouteflika, Chadli…
« Hidouci, ancien ministre et conseiller de Chadli » (Le Soir du
04/07/02). « Les témoins de Souaïdia : l’historien Mohamed Harbi,
M. Chouchène, ancien officier déserteur » (Le Matin. du 03/07/02), « Les
témoins à décharge ont été l’historien Mohamed Harbi et M. Chouchane, ancien
officier déserteur » (Le Matin du 7/07/02), « Mohamed Harbi
(historien), Ahmed Chouchène (ex. officier de l’ANP, radié, après sa
condamnation » (El Moudjahid du 03/07/02), « Premiers témoins
(…) Ahmed Chouchane, ancien militaire, membre du MAOL » (El
Watan du 02/07/02), « Patrick Baudoin, patron de la pseudo-ONG- la
FIDH » (El Moudjahid du 01/07/02), « Samraoui (…) actuellement
proche du MAOL » (Le Soir du 04/07/02) « membre du
MAOL » (El Watan du 02/07/02), « les rumeurs insistantes
sur un “rapprochement” Bouteflika-Aït Ahmed » (Liberté du 14/07/02)
Elle procède de même avec les
avocats : « Pour permettre au lecteur de situer cet avocat et son
carré politique, disons seulement qu’il plaide le dossier du défunt Mecili et
qu’il est un proche très lié à Aït Ahmed, il s’agit de Antoine Comte. »
(El Moudjahid du 06/07/02),
Des qualificatifs valorisants
ou non…
Elle accole aux premiers des qualificatifs valorisants ou les crédite de
capacités insoupçonnées
« Exposé franc et
rigoureux de l’ancien chef de gouvernement qui a été brillant de clarté et de
précision » (APS du 02/07/02) , « L’ex membre du HCE [Ali
Haroun] mettra hors d’eux les avocats de la défense très gênés par la culture
de Ali Haroun » (El- Moudjahid. du 03/07/02) , « Mme Saïda
Benhabyles, cette battante » (El Moudjahid du 02/07/02), « Serein,
sûr de lui, » l’homme au nœud de papillon » » (El Moudjahid
du 03/07/02), « Hamid Bouamra, serein, méthodique, [il] ne
néglige aucun détail » (El Moudjahid du 04/07/02). « Les
avocats de la partie civile Me Jean-René Farthouat et Me Gorni ont calmement
démonté tout l’argumentaire de Souaïdia » (APS, 06/07/02), « Ghozali
répond avec un calme exemplaire » (L’expression du 03/07/02)
Aux seconds elle associe des
qualificatifs dévalorisants
« Blême Yous, allègue (…)
Troublés, les avocats de Souaïdia » (El Moudjahid du 04/07/02), « Aït
Ahmed d’une arrogance infinie » (L’Expression du 06/07/02), « Benderra
récite la leçon (…), il est blême. Il tremble tout le temps, les yeux baissés »
(El Moudjahid des 08 et 09/07/02)
Mais aussi :
Alors que les unssont
venus témoigner pour« défendre l’ Armée et l’Algérie », défendre
« les janviéristes » (Le Matin des 01,11 et 17/07/02), ou « défendre
un général, une armée et un pays » (Liberté du 07/07/02) ; les
autres sont venus pour calomnier :« Les calomniateurs »
(El-Moudjahid. du 02/07/02) , « Les détracteurs » (Le
Matin du 02/07/02) ; pour « s’attaquer à l’Algérie ou à
l’institution militaire » (Le Matin du 11/07/02) ; d’ailleurs
parmi ces témoins « certains [ont approuvé le contrat de Rome] qui
engageait entre autres redditions l’application de la charia » (Le
Matin du 01/07/02), comme Aït Ahmed qui est « venu solder ses comptes
avec les généraux » (Liberté du 07/07/02). Ce sont des « calomniateurs
et diffamateurs (…) ivres de haine, bourrés de ressentiments, écrasés par la
vengeance » (El Moudjahid du 06/07/02)
La presse procède à des amalgames
pour confondre les témoins à décharge : « Témoignages contre Yous,
Souaïdia et les GIA » (El Moudjahid du 03/07/02), mais elle associe
les témoins de la partie civile dans un même combat passé : « Ali
Haroun l’ex compagnon du général Nezzar au HCE » [entendre, avec
Boudiaf] (L’Expression du 03/07/02)
Pour les témoins de Habib Souaïdia
elle ignore leur identité, doute de leur curriculum vitæ (aisément vérifiable)
ou égratigne (triture) leur nom : « Interventions (…) d’un
directeur de banque » (Le Matin du 04/07/02), il s’agit de Omar
Benderra, ex-directeur du CPA, « deux hauts responsables
« exilés » en France » (APS, 06/07/02), deviner Ghazi
Hidouci et Omar Benderra, « Mohamed Samraoui membre du MAOL »,
El Watan du 02/07/02, [et Ex officier de l’armée algérienne], « Samraoui
[qui…] se présente comme ayant été l’adjoint du responsable du
contre-espionnage » (El Watan du 04/07/02), « José Garçon
« journaliste » [guillemets] » (El Moudjahid du
08/07/02), Salima Ghezali devient Ghozali (Liberté du 01/07/02) et
(L’Exp. 06/07/02), Benderra est Bouguerra (El Moudjahid du 04/07/02) ,
Maître Comte est Compte (La Tribune du 04/07/02) et Maître Bourdon est
Maître Bourdou (Le Matin du 14/07/02) ou Bodin (L’Expression du
04/07/02)
Cela peut-être mis en partie sur
le compte de l’inattention, mais pas lorsque « l’erreur » est quasi
systématique ; ainsi Yous Nesroulah devient Nasroullah (Le Matin du
29/08/2001 – déjà – et 29/07/02) puis Nasrullah (El Watan du 16/06/02), Nesrallah
(El- Moudjahid. du 01/07/02), Nasrallah (4 fois dans un même article de
Le Matin du 04/07/02, 5 fois dans un même article d’El Moudjahid du 02/07, dans
L’Expression…). Ou alors très « exotiquement », Nasrullah (El
Watan du 16/06/02). L’erreur n’en est plus une.
3-5 LES TEMOIGNAGES
La presse algérienne s’élève
violemment contre les médias français , cette « machine médiatique
française », « si friande de ces joutes suicidaires
algéro-algériennes » qui use de « ruses, astuces, allégations,
désinformations et intox » . La presse algérienne dénonce cette presse
françaisepour sa partialité ; en l’occurrence à propos de ce
procès qui a permis « un débat qui n’a jamais été possible dans les
médias »
(Lire en rubrique : 3.8- Les
médias étrangers)
La presse algérienne
s’enthousiasme d’un débat au sein du tribunal correctionnel de Paris, débat
qu’elle ne reproduit pas. D’une part elle cite très largement les témoignages
de la partie civile, d’autre part elle fait silence sur les témoignages de la
partie adverse ou les réduits
Nous avons relevé l’ensemble des
« dires » de Khaled Nezzar et de ses témoins et avocats ainsi que
ceux de Habib Souaïdia de ses témoins et avocats parus dans la presse
algérienne entre le 01 au 07 juillet.
L’ensemble des témoignages
reproduits par la presse s’élève à 11377 mots (ou 64854 caractères)
Le constat est accablant : La
totalité des interventions de Khaled Nezzar, de ses avocats et de ses témoins
telles que reprises par la presse algérienne du 01 au 07 juillet 2002,
représente : 8961 mots soit 51082 caractères.
La totalité des dires de Habib Souaïdia, de ses avocats et de ses témoins
représente elle 2416 mots soit 13772 caractères.
Exprimé autrement cela donne
ceci : La surface des dires de Khaled Nezzar et ses témoins et avocats
représente 78,76% de l’espace total, quant à celle de Habib Souaïdia, de ses
avocats et témoins elle est donc de 21,24%. La presse algérienne a étouffé la
parole « adverse », celle qui ne confortait pas « les lignes
éditoriales globales »
Il y a lieu de préciser ce qui
suit : La presse a reproduit les paroles de Habib Souaïdia, de ses avocats
et celles de huit de ses témoins contre treize pour la partie civile. Mis
bout à bout ces (fragments de) témoignages de la partie civile tels que repris
par La Nouvelle République représentent 12000 caractères (11000 pour El
Moudjahid). La Nouvelle République à presque totalement ignoré les témoignages
adverses.
Le Soir d’Algérie reproduit moins
de 300 caractères afférents aux déclarations des soutiens de Habib Souaïdia ou
de lui même. La Tribune et El Watan ont réservé environ 40% de l’espace
« témoignages » à Habib Souaïdia et ses témoins. Liberté et Le
Quotidien d’Oran ont été plus équitables.
Si ces derniers journaux ont
réservé plus d’espace que les autres aux paroles de la « partie
adverse », il n’en demeure pas moins que cet espace, ces quantités de
paroles de témoignages, ne pèsent guère au devant des commentaires directs des
journaux. Ces commentaires qui accompagnent les témoignages ne souffrent
d’aucune équivoque quel que soit le journal. La condamnation de Habib Souaïdia
est unanime.
Nous traitons ci-après de deux cas
particulièrement « parlant » de types de témoignages escamotés par la
presse algérienne : Le témoignage de Mosbah, et ceux de la journée du 03
juillet.
3-5-1 LE CAS MEHDI
MOSBAH : Sur ces 40 jours de torture, 10 ont quitté ma mémoire, Nezzar me
les doit. C’est dur de naître algérien
Le cas de Mosbah (Abderrahmane/Mehdi) est assez
révélateur. Hormis Liberté (du 06/07/02) le nom de Mosbah ne figure quasiment
nulle part dans la presse algérienne. Il est seulement cité comme un des
témoins par L’Expression du 02/07/02 et El-Moudjahid du même jour qui ajoute
après le nom de Mosbah un point significatif d’interrogation. Son nom apparaît
aussi incidemment dans Le Matin du 14/07/02 qui fait parler L.
Benmansour : « Je n’aurais pas écrit ces lignes (…) si lors des
témoignages sur la torture par un jeune homme qui m’a brisé le cœur, il n’avait
pas prononcé cette phrase (…) Je l’ai croisé à la cafétéria du tribunal et je
lui ai dit : » Mon fils, vous m’avez brisé le cœur » » . Ce
journal parle de Mosbah mais les mots de Mosbah sont absents. Nous reproduisons
ce qu’a écrit Liberté et complétons par ce que la presse étrangère (française)
a rapporté.
« Mehdi Mosbah est dans le “camp” de Habib
Souaïdia. Ancien étudiant à l’Institut des études islamiques à Alger, il livre
un témoignage bouleversant. Arrêté pendant 40 jours dans les locaux de la
gendarmerie, il subit la torture. “J’étouffais. Je me débattais comme un
chien. Je cherchais la mort (…) J’ai été sodomisé. J’ai crié Maman putain parce
que quand une maman vous met au monde pour… ça.” Le jeune homme doit son
salut aux connaissances de son père, haut magistrat. “Si mon père ne m’avait
pas mis un visa pour la France dans la poche, j’aurais pris les armes aussi”, dit-il.
Lorsque l’avocat de Khaled Nezzar lui demande pourquoi il témoigne pour Habib
Souaïdia, Mehdi Mosbah a sa réponse : “Il aurait pu être mon tortionnaire
mais lui a eu le courage de dénoncer (…). La seule chose qui me choque c’est
que ce soit Souaïdia dans le box et pas le général Nezzar. Il est venu blanchir
ses compères et chercher sa feuille de route pour les dix prochaines années.” Khaled
Nezzar écoute et ne bronche pas. »
Le commentaire du journal sur ce point est
quelconque mais voici ce que ce journal ne rapporte pas :
« Abderahmane Mosbah (…)
torturé par onze hommes (…) il était quotidiennement forcé à garder au fond de
la gorge un chiffon constamment imbibé d’eau. « On vous le met dans la
bouche et on verse de l’eau. (…). C’est comme si on coulait. L’eau vous rentre
de partout dans les narines, dans la gorge, dans les poumons, jusqu’à
l’évanouissement. (…). Sur ces quarante jours, dix ont quitté la mémoire. Nezzar
me les doit » (…), puis [il raconte] son séjour dans les camps de
détention du sud saharien, la chaleur, le froid, la faim, les maladies, les
insultes, les coups, les humiliations. « Ces gens là sont nuisibles à
l’environnement humain de la planète », a-t-il déclaré en désignant le
général Nezzar. » (Bulletin de la FIDH : juillet 2002)
« Abdelramane Mosbah. jure n’avoir
« jamais été dans un groupe terroriste », a pourtant été arrêté et
torturé par l’armée en 1992, sans procès, dans un bâtiment « face à
l’état-major des forces armées » (…). J’e n’aurais jamais cru que j’allais
vivre, avoir un jour une femme, des enfants », a crié le jeune homme,
incapable de ralentir le flot de paroles qui le submerge. Fils d’un haut
responsable de la magistrature algérienne, Abdelramane Mosbah dit avoir eu « de
la chance » : il a été finalement libéré. (…) Torturé à maintes
reprises par les militaires. « J’ai passé quarante jours au cachot dans
le noir absolu. (…) Je veux savoir (…) C’est dur de naître algérien ». »
(Le Monde des 04 et 05/0/02)
« Mosbah est, « d’une famille où on
s’en sortait », un père haut magistrat, des proches dans l’armée. Bref,
ce que l’Algérie appelle « les réseaux ». raflé devant
l’université. « Je pensais m’en tirer. J’ai glissé le nom de mon père,
de hauts gradés. Normalement, ça suffit. Là, ils m’ont dit : on a des
ordres. Et je me suis retrouvé dans le trou, avec le bas peuple. » Les
camps de déportation, les cachots (…) « J’avais les épaules larges comme on
dit. Du piston. » Dehors, il voit ce qu’il ne voyait pas avant.
