Cliquer sur ce lien pour lire l’intégralité du Mémoire de DEA Sociologie. 1996_ Université Paris VIII
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Extrait du mémoire « La presse algérienne en Île de France: lectures et identité. Les travaux portant sur les émigrations ou les immigrations sont nombreux notamment sur l’immigration algérienne en France. Ces recherches étudient ces populations dans une problématique historique ou économique en termes de causes des départs des pays d’origine mais aussi en termes de vécu dans les pays d’accueil (difficultés de vie, marginalisation…)
Les études portant sur les
liens qu’entretient ou que n’entretient pas (ou plus) une population immigrée
avec son pays d’origine sont tout aussi nombreuses.
Généralement ces travaux ne
traduisent pas les rapports que peut tisser une population immigrée avec la
presse de son pays d’origine comme des rapports révélateurs ou non de liens
entre cette communauté et son pays d’origine. Comme des rapports révélateurs ou
non de liens identitaires. Ces recherches ne les abordent pas. Ne traitent pas de ces rapports. Il est communément admis que la lecture n’est
pas une pratique sociale de l’immigration.
Tel sera quant à nous l’objet
que nous proposons.
Quelle place occupent les
médias algériens au sein de la population algérienne vivant en France ?
Le paysage médiatique
algérien, particulièrement celui de la presse écrite a changé. A la presse
d’Etat d’hier, vient s’ajouter une presse privée nombreuse et différente.
La presse algérienne est
présente chez les buralistes en France depuis plus de vingt années. Comment
s’inscrit- elle – dans le champ médiatique utilisé par les algériens ?
Nous abordons notre étude par la notion de communication
puis par la présentation de
l’immigration algérienne en France.
Nous présentons ensuite
l’évolution de la presse algérienne : de la presse « unique » à la
presse « plurielle ».
Pourquoi des Algériens vivant
en France lisent la presse algérienne ?
Au delà du simple parcours
informatif du journal quelles raisons poussent ces algériens à lire cette
presse ?
Telle est notre démarche.
2_ PROBLEMATIQUE
INTRODUCTION
Nous
abordons cette partie par la notion centrale de communication. Comment devons nous entendre cette notion pour la compréhension de notre objet ?
Nous y traitons également de la population visée par
notre étude. Nous achevons le chapitre par le concept d’identité et la place
qu’il tient dans notre démarche.
2.1 LA COMMUNICATION
Dès lors que nous utilisons
la notion de communication nous sommes dans la nécessité de la clarifier.
Ce terme est en effet
polysémique. Il porte en lui plusieurs définitions selon que l’on s’interroge
sur le processus de communication ou sur un ou plusieurs éléments de ce
processus à savoir : sur les partenaires, sur le message ou bien sur les
supports de celui-ci. Ou bien encore si nous l’entendons comme « un système
à multiples canaux auquel l’acteur social participe à tout instant qu’il le
veuille ou non »1 En
fait chaque individu est membre actif
d’un « orchestre ».
Dans la première perspective
c’est à dire lorsque nous l’entendons comme processus, par définition nous
faisons appel à l’ensemble des caractéristiques de la communication, c’est à
dire non seulement l’émetteur mais aussi le récepteur qui, par son « feed-back »
inverse les rôles de l’un et l’autre mais aussi le message. Le tout pris dans
un ensemble cohérent. On utilise d’ailleurs fréquemment pour désigner ce
processus l’expression « boucle de communication ». Le processus est
entier, achevé, lorsque la
boucle est bouclée c’est à dire lorsque l’émetteur reçoit (en réponse à son
propre message) à son tour le « retour d’écoute » ou
« feed-back » (ou réaction). On parle de rupture de la communication
lorsque le processus est inachevé, interrompu.
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1-G.BATESON et alii. La nouvelle
communication (Y. WINKIN en avant propos à).
Paris : Seuil, 1981.
« La communication est un
terme irritant ajoute-t-il c’est un invraisemblable fourre-tout, où l’on trouve
des trains et des autobus, des télégraphes et des chaînes de télévision, des
petits groupes de rencontre, des vases et des écluses ».
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La seconde perspective
s’intéresse à l’un (ou à plusieurs) des éléments du processus de communication.
Lorsque nous entendons la communication comme le message transporté nous
faisons référence à un système de signes émis et à leur signification, mais
aussi aux émetteurs (source), aux récepteurs (destinataires) et à leurs
stratégies mutuelles.
