De Marseille à Tuktoyaktuk

  • De Marseille à Tuktoyaktuk- [16/30] :

En moins de dix minutes, le bac atteint l’autre rive du Mackenzie avec ses quinze voitures et leurs passagers. Sur l’une et l’autre, les nombreux ouvriers, grues et semi-remorques des chantiers Ruskin s’activent pour achever à temps le pont en construction, le « Deh Cho Bridge », long d’un kilomètre cent. Véro et Omar prennent le temps de déjeuner. Puis de marcher, de longer la rive alors qu’une sensation de plénitude les étreint. Le fleuve, le plus grand du pays, prend sa source dans le Grand Lac des Esclaves à trois centaines d’encablures du pont en construction. Le prochain village, Fort Liard, se trouve à cinq cent vingt kilomètres. Tout comme lui, la Liard Highway porte le même nom que la rivière qu’elle côtoie sur une grande partie de son étendue. Elle n’est pas bitumée. Elle est recouverte de gravier compacté et les nuages de poussière ocre soulevés par le passage des véhicules font disparaître un instant tout repère. Faire de la vitesse serait un exercice inutile et risqué. En certains endroits la route est glissante à cause des averses ou des cailloux. Les travaux y sont nombreux et des ouvriers portant des gilets fluorescents à bandes rouges et jaunes affectés aux tronçons concernés, tiennent des panneaux de signalisation verts ou rouges signifiant l’autorisation de circuler ou l’obligation de stopper selon que les engins, chargeur Carterpillar, tombereau, pelle mécanique… empiètent ou non sur la voie qui ne leur est pas attribuée. Sur un grand panneau circulaire blanc, il est indiqué « Maximum 20 », sans indication de l’unité de mesure. Plus loin, une plaque énigmatique signale « Bouvier CR ». Au-delà, l’étendue est vide de toute construction. Les immenses domaines forestiers sont comme des maîtres absolus. De temps à autre une maison, comme sortie du néant, apparaît. Probablement un abri de chasseur au centre d’innombrables bouleaux et d’épinettes. De grands et bien beaux abris. La monotonie est rompue par de petits groupes de bisons progressant le long des larges accotements touffus de la route. À mi-parcours, un panneau indicateur informe qu’à trois kilomètres, en prenant à droite, une voie mène à un village. Les Marseillais prennent la bifurcation. Jean-Marie River est un village autochtone Déné d’une cinquantaine de maisons individuelles avec jardin, posées çà et là sur un immense terrain dans un agencement aléatoire. Il n’y a nulle trace de bitume. Un groupe d’enfants poursuivi par des chiots excités se dispute un ballon. « J’espère qu’il y a une station d’essence, cela nous évitera d’utiliser les jerrycans » dit Omar. Il s’arrête à hauteur des gamins et demande à l’un d’eux s’il y a une station d’essence. Les joues du garçon, fortement marquées par l’effort, sont rouges et sa peau est desséchée, rugueuse, effet probablement des conditions climatiques rigoureuses de l’hiver.

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