« La corruption brutale, étalée, onze jeunes raflés et fusillés en bas de
chez moi parce qu’un officier avait été tué, mes copains d’enfance qui
devenaient fous. Aucun avenir quand on n’a pas une famille derrière. Certains
devenaient islamistes, rien que pour faire peur à ce pouvoir installé depuis
trente ans. Ma génération, c’est celle de la révolte. » Un jour, il
croise le petit Saïd. Il lui dit : « Ils m’ont torturé. J’ai donné
des noms, n’importe lesquels. Mais je te jure, pas le tien. Je monte au maquis.
Ils m’ont pris une fois pour rien. Là, au moins, je mourrais pour quelque
chose. » (Libération du 05/07/02)
« Son seul tort: compter des islamistes
parmi ses relations. La trentaine élancée, réfugié politique en France depuis
l’été 1995, Abderahmane Mesbah a raconté dans un français parfait les
conditions de détention dans les camps du sud algériens: la chaleur, le froid ,
la faim, la maladie, les insultes, les coups et les humiliations.
Détenu pendant 40 jours à la brigade de gendarmerie de Aïn Naâdja, près
d’Alger, il a expliqué devant une assistance pétrifiée le «supplice du
chiffon» » (Algéria Interface du 05/07/02)
La presse fait silence sur des
témoignages comme celui de Mosbah, mais cela n’est pas nouveau. Durant
plusieurs années elle s’est tu sur les milliers de « disparus »
(Khaled Nezzar déclara au procès : « 15000 disparus,
passons… », Libération du 04/07/02). La presse a fini par céder car la
question a pris d’énormes proportions grâce à la ténacité des mères des
« disparus », ces mères courage nos «locas de la Plaza de mayo»,
grâce au soutien d’associations, notamment de la LADDH de Maître Ali Yahia
Abdennour, des ONG internationales (FIDH, AI…) ainsi qu’au travail
d’information de la presse internationale. Un autre exemple : les
activités de la fédération d’Oran du FFS, parti pacifique d’opposition radicale
au régime, ont été de nombreuses années durant (1990 et plus) frappées
d’ostracisme. Ce « parti des Kabyles » devait être contenu en
Kabylie.
3-5-2 – LES TEMOIGNAGES DU
MERCREDI DU 03 JUILLET
Ce 04 juillet la presse a réservé
de grands espaces à l’ANP. Ce qu’elle aurait pu faire le mercredi 03 (la
conférence de presse de Lamari ayant eu lieu le mardi 02, et El Watan commet
une « erreur » lorsqu’il écrit dans son édition du 04 juillet que la
conférence eu lieu « hier »). La surface réservée à l’ANP est donc
telle en ce 04 juillet que les déclarations de Samraoui, Benderra et Chevillard
ne sont pas retenues. Mais le manque d’espace n’est pas la réelle raison du
silence. Il y a lieu de préciser que les interventions des témoins ci-dessous
ont souvent trait à des sujets extrêmement sensibles que l’histoire récente de
l’Algérie nous montre qu’ils ne sont pas abordés sinon sous très haute
surveillance ou bien dans le cadre d’affaires subalternes ou de seconds
couteaux.
Voici tout ce que rapporte la
presse algérienne des témoignages de la défense de la journée du 03 juillet
2002 : Comme nous l’avons fait pour le témoignage de Mehdi Mosbah, nous
ajoutons ici les témoignages tels que parus dans la presse étrangère
(essentiellement française).
MOHAMED SAMRAOUI: Empêcher le FIS de parvenir
au pouvoir par tous les moyens.
Tout ce qu’ écrit la presse algérienne:
« Mohamed Samraoui, (…) se
présente comme ayant été l’adjoint du responsable du contre-espionnage au
service de recherche. «Notre objectif était d’empêcher le FIS de prendre le
pouvoir par tous les moyens, d’infiltrer les groupes extrémistes. (…) Il
fallait faire imploser le FIS de l’intérieur.» «On avait attiré l’attention du
commandement pour reporter les élections. On savait que le FIS allait vaincre.»
«Ils (les responsables) pensaient arriver à diviser le FIS qui sortirait
affaibli des élections. 17 éléments salafistes du FIS étaient proches du
pouvoir.» Il affirme que les GIA sont une création des services. «J’ai
vu Chabouti circuler à bord d’un véhicule appartenant à nos services.» (…)
«Ils nous demandaient d’un côté de lutter contre les intégristes et de l’autre
côté ils les relâchaient. (…) J’ai personnellement entamé un travail
d’approche avec le FIS pour atténuer la violence.» [Sur l’époque du
« double jeu »] Samraoui : «C’est vrai que c’était du temps de
Hamrouche.» » (El Watan, jeudi 4 juillet 2002)
« [Samraoui déclare] avoir «refusé de
servir de bouc émissaire» (…) «le GIA est une création des services de
sécurité» ; (…) assure «n’avoir pas compris pourquoi il y avait, d’un
côté, la lutte contre les intégristes et, de l’autre, un dialogue avec les
mêmes intégristes». (…) «les services secrets algériens étaient les
premiers à avoir pris conscience du danger islamiste» ». (La
Tribune, jeudi 4 juillet 2002)
« Samraoui [dit à propos des infiltrations]
du FIS. « Nous avons réussi à avoir « nos représentants » à la
direction du FIS » », (Le Soir d’Algérie, jeudi 4 juillet 2002)
« Mohamed Samraoui (…) raconte « les
infiltrations » , [il] explique que l’objectif des infiltrations
étaient [Sic – La même phrase et la même faute que Le Matin du même jour]
« de corser [casser ?] le FIS en lui attribuant des
actions ». Il affirme que « les militaires ont commencé à
l’époque à arrêter à tort et à travers des gens qui n’avaient rien à voir avec
le FIS, rien à voir avec les islamistes rien à voir avec les actions
violentes ». (…) Certaines personnes arrêtées par les forces de
l’ordre « subissaient des tortures » ». (Liberté,
jeudi 4 juillet 2002)
« Mohamed Samraoui s’appliquera à accabler
l’armée (…) Selon lui, « c’est en France, que les militaires algériens
ont des possibilités d’organiser des assassinats » « Dans
quelles circonstances, avez-vous été interpellé par votre
conscience ? », l’interpellera le président . « C’est à la
suite de ma fin de fonctions en Allemagne. On m’a téléphoné d’Alger pour me
signifier que j’avais quatre jours pour rentrer… » ».( El
Moudjahid, jeudi 4 juillet 2002)
« Dans un entretien accordé au site
algérien Algeria-Interface, l’ancien colonel du DRS, Mohamed Semraoui,
révèle avoir refusé d’exécuter deux missions qui auraient été commanditées par
sa hiérarchie. « En 1990, j’ai refusé de participer à un coup monté
contre l’ancien président Ahmed Ben Bella.” Cette affaire, dit-il, visait à
déstabiliser le gouvernement Hamrouche… “En 1996, je me suis opposé à
l’assassinat de dirigeants du FIS en Allemagne : Rabah Kébir et Abdelkader
Sahraoui.” Ce dernier a été assassiné à Paris » [Sic]
(Liberté du 07 juillet 2002)
« Mohamed Samraoui, (…) a témoigné des «
infiltrations » (…) Il a expliqué que le but de celles-ci [les
infiltrations] étaient [Sic – La même phrase et la même faute que Liberté du
même jour] de « casser le Front islamique armé (FIS) en leur[lui] attribuant
des actions ». Il a également raconté que les militaires ont commencé à
l’époque à « arrêter à tort et à travers des gens qui n’avaient rien à voir
avec le FIS, rien à voir avec les islamistes, rien à voir avec les actions
violentes ». (…) « L’ordre des exécutions venait du général
Lamari. L’ouvrage de Habib Souaïdia dit la vérité. » »(Le Matin, jeudi
4 juillet 2002)
Lorsque Khaled Nezzar reconnaît que « les
services » ont infiltré les islamistes, Le Matin (04/07/02) écrit :
« Face à ce témoignage, le général Khaled Nezzar, ancien ministre de la
Défense, qui est à l’origine de ce procès a répondu : “Les infiltrations, c’est
un travail de tous les services !“ » ; mais lorsqu’en 1995
Jacques Vergès évoque ces infiltrations (en des termes durs) voici ce
qu’écrivit alors Le Matin (du 19/09/1995, cité par El Hadi Chalabi, La presse
algérienne au-dessus de tout soupçon. Edition : Ina-Yas, 1999) :
« Incriminer les “services algériens“ d’avoir des hommes à eux parmi
les terroristes ne représente qu’un argument de force utilisé par cet avocat
pour discréditer l’Etat algérien (…) n’oublions pas l’origine asiatique de cet
avocat ! »
Extraits de ce qu’ écrit la presse
étrangère:
« La charge est venue d’un capitaine (…).
Mohammed Samraoui. [La mission qui lui était assignée :] « Barrer
la route du pouvoir au FIS [Front islamique du salut] par tous les
moyens. » (…) Les Algériens formés en Afghanistan, on les pistait,(…).
On connaissait tous les noms. On a arrêté des gens à tort et à travers, mais
pas eux, car on en avait besoin pour créer des organisations terroristes. Le
GIA, c’est la création des services de sécurité. On voulait radicaliser le
mouvement islamiste. Mais, par la suite, on n’a plus maîtrisé ces groupes.
C’était la pagaille » « Je lui [le patron des services de sécurité]
ai dit qu’on n’était pas en France, qu’on ne pourrait pas agir en toute
impunité. Nous avons lutté contre le terrorisme en utilisant ses
méthodes », (…) [Un récit fait sur un ton sobre pour] « défendre
l’honneur de l’armée » » (Le Monde, édition du 05 juillet 2002)
« Mohamed Samraoui : Pendant la
campagne des législatives à l’automne 1991,(…) . «Nous avons commencé à nous
occuper exclusivement de la lutte contre l’intégrisme»,(…) . «Notre
mission était de le faire imploser par tous les moyens, chantage, Corruption,
menaces»,(…) «Les actions violentes n’avaient pas commencé.
Nous avions établi la liste des personnes les plus dangereuses et demandé leur
arrestation. En vain : on avait besoin d’eux pour créer des groupes
terroristes. A la place, on a arrêté à tort et à travers. On cherchait à
radicaliser le mouvement.» (…) «On commençait par infiltrer les
noyaux des mouvements armés. Puis cela a pris une telle proportion qu’on ne
savait plus qui était qui. Plus personne ne parvenait à contrôler tous ces
groupes. Nous avons lutté contre le terrorisme avec des méthodes de
terroristes. Ce n’était pas une tolérance, mais une méthode de travail. Sinon
on n’aurait jamais atteint les 200 000 morts.» Quand Lamari lui demande de
préparer l’exécution de deux chefs du FIS en Allemagne. «Nous sommes en
Allemagne et pas en France, où vous avez des amitiés… En plus, je ne voulais
pas servir de bouc émissaire en cas de pépin.» » (Libération samedi 06
juillet 2002)
« L’officier Samraoui : Dès 1991, «
nous avions fait la liste de 1100 islamistes dangereux. Aucun d’entre eux n’a
été arrêté, mais des milliers de gens l’ont été à tort et à travers. Torturés,
exécutés. «Notre mission était de casser le FIS, l’infiltrer, le disloquer, attribuer
des actions violentes aux islamistes. On cherchait à radicaliser le mouvement.»
Puis il y eut «des infiltrations, la création de faux groupes». (…) Le GIA
est une création des services de sécurité algériens (…) violence et
manipulation» [étaient une tactique du pouvoir]. «Tous les officiers qui
se sont opposés au général Lamari ont été abattus par les GIA, tous ceux qui en
étaient proches n’ont pas eu une égratignure. Ceux qui revenaient
d’Afghanistan, on les connaissait. Ils prenaient tous le même vol par Tunis, 50
% moins cher. Dès qu’ils atterrissaient à Alger, ils étaient pris en main. Ce
n’était pas une tolérance, mais une méthode de travail (…) Mais les assassinats
quand même, mon général…» [En réponse au général qui a dit :
« Les infiltrations et les coups de Jarnac, c’est partout.»] » (Libération, 04 juillet 2002)
« Mohamed Samraoui, (…) « Notre
mission, martèle ce dernier, était de casser le FIS, l’infiltrer, le disloquer.
D’ailleurs le GIA (Groupe islamiste armé. NDLR) est une création des services
de sécurité algériens ». [Et lorsque le général dit « le GIA,
émanation des services, alors ça non »] Semraoui s’exclame : «
Mais les assassinats quand même, mon général ! » » (Le Figaro, 06
juillet 2002 )
« « Le GIA (Groupe islamique armé)
c’est la création des services de sécurité », est ainsi venu dire,
(…) Mohamed Samraoui (…) l’armée avait « infiltré »
les groupes islamistes pour les manipuler. Ce travail, qui revenait notamment,
à « créer la division », « amadouer » ou « corrompre »
les islamistes était destiné à « casser le FIS (Front islamique de
salut) en leur attribuant des actions ». Selon lui, parallèlement,
l’armée a « arrêté à tort et à travers des gens qui n’avaient rien à
voir avec le FIS, rien à voir avec les islamistes, rien à voir avec les actions
violentes », dans le but de terroriser les populations civiles ».