Les supports de communication
s’entendent comme les moyens par lesquels les messages sont transmis. L’étude
de ces moyens montre qu’ils ont considérablement évolué et gagné de façon
exponentielle des sphères entières de populations dans le monde.
A l’image de l’économie, la
communication est inégalement répartie et maîtrisée. (Quels groupes pilotent
INTERNET et qui sont ces dizaines de millions de consommateurs qui y surfent ?)1
De même, son statut est
diversement apprécié selon les systèmes socio-politiques.
C’est ce dont traite
CHEVALDONNE dans son ouvrage2
avec moult détails. Non seulement il y a dit-il déséquilibre international dans
l’information, par ailleurs largement admis mais aussi des inégalités à
l’intérieur même de pays en « voie de développement ». Inégalités dans
la réception dans la distribution, vite expédiées par « les
mass-médiologues » et utilisées par eux comme un élément (une preuve)
supplémentaire de l’écart existant entre leur pays et les pays développés.
Celles ci ne peuvent donc leur être imputées. Eléments ou preuves ces
disparités se suffisent par elles mêmes.
Une des principales fonctions
des « mass-médiologies » écrit il est « d’empêcher que puissent
être constituées en objet d’étude les déterminations concrètes de l’accès à la
diffusion (quel problème peut-il rester quand même les bergers ont le
transistor.) ».
En préface à l’étude de
F.CHEVALDONNE, J.C PASSERON appuie cette perception. Il écrit:
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1-On
comptait en janvier 1996, neuf millions et demi d’ordinateurs reliés à
INTERNET. Soit un total d’environ 55 millions d’utilisateurs surfeurs -on considère qu’il y a en
moyenne six utilisateurs pour un ordinateur- (Sources: NETWORK WIZARDS citées
par Arnaud DUFOUR « Que sais-je ? » N° 3073. » INTERNET« . Paris : PUF, 1996.)
2-F.CHEVALDONNE: La communication inégale: l’accès aux
média dans les campagnes algériennes. Paris CNRS, 1981. Cet ouvrage est
issu de sa thèse de 3° cycle « la communication inégale, facteurs de
différenciation quantitative dans la
réception
des moyens modernes de diffusion. Université Paris VIII, mai 1979.
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« Dans la conversation
des classes moyennes algériennes, le lieu commun « même le berger a son
transistor » dont l’évidence triviale se renforce des échos idéologiques
qu’elle éveille, à l’infini, suffit le plus souvent à se rendre quitte de questions
embarrassantes sur les inégalités scolaires, les monopoles d’information ou les
hétérogénéités culturelles ».
Dans notre recherche nous
nous intéresserons sur le rapport qui lie une population particulière à une
presse particulière et traiterons de la communication ainsi que l’écrit Erik
NEVEU1 « comme une
grille de lecture des pratiques sociales ».
Nous entendons traiter donc
de la population algérienne vivant en France et du type de relation qu’elle
établit avec la presse écrite algérienne disponible en France.
Quelle est la force de ce
lien ? Comment les lecteurs algériens l’expriment ils ? . Comment et pourquoi
cette population algérienne « s’inscrit » dans un processus de
communication dont la source est essentiellement en Algérie.
« Il y a mille manières
de lire, de voir, d’écouter. (…) On peut sans doute mesurer au nombre et à la
taille des caractères, ou à la disposition des titres, l’importance accordée à
tel ou tel événement, mais a-t-on le droit d’en inférer que le lecteur ait
accordé à cette information une importance proportionnelle aux millimètres
carrés qu’elle occupait dans le journal? »2.
L’algérien en France
achète-t-il (lit-il) la presse algérienne pour la lire c’est-à-dire pour
s’informer ? Ou bien juste pour la « regarder », la feuille, la
posséder comme on possède un objet, un bien
auquel on tient pour ce qu’il représente ?
Ou bien tout à la fois ?
Lire, s’informer et montrer (exhiber) qu’il lit un journal qui n’est pas d’ici,
mais d’un ailleurs qui lui est propre ? Qui lui appartient ?.
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1-E.NEVEU. Une société de communication?.Paris :
Monchrestien, 1994.p12.
2-P.BOURDIEU,J.C PASSERON. Sociologues des mythologies et mythologies
de sociologues in LES TEMPS MODERNES 12/1963,p998 à 1021.
