VOS ÉCRITS SONT LES BIENVENUS. Invités, tels quels

Textes de Mansour Merrabti

10 novembre 2020

Chacun se justifie

Chacun se justifie, crée une explication pour lui-même, pas forcement conforme aux normes auxquelles apparemment la plupart adhérent et c’est au travers de cette singularité qu’il faut se créer un chemin afin d’en découvrir sa logique intrinsèque au lieu de s’entêter à en nier l’évidence c’est ça la richesse de l’humanité crie t’on ! elle est dans sa diversité clame t’on haut et fort, on aimerait bien y convenir ! Mais il semblerait que de nos temps cette diversité est en train de prendre des formes bizarres au point de soulever des divergences en matière d’appréciation de cette prétendue  richesse !   au vu de ce qui se libère comme diversité par l’homme de nos jours on aurait plutôt le geste urgent de rechercher la richesse  dans le sens opposé et de faire appel à l’uniformité : je me souviens de cette singulière époque ou en chine une radio unique émettait ou tous les chinois étaient habillés pareil, et ou chaque paysan devait se contenter de deux kilos de riz par mois !, y avait surement un effet contraignant à cela mais est ce que l’homme était dans cette détresse spirituelle ou métaphysique pareille à celle qui est vécue par les hommes de notre époque ! peut on affirmer avec certitude que même là ou l’abondance  jusqu’à l’excès est présente, il existe un bonheur réellement humain  et qu’on ne se trouve pas avec un type d’homme insatisfait à l’affut  d’un nouveau désir à satisfaire ! et que cette société n’a pour unique credo  que de développer des concepts et des produits afin de toujours exciter  les désirs de telle sorte à aliéner l’individu en le rendant incapable de faire ses choix lui même peut ‘on trouver des similitudes entre deux genres d’hommes séparés d’un siècle ! là ou l’homme était contraint contre ses propres désirs par une volonté extérieure à être fruste ,limité au strict minimum dans ses besoins pour en faire un type d’homme  conforme à un idéologie restrictive dans les libertés  tendant à une sorte d’unité factice entre les hommes face à ce que l’on voit de nos jours ou presque tous les verrous ont sauté ,ou aucune idéologie n’est de mise et ou    l’extension de cette forme de liberté totale a  creusé encore plus le fossé entre ses deux archétypes ,mais peut on affirmer sans le moindre doute que cette liberté concédée ou acquise est réellement une liberté n’est pas une forme d’aliénation sournoise dissimulée derrière une multitude de masques ,la question reste posée !

Je suis dans l’impasse dans la poursuite de l’œuvre ,il ne s’agit pas du dénouement d’une intrigue au sens des héros  tels ceux de Dostoïevski ou Heatclihff des hauts de hurle vents , notre époque s’est débarrassée de l’émotivité ,  c’est devenu aride ,il n’y plus que des individus dont le destin s’inscrit dans la banalité ; pour le mien c’est juste une succession d’états avec un lent processus de dépérissement et que notre bonhomme en voulant exploiter vainement sa mémoire afin de  sublimer le présent pour rejoindre un passé d’enfant tranquille finit par se rendre à l’évidence et abdiquer devant la maladie

Ma mémoire bredouille, fait quelques pas, hésite, tourne à droite , fait fausse route , revient en arrière regarde autour d’elle et ne voit plus rien ,elle n’a plus rien à bredouiller !

Parfois on a beau chercher les mots qui atténuent la douleur, ceux qui apaisent les cœurs, on n’en trouve pas ! Ou si on en trouve ils sont trop pauvres de sens, alors on se tait, mais se taire n’est pas toujours le bon chemin pour soutenir  ou soulager, ça l’est parfois, parfois non, alors on se tourne de nouveau vers la quête des mots on finit par s’accommoder de ceux qui  nous semblent le mieux exprimer nos sentiments, et là on les dit ou on les écrit dans la simplicité ou l’humilité en espérant qu’ils pourraient rendre la douleur moins poignante et l’âme moins torturée ! vous étiez à Malte où vous avez  laissé pour toujours une part de vous-même et vous voilà à m’écrire dans un train pour, encore aller apaiser un peu la douleur ;ainsi  sommes  nous en perpétuelle errance vers un idéal toujours insaisissable ,toujours lointain, cambrés en une recherche têtue jamais satisfaite ;c’est dur de perdre  celui ou celle qui est à nos yeux le meilleur des êtres, mais ce serait peut être plus dur pour ce même être de nous voir nous refugier dans la douleur et ne pas prolonger ce qu’il nous a laissé de mieux   en le remontant vers plus de lumière, ailleurs là où il se trouve il n’en sera que plus apaisé ! Vous allez vers votre mère, alors buvez comme dans une soif insatiable l’image   de cette grande dame tenez lui la main et dans le creux de cette main   retrouvez ces joies de l’enfant que vous étiez et qu’elle tenait dans ses bras vous façonnant homme jour après jour nuit après nuit ! vivez avec elle toute la plénitude de l’instant présent et vous   découvrirez la sérénité près de laquelle on passe chaque jour sans nous en rendre compte ! Soyez assuré que je compatis de tout cœur à votre douleur dans cette pénible circonstance et souhaite que vous puissiez retrouver auprès de votre mère un peu de quiétude !