(AFP,06 juillet 2002)
« Mohamed Samraoui raconte (…) L’objectif,
dès 1990, est d’ « empêcher que le FIS prenne le pouvoir, par tous les
moyens ». « Nous avons infiltré les mouvements déjà existants
et créé des groupuscules », jure-t-il. « Il fallait casser le
FIS en lui attribuant des actions impliquant des islamistes » [Samraoui]
fait état d’ « opérations illégales, enlèvements, arrestations,
déportations, tortures, exécutions sommaires ». « Des Afghans (…),
les plus dangereux, n’étaient pas arrêtés, bien que parfaitement repérés. On
avait besoin d’eux » Samraoui a quitté l’armée le jour où, alors qu’il
était posté en Allemagne, « le général Smaïn Lamari lui a demandé d’assassiner
deux opposants, dont Rabah Kebir » ». (Le Parisien, 04 juillet
2002)
« Mohamed Samraoui (…) « On
avait crée des groupes, on avait infiltré. On se retrouvait avec des vrais
groupes et des faux groupes. A un moment, l’armée ne maîtrisait plus la situation.
Elle ne savait plus qui était avec qui ». M Samraoui, (…) a ajouté que
les militaires avaient arrêté « à tort et à travers des gens qui
n’avaient rien à voir avec le FIS, rien à voir avec les islamistes, rien à voir
avec les violences » ». (AP, 03 juillet 2002)
« L’ex-colonel Mohamed Samraoui, (…)
raconte qu’à partir de novembre 1990 l’armée a commencé à « infiltrer »
le FIS Ce travail (…) revenait notamment à « créer la
division », « amadouer » ou « corrompre »
les islamistes, poursuit le militaire. Le but: « casser le FIS en leur
[lui]
attribuant des actions ». (…) « On avait créé des
groupes, on avait infiltré et on se retrouvait avec des vrais et des faux
groupes. A un moment l’armée ne maîtrisait plus la situation. Elle ne savait
plus qui était avec qui, qui était ami, qui était ennemi »,
raconte-t-il. (…) L’armée a « arrêté à tort et à travers des gens qui
n’avaient rien à voir avec le FIS, rien à voir avec les islamistes, rien à voir
avec les actions violentes », (…) . « C’est à ce moment que j’ai
commencé à penser que l’on cherchait à radicaliser l’islamisme ».
Samraoui raconte qu’en 1994 le général Smaïn Lamari est venu le voir pour lui
demander « de coordonner l’assassinat de deux opposants » ».
(AFP, 03 juillet 2002 )
« Mohamed Samraoui enfonce le
clou. (…) «Notre mission était d’empêcher le FIS de parvenir au
pouvoir, par tous les moyens.» (…) [Il reproche au commandement de
l’armée de] «combattre le terrorisme avec les méthodes du terrorisme.»
La torture, les exécutions extrajudiciaires, les enlèvements sont «une
méthode de travail ordonnée par Smain Lamari», a-t-il affirmé ». (Algeria-Interface,
05 juillet 2002)
OMAR BENDERRA: Le secteur d’importation
s’alloue de façon médiévale à des familles du pouvoir.
Tout ce qu’ écrit la presse algérienne:
Quasiment aucun article n’évoque l’intervention
de Omar Benderra.
« L’un des avocats de la défense (…) tend la
perche [à Omar Benderra] : « Comment avez-vous vécu la corruption
en Algérie ? » Benderra répond : « Parmi les
200 généraux, il y en a cinq qui ont le monopole du blanchiment d’argent »« Y en a-t-il un parmi ces cinq généraux, ici présent dans la
salle », insiste le même défenseur. Benderra répond : « Oui » »(El Moudjahid, 09 juillet 2002)
Extrait de ce qu’ écrit la presse étrangère:
« Ce «bunker au pouvoir absolu» se
déchire (…) «Des rapports de force permanents, incestueux, où se mêlent
rivalité et complicité», explique l’économiste Omar Benderra. (Libération
samedi 06 juillet 2002)
Omar Benderra, (…). «Clé de voûte, le pétrole
permet de faire l’impasse sur la production. Ne reste plus que le secteur des
importations, qui s’alloue de façon médiévale à des familles du pouvoir, sans
aucun bilan : à l’un les céréales, à l’autre le sucre. 30 à 40 généraux sont
autorisés à faire des affaires. 4 ou 5 sont les grands détenteurs financiers.»
Un avocat de la défense : «Y rangez-vous Nezzar ?» Omar Benderra : «Incontestablement.»,
Nezzar [hurle] tous les grands projets auxquels il s’est opposé. «Et qui
ne sont donc pas réalisés.» Comme s’il fallait une preuve du contrôle de
l’économie par les généraux ». [Nous soulignons] (Libération jeudi, 04
juillet 2002)
« Omar Bendera, (…) accuse : « Cinq
ou six généraux détiennent la réalité du pouvoir » économique et
politique. Nezzar est-il l’un d’eux ? « Indubitablement ! » »
(Le Parisien – jeudi 04 juillet 2002)
« Pour Omar Benderra, «l’interruption du
second tour des élections en 1992 a provoqué l’arrêt du processus économique
d’ouverture vers l’extérieur, avec des réformes qui refusaient alors les injonctions
du FMI.» Ce programme abandonné, il n’en restera que «la gestion de la
dette, puis plus rien.» Cela entraîne la faillite du pays, soit «l’arrêt
de la machine économique, l’assèchement des réserves de changes et
l’appauvrissement des couches populaires les plus fragiles.» (…) Parce que «le
système de pouvoir est un système de privilèges, et ses responsables allouent
de façon régalienne une partie de la rente économique à leur clientèle. (…)
De nouveaux groupes [entreprises] apparaissent spontanément, sans que l’on
puisse connaître l’origine de leurs fonds, comme cela, à partir de rien.»
(…) « Incontestablement les puissances d’argent ne doivent leur
situation qu’à la proximité avec César, le pouvoir militaire, plus exactement
une partie du corps dirigeant de l’armée. Les clans militaires ont la mainmise
sur les réseaux d’affaires et l’on peut déduire cela de l’observation du
milieu, car il est difficile d’apporter des preuves matérielles. Cependant, si
l’on se reporte aux profils des cadres nommés à des postes sensibles, on peut
voir la chaîne de commandement.(…) La situation économique est évaluée
par le FMI, la Banque mondiale et, au niveau interne, encore pour quelques
temps, par le Conseil économique et social, que l’on veut affaiblir, car il dérange.
Ce sont ceux qui ont confisqué les richesses qui disent vouloir rétablir la
démocratie, il s’agit là d’un double langage (…) Ils se croient dépositaires
exclusifs de la légitimité. Ils cherchent à pérenniser leur situation, et la
gestion de la question kabyle le montre, mais elle est moins vendable que celle
des islamistes. Ils ne savent gérer que de manière sécuritaire, néo-coloniale,
violente. Le pétrole est la clé de voûte du système, il permet de faire
l’impasse sur la production économique.» » (Algeria-Interface, 05
juillet 2002)
GHAZI HIDOUCI: On m’a présenté comme un
agent de l’étranger
Tout ce qu’ écrit la presse algérienne:
« Ghazi
Hidouci (…) Interrogé, il répond ainsi : « Nous n’avons jamais été
soumis à des instructions ou à des pressions quelconques de l’armée »
« Que pensez-vous de Souaïdia ? » [lui demande l’avocat de
celui-ci], « Il a l’âge de mon gosse. Il aurait dû aller à la plage au
lieu d’écrire un pareil livre » (El Moudjahid, le 9 juillet 2002)
Extrait de ce qu’ écrit la presse étrangère:
« Ghazi Hidouci (…) affirme être arrivé au
gouvernement pour «appliquer des lois mises au point auparavant.» (…) «On
m’a présenté alors comme un agent de l’étranger et l’on a même dit que ma mère
était juive. (…) On sentait que notre contrat se réduisait chaque jour.
Nous avons discuté jusqu’en février 1991 pour aboutir à un désaccord. En juin,
nous constatons l’échec, je pars alors en France. (…) Au sein de la
classe politique, il y avait peu de partisans des réformes, des réformes
finalement réduites à une ouverture «façon mesquine, comme en Orient, avec des
possibilités de faire des affaires de façon ancienne, non capitaliste.»
(…) [Hidouci] s’adresse à Habib Souaïdia: «Je suis peiné de voir un officier
de l’armée algérienne mêlé à des histoires dégoûtantes et atroces. Il a l’âge
de mon fils et j’aurais voulu qu’il ne connaisse pas cela.» (Algéria
Interface, 05/07/02)
NICOLE CHEVILLARD: Les véritables dirigeants
sont les militaires
Tout ce qu’ écrit la presse algérienne:
Comme pour Omar Benderra, la presse algérienne ne
rapporte rien sur l’intervention de Nicole Chevillard.
« Aujourd’hui, c’était le tour de (…) Nicole
CHEVILLARD, rédactrice en chef du magazine économique Nord-Sud Export du groupe
Le Monde. Du côté de la partie civile… ». (Le Soir du 04/07/02)
Extrait de ce qu’ écrit la presse
étrangère:
« Le constat [de Nicole Chevillard] sur
l’Algérie, est implacable : « Les dirigeants étaient au sein de la
hiérarchie militaire. Les cercles du pouvoir entretiennent des rapports de
force, et sous des changements de façade, les choses restent dans la
continuité. » Ainsi, quand le président Chadli a été « démissionné »
, les « trois généraux majors étaient d’accord » » (Le
Parisien du 04/07/02)
« Nicole Chevillard, analyse les
risques-pays (…) Concernant l’Algérie, son travail, (…) a permis d’analyser la
nature du pouvoir algérien. (…) Les «véritables dirigeants sont les
militaires, ce n’est pas là une originalité de notre analyse. C’est une
constante historique de l’Algérie», affirme-t-elle. (…) «Plusieurs
tentatives de combler le vide du pouvoir ont été essayées. On retrouve toujours
en position dominante Nezzar, Belkheir… » (Algeria-Interface, 05
juillet 2002)
JOSE GARCON : Le statu quo n’est pas
tenable
Tout ce qu’ écrit la presse algérienne:
« Mme José Garçon, (…) tonne : « Le
statu quo n’est pas tenable. » (…) « Les revendications du GIA me font
sourire. 70 % des massacres du GIA sont partis des services secrets algériens ».
(Le Matin du 4 juillet 2002)
« José Garçon (…) raconte qu’elle a eu une « découverte
brutale du pouvoir algérien » (…) [sa nature] est avant tout « violente
et sauvage ». (…) Elle a même suggéré [de] « laisser le FIS
gouverner et intervenir après s’il le faut ». (…) [sur la
revendication du GIA] José Garçon dira : « Cela me fait
sourire. » » (Le Soir d’Algerie, 4 juillet 2002)
3.6- LE PROCES
Dès l’ouverture du procès des
journaux indiquent qu’il « sera pendant cinq jours une tribune pour un
débat contradictoire sur l’Algérie de ces dix dernières années ». (El
Watan du 02/07/02) ; un « procès d’ores et déjà
politique » (Le Matin du 01/07/02) , « un procès
extraordinaire » (Liberté du 02/07/02) , où « l’Algérie défend
l’honneur de son armée » D’ailleurs « une victoire de Nezzar,
de l’Armée algérienne donc [Donc !] (…) constituerait une charge
symbolique inouïe » (Le Quotidien d’Oran du 04/07/02)
Le 02 juillet Le Soir d’Algérie
trouve que ce procès est celui du « « qui-tue-qui » (…), une
affaire hautement politique (…) un autre combat contre le terrorisme »
mais il trouve aussi – le même jour – qu’il est « une grande
supercherie ». Le Matin du même jour approuve : « un
pamphlet contre la souveraineté de l’Etat ».
D’autres quotidiens regrettent que
le procès se déroule en France. « Un procès algéro-algérien tenu dans
la capitale française » (Liberté du 01/07/02), « L’Algérie se
met en procès chez l’ancien colonisateur » (Le Quotidien d’Oran du
04/07/02). Sur cette question la presse est restée timorée lorsqu’on se
rappelle la quantité d’articles, les volées de bois verts, les « fleuves »
d’encre noire qui ont suivi les demandes de l’opposition pour que des
observateurs de l’ONU enquêtent sur la situation dramatique du pays et d’en
fixer les responsabilités ce qui est moins grave que de « se mettre en
procès chez l’ancien colonisateur ». Ce silence est aujourd’hui lourd
de signification.
Après le procès, Horizons écrit
(08/07/02) : « Le procès (…) cette « scène d’exorcisme »
(…) se meut inexorablement en procès d’une vision aliénante et légitimante du
terrorisme. Au banc des accusés : l’alliance contre nature de feu
Sant’Egidio. », tandis que pour le Quotidien d’Oran (18/07/02) le
procès « a été irréversiblement dévié »
« Le procès (…) a laissé
au sein d’une large partie de l’opinion un goût amer » (El Watan du
08/07/02) , mais, relativise Le Matin (02/07/02) « les questions posées
par le juge à Nezzar ne sont pas dénuées d’impartialité » et « L’opinion
publique retiendra la partialité du juge ». (07/07/02) ; pour
ajouter qu’en définitive le procès « fut un coup réussi pour l’armée :
l’abcès est crevé . Les militaires algériens se sont expliqués »
(Le Matin du 11/07/02). Selon ce journal la demande de Lamari est exhaussée
puisque c’est ce qu’il demandait : « Avec Nezzar, c’est un procès
qui va aller au delà de la diffamation. Qu’on crève l’abcès
définitivement » (El-Moudjahid du 03/07/02).C’est bien se
qu’avait compris Libération (du 01/07/02) : « Parce qu’il est le
plus impulsif d’entre eux, ou poussé par certains de ses pairs, Khaled Nezzar a
visiblement décidé de crever l’abcès. Et d’utiliser ce procès en diffamation
pour absoudre une fois pour toutes le haut commandement militaire de toutes les
accusations portées contre lui »
3.7- LES ENNEMIS
Durant les années de plomb (à
l’exemple du bloc communiste dont elle louait le modèle) à la moindre montée de
fièvre la presse algérienne montrait d’un seul doigt « les ennemis
intérieurs et extérieurs de la Révolution ». Aujourd’hui (par la grâce
d’une circulaire – N° 04/90 du 19 mars 1990 – de monsieur Mouloud Hamrouche
premier ministre de Chadli Bendjedid) aux côtés de journaux publics il y a de
nombreuses publications privées.