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2.2 LES TRAVAUX SUR
L’IMMIGRATION ET LA PRESSE.
L’immigration a fait l’objet
de nombreuses études ainsi que nous l’indiquions en introduction.
Notre recherche ne peut se
mener sans au préalable porter un regard sur des travaux ayant porté sur le
rapport qu’entretient une communauté vivant hors de son pays (de sa région)
avec la presse de son pays (de sa région) et/ou plus généralement sur des
travaux traitant du rapport qu’entretient le lecteur de la presse écrite avec
celle-ci. Du rôle et de la place de la circulation de l’information écrite sur
une communauté constituée ailleurs qu’en son pays (ou région) d’origine.
L’essentiel des écrits
consultés porte sur les fonctions de la
presse. La presse est traitée d’un point de vue historique. Ainsi dès les
premières pages de son ouvrage M. VARIN-D’AINVILLE1 précise l’objet de sa recherche en ces termes :
» Il ne faut donc pas chercher dans notre travail un historique de la
presse, mais uniquement une analyse des fonctions psychosociales qu’elle a
successivement remplies
(…) « .
De même C.A TUFFAL écrit2 dans le même
sens « on devrait voir se préciser les fonctions de la presse (…) cette
étude des fonctions menée avec précaution selon des normes fonctionnalistes est
nécessaire «
D’autres travaux traitent du
rapport qu’entretient la presse avec ses lecteurs en termes de régularités dans
la lecture.3
Il nous paraît intéressant de
noter trois ouvrages qui ont développé de manière tout à fait différente cet
objet. Ces travaux traitent de la place que tient la presse au sein de
l’immigration. Il s’agit pour le premier de N. ANDERSEN4 qui réserve plusieurs pages au hobo, cet ouvrier
migrant non sédentaire et à sa place dans la presse, » dans la presse
réfractaire « :
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1-M.VARIN-D’AINVELLE. La
presse en France : génèse et évolution de ses fonctions psycho-sociales.
Paris : PUF,1965,p7
2-TUFFAL (C.A). Etude de la presse quotidienne parisienne
: le rapport entre informateurs et informés. Th. Sciences Politiques : Toulouse
: 1966,p159.
3-AKKA (A).Etude de la lecture de la presse quotidienne
dans une ville moyenne d’Algérie.Th.Sciences
de l’Information : Paris 2 .
4-N.ANDERSEN. Le Hobo : Sociologie des sans-abri.
Paris : Nathan, 1993, chapitre XIII, « la vie intellectuelle du
hobo »,p197.
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« Sans eux des
feuilles radicales telles que les publications I.W.W et le Hobo-News
n’attireraient pas les sans-abri (…). Le ‘Industrial-Solidarity’ est un
journal typique de l’organisation I.W.W.
Mieux que toutes ses autres publications, il parvient à refléter les opinions
et l’esprit du hobo moyen (…). »
Le second livre est de A
SAYAD qui traite de la circulation de l’information au sein de la communauté
algérienne en France5. Il
écrit :
» Tout groupe
dispose à chaque moment, pour pouvoir communiquer avec ses membres absents (ou
ses émigrés), d’un ensemble d’instruments qui forment système : messages oraux
(et parfois écrits) « .
A.SAYAD développe son
argumentaire autour des lettres adressées (ou reçues) par les immigrés mais
aussi du message oral. » La forme la plus simple, la plus directe, la plus
spontanée parce que la plus facilement accessible « .
Il n’intègre pas la presse
dans ses observations. Celle-ci ne véhiculant que très partiellement des
messages directs. (annonces
diverses nominatives). Il écrit par contre dans un autre ouvrage2:
» La communauté
algérienne n’a pas de presse propre à diffusion nationale en dehors de la semaine de l’immigration diffusée
par l’Amicale des Algériens en Europe (A.A.E). Mais elle est largement présente
par diverses » agences de presses » et publications, dont
le mensuel Sans Frontières ,
Nous autres (plus Jeunes français-musulmans ), Cosmopolis . Ces publications ont
aujourd’hui disparu.
La troisième publication est
celle de M. TRIBALAT3
dont un chapitre est consacré aux
« pratiques linguistiques et (à la) consommation médiatique ». Comment
dans leur manière de vivre en France les immigrés trouvent des substituts à
leurs rapports directs avec le pays d’origine. L’auteur écrit: « Les
journaux du pays d’origine occupent une fonction importante pour les immigrés
en maintenant le lien avec la société qu’on a quittée ».
