De Marseille à Tuktoyaktuk

De Marseille à Tuktoyaktuk- [11/30] : 

En retrait de ce bric-à-brac, au bord du lac Slave, une autochenille semble attendre l’hiver. Étrange sensation de désolation. Les deux collègues ne s’attardent pas à Dettah. Sur le retour ils croisent deux renardeaux portant chacun dans la gueule, fièrement, une énorme dépouille de corbeau. Ils avancent sur le bas-côté de la route et le bruit du véhicule ne semble pas les perturber. Omar donne son verdict bien avant la fin du tour qu’ils se sont imposé : « Le Westfalia est impeccable ». En lisant le carnet d’entretien, Véro remarque qu’il possède un suivi mécanique rigoureux. Une révision préventive générale avait même été réalisée en juin. Tout avait été vérifié : pneus, freins, suspension, la direction, le moteur… « Il est impeccable », reprend Véro.

Le soir ils se retrouvent au Mackenzie Lounge sur la 49° Street avec Marc, Karin, Ange et Victor. Marc a invité ses collègues Rob Ruben et Joneen Jensen, mari et femme, tous deux reporters pour CBC-North. Les fishs and ships et la Yukon gold sauce sont succulents. Sur scène le chanteur folk Craig Cardiff remporte un vif succès. Le pub est comble. Ils ont de la chance. La voie est langoureuse, habitée de mélancolie… Joneen reprend les paroles du chanteur en articulant :« Here’s to the year where we learned that Fear/ Rents the cheapest room in the house, dear/ Love called and said she found a better room/ To the year where we stayed awake/ And talked about how the earth quaked/ It surely must be a sign the sky would fall ». Rob et Joneen sont friands d’informations. Ils veulent connaître les raisons qui amènent Véro et Omar dans ce coin perdu, « this lost town ». Les Marseillais leur détaillent le projet qui ravit les journalistes. Joneen parle correctement le français, ni elle ni personne dans le groupe ne savent quoi que ce soit sur cette mosquée qui a flotté des milliers de kilomètres sur le Mackenzie. Ils demandent même si cela n’est pas une plaisanterie, ce qui contrarie Véro et Omar. Toutefois, Joneen et son compagnon invitent les Marseillais, qui n’y voient pas d’inconvénient bien au contraire, à parler de leur projet à la radio. Ils prennent rendez-vous pour le vendredi au pavillon de la 54° Street. La discussion allant, on leur vante le village de Tuktoyaktuk – on dit Tuk – ses entrepôts souterrains, et surtout cette femme, la mère Ninguiukusuk qui n’a plus d’âge, dont le corps porte les stigmates de taillades de plusieurs ours et qui aime à raconter son passé chaotique dans le restaurant qu’elle tient dans un des nombreux sous-sols frigorifiés de Tuk. C’est un village méconnu aujourd’hui, mais pas pour longtemps assurent-ils. Pourquoi, parce que ses entrailles sont potentiellement riches de plus de vingt pour cent des réserves mondiales d’hydrocarbures (ils montrent des photos aux Marseillais). La semaine prochaine et la suivante il va s’y tenir un important festival des arts premiers qu’il ne faut pas manquer. Le village se trouve à cent quarante kilomètres au nord d’Inuvik.

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photo WV- internet Bumfuzzle

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