La presse est plus nombreuse et
officiellement « libérée » de tout lien avec le régime. Pour le moins
en ce qui concerne la presse privée. Les procédés qu’utilise cette presse
tendent « paradoxalement » à montrer que ce n’est pas le cas. Bon
nombre de journalistes de l’école des années ’70 se retrouvent membres de
journaux privés (responsables ou actionnaires ou/et rédacteurs).
Au vocable
« impérialisme » se substituent d’autres mais l’ennemi est toujours
extérieur avec la connivence « d’algériens factieux, ennemis internes,
traîtres » ou vice-versa.
Ainsi la presse algérienne
publique ou privée fait reposer la responsabilité des multiples manifestations
contre le régime et jusqu’à ce procès « intenté par Nezzar »
sur « les ennemis de l’Algérie » (intérieurs et extérieurs)
sur ces « moutons qui suivront (…) l’éditeur de La Sale Guerre
[aux]
méthodes sournoises » (La Nouvelle République du 29/06/02),
et sur « Ali Yahia Abdennour et toute la smala du Kituki » (Le
Soir du 14/07/02).
Pour ces journaux cette « machination
(Nouvelle République du 01/07/02) est le fait d’ une agrégation de
« collusions » allant des « criminels politiques »,
du «binôme FFS- FIS » à « l’Internationale socialo-islamiste »,
au « trotskiste Gèze », et aux « héritiers staliniens
de Mittérand » ainsi qu’ à « l’alliance de Sant ‘Egidio ».
[Les adversaires de Khaled Nezzar, ces] « calomniateurs de tous bords,
ont affûté leurs armes pour faire [du procès] une tribune de subversion
idéologique au service des intégristes » (El Moudjahid du 01/07/02). « Les
criminels d’alliés politiques [des égorgeurs du FIS] nationaux ou
étrangers [ont] le champ libre (…) la complicité de l’Internationale
Socialiste aidant » (Le Soir d’Algérie du 02/07/02) ,
On retrouve derrière ce procès qui
a vu se « confronter le FFS et Nezzar » (L’Expression du
06/07/02) (…) « les partisans acharnés de « la pensée unique »
médiatico-politique se rencontrant dans les laboratoires de l’Internationale
Socialiste. [Mais] la vision stalinienne des héritiers Mittérandiens a
failli en terre française (Horizons du 08/07/02). Finalement « en
toile de fond de ce procès (…) se dessine une réponse à la machination
échafaudée par l’intrigant F. Gèze, aussi dévoué que le plus servile des
bouffons » (…) avec l’aide de cercles socialo-islamistes. » (La
Nouvelle Republique du 01/07/02) . « Le procès (…) se meut
inexorablement en procès d’une vision aliénante et légitimante du terrorisme.
Au banc des accusés : l’alliance contre nature de feu Sant’ Egidio »
(Horizons du 08/07/02).
Des déclarations qui confortent et
complètent celles des « épigones » du régime selon le mot de Addi
Lahouari. ; tous « unanimes. A la manière de soldats disciplinés
ils étaient venus à la barre défendre pied à pied l’honneur de l’armée »
(Le Monde du 05/07/02). : « Devant une assistance scotchée à ses
propos, Ghozali affirme que sa “conviction profonde est de rétablir la vérité
contre des assertions qui entrent dans le cadre d’une stratégie de l’intégrisme
qui, pour accéder au pouvoir, table sur l’effondrement de l’État, en utilisant
la déstabilisation de l’Armée, seul rempart possible à ce projet »
(Liberté du 03/07/02). «Interrogé sur le livre de Souaïdia, M. Ghozali
a tout d’abord déclaré qu’il n’était pas venu témoigner contre Souaïdia, qui
est, selon lui, « l’instrument d’une opération médiatique et d’un
matraquage qui ne date pas de ce jour » ». (Le Matin du 03/07/02).
Ce type de déclaration et d’autres
du même acabit , de milieux proches de certains cercles du pouvoir sont relayés
par la presse algérienne comme nous le montrons ci-dessous à propos de ce
procès. Presse algérienne qui ne s’est jamais posé la question de la censure du
livre de Habib Souaïdia. « La Sale Guerre que « l’écrasante
majorité des algériens ne lira sans doute jamais [car elle] n’a aucun accès au
champ d’expression, monopolisé (…) par la minorité qui prétend détenir
l’exclusivité de l’honneur national » lit-on dans une pétition
[in : www.algeria-watch.org]
3.8- LES MEDIAS ETRANGERS
Ce point est
« naturellement » à relier (au vu des contenus d’articles analysés de
la presse) au point précédent. Il est à préciser que ce qu ‘écrit la
presse algérienne sur les témoignages des journalistes étrangers durant le
procès est porté à la seule rubrique 3.5 : Les témoignages.
La presse algérienne accuse les
médias français de partialité, lorsque ces médias justement et au contraire
donnent la parole à des hommes et des femmes censurés par les médias algériens.
Ce procès a permis « un
débat qui n’a jamais été possible dans les médias[entendre : « en
France »] » (El Watan du 02/07/02), « ces médias qui
doivent déjà se lécher les babines » (L’Expression du 03/07/02) Mais «
la machine médiatique française » (L’Expression du 01/07/02) ou parisienne
« si friande de ces joutes suicidaires algéro-algériennes »
(Liberté du 14/07/02) a lancé « une campagne » (La Tribune du
02/07/02) où « ruses, astuces, allégations, désinformations et intox
sont employés » (El Moudjahid du 04/07/02). Cette campagne « assimile
la plainte de Nezzar à celle de l’armée algérienne » (L’Expression du
03/07/02). Or, rappelons les déclarations de monsieur Ghozali après le
procès : « Dans une entretien accordé à l’hebdomadaire « El
Khabar Hebdo » l’ancien chef du gouvernement reconnaît que l’État algérien
a pris en charge tous les frais liés à ce procès. Il déplore cependant que
l’État ne se soit pas impliqué politiquement dans le procès » (Algéria
Interface du 26/07/02). « Des journaux (…) ont sous-entendu que
Khaled Nezzar défend l’honneur de toute l’armée algérienne à travers ce procès.
Les médias, il faut le craindre, ont donné une orientation de mauvais aloi aux
débats ».(l’Expression du 03/07/02).
Heureusement que les socialistes
français ont été battus aux dernières élections se réjouissent les journaux car
« Sans ces facteurs [le recul des socialistes] particulièrement
favorables au plaignant, le traitement médiatique aurait [sic] été plus
mis [sic] en valeur. Aucun journal [français] en effet, n’a
accordé hier son ouverture au procès (…) Des articles particulièrement
« orientés » n’en ont pas moins été faits. L’information brute,
objective, n’occupe que très peu de place dans la plupart de ces articles. Un
cachet politique très clair est collé au procès alors que Nezzar ne mène
bataille que pour une simple histoire de diffamation » (l’Expression
du 03/07/02).
L’expression fait l’impasse sur la
déclaration de Me Jean-René Farthouat avocat de Khaled Nezzar, sur la
politisation du procès «Nous n’avons pas engagé cette procédure pour rien.
Nous entendons faire une large mise en perspective de tout ce qui s’est passé
en Algérie ces dernières années», a-t-il déclaré » dès le 29 juin
2002, (El Watan du 02/07/02)
L’Expression insinue que « sans
ces facteurs » c’est à dire si les socialistes n’avaient pas été
vaincus aux dernières élections « le traitement médiatique »
eut été plus orienté, à l’image de ce qu’écrit « cette journaliste
acharnée [et] du qui tu qui [Sic] (…) [et] dans sa haine
contre l’Algérie » (APS du 06/07/02).
3.9- LE SILENCE
La presse tut les témoignages de
Mehdi Mosbah, de Mohamed Samraoui, de Omar Benderra…Elle se tut aussi sur la
falsification de faits historiques.
Lorsque des témoins de Khaled
Nezzar (Leïla Aslaoui et Omar Lounis) laissent entendre que la marche du jeudi
02 janvier 1992 a été appelée et organisée par le CNSA (comité national de la
sauvegarde de l’Algérie) ils falsifient les faits. Cela est une contre-vérité
historique. Ces déclarations sont délibérément incomplètes.
Aslaoui dit (Le Soir, 10 juillet 2002) : « Je
peux affirmer qu’il [Aït Ahmed] était fatigué très fatigué même, en
proie à de sérieuses difficultés de mémoire (erreurs sur des dates) [Aït
Ahmed] a refusé l’idée que c’est à l’appel du CNSA que nous avions manifesté
le 02 janvier 1992. Fort heureusement un des artisans- M. Lounis Omar
syndicaliste- a expliqué au tribunal comment le CNSA avait été créé et dans
quelles conditions la marche a eu lieu. Je me souviens pour ma part que j’avais
crié avec d’autres : « Non au deuxième tour, armée, avec nous ». »
Cette personne tente de semer le doute sur les facultés intellectuelles de
Hocine Aït Ahmed en suggérant sa sénilité. Ces procédés à l’égard notamment de
Monsieur Aït Ahmed qui sont anciens, ont cet avantage de caractériser à eux
seuls leurs émetteurs.
Ce commentaire d’El Moudjahid (du
06/07/02) : « Omar Lounis (…) fera une large rétrospective sur la
création et les actions du CNSA avant d’aborder les objectifs de la grande
marche du 02 janvier 1992 » ainsi que celui de l’APS (06/07/02) :
« [Aït Ahmed] a soutenu des contre-vérités allant jusqu’à dire
que son parti avait organisé une grande manifestation à Alger pour s’opposer à
l’arrêt du processus électoral » abondent dans la même tentative de
désinformer. Les autres journaux se bandent les yeux se bouchent les oreilles
et se taisent. Ce silence participe d’une certaine manière à la falsification
de faits historiques.
Quels sont ces faits ?
Le 30 décembre Le Quotidien
d’Algérie écrit : « C’est au siège du FFS que Aït Ahmed a tenu [le
dimanche 29 décembre 1991] une conférence de presse (…) [Il appelle] à une
marche le jeudi 02 janvier 1992 »
Les objectifs de cette marche sont
formulés dans un encart publicitaire paru notamment dans Le Matin et El Watan
du 31/12/91 : « Refuser la fatalité de la République intégriste
après avoir refusé l’Etat policier (…). Sauver la démocratie… » mais « La
machine politique qui prépare publiquement l’arrêt des élections se met en
branle le 31/12 par la création du CNSA » (Abed Charef, Le grand
dérapage. Edition de l’Aube). Le CNSA est créé le 30 décembre 1991 dans des
circonstances troubles, notamment par la direction de l’UGTA, des cadres de
l’administration publique et des membres du patronat. Cette association est
agréée le lendemain 31 décembre. Cette célérité de l’administration est unique.
Inouïe. Ce comité est « né dans le bureau du ministre de l’information
M. Abou Bakr Belkaïd » (Louisa Hanoune, Une autre voix pour l’Algérie.
Edition La Découverte).
Le CNSA appelle (encart dans Alger
républicain du 02 janvier 1992) « tous les algériens à exprimer leur
attachement au développement du processus démocratique (…) à exiger le respect
par tous, de la légalité constitutionnelle… ». Le jour de la marche, « Des
centaines de milliers d’algériens ont répondu à l’appel de Hocine Aït
Ahmed » (Le Matin du 04/01/1992). « Du balcon de l’hôtel [Aït
Ahmed] s’adresse brièvement à la foule, appelant « au respect de la
légalité pour éviter une guerre civile » en soulignant
« qu’interrompre le processus électoral signifierait cautionner les
institutions au pouvoir ». (Le Monde du 04/01/1992).
« La fièvre
anti-électorale est relayée par la presse francophone qui multiplie les
« une » catastrophiques (…) L’objectif est clair : montrer que
la « société civile » appelle de ses vœux l’interruption du processus
électoral » (José Garçon ; in Reporters sans frontière « Le
drame algérien ». Edition La découverte.). Il est vrai que la presse
martèle cette demande d’interruption du processus électoral . Les 5 et 6
janvier « le ministre de la communication organisa une grande
conférence nationale sur la presse (…) pour sonder les patrons de presse et les
journalistes, et les préparer à la remise en cause des élections. »
(Abed Charef, Le grand dérapage). Une des trois tendances qui se dégagent
durant cette conférence « est prête à collaborer avec le pouvoir [mais]
demande des garanties et des contreparties, essentiellement financières »
(Abed Charef).
En définitive qu’est-ce que cette
association dénommée CNSA ?