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1-A.SAYAD. L’immigration ou les paradoxes de l’altérité.
Chapitre 6 » du message oral au message sur cassette. La
communication avec l’absent « . Bruxelles : De Boeck Université /
EditionsUniversitaires, 1991, p147
2-A.GILLETTE, A.SAYAD. L’immigration algérienne en France.
Paris : Entente, 1984,p22.
3-M. TRIBALAT (avec la
participation de P. SIMON et B. RIANDEY). De
l’immigration à l’assimilation : enquête sur les populations d’origines
étrangères en France. Paris : La Découverte / INED, 1996, p188 – 213.
————-
Pourquoi
les algériens en France lisent la presse algérienne ? Quelles raisons les y
poussent ? Quels besoins éprouvent-ils à sa lecture ?
Questions centrales autours
desquelles se greffent d’autres :
-Quelle place tient la presse
écrite algérienne dans le maintien des liens entre les algériens en France et
l’Algérie et/ou les algériens demeurés au pays ?
-Comment est exprimé, comment
apparaît par l’acte même de lire et à travers la lecture de la presse le
sentiment d’appartenance au pays d’origine ?
Ou comment il n’apparaît pas ? C’est à dire
comment un type particulier de lecture, une lecture artificielle tout à fait
aléatoire, dévoile une « certaine distance » prise par rapport au pays
d’origine.
La problématique élaborée
initialement n’a pas été retenue (secteurs et lieux de pénétration…). Elle a
été recentrée particulièrement lorsque nous avons pris connaissance des
chiffres concernant la diffusion même de cette presse en France; en réalité
bien en deça de ce que nous prévoyions.
La population visée par mon
étude s’entend comme :
-Les algériens installés en France qui y
vivent et possèdent un titre de séjour. Y compris leurs enfants. Cette précision
est nécessaire car la notion -non retenue- de « immigré » est liée à un
déplacement géographique : » venir se fixer dans un pays
étranger au sien » ou
« arriver dans un pays,
d’étrangers venus s’y installer et travailler » même si écrit A.SAYAD :
» on ne sait plus s’il s’agit d’un état provisoire mais qu’on se
plaît à prolonger indéfiniment ou au contraire, s’il s’agit d’un état plus
durable mais qu’on se plaît à vivre avec un intense sentiment du
provisoire. »1. Or
les enfants d’immigrés n’ont pas forcément « fait ce voyage ». Ces
enfants font partie de la population-cible de cette étude2.
- De même, ceux qui possèdent la double nationalité: française et
algérienne.
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1- A.SAYAD.Ibid.p51
2- Lire la note 2 en page 11
————-
– Une partie de cette
population d’algériens vivant en France,
peu nombreuse et qui réfute le
qualificatif » immigré ».
Les algériens entrant dans cette catégorie ne se considèrent pas comme
immigrés, notion qui sous-tend l’idée de « s’installer » comme précisé
plus haut. Ce sont des algériens qui,
pour des raisons objectives (crise
politique et climat de guerre civile depuis les premiers mois de l’année 1992) sont venus
« pour quelques temps » se replier en France. Ils ne sont pas
bi-nationaux (franco-algériens) Ils
n’entrent pas non plus dans la catégorie « touriste ». Tous ne sont pas comptabilisés dans les chiffres
de l’INSEE que nous avons donné plus haut.
La presse algérienne s’entend
comme la presse écrite , traitant prioritairement d’informations relatives à
l’Algérie et diffusée en Ile-de-France, qu’elle soit éditée en Algérie ou non;
d’expression française ou non, quel que soit sont statut : presse du secteur
public ou privé (partisane ou non).
Les uns et les autres
utilisent la presse écrite comme un référent identitaire. Un référent
traduisant leurs liens au pays. Ou, pour les « nouvelles générations »
un référent traduisant leur volonté de ne pas rompre avec le pays de leurs
parents. Nous entendons par référent identitaire un élément parmi d’autres par
lequel l’individu s’identifie.
Notre postulat est que les
motifs qui incitent les algériens en France à lire la presse algérienne
réfèrent pur certains essentiellement à une réaction. Réaction par rapport à un
environnement qui de leur point de vue les perçoit négativement. Cet
environnement s’entend comme l’administration locale, l’information, le
voisinage, les lieux de vie. C’est une lecture-réaction, lecture-refuge.
