De Marseille à Tuktoyaktuk

De Marseille à Tuktoyaktuk- [26/30] : 

L’office de tourisme, appelé ici Visitor réception centre, se trouve à moins de cent mètres, sur la Front Street. C’est le premier lieu où ils se rendent le jeudi matin. On leur donne toutes sortes d’informations utiles ainsi que de nombreux prospectus. Pour l’hébergement ils ont le choix entre des hôtels au cœur de la ville ou d’autres à sa périphérie. Ils préfèrent le motel qui se trouve au pied de la Dempster, à une quinzaine de kilomètres au nord de Dawson City où ils pourront aussi faire le plein de carburant et plonger dans la Dempster Highway. Ils passent la journée dans la ville, plutôt village que ville, demeuré figé dans un temps lointain où les rêves de richesse se comptaient par dizaines de milliers. Comme à Skagway tout renvoie à ce passé : les bâtiments, les vieilles voitures, les spectacles destinés aux touristes, l’accoutrement de certains habitants… Des maisons penchent dangereusement. Elles ne tiennent debout que par la baraka polaire. Le permafrost fait beaucoup de dégâts. Moins toutefois dans la taïga que dans le Grand Nord. Vendredi enfin commencera la partie la plus importante de l’aventure, celle qui les mènera à Eagle Plains un village traversé par le cercle polaire arctique, celle qui leur fera parcourir toute la Dempster Highway – 771 km – jusqu’à Inuvik et sa mosquée, celle enfin – cerise sur le gâteau – qui les conduira, par air, jusqu’au bout du monde, jusqu’à Tuktoyaktuk et la mer de Beaufort ! Ils en rêvent depuis longtemps. Ils n’oublient pas qu’ils se sont engagés plus ou moins à aller à la rencontre de Cécile, de Derek et de la mère Ninguiukusuk ! En attendant, l’après-midi Véro et Omar visitent la Cabane de Robert William Service, le poète canadien d’origine irlandaise. Véro veut tout stocker dans son boîtier, les édifices, les parages, l’habitation et même les poèmes agrafés contre les parois de bois : « A little space on a stony hill/ With never another near me,/ Sky o’ the North that’s vast and still,/ With a single star to cheer me… »

Une pancarte attribue à tort ces mots à Robert Services : « As-tu souffert, connu la faim et triomphé, rampé et pourtant connu la gloire, grandi dans la grandeur de l’univers ? » La paternité de cette interrogation revient, si l’on ne veut trahir la vérité, à Jack London qui la posa dans le fameux Appel de la forêt –The call of the wild. Ils visitent le musée et la cabane dédiés à cet auteur. Il fut lui-même – Jack London – chercheur d’or dans le fleuve Klondike. Il fut également journaliste et romancier donc. Qui ne connaît Croc Blanc, Buck ou Martin Eden ? Plus bas se trouve un bâtiment qui a abrité le « Dawson Daily News » fondé pendant la ruée vers l’or qu’il avait relatée fidèlement lit-on. Seule la façade – jaune et rouge vifs – est maintenue telle qu’elle était. Les Marseillais prennent une boisson énergisante à la taverne du Westminster Hotel, bondée. C’est un modèle moderne de ce que furent les saloons pour cowboys et chercheurs d’or… ne manquent que les chevaux et les pétards. La bière et les histoires de toutes sortes y coulent à torrents dans un vacarme digne des grandes brasseries populaires italiennes ou espagnoles. La plupart des visages sont émaciés, fins comme des lames, marqués par la rudesse de la vie. Véro et Omar ne s’y attardent pas, mais pensent y revenir. Et cette nuit qui ne veut pas de la ville. Il fait jour jusqu’à 23 heures et Omar se demande comment il allait faire alors que Ramadan arrive à très grands pas. Des journées de jeûne de 18 ou 19 heures c’est impossible ! pense-t-il et puis cette interrogation, peut-être pour se rassurer : « Mais serons-nous encore là dans quinze jours ? » 

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