« Une structure politique
mise en place à l’initiative de l’armée, dont Khaled Nezzar était le
chef » (AP, le 11/07/02), « La presse salue la naissance du
CNSA, une structure née pour défendre la démarche des décideurs » (Le
Jeune Indépendant ; avril 2001)
« Appelée par le FFS
explicitement pour sauver le processus démocratique à la fois contre la menace
islamiste et celle d’un coup de force militaire, la gigantesque marche
populaire du 02 janvier devient de glissement sémantique en exégèse
journalistique, un refus du verdict des urnes » (La Nation du 06 au
13/01/1992)
CONCLUSION
Les titres de la presse durant la
semaine du 01 au 07 juillet sont peu signifiants. Ils reflètent peu le contenu
des articles. Les formules utilisées pour désigner le plaignant ou ses témoins
si elles ne sont pas élogieuses, le plus souvent elles les valorisent
positivement. Parfois, pour faire bonne mesure la presse égratigne Khaled
Nezzar lui même ou tel ou tel ancien « haut responsable », témoin de
la partie civile.
Habib Souaïdia et ses témoins sont
autrement traités. Le parti-pris est manifeste notamment dans le choix des
vocables et des symboles que cette presse leur associe.
La presse algérienne ignore
certains témoignages, accompagne d’autres de ses commentaires auxquels la
majorité des témoins ne peuvent très probablement pas répondre. L’objectif de
ces commentaires est d’en réduire la portée. Le procès lui même est diversement
apprécié par la presse qui choisit de s’attaquer ouvertement aux ennemis
extérieurs et intérieurs ainsi qu’à la presse étrangère (française).
L’espace quantitatif que la presse
algérienne a réservé aux témoignages de Khaled Nezzar et ses soutiens avoisine
près de 80% de l’ensemble de l’espace consacré aux témoignages. Le traitement
réservé par la presse au procès « Nezzar-Souaïdia » est donc à
quelques extraits d’articles ou signatures prêts, « orienté ».
Le régime algérien a voulu
affaiblir l’opposition démocratique et reprendre l’initiative devant une Europe
qui, malgré la signature de l’accord d’association prêtait à nouveau une
oreille attentive à l’opposition surtout depuis la parution d’ouvrages
dénonçant les pratiques de certains segments de l’armée algérienne et l’immense
écho international qui en a résulté. Profitant de « l’aubaine du 11
septembre 2001 », il engage un procès par l’intermédiaire du général
Khaled Nezzar, « pour absoudre une fois pour toutes le haut
commandement militaire de toutes les accusations » (Libération du
01/07/02) et convie par la même la presse à le suivre . « Le
11 septembre a éclairé la communauté internationale sur l’ampleur du drame que
les Algériens subissent depuis des dizaines d’années du fait d’un terrorisme
d’inspiration islamiste » (El Watan du 11/09/02).
« Ghozali reconnaît que l’Etat algérien a
pris en charge tous les frais liés à ce procès ». (Algéria Interface
du 26/07/02). Il ne s’agit donc pas d’un procès en diffamation intenté par «
un ex-général à la retraite contre un ex- sous-officier voleur de pièces
automobiles ». Il s’agit d’une offensive politique du régime contre
l’opposition démocratique qui n’a de cesse de porter les débats sur la nature
du pouvoir en Algérie.
L’Humanité (du 01/07/02) écrit : « ouverture
du procès à l’initiative de l’armée algérienne représentée par le général
Khaled Nezzar [qui] fait partie de ces hommes forts qui, dans le cercle
très restreint des décideurs militaires algériens, exercent dans l’ombre le
vrai pouvoir en Algérie ». « Ce qui importe pour les avocats
du général c’est (…) de contrecarrer la campagne médiatique, laquelle a porté
un coup à la réputation de l’armée algérienne ». (La Tribune du
02/07/02). « Aujourd’hui, les militaires ont vraisemblablement décidé
de laver ‘’l’honneur de la tribu’’ (…). Tout porte à croire que leurs dernières
sorties ne sont pas spontanées. Ils se sont décidés enfin à se défendre (…).
Les militaires algériens se sont expliqués » durant le procès. (Le
Matin des 13 et 11/07/02).
Cette offensive contient en elle
un traitement médiatique approprié au procès. Lors d’une conférence de presse
le général Lamari Mohamed déclare : « ce procès (…) Nezzar l’a
intenté pour aller au delà de la seule diffamation. Il faut crever l’abcès une
fois pour toute » (Le Quotidien d’Oran du 03/07/02). La veille de
l’ouverture du procès le ton est donné par un des avocats de Khaled Nezzar qui déclare :
« nous entendons faire une large mise en perspective de tout ce qui
s’est passé en Algérie ces dernières années ». (AFP, le 29/06/02) car
il est insuffisant de dénoncer le seul Habib Souaïdia, qui n’est qu’un « instrument
d’une opération médiatique » déclare Ghozali (Le Matin du 03/07/02).
Il faut donc dépasser le prétexte de la diffamation et dénoncer toute
l’opposition et ses alliés qui veulent « s’attaquer à l’Algérie ou à
l’institution militaire » (Le Matin du 11/07/02), d’où la virulence
contre toute l’opposition démocratique appelée « alliés de
l’internationale socialo-islamiste » , de Sant’Egidio aux « héritiers
staliniens de Mitterand »
La presse peut-elle se positionner
autrement qu’elle l’a fait ? Non même si, écrit-elle ce procès la gêne. « On
comprend que la presse ne puisse se poser (certaines) questions parce qu’elle a
des enfants et des parents à nourrir ». (El Watan du 14/07/02) mais
surtout parce qu’elle a des engagements de collaboration à respecter.
Il y a lieu de rappeler ici ce qu’écrivait
Le Matin (du 11/07/02) : « Le procès Nezzar-Souaïdia fut un coup
réussi pour l’armée : l’abcès est crevé. Les militaires algériens se sont
expliqués, dans une capitale occidentale [nous soulignons] (…). C’est
fait » ; ou bien ce commentaire sans ambages du Quotidien d’Oran
(du 04/07/02) : « Une victoire de Nezzar, de l’armée algérienne,
donc, [nous soulignons] en France, constituerait ensuite une charge
symbolique inouïe. Au quarantième anniversaire de l’indépendance du pays, c’est
plus qu’une victoire, c’est l’affirmation d’un rôle qui, (…) devient un
facteur de légitimation politique pérenne ». [nous soulignons].
Le Matin ajoute : « Le
procès va déborder (…) pour devenir un réquisitoire contre l’armée algérienne,
et à ce jeu là, pourquoi se le cacher, il n’y a guère de place pour la
neutralité : cette cause est la notre » (01/07/02). Comment alors
ne pas rapprocher ces prises de position de ce témoignage de M. Mohamed Harbi
qui : « n’hésite pas à dire que «la presse demeure le secteur le
plus infiltré par la SM et qu’en l’occurrence, elle demeure le meilleur allié
de l’armée». » (L’Expression du 03/07/02)
La presse s’est positionnée et
elle avoue sa dépendance : « Nezzar tisse avec certains journaux
une véritable lune de miel » écrit Liberté (du 13/07/02) qui se voit
vertement répliquer par Le Soir d’Algérie (du 14/07/02) et qui prend pour lui
l’écrit de Liberté : « C’est maintenant qu’il faut se mouiller
pour un Smic démocratique (…) après il sera trop tard pour (…) venir remuer du
popotin ». Mais L’Expression (du 13/07/02) qui écrit : « En
s’attaquant à Fattani [le directeur de ce journal], Nezzar cherche
délibérément à atteindre une autre cible » confirme ce qu’écrit
Liberté mais ne précise pas qui est cette cible qui se dissimule derrière les écrits
de Fattani (ou du journal).
Lorsque le Quotidien d’Oran (du
18/07/02) écrit : « L’interview fleuve de Mohamed Lamari, précédée
de confidences énigmatiques d’un autre officier supérieur (…) suivie d’une
série de commentaires et d’analyses visiblement commandées », il
confirme à son tour ces « liens tissés ».
En 1992 deux directeurs (à des
périodes différentes) du même hebdomadaire Algérie Actualité, s’accusent
mutuellement d’être à la solde des « patrons de la direction générale
de la sûreté nationale » , une autre fois un journaliste de L’Hebdo
Libéré écrit que son directeur « a mis à la disposition des policiers
les dossiers administratifs de certains journalistes » (Ali Yahia
Abdennour, Algérie raison et déraison. Edition de l’Harmattan)
« Dans son livre les Nouveaux Boucs
émissaires Abderrahmane Mahmoudi [ex directeur de l’Hebdo Libéré qu’il a
lancé] qui voue une fascination extrême pour les services de renseignements (…)
soutient que « la disparition brutale » du colonel Salah, de
la DRS «a très probablement un lien avec sa participation à un mouvement
d’officiers supérieurs qui, (…) décident d’installer à la présidence de l’Etat
le général Liamine Zeroual, sans passer par la fameuse conférence nationale de
janvier 1994. Quelques journalistes, dont deux ont été par la suite contraints
à l’exil, et un autre assassiné, avaient été approchés pour assurer la partie
médiatique de l’opération». (In Libre Algérie n° 56, 23 octobre 2000).
Depuis de nombreuses années
certains cercles du régime « tissent » avec des journalistes ou
directement avec des responsables de journaux des liens. Des liens sont tissés
sur la base de compromis. La presse est prête à « collaborer avec le
pouvoir » (Abed Charef), en contrepartie de quoi le régime la tolère.
Ces arrangements ou compromis d’intérêts sont ici entendus au sens de sociation
(Vergesellschaftung) que leur attribue Max Weber ; une « entente
rationnelle » fondée sur une « constellation » d’intérêts. Il ne
peut en être autrement. « Comment pourrait-il exister une presse libre
dans un pays sans Etat de droit ? » s’interroge Salima Ghezali
(In La lettre de la FIDH, 04/1999).
Les journaux d’opposition ont
disparu de la scène médiatique algérienne dans un silence approbateur ou
accompagnés de commentaires inacceptables tels que ceux d’El Watan. Lorsqu’en
effet à la suite des coups de boutoir répétés de l’administration
l’hebdomadaire La Nation disparaît, El Watan (notamment) affirme dans son
édition du 13 mars 1997 : « c’est la commercialité qui lui sera
fatale » sans autre précaution bien que plusieurs autres journaux qui
avaient des dettes beaucoup plus élevées n’ont pas été inquiétés.
La presse algérienne est nombreuse
et traite des quantités de questions. Elle met en lumière un certain nombre de
problèmes. Elle est indépendante lorsqu’elle aborde des sujets perçus comme non
sensibles.
Il arrive que la presse comme nous
l’avons écrit donne la parole à l’opposition pour tenter de se départir de
l’image, de la position qui sont réellement les siennes mais c’est pour aussitôt
cerner cette parole par des flots de commentaires autres, dont l’objectif est
précisément de noyer la parole octroyée parfois jusqu’à caricaturer le
journalisme, tel cet exemple à propos du procès : « Les témoins de
Souaïdia ne disaient pas que des mensonges quand ils pointaient du doigt (…) la
responsabilité de l’armée » (Le Matin du 11/07/02).
Mais cette presse est aussi une
presse qui soulève des questions très sensibles. Elle est une presse de combat
bien qu’il faille distinguer les journaux zélés « va-t-en guerre »
(ou outranciers comme la presse gouvernementale) et les autres, ceux qui par la
sobriété de leurs commentaires laissent entendre leur incapacité à aller au
devant de certains événements, « sans ordre ». Ceux-ci existent
difficilement. Lorsqu’elle révèle des compromissions dans le cadre
« d’enquêtes » sur des dossiers très sensibles (douanes, importation,
islamisme, contrats internationaux de gaz et pétrole) ou lorsqu’elle s’attaque
à de hauts dignitaires du régime, ou à des membres de la haute hiérarchie
militaire (Betchine, le général Beloucif, les « magistrats
faussaires » …) la presse le fait avec le consentement direct ou tacite ou
encore sur « ordre » d’autres hauts dignitaires du régime ou d’autres
membres de la haute hiérarchie militaire, les « marionnettistes »
avec la garantie d’une certaine protection.
Lorsqu’en cet été 2002 une partie
de cette presse tente de déstabiliser le président de la République Abdelaziz
Bouteflika (« affaire » Orascom), L’Expression (du 08/08/02) écrit
pudiquement : « un lien direct, clair et tranché existe entre
cette campagne et celle de 98 [campagne médiatique contre le
ministre-conseiller du président de la République Liamine Zeroual les amenant à
une réaction « épidermique » : démissionner]. Les
mêmes médias (…) et, sans doute, les mêmes sources, pour ne pas dire
marionnettistes, sont en charge de la campagne de 2002 (…). Impossible de
croire que cette brusque montée au créneau ne répond à aucun besoin
politicien ». Abondant dans le même sens Algéria-Interface (du
06/09/02) écrit : « Le « feuilleton de l’été 2002 » ne
semble guère, faute de combattants, se terminer par un remake de celui qui a
contraint les généraux Mohamed Betchine puis Liamine Zeroual à passer la main,
en 1998. (…) Il n’y a pas eu d’unanimité contre Bouteflika ».
Lors de la conférence de presse de
Khaled Nezzar durant laquelle il annonçait qu’il allait porter plainte contre
Habib Souaïdia, « une vieille révolutionnaire » qui a
bruyamment perturbé la conférence interpelle les journalistes présents : « Et
vous, vous venez lui faire la cour et lui sourire (…) Venez, ne vous sauvez
pas ! Je peux vous apprendre à parler, à être courageux ! (…) Nezzar
n’a été qu’un Pinochet, un assassin, un criminel sans scrupule et sans
envergure ! » (L’Expression du 23/08/02)
Là aussi, à une ou deux
exceptions, les suppliques de cette vieille mère de disparu furent l’objet d’un
dédain médiatique général.