Pour d’autres la lecture de
la presse s’inscrit plus dans une perspective de maintient sinon d’affirmation
de leur appartenance.
L’identification est une
nécessité pour tout individu.
Dans la section suivante nous
développons ce concept d’identité.
2.3 L’ IDENTITE
L’identité est un concept
complexe qui est à manipuler avec précaution car historiquement il fut -il est-
utilisé à des fins douteuses (la fascination de l’homogénéité) où les
particularités de l’individu sont niées au nom de traits de caractères communs
immuables à un ensemble d’individus d’une société donnée.
Or les individus ont des
histoires personnelles. Des histoires propres telles qu’ils ne sont jamais
(tout à fait) identiques les uns aux autres.
La situation dans laquelle se
trouvent des individus est définie aussi bien par des caractères objectifs que subjectifs. C’est à
dire que toute situation objective dans laquelle se trouve un individu doit
être intégrée et complétée par sa biographie. Le comportement d’un individu
(situation objective) s’ explique par la prise en compte des caractères
subjectifs (sa trajectoire propre).
La trajectoire qui est propre
à l’individu intervient dans l’explication de telle situation de cet individu à
tel moment en tel lieu.1
« Cet état profond » écrit DURKHEIM.
Ou autrement cet
« habitus (…) produit de l’histoire, c’est un système de dispositions
ouvert qui est sans cesse affronté à des expériences nouvelles et donc sans
cesse affecté par elles ». 2
Dès sa naissance l’homme est
confronté à la construction de son identité. Dès les premières années
l’individu exprime ce besoin d’identification par l’adhésion à des valeurs, à
des codes, à des groupes non pas comme de simples agrégats mais comme des
unités sociales cohérentes produisant ces normes et valeurs et fonctionnant
comme modèles.
Tout au long de son existence
l’individu construit, consolide son identité. Il est en quête d’identité.
L’identité écrit ERICKSON3
« n’est jamais installée, jamais achevée comme le serait une manière
d’armature de la personnalité ou quoi que ce soit de statique et
d’inaltérable ».
Nous tenterons dans notre
étude de mettre en relief les liens que dévoile la pratique de la lecture de la
presse algérienne entre cette pratique même et la formation / consolidation de
l’identité.
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1-Dans « formes identitaires et socialisation
professionnelle ». Revue Française de Sociologie N° 32 / 1992,p506, C.
DUBAR écrit que l’identité » peut toujours être analysée : à la fois comme
le produit intériorisé de ses conditions sociales(de l’individu) antérieures
les plus objectives et comme l’expression de ses espérances individuelles les
plus objectives ». Il se refuse de distinguer l’identité individuelle de
l’identité sociale.
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2- P. BOURDIEU (avec L.J.D.
WACQUANT). Réponses. Paris : Seuil, 1992, p108.
3-E.H.Erikson. Adolescence et crise: la quête de l’identité.
Paris : Flammarion, 1972.
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3_ METHODOLOGIE
INTRODUCTION
Nécessairement
la construction de notre objet de recherche fait appel à une démarche
théorique. Il ne nous appartient pas au stade qui est le notre d’intégrer le
débat sur le bien-fondé ou non des « modes de pensée binaires pour la
compréhension des phénomènes sociaux1.
Ce débat sur l’appréhension
de la réalité sociale est ancien et « s’alimente à des oppositions d’ordre
philosophique, politique et culturel »2.
Il demeure néanmoins possible
de tenter (risquer) quelque démarche. L’activité sociale est le fruit d’actions
humaines. Appréhender une réalité sociale c’est tenter des réponses causales
mais aussi comprendre le sens donné à cette réalité fruit de ces actions
humaines. Quelle intelligibilité donner à la conduite humaine ?
Comprendre ou expliquer ? Ou
comprendre et expliquer ?
Ne s’agit-il pas plutôt de se
situer au coeur de la tension entre
explication et compréhension ?3
.Comprendre le point de vue des agents. Saisir le sens de leur
conduite. 4
Nous brosserons dans ce
chapitre un bref historique de l’immigration en France dans sa globalité puis
nous nous intéresserons à l’immigration algérienne : son évolution et sa
réalité actuelle particulièrement en Ile -de- France.