Oiseau moqueur

Par une aube froide je sors en silence, pour poser sur l’un des derniers horizons de mon passage sur terre un regard humide triste se voulant profond et douloureux mais  butant stupidement sur l’inexplicable ,me rendant à l’évidence que la mort  me concédait quelques misérables moments  de cette vague lumière ou rien ne semble vrai où je n’ai plus aucun appui  où le ciel n’est plus mon ciel où le soleil n’est plus mon soleil  où je ne retiens plus rien entre mes doigts  et  ou je ne pourrais plus pour longtemps descendre en silence vers les aubes froides !quand mon corps m’appartenait, on ne se disait rien y avait pas besoin de se parler  je lui faisais faire ce que je désirais et il le faisait ! je mangeais ,enfilais mes habits et mes jambes me menaient là où je voulais ça allait de soi je ne me posais aucune question, plus maintenant que cette cochonnerie est là ,je me pose toutes les questions ,mon corps ne m’appartient plus, je regarde la couleur de ma peau et j’en suis horrifié ,je ne reconnais plus cette lueur terne de mon regard et mes jambes sont si lourdes que mon esprit en est atterré la haut dans ma tète tout a déserté il ne reste plus qu’un seul sentiment cognant sans répit les parois de mon crane l’angoisse ! quand je pose mon regard sur les objets qui m’étaient familiers ,ils se réfléchissent en une inquiétante étrangeté dans mon esprit, comme s’il se produisait une incompréhensible rupture entre moi et eux ;je suis là debout à regarder en détail tous les constituants de ma salle de bain et tout me parait étrange  comme si le lien  d’usage entre nous était rompu non pas qu’ils n’assurent plus leur fonction  mais parce que mon corps n’est plus en mesure  d’en tirer jouissance ,et c’est cela qui suscite cette inquiétude et les rends étranges et étrangers à mon corps ! je m’asseyais à ma table de travail de la manière la plus banale  , je me glissais sous la douche et accomplissais tous ces rites sans la moindre présupposition tout m’était familier, mon corps se confondait avec ce qui l’entourait il en tirait tous les bienfaits et cela confortait et resserrait leur familiarité, cela servait et continuait la vie ;plus maintenant, mon corps  ayant vainement résisté au début à cette rupture,  a fini par céder et son écroulement a fini par installer dans mon regard cette inquiétante étrangeté que me renvoient tous ces objets qui m’étaient si chers lesquels maintenant n’expriment que cette froideur voulue par ma mort prochaine !

Il fait nuit me disait ma mère ?

Oui il fait nuit mère répondais je !

Je mentais, au début je ne comprenais pas pourquoi elle ne semblait pas voir la lumière :maintenant tant d’années après sa mort je comprends ,maintenant que je suis comme elle la mort ne m’en donne plus l’envie,

Le mariage est fini ,il faut partir, elle disait cela avec ce regard presque éteint qui ne fixait rien de particulier , étendue  ,clouée par la paralysie  elle participait à la vie par ce délire étonnement révélateur ; peut être que vivre c’est être marié à tout ce qu’on touche ,tout ce qu’on sent tout ce qu’on goute ,tout ce qu’on voit, et quand tout cela n’est plus  on se  dit ,il faut partir ! et elle est partie, cette brave dame qui a lutté contre l’oppression, qui a lutté contre le mensonge :

La pénombre s’abat sur moi , les dernières lueurs du jour s’estompent,  échappent à ma vue, il n’en reste qu’un mince filet  se glissant par l’entrebâillement de la porte ,derrière je le devine se profile ce qui reste du jour, et au sein duquel   la vie se continue, l’on crie ,l’on prie ,l’on rit, ça ne sera plus mes jours ,je n’aurais plus que des pénombres ;que des silences qui s’entasseront, je suis là gisant ,tout autour  adossés ou pendus aux murs mes objets , devenus les objets   affichent une certaine immuabilité que le temps finira surement par effacer,  les nuits se succéderont , les pénombres  s’abattront toujours plus jusqu’au moment ou il n’ y aura plus pour moi de jours ; dehors  l’on continuera à crier prier et rire

Quoi ! tant pis ,c’est ainsi , y a rien dire, ramenons tout le silence qu’il faut et mettons le tout autour, fermons les volets,  fermons à clé ;quoi la nuit ,quelle nuit , vous dites mais la nuit est là depuis longtemps trop longtemps, parler expliquer , inutile ,rien à faire faites que le silence soit parfait absolu, non plus rien qu’on en finisse ! au plus vite, que la nuit devienne éternité !