« Il y a longtemps que je ne
lis plus la presse algérienne (…). Ma conviction est devenue inébranlable lorsque
j’ai eu l’impression sordide qu’elle faisait corps à l’unisson dans des
campagnes de conditionnement de l’opinion à l’occasion de massacres de
populations civiles (…). Elle vire de bord au gré des ordres reçus ».
(Maître Hocine Zahouane, Ligue Algérienne de Défense des Droits de l’homme
–LADDH- cité par El Hadi Chalabi, La presse algérienne au-dessus de tout
soupçon).
La presse algérienne
gouvernementale ou privée est dépendante. La formule « à son corps
défendant » est ici inadéquate. Cette presse ne pouvait par conséquent
traiter équitablement, objectivement le « procès Nezzar-Souaïdia ».
Telle est notre conclusion.
Canal+
diffuse demain mardi 31 octobre un reportage de 25 minutes sur l’assassinat de
Matoub Lounès le 25 juin 1998. C’est un condensé explosif qui donne la parole à
la famille du chanteur, à des villageois et d’autres témoins directs de
l’attentat. Pas moins de 18 témoignages tissent le documentaire. Certains sont
perplexes d’autres accusateurs. Rappelons le contexte dans lequel est
intervenue cette tragédie.
Ces premiers mois de 1998 se caractérisent par un
climat délétère:. En effet :
En mars monsieur Sané (AI)
appelle à une action « immédiate et effective » pour mettre fin à la
crise des droits de l’homme en Algérie.
Le 4 mai le responsable de
l’ONDH reconnaît pour la première fois l’existence de centres secrets de
détentions.
Le 9 mai les ministres des
affaires étrangères du G8 exhortent le pouvoir algérien à autoriser l’envoi
d’une mission de l’ONU
Durant tout le mois de juin
de larges échos sont donnés à des articles au vitriol d’un responsable de parti
visant particulièrement Betchine pour le déstabiliser. (1). Deux ans plus tard
ce même leader politique siègera dans le nouveau gouvernement.
Le 17 juin Amnesty
International publie son rapport annuel.: « …le pouvoir algérien a reconnu
que de très nombreux membres des forces de sécurité ont été arrêtés pour des
crimes commis depuis 1995 et précédemment imputés à des groupes armés tels que
le GIA… »
En juin le mouvement de
protestation dénonçant la loi « scélérate » s’amplifie. Cette loi
« portant généralisation de la langue arabe » va prendre effet le mois
suivant.
Le documentaire
Le documentaire s’ouvre sur un groupe de
« patriotes », des membres de la hiérarchie militaire et des cadavres
anonymes. Les images sont insoutenables. Il s’achève 25 minutes plus tard sur
le chanteur, debout les doigts formant le V de la victoire.
Le commentateur précise que d’emblée à l’enterrement
de Matoub Lounès « la foule est persuadée que le pouvoir est le véritable
commanditaire de l’attentat »
ajoutant que « d’étranges repérages ont été effectués »
Le premier témoin est direct et formel : »
depuis des mois…un officier de la SM connu venait chaque jour faire un petit
footing le long de la route. Dans la région tout le monde le connaît… »
Plusieurs villageois de Tala-Bounane ont tenté
d’alerter les autorités sur la présence « d’étrangers armés se promenant en
plein jour », en vain. Pris de panique légitime ils ont alors décidé
d’attirer l’attention d’ONG et de médias internationaux. Voici le cri de
détresse de ces habitants lancé aux autorités le 22 juin 1998 :
» (…) des individus armés (…) ont réussi à
installer dans le village un climat de peur et de terreur (…) nous vous
interpellons et attendons de vous une intervention rapide et efficace avant
qu’il ne soit trop tard. Dans le cas contraire vous serez tenus pour seuls
responsables devant la justice et l’opinion internationale. »
Par ailleurs le matin même de ce jeudi 25 juin 1998
selon un autre témoignage appuyé par la mère de Matoub, un camion de l’ANP a
déposé un groupe de militaires dans les parages. Certains parmi ceux-ci ont
« ordonné aux habitants de ne pas sortir car ils (les militaires)
préparaient un ratissage ».
Les questions
Compte tenu de ce documentaire et des interventions
des différents protagonistes depuis trente mois, de nombreuses interrogations
persistent.
Que sont devenus les
véhicules (Jetta et 4X4) dont la presse s’est faite l’écho dès le lendemain de
l’attentat?
Comment expliquer que le
véhicule de Matoub est parfaitement garé – sur la terre battue entre un panneau
de signalisation et un talus de l’autre côté de la chaussée – alors que
quelques secondes auparavant il essuyait des tirs de tous côtés?
Pourquoi les gendarmes qui
ont qui ont entamé une enquête ont été mutés quelques semaines après
l’attentat?
Pourquoi Noureddine Aït
Hamouda a-t-il promis à Matoub en décembre 1997 un visa pour la France pour son
épouse pour ensuite « bloquer » plusieurs mois le passeport de celle-ci
« obligeant Matoub qui vit en France à rentrer en Algérie pour débloquer la
situation? »
Pourquoi une fois en Algérie Matoub n’arrivait-il
plus à joindre ses amis au téléphone « comme Sadi et Aït Hamouda » ne
serait-ce que pour récupérer le passeport de son épouse « même sans
visa »?
Le commentateur du
documentaire avance que le RCD « propose un marché à Nadia à savoir des
visas pour elle et ses sœurs pour rejoindre Paris en échange d’une conférence
de presse accusant le GIA »?
Appuyant ces propos Ouarda l’une des sœurs de Nadia
déclare que cette dernière « a fait une conférence de presse et on a eu nos
visas. C’est comme cela que ça marche »
La question est alors la suivante : Quelle serait
l’ étendue de ce « marché »? Nadia a-t-elle tout dit?
Plus tard révèle Nadia, le
RCD lui a demandé d’accuser les islamistes : « sois gentille dis que c’est
le GIA ». Sur quelles bases et pour quels intérêts?
Pourquoi et qui a
« tronqué » la déposition de Nadia en juillet 98 en ajoutant cette
phrase sur le PV qu’elle récusera : « J’attribue l’attentat au GIA »?
La mort du « patriote
tombé d’une fenêtre » est-elle la conséquence de l’identification par
Ouarda d’un des assassins de Matoub? (Elle l’identifie parmi les photos qu’il
lui a présentées) Y-a-t-il eu enquête? Selon nos informations sa mort serait
liée à une altercation.
Pour quelles raisons les reconstitutions sont
programmées le mois anniversaire de l’assassinat de Matoub? (Prévue le 22 juin
1999 la reconstitution est reportée au 07 juin 2000). A quand l’étude
balistique? Et pourquoi cette lenteur de l’enquête et cette opacité?
Faut-il alors se satisfaire du communiqué attribué
à Hassan Hattab qui « vient confirmer les supputations qui ont entouré
l’assassinat du chantre de la cause amazigh » (N Belhadjoudja, Liberté du
01/07/98) ou des « révélations » télévisuelles dont la diffusion hâtive
dans un « 52 minutes » n’est pas dénuée d’intérêts (2) alors même que
le réalisateur du documentaire algérien lui même doute de son efficacité :
» Je sais que beaucoup de gens vont se dire que le reportage a été
commandé… » (El-Watan du 24/06/99) ? La réponse est bien évidemment, non.
On ne peut se contenter « d’aveux » Les seules « revendications et
aveux » ne sont pas constitutifs d’une preuve. Seule la Justice –
indépendante – doit avoir le dernier mot.
Lorsque le journaliste de Canal+ lui pose des
questions sur l’assassinat du chanteur, Aït Hamouda « seigneur de
guerre » déclare implicitement travailler avec les « services »
puis l’insulte et lui renvoie des menaces à peine voilées : « Je vous
connais, votre nom, votre femme, tout cela…vous êtes un minable… ».
Ces intimidations de Aït Hamouda ne sont pas
nouvelles. Il y a quelques mois il menaçait un député au sein même de
l’Assemblée, aujourd’hui c’est au tour d’un journaliste. Ce comportement est à
la fois misérable indigne et condamnable.
Alors que le commentateur de la chaîne française
s’interroge sur le silence de plusieurs généraux de l’ANP et sur celui des
dirigeants du RCD, à l’écran Matoub Lounès « tombé en héros » se
relève, tend le bras et adresse aux téléspectateurs un V comme Victoire,
probablement contre la trahison.
1- À titre d’exemple, durant ce mois de juin 1998 El-Watan y réserve 6 « unes », 2 éditoriaux, l’équivalent de 6 pages entières et 2 photos. Le Matin en fait part dans 3 « unes », 3 éditoriaux, l’équivalent de 8 pages entières et par 2 photos.
2- Il est à noter que ce
« documentaire » de l’ENTV diffusé à dessein la veille de
l’anniversaire de l’assassinat de Matoub devait aussi coïncider avec la
reconstitution convoquée pour le 23 juin 1999 et renvoyée « pour des
raisons techniques » à l’année suivante.
L’élection présidentielle, une chance pour l’Algérie- mars 1999
A l’attention de Monsieur Jacques AMALRIC _ Libération
L’élection
présidentielle, une chance pour l’Algérie
Dire que les généraux algériens n’admettent que des
idées et hommes sous influence relève du sens commun mais la courte histoire de
l’Algérie indépendante est jalonnée d’exemples suffisamment éloquents montrant
que la cohésion de l’oligarchie militaire fut maintes fois mise à mal.
Nous affirmons que le séisme d’octobre 1988 a fini
par rattraper le pouvoir algérien, couplé avec l’évolution d’un monde à la fois
plus dure pour les sociétés fragiles mais aussi à l’endroit des régimes
arrogants.
Depuis de nombreuses années nous vivons dans une
réalité tragique faite de sang et de haine. Cette réalité est marquée depuis
quelques mois par une atmosphère grosse à la fois d’espoir et d’appréhension.
Espoir que notre pays sorte de cet enfer, appréhension qu’il ne s’y enfonce
davantage.
Notre objet est de mettre en relief d’une part les
événements actuels qui accréditent ces propos et d’autre part montrer comment
– de notre point de vue – nous pouvons
soit basculer dans la concrétisation de l’un soit nous immerger dans l’autre.
En septembre dernier l’exacerbation des conflits au
sein du pouvoir atteint des sommets himalayens.
Ces antagonismes se traduisent notamment par la publication – partielle – d’une
série de scandales qui éclaboussent le président Zeroual. Forcé de démissionner
avant échéance et par conséquent confier l’intérim à qui de droit, il annonce
des élections présidentielles anticipées pour au plus tard le mois de février
1999 (puis avril). Cet artifice inconstitutionnel permet au président sortant
de maîtriser le processus aboutissant à
sa relève. Ce départ consacre non seulement l’échec de Zeroual qui ne
concrétise pas ses promesses électorales mais aussi celui de toute la stratégie
cahoteuse suivie depuis plusieurs années.
Bien que donnée comme probable, la forme que prend
cette retraite déconcerte nombre d’observateurs; mais surtout une fraction
adverse au sein du pouvoir. Le temps ne suffit pas à celle-ci pour trouver un
candidat idéal qu’agréerait la majorité du collège. Nous nous trouvons dans une
situation inédite. C’est en effet la première fois que les
« décideurs » n’aboutissent pas à un consensus dans une affaire de si
haute importance.
Lorsque A.
Bouteflika ( pressenti puis écarté lors de la Conférence Nationale de janvier
1994) est « tiré du chapeau », l’empressement désarticulé de certains
décideurs à vouloir faire avaliser cette entourloupette vite dénudée par une
confidence (ou bévue) n’a d’égal que le
vaste et spontané mouvement de désapprobation apparu y compris et d’abord chez
des hommes élevés au sérail comme le candidat potiche révélé. Cela est un autre
élément fort à relever. Combiné avec la démission du ministre-conseiller auprès
de la Présidence, ce mauvais tour a pour effet de fissurer le « parti de
Betchine » dont plusieurs membres de la direction manoeuvraient en vue des
élections déclarées.
Nous osons croire que le champ politique dans tout
ce qu’il recèle comme potentialités et pratiques, bien que fortement secoué ne
s’avoue pas vaincu devant cette confusion mais qu’il est bien au contraire
fermement décidé à faire aboutir ses revendications. C’est le sens que nous
donnons à la démarche commune de ces partis et personnalités politiques aux
horizons et desseins divers qui saisissent que la conjoncture alimentée par des
convulsions sans précédent au sommet de la hiérarchie militaire, est propice.
L’opinion publique est quant à elle prise à témoin.
Lors de l’intervention du 12 février le président
Liamine Zeroual réitère sa ferme volonté de mener à terme et dans la
transparence la future élection présidentielle. D’un côté il vise à rassurer
ces partis et personnalités; de l’autre il émet un signal fort en direction de
la classe politique dans son ensemble mais aussi et prioritairement envers les
responsables en charge des institutions de l’Etat. Nous retenons
particulièrement cette mise en garde voilée: « Je voudrai réaffirmer, pour
être encore une fois parfaitement clair, que je suis déterminé à assumer
pleinement mes engagements concernant le déroulement sain et démocratique du
prochain scrutin, notamment ceux relatifs à l’impartialité de l’Administration
et de toutes les institutions de l’Etat. »
Les termes de la réaction immédiate du général à la
retraite et ancien chef d’Etat-major conforte les appréhensions des uns et des
autres. En ces moments difficiles et incertains ça et là des allusions et autres appels du pied pour
l’arrêt de ce processus en cours se font jour. Diversement relayés, ils sont
d’une extrême gravité et porteurs de tous les
dangers car ils risquent d’ébranler la cohésion ténue du peuple
algérien.