Nous traiterons dans la
section suivante des lecteurs de la presse algérienne. Qui objectivement est
lecteur en Ile -de- France ?
Nous entamerons enfin
l’enquête elle-même. Du choix de l’entretien à celui des interviewés, du
recueil et du type d’analyse des informations.
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1-PH.CORCUFF écrit dans les nouvelles sociologies. Paris :
Nathan, Université,1995,p8: « Depuis leurs débuts, les sciences sociales
se débattent avec toute une série de couples de concepts comme matériel /
idéel, objectif / subjectif ou collectif / individuel (…). La répétition et
la solidification de ces modes de pensée binaires apparaissent assez ruineuses
pour la compréhension et l’explication de phénomènes sociaux complexes. »
2-J.M BERTHELOT. L’intelligence du social. Paris :
PUF,1990,p9.
3-F.DOSSE. L’empire du sens.
Paris : La découverte, 1995, p171.
4-« Mais comment saisir
ce sens? Weber introduit ici une nouvelle distinction, ce qu’il appelle la
compréhension actuelle ou immédiate et la compréhension explicative. Nous
comprenons de la première manière le sens d’une multiplication que nous
effectuons ou d’une page que nous lisons (…) la seconde forme est indirecte
parce qu’elle fait intervenir les motifs des actes dans la saisie du sens. Je
comprends de cette manière, le sens qu’une personne donne à une opération de
calcul quand je la vois plongée dans un problème de comptabilité
(…).Comprendre peut-on dire, c’est saisir l’évidence du sens d’une
activité ».J.FREUND. Sociologie de
Max WEBER. Paris : PUF,1983,p84.
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3.1 DE L’IMMIGRATION EN
GENERAL A L’IMMIGRATION ALGÉRIENNE
3.1.1
L’IMMIGRATION EN FRANCE
Les mouvements migratoires
vers la France sont anciens. De 100.000 au début du siècle, le nombre des
étrangers en France serait passé en 1851 à 380.0001 accompagnant ainsi le développement industriel,
particulièrement durant la seconde moitié du siècle. Cette population étrangère
est essentiellement européenne.
Elle représente en
1881,
2,7 % de la population totale en France.
Confrontée à des problèmes de
main d’oeuvre l’industrie française sollicite et encourage la venue de
populations étrangères notamment après la seconde guerre mondiale. Bien qu’il y
ait eu parfois des reflux, d’une manière générale le nombre des immigrés va
croître, passant de 1.743.619 en 1946 à 2.621.088 en 1968 puis à 3.596.602 lors
du dernier recensement. 2
Essentiellement
européenne au début du siècle l’origine
géographique de ces étrangers va se modifier. En 1911, en effet 85 % venaient
de pays européens voisins de la France3, en
1990 ils ne
sont plus que
41 % des étrangers4 .
Les pays d’origine se
diversifient plus. Ils sont africains, asiatiques. En 1990 les étrangers
résidents représentent 6,34 % de la population totale (en 1931 ils étaient 6,58
%)5.
Les algériens en France sont
au nombre de 614.2076 .
Leur présence remonte au début du siècle.
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1-Estimation de P.DEPOID cité
par G. TAPINOS: l’immigration étrangère en France, 1946-1973, Cahiers N° 71.
INED- Paris : PUF, 1975.
2-Dont 2.840.000 nés hors de
France et 750.000 nés en France.
Les « immigrés »
s’entendent comme les étrangers nés hors de France (2.840.000) auxquels
officiellement s’ajoutent les étrangers ayant acquis la nationalité française
(1.290.000).
« Juridiquement un
étranger est une personne qui, résidant en permanence en France n’a pas la
nationalité française.(…) L’immigré (est) quelqu’un qui, né à l’étranger est
entré en France et y vit en général définitivement. (…) Il y a des immigrés
qui sont restés étrangers et des immigrés qui sont devenus français »
(Gérard LE GALL rapporteur de la commission de la qualité de la vie du Comité
Economique et Social d’Ile-de-France, in : C.E.S Janvier 1992 « Réflexion sur l’immigration en France« .
3-G.TAPINOS.Ibid.
4-INSEE : La société
française : Données sociales. 1993
5-B.STORA. Ibid.
6-INSEE: Résultats/
démographie-société. Recensement de la population de 1990. Nationalités N° 21.
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