Le dernier livre de Salim BACHI Les douze contes de
minuit (Gallimard) se présente sous la forme d’un recueil de nouvelles (12
donc) de différentes longueurs allant de quatre à vingt-deux pages. Parfois une
nouvelle répond comme en écho à une autre ainsi Le bourreau de Cyrtha
répond-il à Enfers, Insectes à Le vent brûle…
On retrouve une écriture fluide, spiralée qui fait une place
non négligeable au monologue intérieur parfois démultiplié ou s’entrecroisant
comme dans Histoire d’un mort. Salim BACHI nous dit à propos de ce récit
« J’ai pensé écrire un roman sur le modèle de Tandis que j’agonise (W.
Faulkner). Au final, je me suis retrouvé avec cette nouvelle. » Une
symphonie à plusieurs voix comme dans la tragédie Compson dans « Le bruit et
la fureur » du même Faulkner. Sami BACHI amalgame avec bonheur jeux de
mots, interruptions syntaxiques, avec des phrases s’interrompant à mi-parcours,
ou autrement des phrases sans fin ou un texte de plusieurs pages délesté de
toute ponctuation comme une mer sans fin (Le naufrage). Une écriture qui
« s’attaque aux formes périmées du dialogue, aux alinéas, aux tirets… » pour
reprendre les mots de Gaëtan Brulotte.
Les nouvelles sont des récits allégoriques sur l’Algérie des
années 1990, d’ailleurs ce passé ne cesse de cogner tout au long des douze
coups ou contes. Un pays où des hommes qui luttent contre toute forme
d’oppression, qu’elle émane de l’Homme, des islamistes qui ont « perdu la
religion de (leur) mère » de Big Brother, du pouvoir militaire ou d’une
Instance-béquille ; des hommes qui ne demandent qu’à survivre (Le naufrage,
Le messager, Le cousin)
Extraits de Le naufrage :
« cette garce avec son mioche ses yeux bleus comme la mer
affreuse qui délivra ces cadavres car ce sont des pieuvres et je les hais comme
je hais ce foutu enfant de putain qui pour m’avoir tendu la main croit exercer
son pouvoir sur moi je n’ai pas à prendre ce sceau ni à écoper puisque je ne
suis pas son esclave l’esclave de personne d’ailleurs qu’il le fasse lui
l’homme civilisé avec ses boniments sa morale moi je veux qu’il crève sous mes
yeux »
de Nuée ardente :
« Quand le mal fut venu, le Colonel se trouva fort dépourvu
; il ne se sentait pas l’âme d’une fourmi, lui qui régnait sur ses sujets comme
Belzébuth sur ses mouches. C’était une lèpre qui s’attaqua d’abord à sa chair
avant de s’en prendre à son âme. A chaque once de peau qu’il perdait, il rendait
grâce pour les forfaits commis durant sa brève mais terrible existence. »
De cette nouvelle Salim BACHI dit qu’elle est « une de
mes premières nouvelles, écrite au début des années 90 sur le modèle de
l’Automne du patriarche et des Funérailles de la grande mémé, (1962) de Garcia
Marquez. » qui préfigure l’extraordinaire Cent ans de solitude.
Mais Les douze contes de minuit, où l’on retrouve des
personnages de « l’immémoriale Cyrtha », d’Ulysse, de La Kahéna, de Tuez-les
tous ; Hchicha Hamid Kaïm, la tribu des Béni Djer…, ces douze contes de minuit
ont-ils sonné pour Cyrtha comme l’indique la quatrième de couverture ? Salim
BACHI est resté silencieux sur cette question. Pour le moment.
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