L’élection présidentielle anticipée du 15 avril
prochain – si elle a lieu – est une chance historique inouïe qui s’offre à
l’Algérie pour enfin asseoir les fondations d’une sortie graduée de la nasse et
entrer dans une étape qualitative de construction d’une véritable transition
démocratique dans la sérénité. Des préalables s’imposent néanmoins pour ce
faire. Primo il y a une nécessaire et forte mobilisation pacifique des citoyens
pour faire avorter toute velléité de remise en cause. Pour ce faire il y a
urgence absolue à se démarquer des crypto-pyromanes et de leurs discours
belliqueux . Deusio les autorités – toutes les autorités – doivent montrer que
les leçons du passé sont retenues, par l’ordonnancement de mesures concrètes –
connues et rappelées – palpables quotidiennement. Tertio enfin, la neutralité
minimum de tous les services est une autre condition sine qua non. Nous disons
minimum car nos convictions en ces domaines sont fragiles et récemment encore
secouées par les
« indiscrétions » d’un hebdomadaire déchaîné.
Nous nous autorisons à espérer que dès lors que ces conditions sont réunies, le déroulement de l’élection présidentielle du 15 avril 1999 sera à la hauteur des attentes des citoyens. Le choix du peuple algérien devra s’imposer à tous par tous les moyens légaux, sans quoi….Ubi solitudinem faciunt, pacem appellant (1).
Ahmed Hanifi
Militant des droits de l’homme.
Sociologue
(1) Tacite : Ubi solitudinem faciunt, pacem appellant = « Où ils font un désert, ils disent qu’ils ont fait la paix. » ( ce point (1) a été ajouté le 11.01.2021)
Extrait du mémoire « La presse algérienne en Île de France: lectures et identité. Les travaux portant sur les émigrations ou les immigrations sont nombreux notamment sur l’immigration algérienne en France. Ces recherches étudient ces populations dans une problématique historique ou économique en termes de causes des départs des pays d’origine mais aussi en termes de vécu dans les pays d’accueil (difficultés de vie, marginalisation…)
Les études portant sur les
liens qu’entretient ou que n’entretient pas (ou plus) une population immigrée
avec son pays d’origine sont tout aussi nombreuses.
Généralement ces travaux ne
traduisent pas les rapports que peut tisser une population immigrée avec la
presse de son pays d’origine comme des rapports révélateurs ou non de liens
entre cette communauté et son pays d’origine. Comme des rapports révélateurs ou
non de liens identitaires. Ces recherches ne les abordent pas. Ne traitent pas de ces rapports. Il est communément admis que la lecture n’est
pas une pratique sociale de l’immigration.
Tel sera quant à nous l’objet
que nous proposons.
Quelle place occupent les
médias algériens au sein de la population algérienne vivant en France ?
Le paysage médiatique
algérien, particulièrement celui de la presse écrite a changé. A la presse
d’Etat d’hier, vient s’ajouter une presse privée nombreuse et différente.
La presse algérienne est
présente chez les buralistes en France depuis plus de vingt années. Comment
s’inscrit- elle – dans le champ médiatique utilisé par les algériens ?
Nous abordons notre étude par la notion de communication
puis par la présentation de
l’immigration algérienne en France.
Nous présentons ensuite
l’évolution de la presse algérienne : de la presse « unique » à la
presse « plurielle ».
Pourquoi des Algériens vivant
en France lisent la presse algérienne ?
Au delà du simple parcours
informatif du journal quelles raisons poussent ces algériens à lire cette
presse ?
Telle est notre démarche.
2_ PROBLEMATIQUE
INTRODUCTION
Nous
abordons cette partie par la notion centrale de communication. Comment devons nous entendre cette notion pour la compréhension de notre objet ?
Nous y traitons également de la population visée par
notre étude. Nous achevons le chapitre par le concept d’identité et la place
qu’il tient dans notre démarche.
2.1 LA COMMUNICATION
Dès lors que nous utilisons
la notion de communication nous sommes dans la nécessité de la clarifier.
Ce terme est en effet
polysémique. Il porte en lui plusieurs définitions selon que l’on s’interroge
sur le processus de communication ou sur un ou plusieurs éléments de ce
processus à savoir : sur les partenaires, sur le message ou bien sur les
supports de celui-ci. Ou bien encore si nous l’entendons comme « un système
à multiples canaux auquel l’acteur social participe à tout instant qu’il le
veuille ou non »1 En
fait chaque individu est membre actif
d’un « orchestre ».
Dans la première perspective
c’est à dire lorsque nous l’entendons comme processus, par définition nous
faisons appel à l’ensemble des caractéristiques de la communication, c’est à
dire non seulement l’émetteur mais aussi le récepteur qui, par son « feed-back »
inverse les rôles de l’un et l’autre mais aussi le message. Le tout pris dans
un ensemble cohérent. On utilise d’ailleurs fréquemment pour désigner ce
processus l’expression « boucle de communication ». Le processus est
entier, achevé, lorsque la
boucle est bouclée c’est à dire lorsque l’émetteur reçoit (en réponse à son
propre message) à son tour le « retour d’écoute » ou
« feed-back » (ou réaction). On parle de rupture de la communication
lorsque le processus est inachevé, interrompu.
————-
1-G.BATESON et alii. La nouvelle
communication (Y. WINKIN en avant propos à).
Paris : Seuil, 1981.
« La communication est un
terme irritant ajoute-t-il c’est un invraisemblable fourre-tout, où l’on trouve
des trains et des autobus, des télégraphes et des chaînes de télévision, des
petits groupes de rencontre, des vases et des écluses ».
————-
La seconde perspective
s’intéresse à l’un (ou à plusieurs) des éléments du processus de communication.
Lorsque nous entendons la communication comme le message transporté nous
faisons référence à un système de signes émis et à leur signification, mais
aussi aux émetteurs (source), aux récepteurs (destinataires) et à leurs
stratégies mutuelles.
Les supports de communication
s’entendent comme les moyens par lesquels les messages sont transmis. L’étude
de ces moyens montre qu’ils ont considérablement évolué et gagné de façon
exponentielle des sphères entières de populations dans le monde.
A l’image de l’économie, la
communication est inégalement répartie et maîtrisée. (Quels groupes pilotent
INTERNET et qui sont ces dizaines de millions de consommateurs qui y surfent ?)1
De même, son statut est
diversement apprécié selon les systèmes socio-politiques.
C’est ce dont traite
CHEVALDONNE dans son ouvrage2
avec moult détails. Non seulement il y a dit-il déséquilibre international dans
l’information, par ailleurs largement admis mais aussi des inégalités à
l’intérieur même de pays en « voie de développement ». Inégalités dans
la réception dans la distribution, vite expédiées par « les
mass-médiologues » et utilisées par eux comme un élément (une preuve)
supplémentaire de l’écart existant entre leur pays et les pays développés.
Celles ci ne peuvent donc leur être imputées. Eléments ou preuves ces
disparités se suffisent par elles mêmes.
Une des principales fonctions
des « mass-médiologies » écrit il est « d’empêcher que puissent
être constituées en objet d’étude les déterminations concrètes de l’accès à la
diffusion (quel problème peut-il rester quand même les bergers ont le
transistor.) ».
En préface à l’étude de
F.CHEVALDONNE, J.C PASSERON appuie cette perception. Il écrit:
————-
1-On
comptait en janvier 1996, neuf millions et demi d’ordinateurs reliés à
INTERNET. Soit un total d’environ 55 millions d’utilisateurs surfeurs -on considère qu’il y a en
moyenne six utilisateurs pour un ordinateur- (Sources: NETWORK WIZARDS citées
par Arnaud DUFOUR « Que sais-je ? » N° 3073. » INTERNET« . Paris : PUF, 1996.)
2-F.CHEVALDONNE: La communication inégale: l’accès aux
média dans les campagnes algériennes. Paris CNRS, 1981. Cet ouvrage est
issu de sa thèse de 3° cycle « la communication inégale, facteurs de
différenciation quantitative dans la
réception
des moyens modernes de diffusion. Université Paris VIII, mai 1979.
————-
« Dans la conversation
des classes moyennes algériennes, le lieu commun « même le berger a son
transistor » dont l’évidence triviale se renforce des échos idéologiques
qu’elle éveille, à l’infini, suffit le plus souvent à se rendre quitte de questions
embarrassantes sur les inégalités scolaires, les monopoles d’information ou les
hétérogénéités culturelles ».
Dans notre recherche nous
nous intéresserons sur le rapport qui lie une population particulière à une
presse particulière et traiterons de la communication ainsi que l’écrit Erik
NEVEU1 « comme une
grille de lecture des pratiques sociales ».
Nous entendons traiter donc
de la population algérienne vivant en France et du type de relation qu’elle
établit avec la presse écrite algérienne disponible en France.
Quelle est la force de ce
lien ? Comment les lecteurs algériens l’expriment ils ? . Comment et pourquoi
cette population algérienne « s’inscrit » dans un processus de
communication dont la source est essentiellement en Algérie.
« Il y a mille manières
de lire, de voir, d’écouter. (…) On peut sans doute mesurer au nombre et à la
taille des caractères, ou à la disposition des titres, l’importance accordée à
tel ou tel événement, mais a-t-on le droit d’en inférer que le lecteur ait
accordé à cette information une importance proportionnelle aux millimètres
carrés qu’elle occupait dans le journal? »2.
L’algérien en France
achète-t-il (lit-il) la presse algérienne pour la lire c’est-à-dire pour
s’informer ? Ou bien juste pour la « regarder », la feuille, la
posséder comme on possède un objet, un bien
auquel on tient pour ce qu’il représente ?
Ou bien tout à la fois ?
Lire, s’informer et montrer (exhiber) qu’il lit un journal qui n’est pas d’ici,
mais d’un ailleurs qui lui est propre ? Qui lui appartient ?.
————-
1-E.NEVEU. Une société de communication?.Paris :
Monchrestien, 1994.p12.
2-P.BOURDIEU,J.C PASSERON. Sociologues des mythologies et mythologies
de sociologues in LES TEMPS MODERNES 12/1963,p998 à 1021.
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2.2 LES TRAVAUX SUR
L’IMMIGRATION ET LA PRESSE.
L’immigration a fait l’objet
de nombreuses études ainsi que nous l’indiquions en introduction.
Notre recherche ne peut se
mener sans au préalable porter un regard sur des travaux ayant porté sur le
rapport qu’entretient une communauté vivant hors de son pays (de sa région)
avec la presse de son pays (de sa région) et/ou plus généralement sur des
travaux traitant du rapport qu’entretient le lecteur de la presse écrite avec
celle-ci. Du rôle et de la place de la circulation de l’information écrite sur
une communauté constituée ailleurs qu’en son pays (ou région) d’origine.
L’essentiel des écrits
consultés porte sur les fonctions de la
presse. La presse est traitée d’un point de vue historique. Ainsi dès les
premières pages de son ouvrage M. VARIN-D’AINVILLE1 précise l’objet de sa recherche en ces termes :
» Il ne faut donc pas chercher dans notre travail un historique de la
presse, mais uniquement une analyse des fonctions psychosociales qu’elle a
successivement remplies
(…) « .
De même C.A TUFFAL écrit2 dans le même
sens « on devrait voir se préciser les fonctions de la presse (…) cette
étude des fonctions menée avec précaution selon des normes fonctionnalistes est
nécessaire «
D’autres travaux traitent du
rapport qu’entretient la presse avec ses lecteurs en termes de régularités dans
la lecture.3
Il nous paraît intéressant de
noter trois ouvrages qui ont développé de manière tout à fait différente cet
objet. Ces travaux traitent de la place que tient la presse au sein de
l’immigration. Il s’agit pour le premier de N. ANDERSEN4 qui réserve plusieurs pages au hobo, cet ouvrier
migrant non sédentaire et à sa place dans la presse, » dans la presse
réfractaire « :
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1-M.VARIN-D’AINVELLE. La
presse en France : génèse et évolution de ses fonctions psycho-sociales.
Paris : PUF,1965,p7
2-TUFFAL (C.A). Etude de la presse quotidienne parisienne
: le rapport entre informateurs et informés. Th. Sciences Politiques : Toulouse
: 1966,p159.
3-AKKA (A).Etude de la lecture de la presse quotidienne
dans une ville moyenne d’Algérie.Th.Sciences
de l’Information : Paris 2 .
4-N.ANDERSEN. Le Hobo : Sociologie des sans-abri.
Paris : Nathan, 1993, chapitre XIII, « la vie intellectuelle du
hobo »,p197.
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« Sans eux des
feuilles radicales telles que les publications I.W.W et le Hobo-News
n’attireraient pas les sans-abri (…). Le ‘Industrial-Solidarity’ est un
journal typique de l’organisation I.W.W.
Mieux que toutes ses autres publications, il parvient à refléter les opinions
et l’esprit du hobo moyen (…). »
Le second livre est de A
SAYAD qui traite de la circulation de l’information au sein de la communauté
algérienne en France5. Il
écrit :
» Tout groupe
dispose à chaque moment, pour pouvoir communiquer avec ses membres absents (ou
ses émigrés), d’un ensemble d’instruments qui forment système : messages oraux
(et parfois écrits) « .
A.SAYAD développe son
argumentaire autour des lettres adressées (ou reçues) par les immigrés mais
aussi du message oral. » La forme la plus simple, la plus directe, la plus
spontanée parce que la plus facilement accessible « .