Samedi 17 aout 2019

Samedi 17 aout 2019, midi passé, une pelle en main j’hésite ,le soleil tape dur ,c’est comme ça qu’ils disent les auteurs américains dans leur littérature, j’aime bien cette expression , y a pas de poésie  ,y a que ce côté dru du réalisme froid ,le soleil il est ce qu’il est  mais pour le minuscule petit humain qu’on est ,il écrase , y a rien à dire  c’est ainsi, je vise un coin de ma maison là où le lierre dévore tout le mur ,et je m’y dirige c’était aussi en aout 2002,mais là il faisait nuit , c’était aux environs d’une heure du matin , j’étais seul sur la route, les temps  étaient encore à la peur ,on se méfiait de tout, belle nuit étoilée ,et strictement seul sur le macadam, je roulais calmement, il faut le croire là où j’habite, à cette époque ,c’était un point inconnu sur la carte en 2002, j’insiste ,il fallait tout ramener de la ville ! plus maintenant , le coin où j’habite, y viennent de toutes parts en 2002; la route était à une seule voie bordée de quelques acacias ,on se mettait sous leur ombre et on attendait longtemps avant qu’un bus arrive, la mer était déserte et on avait les trois-quarts de silence de l’univers rien que pour nous ,plus maintenant, en 2002 je répète,  je roulais seul je mettais  10 ou 12 minutes de la ville à chez moi ,il m’arrivait de croiser une ou deux voitures ,la nuit ,on ne se fiait à personne allez voir maintenant ; en ligne droite ,c’est un serpent lumineux que vous avez de l’autre coté et selon le moment  c’est de quelque coté que vous soyez, si vous avez quelque chose d’urgent à faire ,ou si vous avez le moteur qui chauffe dans les embouteillages, rongez vous le frein, ou garez vous sur le coté vous avez de quoi vous consoler ,la mer est superbe comme consolation ,c’est pour ça qu’il y a ce rush ,en 2002, l’été je pouvais  rencontrer des sangliers ,des lièvres , des renards et entendre parfois les chacals ;plus maintenant ,la route a été doublée ,et il y a énormément de bruit les animaux ont fui, ils n’aiment pas le bruit ça les effarouche ,moi toute cette kermesse d’aujourd’hui ,ça m’ennuie ,je me suis dit voilà j’ai tout le silence de l’univers pour moi au bout de dix ans j’ai commencé à déchanter et maintenant c’est pire ,c’est la foire : il est midi passé une pelle à la main je me dirige vers un coin de ma maison, au fond du jardin là ou le lierre est touffu ,envahissant ; entre un oranger et un figuier je me mets à creuser un trou, il fait chaud ,le sol est sec et dur ,je ramène de l’eau et je me mets à l’ouvrage ,de l’eau et des coups de pelle en silence ,c’est là que commence ma petite histoire ,ou plutôt qu’elle finit : dix sept ans sont passés depuis ,énorme ,toute une vie ! mes arbres aussi ont grandi ont fleuri, ça formait un bel ombrage de belles et puissantes branches, plus maintenant, c’est desséché, ça meurt ! j’ai fini pour le trou, je savais depuis quelques jours que ça allait finir ma petite histoire ; qu’il fallait que je pense au trou, et que je fasse défiler les dix sept ans de bout en bout à rebours et que je revienne à cette nuit d’aout 2002 ! y a des trucs qui laissent pour de vrai des traces ! certes c’est pas la même chose pour tout le monde y en a qui riraient de ma petite histoire ,on est pas tous fait de la même argile, ou pour être plus proche de la vérité ,on ne voit pas tous avec le même regard   ce qui bouge tout autour et y a qui voient presque rien ou tout a fait à l’opposé ,on n’a pas inventé la liberté humaine pour rien ! je sue ,mais j’ai fini mon petit trou ; je retourne au garage c’est la sur le toit de la voiture que j’ai laissé le paquet que j’ai ramené de la maison !  je le prends , c’est enveloppé dans un sachet jaune ,ça pèse pas lourd, à peine deux ou trois livres, y a de l’émotion dans tout ça , y a des choses comme ça dans la vie des gens  ça a l’air de rien , mais qui au fond d’eux mêmes  sans que le voisin n’en sache rien ou que s’il le savait en rirait des choses qui sont lourdes de sens et qui pèsent quand la fin de l’histoire pointe avec son pénible crépuscule !

Jour ,nuit ,face rose ,face blême, on glisse d’un état à l’autre ,on s’émerveille ,on rit, on rend grâce ,et puis voilà la nuit, on s’étonne, on frémit ,on gémit ,on disparait ,antithétique, antithétique, pour l’infini ce sera antithétique ! face rose ,face blême ! circus rotatis !

MANSOUR MERRABTI


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Résoudre : *
24 × 2 =