Il n’intègre pas la presse
dans ses observations. Celle-ci ne véhiculant que très partiellement des
messages directs. (annonces
diverses nominatives). Il écrit par contre dans un autre ouvrage2:
» La communauté
algérienne n’a pas de presse propre à diffusion nationale en dehors de la semaine de l’immigration diffusée
par l’Amicale des Algériens en Europe (A.A.E). Mais elle est largement présente
par diverses » agences de presses » et publications, dont
le mensuel Sans Frontières ,
Nous autres (plus Jeunes français-musulmans ), Cosmopolis . Ces publications ont
aujourd’hui disparu.
La troisième publication est
celle de M. TRIBALAT3
dont un chapitre est consacré aux
« pratiques linguistiques et (à la) consommation médiatique ». Comment
dans leur manière de vivre en France les immigrés trouvent des substituts à
leurs rapports directs avec le pays d’origine. L’auteur écrit: « Les
journaux du pays d’origine occupent une fonction importante pour les immigrés
en maintenant le lien avec la société qu’on a quittée ».
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1-A.SAYAD. L’immigration ou les paradoxes de l’altérité.
Chapitre 6 » du message oral au message sur cassette. La
communication avec l’absent « . Bruxelles : De Boeck Université /
EditionsUniversitaires, 1991, p147
2-A.GILLETTE, A.SAYAD. L’immigration algérienne en France.
Paris : Entente, 1984,p22.
3-M. TRIBALAT (avec la
participation de P. SIMON et B. RIANDEY). De
l’immigration à l’assimilation : enquête sur les populations d’origines
étrangères en France. Paris : La Découverte / INED, 1996, p188 – 213.
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Pourquoi
les algériens en France lisent la presse algérienne ? Quelles raisons les y
poussent ? Quels besoins éprouvent-ils à sa lecture ?
Questions centrales autours
desquelles se greffent d’autres :
-Quelle place tient la presse
écrite algérienne dans le maintien des liens entre les algériens en France et
l’Algérie et/ou les algériens demeurés au pays ?
-Comment est exprimé, comment
apparaît par l’acte même de lire et à travers la lecture de la presse le
sentiment d’appartenance au pays d’origine ?
Ou comment il n’apparaît pas ? C’est à dire
comment un type particulier de lecture, une lecture artificielle tout à fait
aléatoire, dévoile une « certaine distance » prise par rapport au pays
d’origine.
La problématique élaborée
initialement n’a pas été retenue (secteurs et lieux de pénétration…). Elle a
été recentrée particulièrement lorsque nous avons pris connaissance des
chiffres concernant la diffusion même de cette presse en France; en réalité
bien en deça de ce que nous prévoyions.
La population visée par mon
étude s’entend comme :
-Les algériens installés en France qui y
vivent et possèdent un titre de séjour. Y compris leurs enfants. Cette précision
est nécessaire car la notion -non retenue- de « immigré » est liée à un
déplacement géographique : » venir se fixer dans un pays
étranger au sien » ou
« arriver dans un pays,
d’étrangers venus s’y installer et travailler » même si écrit A.SAYAD :
» on ne sait plus s’il s’agit d’un état provisoire mais qu’on se
plaît à prolonger indéfiniment ou au contraire, s’il s’agit d’un état plus
durable mais qu’on se plaît à vivre avec un intense sentiment du
provisoire. »1. Or
les enfants d’immigrés n’ont pas forcément « fait ce voyage ». Ces
enfants font partie de la population-cible de cette étude2.
De même, ceux qui possèdent la double nationalité: française et
algérienne.
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1- A.SAYAD.Ibid.p51
2- Lire la note 2 en page 11
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– Une partie de cette
population d’algériens vivant en France,
peu nombreuse et qui réfute le
qualificatif » immigré ».
Les algériens entrant dans cette catégorie ne se considèrent pas comme
immigrés, notion qui sous-tend l’idée de « s’installer » comme précisé
plus haut. Ce sont des algériens qui,
pour des raisons objectives (crise
politique et climat de guerre civile depuis les premiers mois de l’année 1992) sont venus
« pour quelques temps » se replier en France. Ils ne sont pas
bi-nationaux (franco-algériens) Ils
n’entrent pas non plus dans la catégorie « touriste ». Tous ne sont pas comptabilisés dans les chiffres
de l’INSEE que nous avons donné plus haut.
La presse algérienne s’entend
comme la presse écrite , traitant prioritairement d’informations relatives à
l’Algérie et diffusée en Ile-de-France, qu’elle soit éditée en Algérie ou non;
d’expression française ou non, quel que soit sont statut : presse du secteur
public ou privé (partisane ou non).
Les uns et les autres
utilisent la presse écrite comme un référent identitaire. Un référent
traduisant leurs liens au pays. Ou, pour les « nouvelles générations »
un référent traduisant leur volonté de ne pas rompre avec le pays de leurs
parents. Nous entendons par référent identitaire un élément parmi d’autres par
lequel l’individu s’identifie.
Notre postulat est que les
motifs qui incitent les algériens en France à lire la presse algérienne
réfèrent pur certains essentiellement à une réaction. Réaction par rapport à un
environnement qui de leur point de vue les perçoit négativement. Cet
environnement s’entend comme l’administration locale, l’information, le
voisinage, les lieux de vie. C’est une lecture-réaction, lecture-refuge.
Pour d’autres la lecture de
la presse s’inscrit plus dans une perspective de maintient sinon d’affirmation
de leur appartenance.
L’identification est une
nécessité pour tout individu.
Dans la section suivante nous
développons ce concept d’identité.
2.3 L’ IDENTITE
L’identité est un concept
complexe qui est à manipuler avec précaution car historiquement il fut -il est-
utilisé à des fins douteuses (la fascination de l’homogénéité) où les
particularités de l’individu sont niées au nom de traits de caractères communs
immuables à un ensemble d’individus d’une société donnée.
Or les individus ont des
histoires personnelles. Des histoires propres telles qu’ils ne sont jamais
(tout à fait) identiques les uns aux autres.
La situation dans laquelle se
trouvent des individus est définie aussi bien par des caractères objectifs que subjectifs. C’est à
dire que toute situation objective dans laquelle se trouve un individu doit
être intégrée et complétée par sa biographie. Le comportement d’un individu
(situation objective) s’ explique par la prise en compte des caractères
subjectifs (sa trajectoire propre).
La trajectoire qui est propre
à l’individu intervient dans l’explication de telle situation de cet individu à
tel moment en tel lieu.1
« Cet état profond » écrit DURKHEIM.
Ou autrement cet
« habitus (…) produit de l’histoire, c’est un système de dispositions
ouvert qui est sans cesse affronté à des expériences nouvelles et donc sans
cesse affecté par elles ». 2
Dès sa naissance l’homme est
confronté à la construction de son identité. Dès les premières années
l’individu exprime ce besoin d’identification par l’adhésion à des valeurs, à
des codes, à des groupes non pas comme de simples agrégats mais comme des
unités sociales cohérentes produisant ces normes et valeurs et fonctionnant
comme modèles.
Tout au long de son existence
l’individu construit, consolide son identité. Il est en quête d’identité.
L’identité écrit ERICKSON3
« n’est jamais installée, jamais achevée comme le serait une manière
d’armature de la personnalité ou quoi que ce soit de statique et
d’inaltérable ».
Nous tenterons dans notre
étude de mettre en relief les liens que dévoile la pratique de la lecture de la
presse algérienne entre cette pratique même et la formation / consolidation de
l’identité.
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1-Dans « formes identitaires et socialisation
professionnelle ». Revue Française de Sociologie N° 32 / 1992,p506, C.
DUBAR écrit que l’identité » peut toujours être analysée : à la fois comme
le produit intériorisé de ses conditions sociales(de l’individu) antérieures
les plus objectives et comme l’expression de ses espérances individuelles les
plus objectives ». Il se refuse de distinguer l’identité individuelle de
l’identité sociale.
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2- P. BOURDIEU (avec L.J.D.
WACQUANT). Réponses. Paris : Seuil, 1992, p108.
3-E.H.Erikson. Adolescence et crise: la quête de l’identité.
Paris : Flammarion, 1972.
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3_ METHODOLOGIE
INTRODUCTION
Nécessairement
la construction de notre objet de recherche fait appel à une démarche
théorique. Il ne nous appartient pas au stade qui est le notre d’intégrer le
débat sur le bien-fondé ou non des « modes de pensée binaires pour la
compréhension des phénomènes sociaux1.
Ce débat sur l’appréhension
de la réalité sociale est ancien et « s’alimente à des oppositions d’ordre
philosophique, politique et culturel »2.
Il demeure néanmoins possible
de tenter (risquer) quelque démarche. L’activité sociale est le fruit d’actions
humaines. Appréhender une réalité sociale c’est tenter des réponses causales
mais aussi comprendre le sens donné à cette réalité fruit de ces actions
humaines. Quelle intelligibilité donner à la conduite humaine ?
Comprendre ou expliquer ? Ou
comprendre et expliquer ?
Ne s’agit-il pas plutôt de se
situer au coeur de la tension entre
explication et compréhension ?3
.Comprendre le point de vue des agents. Saisir le sens de leur
conduite. 4
Nous brosserons dans ce
chapitre un bref historique de l’immigration en France dans sa globalité puis
nous nous intéresserons à l’immigration algérienne : son évolution et sa
réalité actuelle particulièrement en Ile -de- France.
Nous traiterons dans la
section suivante des lecteurs de la presse algérienne. Qui objectivement est
lecteur en Ile -de- France ?
Nous entamerons enfin
l’enquête elle-même. Du choix de l’entretien à celui des interviewés, du
recueil et du type d’analyse des informations.
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1-PH.CORCUFF écrit dans les nouvelles sociologies. Paris :
Nathan, Université,1995,p8: « Depuis leurs débuts, les sciences sociales
se débattent avec toute une série de couples de concepts comme matériel /
idéel, objectif / subjectif ou collectif / individuel (…). La répétition et
la solidification de ces modes de pensée binaires apparaissent assez ruineuses
pour la compréhension et l’explication de phénomènes sociaux complexes. »
2-J.M BERTHELOT. L’intelligence du social. Paris :
PUF,1990,p9.
3-F.DOSSE. L’empire du sens.
Paris : La découverte, 1995, p171.
4-« Mais comment saisir
ce sens? Weber introduit ici une nouvelle distinction, ce qu’il appelle la
compréhension actuelle ou immédiate et la compréhension explicative. Nous
comprenons de la première manière le sens d’une multiplication que nous
effectuons ou d’une page que nous lisons (…) la seconde forme est indirecte
parce qu’elle fait intervenir les motifs des actes dans la saisie du sens. Je
comprends de cette manière, le sens qu’une personne donne à une opération de
calcul quand je la vois plongée dans un problème de comptabilité
(…).Comprendre peut-on dire, c’est saisir l’évidence du sens d’une
activité ».J.FREUND. Sociologie de
Max WEBER. Paris : PUF,1983,p84.
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3.1 DE L’IMMIGRATION EN
GENERAL A L’IMMIGRATION ALGÉRIENNE
3.1.1
L’IMMIGRATION EN FRANCE
Les mouvements migratoires
vers la France sont anciens. De 100.000 au début du siècle, le nombre des
étrangers en France serait passé en 1851 à 380.0001 accompagnant ainsi le développement industriel,
particulièrement durant la seconde moitié du siècle. Cette population étrangère
est essentiellement européenne.
Elle représente en
1881,
2,7 % de la population totale en France.
Confrontée à des problèmes de
main d’oeuvre l’industrie française sollicite et encourage la venue de
populations étrangères notamment après la seconde guerre mondiale. Bien qu’il y
ait eu parfois des reflux, d’une manière générale le nombre des immigrés va
croître, passant de 1.743.619 en 1946 à 2.621.088 en 1968 puis à 3.596.602 lors
du dernier recensement. 2
Essentiellement
européenne au début du siècle l’origine
géographique de ces étrangers va se modifier. En 1911, en effet 85 % venaient
de pays européens voisins de la France3, en
1990 ils ne
sont plus que
41 % des étrangers4 .
Les pays d’origine se
diversifient plus. Ils sont africains, asiatiques. En 1990 les étrangers
résidents représentent 6,34 % de la population totale (en 1931 ils étaient 6,58
%)5.
Les algériens en France sont
au nombre de 614.2076 .
Leur présence remonte au début du siècle.
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1-Estimation de P.DEPOID cité
par G. TAPINOS: l’immigration étrangère en France, 1946-1973, Cahiers N° 71.
INED- Paris : PUF, 1975.
2-Dont 2.840.000 nés hors de
France et 750.000 nés en France.
Les « immigrés »
s’entendent comme les étrangers nés hors de France (2.840.000) auxquels
officiellement s’ajoutent les étrangers ayant acquis la nationalité française
(1.290.000).
« Juridiquement un
étranger est une personne qui, résidant en permanence en France n’a pas la
nationalité française.(…) L’immigré (est) quelqu’un qui, né à l’étranger est
entré en France et y vit en général définitivement. (…) Il y a des immigrés
qui sont restés étrangers et des immigrés qui sont devenus français »
(Gérard LE GALL rapporteur de la commission de la qualité de la vie du Comité
Economique et Social d’Ile-de-France, in : C.E.S Janvier 1992 « Réflexion sur l’immigration en France« .
3-G.TAPINOS.Ibid.
4-INSEE : La société
française : Données sociales. 1993
5-B.STORA. Ibid.
6-INSEE: Résultats/
démographie-société. Recensement de la population de 1990. Nationalités N° 21.